ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Civile 1
31 Mars 1987
Pourvoi N° 85-14.974
M. Bourlon ... ...
contre
Mme ...
Attendu qu'Henri Bourlon ... ... et Béatrice ... se sont mariés le 8 octobre 1964 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts ; qu'ils ont divorcé le 22 janvier 1974 ; que des difficultés ayant surgi entre les anciens époux pour le partage de la communauté, l'arrêt attaqué a notamment estimé qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des emprunts que M. Bourlon ... ... prétendait avoir contractés pendant le mariage et remboursés après la dissolution de la communauté et qu'il convenait de fixer à 873 300 francs le montant de la récompense due à la communauté par le mari en raison de travaux effectués sur un immeuble lui appartenant en propre ; qu'il en a déduit, en ayant égard à d'autres éléments des comptes, que le montant de la créance de la communauté sur M. Bourlon ... ... s'élevait à 628 267 francs ; que la cour d'appel a encore décidé que les récompenses dues emporteraient intérêts de plein droit à compter de la dissolution de la communauté et a entériné le rapport des experts commis en première instance fixant le montant de l'indemnité due par le mari en raison de l'occupation par lui d'une propriété rurale dépendant de la communauté ; Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Attendu que M. Bourlon ... ... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 873 300 francs le montant de la récompense due par lui à la communauté du fait des travaux réalisés sur son immeuble propre, en se fondant sur le seul chiffre résultant de la réactualisation du coût des travaux, sans déterminer le montant de la plus-value qui en serait résultée pour les biens améliorés ; Mais attendu que la cour d'appel énonce que les travaux chiffrés à 310 346 francs par les experts ont conservé et amélioré les biens propres et leur ont apporté une plus-value ; qu'elle relève qu'eu égard à l'évolution du marché immobilier dans le quartier dont il s'agit depuis la transformation des locaux, il est certain que la valeur globale des appartements créés est supérieure à celle des lots tels qu'ils étaient antérieurement distribués ; que c'est en se fondant sur ces considérations qu'elle a estimé que le profit subsistant avait été exactement fixé à 873 300 francs par les premiers juges ; que le moyen n'est donc pas fondé ; Sur le troisième moyen Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir retenu la fixation faite par les experts de l'indemnité due à la communauté par M. Bourlon ... ... en raison de l'occupation par lui d'une propriété rurale, sans répondre à ses conclusions qui faisaient valoir qu'il avait supporté seul les frais d'entretien de la propriété et que ces frais devaient s'imputer sur l'indemnité d'occupation ; Mais attendu que la cour d'appel a entériné le rapport des experts, dont elle s'est ainsi approprié les termes, qui énonce que " les réparations ou aménagements que peut avoir faits l'occupant et qu'il invoque dans le cas présent ne sauraient entrer dans le calcul de cette indemnité d'occupation devant seulement permettre à cet occupant de prétendre à une créance dont le détail et le montant sont à justifier " et qui doivent faire l'objet d'un calcul séparé ; que, " par contre, il y a lieu de tenir compte pour la fixation de cette indemnité d'occupation des charges que l'occupant a assumées pour l'entretien du lieu occupé telles que les impôts, les assurances, les frais d'entretien " ; qu'ainsi il a été répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen est dépourvu de fondement ; Sur le quatrième moyen Attendu que M. Bourlon ... ... critique encore l'arrêt en ce qu'il a dit que les récompenses emporteront intérêt de plein droit au jour de la dissolution de la communauté alors que le montant de la condamnation prononcée contre lui inclut une indemnité d'occupation concernant une période postérieure à cette dissolution et qui ne pouvait dès lors porter intérêt tant qu'elle n'était pas encore due ;
Mais attendu que la cour d'appel s'est bornée à préciser que les récompenses emporteraient intérêts de plein droit à compter de la dissolution de la communauté ; que cette disposition de l'arrêt n'est applicable qu'aux récompenses proprement dites et non, comme feint de le croire à tort le moyen, à l'indemnité due pour l'occupation d'un bien commun, postérieurement à la dissolution de la communauté qui n'est pas une récompense ; que le moyen ne peut donc être accueilli ; Rejette la première branche du deuxième moyen, le troisième et le quatrième moyen ; Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Vu l'article 1409 du Code civil dans sa rédaction de la loi du 13 juillet 1965 applicable en la cause ; Attendu que, selon ce texte, la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté à la charge du mari ; Attendu que, pour décider qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte pour la détermination de la masse passive de la communauté et du montant des créances respectives des époux envers celle-ci des emprunts effectués par M. Henri Bourlon ... ..., pendant le mariage, auprès de divers membres de sa famille, emprunts qui auraient été remboursés par lui après la dissolution de la communauté, la cour d'appel énonce que si la preuve est faite que son frère Jacques lui a remis diverses sommes en 1970, il n'est pas établi que M. Henri Bourlon ... ... ait employé les fonds pour la communauté et non pour l'entretien, l'amélioration ou la conservation de ses biens propres ou même pour régler des dettes successorales ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et sur la seconde branche du deuxième moyen Vu l'article 1473 du Code civil dans sa rédaction de la loi du 13 juillet 1965 applicable en la cause ; Attendu que ce texte qui dispose que les récompenses dues par la communauté ou à la communauté emporteront intérêts de plein droit du jour de la dissolution, n'est pas applicable aux récompenses qui représentent le profit subsistant au jour de l'indemnisation, lesquelles ne peuvent produire intérêts qu'au jour de l'évaluation qui en est faite ; Attendu qu'en faisant courir du jour de la dissolution de la communauté les intérêts de la récompense qu'elle avait calculée conformément à l'alinéa 3 de l'article 1469 du Code civil, récompense que M. Bourlon ... ... devait à la communauté en raison des améliorations qu'il avait apportées avec des fonds communs à un immeuble qui lui était propre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a refusé de tenir compte des emprunts contractés pendant le mariage pour la détermination du montant de la créance de la communauté sur M. Bourlon ... ..., et en ce qu'il a dit que les récompenses calculées à partir du profit subsistant produiraient intérêts à compter du jour de la dissolution de la communauté, l'arrêt rendu le 26 février 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen