Jurisprudence : Cass. civ. 3, 30-11-2023, n° 22-22.738, F-D, Cassation

Cass. civ. 3, 30-11-2023, n° 22-22.738, F-D, Cassation

A504417X

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C300779

Identifiant Legifrance : JURITEXT000048550454

Référence

Cass. civ. 3, 30-11-2023, n° 22-22.738, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102178911-cass-civ-3-30112023-n-2222738-fd-cassation
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Abstract

► Le syndicat des copropriétaires, responsable de plein droit des vices de construction ou du défaut d'entretien de l'immeuble, ne saurait s'exonérer de sa responsabilité, s'agissant d'un dégât des eaux causé à un locataire trouvant son origine dans le dysfonctionnement d'une pompe de relevage installée par les bailleurs sur une canalisation collective d'évacuation des eaux pluviales, en invoquant le comportement des bailleurs qui ne l'ont pas informé et ne l'ont ainsi pas mis en situation de pouvoir assurer une obligation d'entretien, sans établir que le fait des bailleurs présentait le caractère de la force majeure.


CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023


Cassation


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 779 F-D

Pourvoi n° V 22-22.738


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023


La société Bourgeois Sylvain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° V 22-22.738 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8], représenté par son syndic le cabinet Immobilier Dreumont, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à Mme [Aa] [H], domiciliée [Adresse 3],

4°/ à M. [Ab] [H], domicilié [… …],

5°/ à Mme [Z] [D], épouse [H], domiciliée [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Ac et Rebeyrol, avocat de la société Bourgeois Sylvain, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Ad [Aa] et [Z] [H] et de M. [Ae], après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 septembre 2022), le 29 avril 2016, Ad [Aa] et [Z] [H] et M. [H] (les bailleurs) ont donné à bail commercial à la société Bourgeois Sylvain (la locataire) un local en sous-sol de l'immeuble situé dans la résidence [Adresse 8] à [Localité 7], soumise au statut de la copropriété.

2. Le 30 mai 2016, la locataire a subi un dégât des eaux trouvant son origine dans le dysfonctionnement d'une pompe de relevage.

3. Elle a assigné les bailleurs, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8] (le syndicat des copropriétaires) et la société Gan assurances, assureur de celui-ci, en indemnisation de son préjudice.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de son assureur, alors « que le fait d'un tiers ne peut exonérer le syndicat des copropriétaires de la responsabilité qu'il encourt qu'à la condition de revêtir les caractères de la force majeure ; qu'en l'espèce, la société locataire sollicitait auprès du syndicat des copropriétaires l'indemnisation du dommage qu'elle avait subi du fait d'un défaut d'entretien d'une partie commune ; que le comportement des bailleurs n'ayant pas informé le syndicat des copropriétaires et ne l'ayant ainsi pas mis en situation de pouvoir assurer une obligation d'entretien constituait le fait d'un tiers qui, pour être exonératoire, devait présenter les caractères de la force majeure ; qu'en exonérant pourtant le syndicat de toute responsabilité au prétexte qu'il n'avait pas à justifier d'une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure, la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965🏛


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Gan assurances conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que les griefs sont nouveaux et mélangés de droit et de fait, et que la locataire y a renoncé en cause d'appel.

6. Cependant, la locataire soutenant devant la cour d'appel que les conditions de la force majeure n'étaient pas réunies et que la négligence des bailleurs n'exonérait pas le syndicat des copropriétaires de sa responsabilité, les griefs ne sont pas nouveaux.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019🏛 :
8. Il résulte de ce texte que le syndicat des copropriétaires est responsable
de plein droit des vices de construction ou du défaut d'entretien de l'immeuble, et qu'il ne peut s'en exonérer qu'en rapportant la preuve d'une force majeure ou d'une faute de la victime ou d'un tiers ayant causé l'entier dommage.

9. Pour dire que le syndicat des copropriétaires doit être exonéré de toute responsabilité, l'arrêt relève qu'il n'a pas eu connaissance de la présence de la pompe de relevage sur une canalisation collective d'évacuation des eaux pluviales, installée à la seule initiative des bailleurs, dans leur partie privative, et pour les besoins de l'exploitation du local à usage commercial.

10. En statuant ainsi, sans établir que le fait des bailleurs présentait le caractère de la force majeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre des bailleurs, alors « que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que le preneur soutenait dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 1719 du code civil🏛, le ''bailleur est tenu d'assurer la jouissance paisible des locaux''et que ''cette obligation n'a pas été respectée par le bailleur, la SAS Bourgeois Sylvain n'ayant pu utiliser le local pendant une période de 123 jours'', ajoutant qu'il ''convient de rappeler que le bailleur est tenu de mettre à disposition un local commercial en bon état, avec des équipements qui fonctionnent'' et qu'à ''la date d'entrée dans les lieux, la pompe présentait un dysfonctionnement'', sollicitant ainsi la condamnation du bailleur à l'indemniser sur le fondement de l'article 1719 du code civil, texte également visé au dispositif des conclusions au soutien de la demande sollicitant la condamnation du bailleur ; qu'en jugeant pourtant, pour débouter le preneur de ses demandes à l'encontre du bailleur, qu'il ''invoque uniquement le moyen pris de la responsabilité délictuelle'' du bailleur, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

12. Pour rejeter les demandes de la locataire à l'encontre des bailleurs, l'arrêt retient qu'il résulte de la lecture des conclusions récapitulatives qu'est invoqué uniquement le moyen pris de la responsabilité délictuelle.

13. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions récapitulatives, la locataire, visant l'article 1719 du code civil, soutenait que les bailleurs avaient manqué à leur obligation d'assurer la jouissance paisible des locaux et qu'ils n'avaient pas délivré le local en bon état de fonctionnement de ces équipements, la cour d'appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé le principe susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8], la société Gan assurances et Ad [Aa] et [Z] [H] et M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8] et la société Gan assurances à payer à la société Bourgeois Sylvain la somme de 3 000 euros, condamne Ad [Aa] et [Z] [H] et M. [H] à payer à la société Bourgeois Sylvain la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.

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