Jurisprudence : TA Lille, du 30-11-2023, n° 2309743

TA Lille, du 30-11-2023, n° 2309743

A4696173

Référence

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Abstract

► N'est pas suspendue l'exécution de l'arrêté de la maire de Lille restreignant la circulation des bicyclettes, des vélos à assistance électrique, et des engins de déplacement personnel dont les trottinettes dans les zones piétonnes du centre-ville de Lille.



TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE LILLE
N° 2309743
___________
Mme Aa et autres
___________
M. Jimmy Robbe
Juge des référés
___________
Ordonnance du 30 novembre 2023
___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés

Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2023, et deux mémoires, enregistré
les 20
et 22 novembre 2023, Mme Ab Aa, M. Ac Ad, M. Ae Af, M. Ag Ah, Mme Ah Ai, Mme I.
F. et M. Aj
Ak, représentés par Me H., demandent au juge des référés :
1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice
administrative,
l'exécution de l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le maire de Lille a
interdit, sur les zones
piétonnes AP 1, AP 2, AP 4, AP 15 et AP 47, telles que définies par l'arrêté
n° 7073 du
23 septembre 2022, la circulation des cycles, des cycles à pédalage assisté,
et des engins de
déplacement personnels, tous les jours de la semaine de 11 heures à 22 heures
pour la zone
AP 1, AP 2, AP 4 et AP 15, et uniquement le samedi de 11 heures à 19 heures
pour la zone
AP 47, prévu que tout cycliste, utilisateur d'EDP ou de trottinette électrique
ou non, a
l'obligation de poser pied à terre et de conduire à la main son véhicule
lorsqu'il traverse ces
zones d'interdiction, et fixé les exception à cette interdiction ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 1 500 euros au
titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Ils soutiennent :
Sur l'urgence, que :
- l'arrêté en litige impose aux cyclistes d'emprunter des itinéraires de
contournement,
essentiellement constitués de voies carrossables étroites et déjà très
fréquentées par les
voitures, et qu'il en résultera un risque accru de conflits d'usage et
d'accidents ;
- il risque d'entraîner un effet dissuasif de l'usage du vélo, susceptible de
s'installer
durablement, en contradiction avec l'objectif de développement de la mobilité
écologique,
promue notamment par le « plan vélo et marche 2023-2027 » en cours
d'élaboration par le
gouvernement ;
- il donnera lieu à l'émission de nombreuses contraventions, dont la
contestation est
susceptible d'encombrer inutilement le tribunal judiciaire de Lille ;
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Sur le doute sérieux, que :
- le motif de cet arrêté, tiré de la nécessité de prévenir les conflits
d'usage et d'assurer
la sécurité des piétons, s'inscrit dans le même objectif que celui déjà
poursuivi par les règles
issues de l'article R. 431-9 du code de la route🏛 ;
- ce motif est inexact, et l'interdiction décidée par cet arrêté est inutile,
en l'absence de
conflits d'usages sur les zones concernées et de risques avérés pour les
piétons ;
- cette interdiction, visant plusieurs catégories d'usagers, est
disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2023, la commune de
Lille,
représenté par Me X., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2
000 euros soit
mis à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ;
- l'urgence de l'affaire n'est pas caractérisée ;
- aucun des moyens de la requête n'est propre à créer, en l'état de
l'instruction, un
doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.
Vu :
- la copie de la requête à fin d'annulation de la décision attaquée ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Robbe, vice-président, pour statuer sur
les
demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 22 novembre 2023 à 14h30,
en
présence de Potet, greffier, M. Robbe, juge des référés, a lu son rapport et
entendu :
- Me H., représentant Mme Aa et autres ;
- et Me X., représentant la commune de Lille.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Une note en délibéré présentée pour Mme Aa et autres, représentés par Me H., a
été
enregistrée le 27 novembre 2023.
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Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 9844 du 6 octobre 2023, le maire de Lille a interdit, sur
les zones
piétonnes AP 1, AP 2, AP 4, AP 15 et AP 47, telles que définies par son arrêté
n° 7073 du
23 septembre 2022, la circulation des cycles, des cycles à pédalage assisté,
et des engins de
déplacement personnels (EDP), dont les trottinettes électriques et non
électriques, prévu que
cette interdiction s'applique tous les jours de la semaine de 11 heures à 22
heures pour les
zones AP 1, AP 2, AP 4 et AP 15, et uniquement le samedi de 11 heures à 19
heures pour la
zone AP 47, fait obligation à tout cycliste, utilisateur d'EDP ou de
trottinette électrique ou
non de poser pied à terre et de conduire à la main son véhicule lorsqu'il
traverse ces zones
d'interdiction, et fixé les exceptions à cette interdiction. Mme Ab Aa, M. Ac
Ad, M. Ae Af, M. Ag
Ah, Mme Ah Ai, Mme I. F. et M. Aj Ak, demandent au juge des référés, statuant
sur le
fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, de
suspendre l'exécution de
cet arrêté.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de
justice
administrative :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : «
Quand une
décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en
annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut
ordonner la suspension
de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque
l'urgence le justifie et
qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un
doute sérieux quant
à la légalité de la décision ( ) ».
3. Il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L.
521-1 du code
de justice administrative d'une demande tendant à la suspension d'une décision
administrative, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications
fournies par le
requérant, si les effets de cette décision sont de nature à caractériser une
urgence justifiant
que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la
décision soit
suspendue. L'urgence, qui doit être appréciée objectivement et compte tenu de
l'ensemble des
circonstances de l'espèce, justifie la suspension de l'exécution d'un acte
administratif lorsque
celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un
intérêt public, à la
situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. L'office du juge
des référés, saisi
de conclusions à fin de suspension, le conduit à porter sur l'urgence une
appréciation
objective, concrète et globale, au vu de l'ensemble des intérêts en présence,
afin de déterminer
si, dans les circonstances particulières de chaque affaire, il y a lieu
d'ordonner une mesure
conservatoire à effet provisoire dans l'attente du jugement au fond de la
requête à fin
d'annulation de la décision contestée.
4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon eux, à suspendre
l'exécution de
l'arrêté en litige, les requérant soutiennent, en premier lieu, que celui-ci
impose aux cyclistes
d'emprunter des itinéraires de contournement, essentiellement constitués de
voies
carrossables étroites et déjà très fréquentées par les voitures, et qu'il en
résultera un risque
accru de conflits d'usage et d'accidents. Cependant, l'arrêté en litige, qui
oblige seulement les
utilisateurs de cycles et d'EDP de poser pied à terre et à conduire à la main
leur véhicule
lorsqu'ils traversent les zones concernées, n'a aucunement pour objet de les
contraindre à
emprunter d'autres axes de circulation. Les requérants, se prévalant, pour
certains d'entre eux,
de la nécessité d'utiliser leur cycle pour effectuer des trajets dans le cadre
de leurs activités
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professionnelles respectives, soutiennent que la pratique consistant à poser
pied à terre et à
utiliser son cycle à la main « correspond rarement aux usages », ainsi que l'a
estimé un
document établi sous la responsabilité du Centre d'études et d'expertise sur
les risques,
l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Toutefois, les
requérants ne
justifient pas de l'impossibilité, en pratique, de traverser les zones
concernées en posant pied
à terre et en tenant à la main leur cycle, y compris s'il s'agit d'un vélo
cargo. S'il est vrai que
l'arrêté en litige aura nécessairement pour effet, en obligeant les
utilisateurs de cycles et
d'EDP à ne pas en faire usage lorsqu'ils traversent les zones concernées,
d'allonger le temps
de trajet, la durée de cet allongement, même en tenant compte du périmètre
d'ensemble de ces
zones, n'apparaît pas telle que l'atteinte portée à la situation des
requérants puisse être
qualifiée de suffisamment grave au sens des principes énoncés au point 3.
5. Toujours au titre de l'urgence, les requérants soutiennent, en deuxième
lieu, que cet
arrêté risque d'entraîner un effet dissuasif de l'usage du vélo, susceptible
de s'installer
durablement, en contradiction avec l'objectif de développement de la mobilité
écologique,
promue notamment par le « plan vélo et marche 2023-2027 » en cours
d'élaboration par le
gouvernement. Cependant, eu égard à l'objet et aux effets de l'interdiction
décidée par l'arrêté
en litige, tels que rappelés au point précédent, le risque que les cyclistes
soient, à brève
échéance, détournés vers d'autres moyens de transport, notamment la voiture,
n'apparaît pas
suffisamment caractérisé, et l'intérêt public qui s'attacherait au
développement de la mobilité
écologique n'apparaît donc pas gravement et immédiatement atteint par l'arrêté
contesté.
6. En troisième lieu, les requérants soutiennent que l'arrêté en litige
donnera lieu à
l'émission de nombreuses contraventions, dont la contestation est susceptible
d'encombrer
inutilement le tribunal judiciaire de Lille. Cependant, cette circonstance,
d'ailleurs purement
éventuelle, ne peut pas être regardée comme portant, par elle-même, une
atteinte à un intérêt
public.
7. Par suite, la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article
L. 521-1 du
code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se
prononcer sur la fin
de non-recevoir soulevée par la commune de Lille ni d'examiner si la condition
tenant au
doute sérieux est remplie, qu'il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins
de suspension et
d'injonction présentées par Mme Aa et autres.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
font obstacle
à ce que soit mise à la charge de la commune de Lille, qui n'est pas partie
perdante dans la
présente instance, la somme que demandent les requérants sur leur fondement.
Il n'y a pas
lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la
commune de Lille
tendant à l'application à son profit de ces mêmes dispositions.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme Aa et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lille au titre de
l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Ab Aa, M. Ac Ad, M. Aef
L, M. Ag
Ah, Mme Ah Ai, Mme I. F., M. Aj Ak, et à la commune de Lille.
Fait à Lille, le 30 novembre 2023.
Le juge des référés,
Ae A
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à
tous
commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit
commun, contre les
parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier,

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