Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 10 Mars 1987
Rejet .
N° de pourvoi 85-13.939
Président M. Fabre
Demandeur Groupement thermique de Nemours Z Saint-Martin (GTNM)
Défendeur M. X et autres
Rapporteur M. W
Avocat général M. Dontenwille
Avocats Mme V, la SCP Peignot et Garreau, la SCP Boré et Xavier, MM S et S .
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'aux termes d'une convention de concession passée en 1965, et à laquelle était annexée un cahier des charges, la ville de Nemours a concédé à la Société d'économie mixte pour l'équipement de la Seine-et-Marne (la SEM) l'opération d'aménagement d'une zone à urbaniser en priorité ; que, pour la réalisation du chauffage collectif que devait comporter cette opération, la SEM a passé un contrat avec la société Bureau d'études pour l'urbanisme et l'équipement (BETURE) et avec la société Lefort-Francheteau, étant précisé que le BETURE a sous-traité la partie architecturale à M. X, tandis que la société Lefort-Francheteau concluait des contrats de sous-traitance avec le même M. X et avec les sociétés Boyer et Morence ;
Attendu qu'après la réception des travaux, des désordres sont apparus et que le Groupement thermique de Nemours Z Saint-Martin (GTNM) - auquel la ville de Nemours avait concédé l'exploitation des installations de chauffage en le subrogeant dans tous ses droits contre les installateurs, constructeurs et tiers - a assigné devant le tribunal de grande instance M. X, l'entreprise Boyer, l'entreprise Morence, le BETURE et la société Lefort Francheteau ; que, par l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, la cour d'appel s'est déclarée incompétente au profit des tribunaux de l'ordre administratif en ce qui concerne " l'action exercée contre des constructeurs liés par contrat au SEM " ;
Attendu que le GTNM reproche à la cour d'appel (Paris, 3 décembre 1984) de s'être ainsi déclarée incompétente au motif qu'il ressortait des clauses du contrat de concession et du cahier des charges que la SEM agissait pour le compte de l'autorité publique concédante, alors que, d'une part, la compétence pour connaître d'une action en garantie décennale contre des constructeurs doit se déterminer en considération des contrats liant la société concessionnaire aux constructeurs ; alors que, d'autre part, la juridiction du second degré aurait dû répondre aux conclusions faisant valoir que la société concessionnaire avait l'entière responsabilité matérielle, technique et financière de l'opération d'aménagement, qu'elle y procédait sous sa seule responsabilité, avec les hommes de l'art de son choix et supportait seule le déficit éventuel de l'opération ; et alors que, enfin, relève du juge judiciaire le litige qui, même s'il porte sur un travail public, tend à la mise en jeu de la garantie décennale des constructeurs liés à la société concessionnaire par des contrats régis par le droit privé ;
Mais attendu que, pour déterminer si une société d'économie mixte, chargée par une ville de l'aménagement d'une zone à urbaniser en priorité, a passé avec d'autres personnes privées des contrats, non pas pour son propre compte ou en sa qualité de concessionnaire, mais pour le compte de la personne publique concédante, les juges peuvent se référer aux stipulations de l'acte de concession et du cahier des charges ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, statuant par ses propres motifs ou par adoption de ceux des premiers juges, a notamment relevé qu'il résultait de la convention de concession et du cahier des charges y annexé, que les ouvrages réalisés devaient être remis à la ville de Nemours, que celle-ci était substituée à la SEM pour toute action en responsabilité découlant de l'application des articles 1792 et 2270 du Code civil relatifs à la responsabilité décennale et que la SEM pourrait percevoir directement les subventions afférentes aux ouvrages réalisés aux lieu et place des collectivités ou établissements publics ; que la cour d'appel a retenu qu'en passant les contrats litigieux pour la réalisation du chauffage collectif - qui constituait un travail public -, la SEM avait agi pour le compte de la collectivité publique concédante, et qu'elle en a justement déduit qu'il s'agissait de contrats administratifs, de sorte que les litiges relatifs à leur exécution étaient de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes, a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi