Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 6 Janvier 1987
Rejet .
N° de pourvoi 85-16.577
Président M. Baudoin
Demandeur Société Flakt industrie
Défendeur société anonyme Cellulose d'Aquitaine et autres
Rapporteur M. X
Avocat général M. Cochard
Avocats MM W, W et W .
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur les trois moyens réunis, pris en leurs diverses branches
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 1985), que la société Cellulose d'Aquitaine a été mise en règlement judiciaire, converti en liquidation des biens, sans avoir payé à la société Flakt industrie le matériel de séchage de pâte à papier installé par celle-ci ; que se fondant sur une clause de réserve de propriété visant les " matériels et équipements destinés à être incorporés dans une installation ou entrés dans celle-ci dans la mesure où ces éléments ne sont pas devenus immeubles et peuvent être démontés ", la société Flakt industrie a revendiqué ses fournitures dans le délai légal ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette revendication alors, selon le pourvoi, d'une part, que les dispositions de l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967 ne distinguent pas selon que les marchandises vendues sont des biens de consommation ou des biens d'équipement professionnel ; que ces derniers étant destinés à s'intégrer dans un ensemble productif, leur utilisation selon leur destination ne saurait faire échec au jeu de cette disposition légale ; qu'ainsi, en refusant d'en faire application par les motifs que l'équipement industriel litigieux ne pourrait être démonté qu'au prix d'un grand nombre d'heures de travail, que la valeur de l'ensemble intégré dans une chaîne de fabrication en serait diminuée et que son enlèvement interromprait totalement le cycle de fabrication, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 65 précité ; alors, d'autre part, que la clause de réserve de propriété régissant les parties par l'effet des conditions générales de vente de la société Flakt industrie, que la société La Cellulose d'Aquitaine avait expressément acceptées, stipulait, in fine, les mots " et peuvent être démontés ", que la cour d'appel a omis de la citation qu'elle a faite de cette clause ; que par cette stipulation finale, les parties convenaient que les équipements industriels vendus avec clause de réserve de propriété pourraient, nonobstant leur incorporation dans l'ensemble industriel de l'acheteur, être revendiqués par le vendeur, bien que devenus immeubles par destination, s'ils pouvaient être démontés ; qu'ainsi, en se déterminant sur le fondement d'une clause contractuelle amputée d'une stipulation essentielle, la cour d'appel a dénaturé par soustraction la convention régissant les parties et, en cela, violé les articles 1134 du Code civil et 65 de la loi du 13 juillet 1967 ; alors, encore, que ne peuvent devenir immeubles par destination par leur incorporation à un fonds que les meubles dont est propriétaire celui qui les incorpore à son fonds ; que l'acquéreur d'un matériel vendu avec clause de réserve de propriété n'étant pas propriétaire de ce matériel jusqu'à paiement complet du prix, ne saurait en devenir propriétaire du seul fait qu'il les aurait incorporés au fonds dont il est propriétaire ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 517 et suivants et 524 du Code civil ; et alors, enfin, que les articles 524 et 525 du Code civil instituent une présomption simple quant à la nature immobilière d'un bien mobilier par l'effet de son affectation au service et à l'exploitation d'un fonds ; qu'ainsi, en ne recherchant pas si la commune intention des parties n'avait pas été de stipuler que,
nonobstant leur incorporation, les biens vendus pourraient être revendiqués s'ils pouvaient être démontés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de ces textes ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le séchoir est rattaché à des éléments immobiliers de l'usine spécialement édifiés pour le recevoir ; qu'en l'état de ces constatations dont il résulte que les matériels ont été incorporés au fonds immobilier de sorte qu'ils n'existaient plus en nature au sens de l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967, la cour d'appel, abstraction faite de tous autres motifs surabondants et hors toute dénaturation, a décidé à bon droit que les matériels litigieux ne pouvaient être revendiqués ; que les différents moyens pris en leurs diverses branches ne peuvent donc être accueillis ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi