Jurisprudence : Cass. civ. 1, 29-11-2023, n° 22-18.630, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 29-11-2023, n° 22-18.630, FS-B, Cassation

A925414I

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C100631

Identifiant Legifrance : JURITEXT000048550306

Référence

Cass. civ. 1, 29-11-2023, n° 22-18.630, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101914208-cass-civ-1-29112023-n-2218630-fsb-cassation
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Abstract

Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation, la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455


CIV. 1

SA9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023


Cassation


Mme CHAMPALAUNE, président


Arrêt n° 631 FS-B

Pourvoi n° E 22-18.630


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 NOVEMBRE 2023


La société Médiafi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-18.630 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société de diffusion et conditionnement (Sodico), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Médiafi, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la Société de diffusion et conditionnement,
et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 6 avril 2022), par acte sous seing privé du 16 décembre 2010, la société Sodico s'est portée acquéreur des parts sociales appartenant à la société Médiafi, composant le capital social de la société JIPE Réunion. Une convention de garantie d'actif et de passif, comportant une clause compromissoire, a été consentie le même jour par la société Médiafi au profit de la société Sodico.

2. Saisi à cette fin par la société Sodico, le tribunal mixte de commerce a désigné le 3 février 2021 le [3] ([3]) en qualité d'arbitre.


Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Médiafi fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel contre le jugement du 3 février 2021, alors « qu'en application de l'article 1455 du code de procédure civile🏛, dans sa rédaction entrée en vigueur le 1er mai 2011, applicable sans distinction selon la date de conclusion de la convention d'arbitrage, la compétence du juge d'appui en cas de difficultés dans la désignation du tribunal arbitral est éteinte s'il constate que la clause compromissoire est manifestement inapplicable, de sorte qu'excède ses pouvoirs le juge qui, pour désigner un arbitre, refuse de vérifier si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable ; qu'en retenant, pour considérer que le premier juge, qui avait refusé de se prononcer sur l'applicabilité manifeste de la clause compromissoire en application de l'article 1455 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 13 janvier 2011🏛, n'avait pas commis d'excès de pouvoir, que le litige devait être tranché au regard des seules dispositions de l'article 1444 du code de procédure civile🏛 dans leur rédaction antérieure au décret du 13 janvier 2011 dans la mesure où la convention avait été conclue avant son entrée en vigueur et que ce texte ne permettait d'écarter la clause compromissoire qu'en cas de nullité manifeste, circonstance qui n'était pas ici caractérisée, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 3 du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011🏛 et 1455 du code de procédure civile et a ainsi consacré l'excès de pouvoir commis par le juge d'appui. »



Réponse de la Cour

4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 1er, du même code🏛.

5. Il résulte des articles 1455 et 1460 du code de procédure civile🏛 que le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours, sauf lorsqu'il déclare n'y avoir lieu à désignation la convention d'arbitrage étant manifestement nulle ou manifestement inapplicable et que la cour d'appel, saisie d'un appel en application de l'article 1460 du code de procédure civile, statue dans la limite des pouvoirs dont le juge d'appui est investi, sa décision n'étant susceptible de recours en cassation, sauf excès de pouvoir, que lorsqu'elle déclare n'y avoir lieu à désignation d'arbitre pour une des causes prévues à l'article 1455.

6. Le moyen de cassation qui reproche à la cour d'appel de n'avoir pas vérifié si la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable n'est pas de nature à caractériser un excès de pouvoir et n'est donc pas recevable.



Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La société Médiafi fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'excède ses pouvoirs le juge d'appui saisi d'une demande de désignation d'un arbitre qui désigne une personne morale, laquelle ne peut exercer les fonctions d'arbitre, réservées aux seules personnes physiques ; que dès lors en considérant qu'en désignant le [3] en qualité d'arbitre, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, qui n'avait pas empiété sur les pouvoirs d'une autre juridiction, n'avait pas commis d'excès de pouvoirs, la cour d'appel, qui a consacré l'excès de pouvoir résultant de la désignation d'une personne morale ne pouvant avoir la qualité d'arbitre, a violé l'article 1450 du code de procédure civile🏛, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 1450, 1452 et 1460, alinéa 3, du code de procédure civile🏛 :

8. Aux termes du premier texte, la mission d'arbitre ne peut être exercée que par une personne physique jouissant du plein exercice de ses droits. Si la convention d'arbitrage désigne une personne morale, celle-ci ne dispose que du pouvoir d'organiser l'arbitrage.

9. Le deuxième dispose :

« En l'absence d'accord des parties sur les modalités de désignation du ou des arbitres :

1° En cas d'arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne s'accordent pas sur le choix de l'arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, par le juge d'appui ;

2° En cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie en choisit un et les deux arbitres ainsi choisis désignent le troisième ; si une partie ne choisit pas d'arbitre dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande qui lui en est faite par l'autre partie ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième dans un délai d'un mois à compter de l'acceptation de leur désignation, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui procède à cette désignation. »

10. Aux termes du troisième, le juge d'appui statue par jugement non susceptible de recours. Toutefois, ce jugement peut être frappé d'appel lorsque le juge déclare n'y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l'article 1455.

11. En arbitrage interne, il résulte de ces textes qu'il appartient au juge d'appui saisi de difficultés de constitution du tribunal arbitral, de désigner une personne physique en qualité d'arbitre sans qu'il lui soit permis de déléguer ce pouvoir à une personne morale.

12. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société Médiafi contre le jugement du 3 février 2021, l'arrêt retient que le juge d'appui qui s'est borné à désigner un centre d'arbitrage sans juger le fond du litige n'a commis aucun excès de pouvoir faute d'avoir empiété sur ceux d'une autre juridiction ou d'une autre personne.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne la société Sodico aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois

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