La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que, se fondant sur les seules dispositions de circulaires et d'instructions administratives, le receveur général des finances de Paris, trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France, a fait diffuser une opposition à délivrance de passeport à l'encontre de M. X..., débiteur d'impôts directs ; que cette opposition était assortie d'une demande de retrait du passeport détenu par M. X... au cas où il serait amené à le présenter à l'occasion d'un contrôle ; que, le 16 septembre 1982, M. X..., qui rentrait en France après un séjour à l'étranger, a fait l'objet d'un retrait de son passeport par les services de police, en exécution de la demande précitée du receveur général des finances ; qu'estimant qu'un tel retrait était constitutif d'une voie de fait, M. X... a demandé à la juridiction de l'ordre judiciaire d'ordonner la restitution de son passeport ;
Attendu que le receveur général des finances de Paris fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli la demande, alors que, d'une part, il n'existe aucun droit individuel de se rendre à l'étranger, de sorte que le retrait administratif d'un passeport ne pourrait constituer une voie de fait ; alors que, d'autre part, ayant constaté que le passeport avait été retiré par le préfet de police, la Cour d'appel, en recherchant si le comptable du trésor possédait les pouvoirs suffisants pour demander à l'autorité de police de procéder à ce retrait, se serait immiscé dans les relations internes de deux administrations ; alors que, enfin, le préfet de police, autorité compétente pour délivrer un passeport, possède le pouvoir de l'enlever, de sorte que le retrait litigieux ne peut jamais constituer une voie de fait ;
Mais attendu que la liberté fondamentale d'aller et de venir n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit, expressément reconnu, tant par l'article 2, 2°, du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, que par l'article 12, 2°, du pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques, ne peut être restreint que par l'effet d'une loi répondant à la nécessité de protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la sûreté, la santé ou la morale publique, ou les droits et libertés d'autrui, ou encore de prévenir les infractions pénales ; que le retrait d'un passeport - dont la possession conditionne l'exercice effectif du droit de quitter le territoire national en ce qui concerne l'accès à certains pays - ne peut donc être ordonné qu'en vertu d'une disposition légale répondant à l'une des finalités précitées ;
D'où il suit qu'en l'absence d'une disposition de cette nature, la Cour d'appel a décidé à bon droit que le retrait du passeport de M. X... était manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'Administration, portait atteinte à une liberté fondamentale et constituait donc une voie de fait dont les conséquences dommageables relevaient de la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire, que les moyens ne peuvent donc être accueillis ;
PAR CES MOTIFFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 11 mai 1983 par la Cour d'appel de Paris.