REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRET DU 09 NOVEMBRE 2023
(n° )
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08515 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTCX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Avril 2023 -Juge de l'exécution de BOBIGNY RG n° 23/02266
APPELANTE
Madame [C] [Aa] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bintou TRAORE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0661
INTIMEES
Madame [A] [GX]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [A] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [Ab] [IT]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [G] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [E] [OB]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [B] [S]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [Z] [L] [OB]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [AE] [CM]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [T] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [D] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [UJ] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [XW] [MF]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [H] [OB]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [U] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [VH] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [D] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [PX] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [M] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
Madame [I] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des
articles 805 et 905 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 13 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte Pruvost, président
Madame Catherine Lefort, conseiller
Monsieur Raphaël Trarieux, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ordonnance de référé du 12 août 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil a, notamment, constaté l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble situé [Adresse 2]) appartenant à Mme [C] [Aa] épouse [B], a ordonné l'expulsion des occupants sans droits ni titre et de tous occupants de leur chef, à défaut de libération volontaire dans les 15 jours de la signification de la décision, et les a condamnés au paiement d'une indemnité d'occupation de 1.000 euros par mois. Cette décision a été signifiée le 22 août 2022 aux occupants.
Le 9 septembre 2022, un commandement de quitter les lieux pour le 10 novembre 2022 a été délivré à l'ensemble des occupants.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2023, Mmes [BO] [IT], [SN] [J] et [A] [GX] ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d'obtenir un délai de 36 mois pour quitter les lieux. D'autres occupants sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement du 20 avril 2023, le juge de l'exécution a notamment :
dit Ac [Ad] [W], [E] [OB], [ND] [S], [Z] [K] [OB], [AE] [CM], [T] [Y], [D] [V], [UJ] [O], [XW] [MF], [U] [R], [VH] [P], [D] [V], [PX] [Y] et [M] [F], et M. [H] [OB] recevables en leurs interventions volontaires,
rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et dit Mmes [A] [GX], [SN] [J], [E] [OB], [AE] [CM], [XW] [MF], [M] [F] et [VH] [P] recevables en leurs demandes,
accordé à Ac [Ab] [IT], [SN] [J], [A] [GX], [G] [W], [E] [OB], [ND] [S], [Z] [K] [OB], [AE] [CM], [T] [Y], [D] [V], [UJ] [O], [XW] [MF], [U] [R], [VH] [P], [D] [V], [PX] [Y] et [M] [F], et M. [H] [OB], et à tout occupant de leur chef, un délai jusqu'au 20 décembre 2023 pour se maintenir dans les lieux,
dit qu'ils devront quitter les lieux le 20 décembre 2023 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise,
déclaré [débouté] Mme [N] de sa demande d'astreinte,
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
condamné in solidum les demanderesses et intervenants volontaires aux dépens.
Le juge de l'exécution a retenu la situation de précarité des demandeurs, avec de jeunes enfants à charge, qui avaient effectué des démarches pour se reloger, tandis que la propriétaire ne justifiait pas de sa situation et du projet de vente du bien occupé.
Par déclaration du 9 mai 2023, Mme [Aa] a fait appel de ce jugement.
Par conclusions du 29 juin 2023, Mme [N] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- débouter Mmes [BO] [IT], [SN] [J], [A] [GX], [G] [W], [E] [OB], [ND] [S], [Z] [K] [OB], [AE] [CM], [T] [Y], [D] [V], [UJ] [O], [XW] [MF], [U] [R], [VH] [P], [D] [V], [PX] [Y], [M] [F], et M. [H] [OB] de leur demande de « délais de maintien » dans les lieux occupés,
- les condamner à s'acquitter d'une astreinte de 50 euros par personne et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt jusqu'à la libération totale des lieux occupés,
- en tout état de cause, les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle estime que le principe du contradictoire n'a pas été respecté devant le juge de l'exécution, ce qui explique qu'elle n'ait pas pu justifier de la vente en cours.
Sur les délais, elle fait valoir qu'aucune indemnité d'occupation n'a été réglée, que les occupants ne justifient pas des démarches de relogement qu'ils disent avoir effectuées, ni d'éventuels problèmes de santé, et que les demandes d'asile de certains ne suffisent pas à établir la bonne foi des occupants, qui sont entrés dans les lieux par effraction. Elle ajoute qu'elle est paralysée dans son projet de vente de l'immeuble qui est toujours en cours depuis la promesse de vente du 8 décembre 2021, malgré l'impatience de l'acquéreur ; qu'elle ne peut pénétrer dans l'immeuble pour procéder aux relevés et réaliser les diagnostics ; qu'elle paie les factures et taxes afférentes à cet immeuble, alors qu'elle ne perçoit qu'un salaire de 1.300 euros, de sorte qu'elle a un besoin urgent de récupérer son bien.
A l'appui de sa demande d'astreinte, elle invoque l'absence d'effet de la procédure judiciaire, l'augmentation du nombre d'occupants, l'urgence et la situation de blocage.
Les 19 intimés ont constitué avocat mais n'ont pas conclu.
En réponse à une demande d'observations sur leur irrecevabilité à conclure, l'avocat constitué a adressé des accusés de réception de demandes d'aide juridictionnelle déposées le 27 juillet 2023 concernant quatre intimés (Mme [E] [OB], Mme [A] [GX], Mme [AE] [CM] et Mme [U] [R]), invoquant l'application de l'
article 43 du décret du 28 décembre 2020🏛. Cependant, ces documents montrent que les demandes d'aide juridictionnelle ont été déposées à tort au bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny. L'avocat n'a jamais tenu la cour informée de la suite de ces demandes, n'a pas sollicité le report ni la révocation de la clôture, et ne s'est pas manifesté lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de délai
Aux termes de l'
article L.412-3 premier alinéa du code des procédures civiles d'exécution🏛, dans sa version en vigueur issue de la
loi n°2023-668 du 27 juillet 2023🏛, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Selon l'alinéa 4, ce premier alinéa ne s'applique pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
La loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite est entrée en vigueur dès le 29 juillet et s'applique, s'agissant d'une loi de procédure, aux procédures en cours.
Il résulte de l'ordonnance de référé du 12 août 2022 que les occupants sont sans droit ni titre et sont entrés dans les locaux appartenant à Mme [N] en forçant l'entrée pour s'accaparer les lieux (déclarations faites à l'huissier de justice). Le juge des référés n'a toutefois pas constaté de voie de fait (car l'huissier n'a pas constaté que la serrure avait été forcée) justifiant la suppression du délai de l'
article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 (dans son ancienne rédaction).
Toutefois, l'existence de manœuvres pour entrer dans les lieux, comme c'est le cas en l'espèce, suffit désormais pour faire obstacle à l'octroi de délais sur le fondement de l'article L.412-3.
Dès lors, compte tenu de l'évolution législative, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a accordé aux requérants un délai pour quitter les lieux jusqu'au 20 décembre 2023 et de dire n'y avoir lieu à l'octroi d'un délai.
Au surplus, il convient de préciser qu'à hauteur d'appel, Mme [N] justifie de ce que son projet de vente immobilière (selon promesse de vente du 8 décembre 2021) est toujours en cours, le notaire indiquant (en avril 2023) que « l'acte authentique pourra être régularisé dès que les biens auront été libérés des occupants sans droit ni titre en exécution de l'ordonnance de référé du tribunal de proximité de Montreuil du 12 août 2022 », de sorte que cette occupation illicite lui porte préjudice, et ce d'autant plus qu'elle justifie d'un salaire modeste, rendant nécessaire et urgente la vente de ce bien qu'elle avait reçu par donation.
Sur la demande d'astreinte
Aux termes de l'
article L.131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution🏛, le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
Le juge de l'exécution dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les circonstances font apparaître la nécessité d'assortir d'une astreinte la décision rendue par un autre juge.
En l'espèce, Mme [N] bénéficie d'une décision de justice ordonnant l'expulsion, laquelle est déjà une mesure de contrainte destinée à assurer l'exécution forcée de cette décision quant à l'obligation de quitter les lieux. Il convient de rappeler qu'en application de l'
article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution🏛, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2023, la trêve hivernale ne s'applique pas en l'espèce.
En outre, Mme [N] admet que les occupants ne règlent pas les indemnités d'occupation auxquelles ils ont été condamnés par l'ordonnance de référé, de sorte qu'une astreinte risquerait de s'avérer vaine.
Le jugement sera donc confirmé, par motifs substitués, en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte.
Sur les demandes accessoires
L'issue du litige commande de condamner les intimés aux dépens d'appel.
En revanche, il n'est pas inéquitable de laisser à l'appelante la charge de ses frais irrépétibles. Sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement rendu le 20 avril 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny, en ce qu'il a :
- accordé à Mmes [BO] [IT], [SN] [J], [A] [GX], [G] [W], [E] [OB], [ND] [S], [Z] [K] [OB], [AE] [CM], [T] [Y], [D] [V], [UJ] [O], [XW] [MF], [U] [R], [VH] [P], [D] [V], [PX] [Y] et [M] [F], et M. [H] [OB], et à tout occupant de leur chef, un délai jusqu'au 20 décembre 2023 pour se maintenir dans les lieux,
- dit qu'ils devront quitter les lieux le 20 décembre 2023 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs, et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à l'octroi de délais pour quitter les lieux,
DEBOUTE Mme [C] [Aa] épouse [B] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Ac [Ab] [IT], [SN] [J], [A] [GX], [G] [W], [E] [OB], [ND] [S], [Z] [K] [OB], [AE] [CM], [T] [Y], [D] [V], [UJ] [O], [XW] [MF], [U] [R], [VH] [P], [D] [V], [PX] [Y], [M] [F] et [I] [X] et M. [H] [OB] aux entiers dépens d'appel.
Le greffier, Le président,