La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
Statuant sur les pourvois formes par :
- X... lucien,
- Y... andre,
Contre un arret de la cour d'appel d'aix-en-provence, 5e chambre, en date du 12 juillet 1979, qui a condamne chacun d'eux a 2 000 f d'amende et a des reparations civiles, pour atteinte a l'exercice regulier des fonctions des delegues du personnel et a, en outre, condamne Y... a 500 f d'amende pour une contravention connexe au code du travail ;
Joignant les pourvois en raison de la connexite ;
Vu les memoires produits en demande et en defense ;
Sur le premier moyen de cassation propre a Y..., pris de la violation des articles l. 420-19 du code du travail, 593 du code de procedure penale, defaut et contradiction de motifs, manque de base legale, contradiction entre les motifs et le dispositif, en ce que l'arret attaque a declare Y... coupable d'avoir a nice, de debut novembre 1976 a courant 1977, entrave le fonctionnement de l'institution des delegues du personnel en refusant de leur fournir un local de reunion ;
Aux motifs qu'il n'etait pas conteste par le prevenu qu'il n'avait pas satisfait a son obligation tant qu'il n'avait pas eu la possibilite de disposer d'un local a cet effet et qu'il l'avait fourni des que l'infrastructure de l'entreprise l'avait permis ;
Mais que de simples difficultes ne constituent pas un cas de force majeure, qu'en outre le delit d'entrave ne necessite pas l'intention de faire obstacle a l'exercice des fonctions des delegues et qu'il suffit que l'employeur ait eu la conscience et la volonte d'accomplir un acte illicite et que l'infraction est donc etablie de debut novembre 1976 a debut 1977 ;
Alors d'une part qu'en condamnant l'employeur pour un pretendu refus de fournir le local tout en constatant dans ses motifs le caractere involontaire (puisque du a des difficultes exterieures dont la solution ne dependait pas de la seule volonte de l'employeur) du retard mis a l'execution de l'obligation, l'arret attaque dont le dispositif est en contradiction avec les motifs n'a pas legalement justifie la condamnation ;
Alors d'autre part que la conscience qu'avait pu avoir l'employeur que l'absence de local etait de nature a faire obstacle aux reunions des delegues ne suffit pas a caracteriser l'element intentionnel du delit d'entrave, alors qu'il n'est nulle part constate par l'arret que l'employeur aurait pu fournir un tel local, et qu'il est au contraire reconnu qu'il n'avait pas la possibilite de disposer d'un local a cet effet et qu'il l'a fourni des que l'infrastructure de l'entreprise l'a permis ;
Et alors au surplus que la loi n'exige pas, pour que soit exonere l'employeur, que l'obstacle apporte aux reunions resulte d'un cas de force majeure si, comme il etait reconnu en l'espece, les difficultes rencontrees etaient reelles et si leur solution ne dependait pas de la volonte de l'employeur dont la bonne foi n'etait pas contestee par la cour d'appel ;
Attendu que, pour declarer etablie a la charge de Y..., directeur de la societe des transports sati, la prevention d'atteinte a l'exercice regulier des fonctions des delegues du personnel, la cour d'appel, apres avoir rappele, sans la faire sienne, l'argumentation du prevenu selon laquelle il avait fourni un local de reunion aux delegues des que la structure de l'entreprise l'avait permis, releve que l'existence d'un cas de force majeure, seul susceptible de l'exonerer, n'est pas etablie en l'espece, de simples difficultes ne presentant pas un tel caractere, que les mentions faites, sur le cahier du comite des demandes reiterees d'un local, presentees par les delegues, permettent de constater que l'employeur a eu conscience de l'entrave qu'il apportait au fonctionnement de l'institution, l'element moral de l'infraction se deduisant necessairement du caractere volontaire des agissements constates ;
Attendu que, par ces motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel a donne une base legale a sa decision, sans encourir les griefs du moyen ;
Qu'en effet, les prescriptions de l'article l. 420-19 du code du travail, faisant obligation a l'employeur de fournir un local de reunions aux delegues du personnel, sont imperatives et d'ordre public et ne sauraient etre transgressees hors le cas de force majeure qui n'est ni etabli, ni meme allegue en l'espece ;
Qu'enfin, la constatation, par les juges du fond, de la conscience qu'avait l'employeur de l'entrave apportee, leur permettait d'en deduire l'existence de l'element intentionnel de l'infraction ;
D'ou il suit que le moyen ne saurait etre accueilli ;
Sur le troisieme moyen de cassation, propre a X..., pris de la violation des articles l. 420-20 et l. 420-21, l 462-1 du code du travail, 593 du code de procedure penale, defaut de motifs, manque de base legale, en ce que l'arret attaque a declare X..., president-directeur general de la sati, coupable d'avoir a nice, fin 1976 et courant 1977, entrave le fonctionnement de l'institution des delegues du personnel en n'organisant pas leur reunion collective mensuelle ;
Aux motifs que Y..., delegataire des pouvoirs normalement devolus a X..., etant dans l'incapacite physique de les exercer, le delegant en retrouvait la plenitude, sauf a les confier a un autre subordonne ;
Que faute d'une telle delegation, X... devait supporter seul la charge qui s'impose a l'employeur de prendre lui-meme l'initiative d'organiser la reception collective mensuelle ;
Alors d'une part que la maladie est toujours une force majeure et que la loi ne prevoit rien quant aux conditions de reunion des delegues en cas d'absence ou de maladie du chef d'etablissement ;
Qu'en l'occurrence, l'indisponibilite temporaire de ce dernier ne justifiait ni le retrait de sa delegation de pouvoirs ni une nouvelle delegation a un autre subordonne, alors surtout que cette indisponibilite avait ete de courte duree et que des qu'il l'avait pu, Y... avait renoue le contact avec les delegues et repondu a leurs questions ecrites ;
Que des lors le dialogue entre les delegues du personnel et le chef d'etablissement n'avait ete interrompu que pendant un tres court laps de temps ;
Alors d'autre part et en toute hypothese qu'il est constant et resulte des conclusions memes des parties civiles que les faits incrimines se situent au cours des mois de janvier, fevrier, mars 1977 et non en 1976 ;
Que des lors la condamnation infligee a X... pour une periode de fin 1976 a courant 1977 n'est pas legalement justifiee ;
Attendu que, pour retenir a la charge de X... la prevention d'atteinte a l'exercice regulier des fonctions des delegues du personnel, les juges du fond relevent que, pendant plusieurs mois, au debut de l'annee 1977, la reunion mensuelle des delegues imposee au chef d'entreprise par l'article l .420-20 du code du travail n'a pas ete tenue ;
Que l'indisponibilite de Y..., directeur de l'etablissement faisait obligation a X..., president-directeur general de la societe, d'organiser lui-meme les reunions a la place de son delegataire qui en etait empeche, ou de designer un autre representant pour le suppleer ;
Attendu que la cour d'appel a pu statuer ainsi qu'elle l'a fait, par une appreciation souveraine des elements de fait soumis a la libre discussion des parties, sans encourir les griefs du moyen, les dispositions de l'article l. 420-20 permettant au chef d'entreprise d'assumer ses obligations par lui-meme ou par ses representants ;
Qu'il n'importe que les juges qui ont caracterise, dans tous ces elements, l'infraction retenue en aient, dans le seul dispositif de leur decision, inexactement indique la date, aucune ambiguite n'existant sur ce point et l'erreur ainsi commise etant sans influence sur la realite du delit retenu ;
Qu'ainsi, le moyen doit etre ecarte ;
Mais sur le deuxieme moyen de cassation, propre a Y... et pris de la violation des articles l. 212-7, r. 212-1, r. 212-8 du code du travail, 593 du code de procedure penale, defaut de motifs, manque de base legale, en ce que l'arret attaque declare Y... coupable d'avoir, fin 1976 et courant 1977, omis de consulter les delegues du personnel pour autoriser un depassement de la duree maximale hebdomadaire du travail ;
Aux motifs que s'il est retorque qu'un tel depassement ne peut etre constate que lors du retour des chauffeurs de cars, ce qui rend sans objet une consultation prealable, cette circonstance justifie au contraire la necessite d'une derogation de depassement afin d'en assurer la limitation a la duree hebdomadaire du travail, apres examen du caractere effectivement exceptionnel des circonstances invoquees et des justifications qui motivent un tel caractere, ainsi que la duree pour laquelle la derogation est sollicitee ;
Alors que les depassements retenus a la charge de l'employeur ne constituent pas, au sens des articles l. 212-7 et r. 212-8 du code du travail des circonstances exceptionnelles entrainant temporairement un surcroit de travail ;
Qu'il s'agit plus precisement de depassements occasionnels dus aux aleas inherents a la profession de transporteur routier, qui ne dependent ni de la volonte des chauffeurs ni de celle de l'employeur et qui echappent a toute reglementation et qui par suite ne rentrent pas dans le champ d'application des textes a tort vises par l'arret ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article l. 212-7 alineas 4 et 5 du code du travail, en cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent etre autorisees a depasser, pendant une periode limitee, le plafond legal de la duree du travail hebdomadaire, le comite d'entreprise ou, a defaut, les delegues du personnel devant etre prealablement consultes et leur avis transmis a l'inspecteur du travail ;
Qu'il resulte des termes de l'article r. 212-8 du meme code que les derogations prevues ne peuvent etre accordees qu'en cas de circonstances exceptionnelles entrainant temporairement un surcroit extraordinaire de travail ;
Attendu que, pour declarer le prevenu coupable d'avoir omis de consulter les delegues du personnel en vue d'obtenir l'autorisation de depasser la duree maximale du travail hebdomadaire des chauffeurs de l'entreprise, la cour d'appel, sans faire reference a aucun fait de cette nature, releve que, bien que les depassements d'horaires ne puissent etre constates qu'au retour des chauffeurs a l'entreprise, l'employeur n'en avait pas moins l'obligation d'obtenir une derogation prealable " afin d'en assurer la limitation a la duree maximale hebdomadaire du travail " ;
Que, tout en admettant que ni l'eventualite, ni la duree de depassement d'horaires ne peuvent etre, en l'espece, prealablement determinees, elle enonce que la necessite d'une derogation " doit, dans son principe, etre affirmee, apres examen du caractere effectivement exceptionnel des circonstances invoquees et des justifications qui motivent un tel caractere, ainsi que la duree pour laquelle la derogation est sollicitee " ;
Attendu cependant que ne saurait etre consideree comme une circonstance exceptionnelle, telle qu'elle est definie par les articles precites, la simple eventualite, susceptible de se realiser a l'occasion de chaque transport, d'un depassement des horaires de travail resultant d'un retard imputable a des causes que ni le chef d'entreprise ni les chauffeurs ne peuvent prevoir et dont nul ne peut, a l'avance, evaluer la duree ;
D'ou il suit que les textes ci-dessus vises etant inapplicables en l'espece, la cour d'appel, qui a statue au surplus par des motifs non exempts de contradiction, n'a pas donne de base legale a sa decision et que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
1° rejette le pouvoir de X..., condamne le demandeur par corps a l'amende et aux depens, fixe au minimum edicte par la loi la duree de la contrainte par corps ;
2° casse et annule par voie de retranchement l'arret de la cour d'appel d'aix-en-provence, en date du 12 juillet 1979, dans ses seules dispositions retenant a la charge de Y... la prevention d'infraction aux articles l. 212-7 et r. 212-8 du code du travail, toutes autres dispositions etant expressement maintenues ;
Dit n'y avoir lieu a renvoi.