La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
La cour, vu les memoires produits en demande et en defense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles l. 412-1, l. 412-2, l. 412-7, l. 461-2 et l. 461-3 du code du travail, des articles 485, 567, 591 et 593 du code de procedure penale, defaut et contradiction de motifs, manque de base legale,
" en ce que l'arret attaque declare l'employeur non coupable du delit d'entrave a l'exercice du droit syndical et ecarte la constitution de partie civile du salarie ;
" aux motifs que, statuant sur renvoi apres cassation d'un premier jugement du tribunal d'instance de courbevoie, le tribunal d'instance de colombes a annule la designation du salarie en qualite de delegue syndical ;
Que par l'effet retroactif de cette annulation, le salarie doit etre repute n'avoir jamais ete investi des fonctions de delegue syndical et n'a pu, en consequence, beneficier de la protection legale qui y etait attachee ;
Qu'il en resulte que l'employeur n'a pu se rendre coupable d'entrave aux fonctions de delegue syndical ;
Qu'en admettant que le salarie ait agi en qualite de simple militant syndical, l'examen du dossier ne permet de relever aucun fait constitutif du detournement de son but du pouvoir disciplinaire de l'employeur ;
Qu'en effet, les deux mises a pied infligees au salarie n'etaient pas injustifiees ;
" alors, d'autre part, que l'annulation de la designation du salarie en qualite de delegue syndical n'a pas eu pour effet de conferer une impunite a l'employeur qui, anterieurement a cette annulation, a, en connaissance de cause, multiplie les entraves a l'exercice du droit syndical ;
Que l'employeur n'avait pas a se faire juge de la regularite de cette designation qui s'imposait a lui jusqu'a la decision judiciaire d'annulation ;
Que, des lors, en prononcant la relaxe de l'employeur au motif errone que celui-ci n'aurait pu porter atteinte a des fonctions syndicales reputees n'avoir jamais existe en raison de la " retroactivite " de l'annulation de la designation, la cour d'appel n'a pas legalement justifie sa decision ;
" alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, le salarie avait fait valoir qu'il avait recu de multiples avertissements constituant autant d'entraves a l'exercice des fonctions de delegue syndical ;
Qu'en se bornant, des lors, a examiner la legitimite des mises a pied infligees a tort au salarie, sans examiner celle des avertissements et sans rechercher si ces sanctions n'avaient pas eu pour but d'entraver l'exercice du droit syndical par le delegue, regulierement investi de son mandat jusqu'a la decision judiciaire d'annulation, la cour d'appel a entache son arret d'un defaut de base legale " ;
Attendu qu'il appert de l'arret attaque et du jugement qu'il confirme que X..., salarie au service de la societe a responsabilite buhler-miag, a recu le 3 novembre 1976 une lettre de la direction de cette societe qui, envisageant son licenciement pour fautes professionnelles, le convoquait le 5 novembre suivant a l'entretien prealable prevu par l'article l. 122-14 du code du travail ;
Que par lettre du 4 novembre recue le lendemain, une union de syndicats a notifie a l'employeur la designation en qualite de delegue syndical dudit x... ;
Que, conformement aux prescriptions de l'article l. 412-13 du code du travail, la societe buhler-miag a alors saisi le tribunal d'instance d'une contestation de la validite de la designation de X... comme delegue syndical et sollicite en meme temps de l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier qui ne lui fut pas accordee ;
Que cependant un jugement du 4 janvier 1978, rendu sur renvoi apres cassation, a declare la nullite de la designation litigieuse au motif que celle-ci n'avait ete qu'une manoeuvre ayant pour seul objet de proteger l'interesse contre le licenciement et qu'elle tendait a detourner l'institution de sa finalite ;
Que X... a ete finalement licencie le 25 janvier 1978 ;
Que pendant la periode au cours de laquelle il a ete maintenu en fonctions dans l'attente de la decision judiciaire a intervenir, X... s'est vu infliger de multiples sanctions disciplinaires en raison de son comportement au sein de l'entreprise ;
Qu'il a fait citer directement le 25 mai 1977 devant la juridiction correctionnelle Y..., gerant de la societe, des chefs d'entrave a l'exercice du droit syndical et d'atteinte a la liberte syndicale en lui imputant d'avoir prononce abusivement deux mises a pied a son encontre ;
Attendu que pour debouter la partie civile de l'action exercee par elle en reparation des infractions ainsi poursuivies, la cour d'appel releve que par l'effet declaratif de l'annulation judiciaire, x...devait etre repute n'avoir jamais ete investi de la fonction de delegue syndical, qu'il n'avait pu, en consequence, beneficier de la protection qui y etait attachee et qu'il ne saurait des lors reprocher a Y... d'avoir porte atteinte a l'exercice de ladite fonction ;
Que la cour d'appel ajoute qu'a admettre meme que x...ait agi non pas en qualite de delegue syndical mais de simple militant, les mises a pied litigieuses se trouvaient justifiees par les motifs exposes par les premiers juges et qu'elle declare adopter, a savoir que l'interesse avait, d'une part, en meconnaissance des dispositions de l'article l. 412-7 du code du travail, systematiquement refuse de transmettre a l'employeur un exemplaire des communications syndicales qu'il affichait et distribue des tracts dans les locaux de l'entreprise pendant les heures de travail et qu'il avait, d'autre part, sans y etre autorise, pris la parole devant l'ensemble du personnel rassemble a l'occasion d'une fete ;
Attendu qu'en l'etat de ces motifs dont il resulte, d'une part, que la designation comme delegue syndical de X..., etant entachee de nullite pour fraude a la loi, n'avait pu etre creatrice a son profit de prerogatives penalement protegees et que, d'autre part, il n'a pas ete prouve que les mesures disciplinaires prises contre l'interesse aient constitue des entraves a l'exercice licite du droit syndical, la cour d'appel etait fondee a ecarter de ce chef la culpabilite du prevenu ;
Et attendu qu'il est vainement reproche a l'arret de n'avoir pas statue sur certains faits formules dans les conclusions d'appel de la partie civile et qui imputaient a X... des faits non compris dans la prevention, la cour n'ayant a bon droit pris en consideration que les faits punissables denonces par la citation introductive d'instance ;
D'ou il suit que le moyen ne saurait etre accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 472 et 514 du code de procedure penale, 1382 du code civil, des articles 7 de la loi du 20 avril 1810, 485, 567, 591 et 593 du code de procedure penale, defaut et contradiction de motifs, manque de base legale,
" en ce que l'arret attaque condamne le plaignant a des dommages-interets pour abus de constitution de partie civile ;
" aux motifs qu'il a lui-meme mis en mouvement l'action publique ;
" alors que l'exercice d'une action en justice est un droit qui ne degenere en abus qu'en cas d'intention de nuire ou d'erreur grossiere equipollente au dol, d'ou il suit qu'en condamnant la partie civile au paiement de dommages-interets, sans avoir caracterise une faute commise dans l'exercice du droit d'ester en justice, la cour d'appel n'a pas legalement justifie sa decision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si, aux termes de l'article 472 du code de procedure penale, la partie civile qui a elle-meme mis en mouvement l'action publique peut etre condamnee envers le prevenu relaxe a des dommages-interets pour abus de constitution de partie civile, il ne peut en etre ainsi qu'autant qu'il est constate par les juges que ladite partie civile a agi de mauvaise foi ou temerairement ;
Qu'une telle faute ne saurait se deduire du seul exercice par celle-ci du droit de citation directe qui lui est ouvert par les articles 2, 3, 388 et 392 du meme code ;
Attendu que pour accorder des dommages-interets au prevenu relaxe, le jugement confrime se borne a enoncer qu'il convenait d'accueillir la demande reconventionnelle formee contre x..." qui a lui-meme mis en mouvement l'action publique " ;
Attendu qu'en l'etat de ce seul motif qui ne releve pas a la charge de la partie civile des faits de nature a constituer une faute distincte du simple exercice par elle de son droit d'agir en justice selon les procedures legales, la cour d'appel a fait une fausse application de l'article 472 precite du code de procedure penale ;
D'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Casse et annule l'arret susvise de la cour d'appel de versailles, en date du 5 juillet 1978, mais seulement dans ses dispositions ayant statue sur la demande de dommages-interets formee reconventionnellement par Y... contre X..., toutes autres dispositions dudit arret etant expressement maintenues ;
Et, pour qu'il soit a nouveau statue conformement a la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcee :
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel d'orleans.