Jurisprudence : Cass. soc., 08-11-2023, n° 22-19.049, F-D

Cass. soc., 08-11-2023, n° 22-19.049, F-D

A85901YS

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:SO02014

Identifiant Legifrance : JURITEXT000048389720

Référence

Cass. soc., 08-11-2023, n° 22-19.049, F-D. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101361044-cass-soc-08112023-n-2219049-fd
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SOC.

CH9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 novembre 2023


Cassation partielle sans renvoi


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 2014 F-D

Pourvoi n° K 22-19.049


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023


La société Sapian, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée ISS hygiène & prévention, a formé le pourvoi n° K 22-19.049 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [F] [B], domicilié [… …], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sapian, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2022), M. [B] a été engagé, en qualité de délégué commercial, le 1er octobre 1997, par la société Europe service aux droits de laquelle est venue la société Iss hygiène et prévention, désormais dénommée la société Sapian. Il exerçait en dernier lieu la fonction de directeur des ventes grands comptes.

2. Licencié pour faute grave, le 16 mars 2017, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.


Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui, pris en sa première branche, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et qui, pris en sa seconde branche, est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Sapian fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que commet une faute grave privative des indemnités de rupture le salarié qui, dans l'exercice de ses fonctions, tient des propos racistes et sexistes au sujet d'un ou plusieurs de ses subordonnés, en présence d'autres salariés, a fortiori lorsqu'il occupe un poste à responsabilité ; que la cour d'appel a constaté que le grief relatif aux propos racistes et sexistes reprochés au salarié était établi, la lettre de licenciement lui reprochant d'avoir déclaré à l'une de ses subordonnées qu'elle ‘'était aussi grosse après son accouchement'‘, ajoutant ‘'êtes-vous sûre d'avoir accouché ?'‘, de lui avoir reproché sa lenteur imputée à ses origines antillaises, et de lui avoir dit ‘'vous êtes déjà payée et sachez qu'en Inde ils sont moins bien payés'‘, d'avoir traité un salarié de ‘'macaque se conduisant comme le Président d'Afrique'‘, demandé à une autre salariée si elle s'était bien lavée, ces différents propos ayant été tenus devant d'autre salariés, qui en avaient attesté, étant précisé que, lors de l'enquête menée suite à la plainte d'une salariée, l'ensemble des salariés entendus avaient fait état de la fréquence des ‘'blagues'‘ racistes et sexistes du salarié ; que la cour d'appel a constaté qu'outre le caractère établi de ce grief, le salarié visait particulièrement ‘'les salariés qu'il sentait les plus vulnérables'‘ et que l'une de ses subordonnées avait été retrouvée en pleurs dans les toilettes le jour où il avait fait des remarques sur son poids ; enfin, la cour d'appel a souligné que les fonctions d'encadrement du salarié exigeaient de sa part un comportement exemplaire, qu'il s'était engagé à suivre conformément à la charte de conduite applicable dans l'entreprise ; qu'en écartant néanmoins la faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail🏛🏛, ce dernier article dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail🏛, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord qu'il résulte des pièces produites que le salarié, alors que ces fonctions d'encadrement exigeaient un comportement exemplaire en conformité avec le code de conduite de l'entreprise, a utilisé des propos blessants à connotation raciste et sexiste vis à vis des salariés qu'il sentait les plus vulnérables ou en tout cas ne lui ayant pas posé de limites et sans percevoir les retentissements de ces propos sur eux.

7. Il relève ensuite que les reproches formulés par l'employeur sont établis en ce qui concerne les propos à connotation sexiste et raciste et la passation des commandes non validées par les clients et justifiaient le licenciement sans toutefois rendre immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles.

8. En statuant ainsi, alors que les propos blessants à connotation raciste et sexiste, tenus par le salarié vis à vis de ses subordonnés les plus vulnérables de nature à les impressionner et nuire à leur santé, constituaient une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

11. La faute grave autorisant la mise à pied et étant privative des indemnités de préavis et de rupture, les demandes du salarié présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

12. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sapian à verser à M. [Aa] les sommes de 2 817,66 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 4 au 15 mars 2017 outre celle de 281,76 euros pour les congés payés afférents, 25 109,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2 510,98 euros au titre des congés payés afférents et 53 358,30 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 25 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de M. [B] tendant à obtenir la condamnation de la société Sapian à lui payer des sommes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.

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