Jurisprudence : Cass. crim., 16-12-1975, n° 75-91.045, Irrecevabilité REJET

Cass. crim., 16-12-1975, n° 75-91.045, Irrecevabilité REJET

A3153AUC

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Cass. crim., 16-12-1975, n° 75-91.045, Irrecevabilité REJET. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1013045-cass-crim-16121975-n-7591045-irrecevabilite-rejet
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Irrecevabilite et rejet des pourvois formes par : 1° x... (jean) contre un arret de la cour d'appel de nimes, chambre des appels correctionnels, du 14 mars 1975, qui, pour infraction a l'article 175 du code penal (delit d'ingerence), l'a condamne a deux mois d'emprisonnement avec sursis et 1000 francs d'amende ;

2° y... (ellen) contre le meme arret qui, pour abus de biens sociaux, abus de confiance, delits d'ingerence et infraction a la legislation sur les societes anonymes, l'a condamne a trois ans d'emprisonnement dont trente mois avec sursis, a 25000 francs d'amende, l'a declare a jamais incapable d'exercer aucune fonction publique, a prononce l'interdiction des droits civiques prevus par l'article 42 du code penal pendant une duree de cinq ans et, enfin, a declare recevable contre lui l'action civile de la commune de bollene. La cour, vu la connexite, joint les pourvois ;

I sur le pourvoi de x... : attendu que X... n'a forme son pourvoi contre l'arrete rendu contradictoirement contre lui en sa presence le 14 mars 1975 que le 21 mars 1975, soit apres l'expiration du delai fixe par l'article 568, alinea 1er du code de procedure penale ;

Que, des lors, son pourvoi est irrecevable ;

Ii sur le pourvoi de y... : vu les memoires produits en demande et en defense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 13 de la loi des 16 et 24 aout 1790, et du decret du 16 fructidor an iii, des articles 2, 384, 386 et 593 du code de procedure penale et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs, et manque de base legale, " en ce que l'arret confirmatif attaque a declare recevable l'action civile exercee par le maire de bollene ;

Aux motifs que le demandeur a introduit une instance devant le tribunal administratif en vue d'obtenir l'annulation des deliberations prises par le conseil municipal de bollene sous la presidence de son nouveau maire pour autoriser la commune a ester en justice, mais que l'irrecevabilite de l'action civile, a la supposer fondee, est sans influence sur la poursuite du ministere public, que s'il est de principe que la competence du juge penal cede provisoirement le pas a la regle fondamentale de la separation des pouvoirs, encore faut-il que la pretention alleguee sous le couvert de l'exception prejudicielle ait un caractere serieux, que la preuve n'est pas rapportee que l'instance introduite aupres du tribunal administratif ait progresse depuis le jugement et que le recours n'a aucun caractere suspensif ;

Alors que le juge penal ne peut, sans violer la regle de la separation des pouvoirs et les textes susvises, apprecier la legalite d'un acte administratif individuel qui n'est pas penalement sanctionne et qui fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, qu'en l'espece la recevabilite de la constitution de partie civile du maire ne pouvait donc etre appreciee qu'apres que la juridiction administrative se soit prononcee sur le recours en annulation forme par le prevenu contre les deliberations du conseil municipal autorisant le maire a ester en justice " ;

Attendu qu'il resulte des pieces de la procedure que Y... a presente devant la cour d'appel des conclusions "posant la question prejudicielle d'irrecevabilite de la plainte avec constitution de partie civile de la mairie de bollene representee par le maire M Z..." ;

Attendu qu'en depit des termes de cet intitule, le prevenu ne soulevait, dans ces conclusions, aucune question ou exception prejudicielle a l'exercice de l'action publique ou au jugement sur cette action puisqu'il y etait specifie "qu'il est neanmoins admis par le concluant qu'il doit repondre des chefs d'accusation sur l'action publique exercee par le ministere public" ;

Qu'en realite ces conclusions tendaient uniquement a ce que l'action civile de la commune de bollene dirigee contre Y... soit declaree irrecevable pour defaut de qualite de son representant, Z... maire de cette ville, au motif que les deliberations du conseil municipal autorisant celui-ci a agir en justice dans la presente instance faisaient l'objet d'un recours en annulation devant le tribunal administratif de marseille ;

Attendu que l'arret attaque, qui a rejete ces conclusions, constate, comme l'avaient deja fait les premiers juges, d'une part, que l'action publique n'a pas ete mise en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile du maire et que, d'autre part, les deliberations du conseil municipal de bollene qui, d'apres les conclusions ont ete attaquees devant la juridiction administrative, sont celles qui ont ete prises les 24 juin et 22 novembre 1971, le 10 mai 1972 et le 30 mars 1973 ;

Qu'en revanche, une nouvelle deliberation en date du 26 novembre 1973 qui, anterieurement a la comparution des parties devant le tribunal correctionnel, a autorise le maire Z... a se constituer partie civile devant la juridiction de jugement n'a fait l'objet d'aucun recours en annulation ;

Attendu qu'en l'etat de ces constatations et, abstraction faite de tout autre motif surabondant, c'est a bon droit et sans aucunement meconnaitre les textes vises au moyen et sans porter atteinte au principe de la separation des autorites administratives et judiciaires, que la cour d'appel a declare recevable l'action civile exercee par la commune de bollene en la personne de son maire habilite a agir par une deliberation qui n'a fait l'objet d'aucune contestation ;

D'ou il suit que le moyen ne saurait etre accueilli ;

Sur le deuxieme moyen de cassation pris de la violation des articles 437 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du code de procedure penale et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs, defaut de reponse a conclusions et manque de base legale, " en ce que l'arret confirmatif attaque a declare le prevenu coupable du delit d'abus de biens sociaux ;

Aux motifs que le demandeur qui etait president de la societe d'economie mixte de la commune dont il etait le maire a verse, a une societe dans laquelle il avait des interets, la somme de 215000 francs a titre d'acompte pour l'achat de terrains au prix de 10 francs le metre carre, alors qu'en vertu d'une clause de retrocession la societe d'economie mixte aurait pu acquerir des parcelles de ce meme terrain au prix de 0,20 franc le metre carre, que si le prevenu fait valoir pour sa defense qu'il a fait acheter des parcelles d'une superficie superieure non comprises dans l'acte de retrocession au prix tres avantageux de 0,20 franc le metre carre, la compensation est une exception de nature civile qui ne peut reagir sur le delit d'abus de biens sociaux ;

Alors que le delit d'abus de biens sociaux suppose, pour etre constitue, que son auteur ait eu conscience de nuire aux interets de la societe, qu'en l'espece, le moyen de defense du prevenu excluait toute mauvaise foi de sa part puisqu'il consistait a faire valoir que la societe dont il avait la direction n'avait, en definitive, subi aucun prejudice puisqu'elle avait pu acheter des parcelles d'une superficie et d'une valeur superieure a celles des parcelles visees dans l'acte de retrocession et pour le prix tres bas prevu par cet acte ;

Que, des lors, les juges du fond ne pouvaient se borner a faire etat du caractere civil de l'exception de compensation ou bien de rechercher si la societe avait subi un prejudice reel a la suite de la substitution des parcelles " ;

Attendu qu'il resulte des enonciations de l'arret attaque que Y..., alors maire de la commune de bollene et, a ce titre, president du conseil d'administration de la societe d'economie mixte immobiliere de bollene (semib), societe constituee sous la forme anonyme pour la realisation d'acquisitions immobilieres interessant cette ville, a fait acheter, en 1970, par cette societe a la societe anonyme de constructions des alpes et de provence (socap) divers terrains situes sur le territoire de la commune, pour le prix de 10 francs le metre carre ;

Que plusieurs des parcelles ainsi acquises faisaient partie des terrains qu'en 1964, la socap, se substituant a la semib, avait elle-meme achetes a la compagnie nationale du rhone, en s'engageant a les retroceder a la semib ou a la ville de bollene, au prix de 0,20 franc le metre carre ;

Que, des le 24 novembre 1970, alors que la deliberation du conseil d'administration de la semib autorisant cette acquisition ne datait que du 18 novembre et que l'estimation de la valeur des terrains, requise par le commissaire du gouvernement siegeant audit conseil d'administration, n'avait pu etre encore donnee par l'administration des domaines, Y... a fait immediatement payer a la socap plusieurs acomptes pour un montant total de 215000 francs ;

Attendu que les juges precisent ensuite que Y... detenait dans la socap des interets considerables que, principal actionnaire de cette societe sous le couvert de divers prete-noms et, notamment, de son beau-frere A..., il en etait, avec le titre de conseiller technique, le dirigeant de fait ;

Qu'il y percevait, sous des formes occultes, des remunerations importantes egales a celles du president-directeur general et y beneficiait de nombreux avantages indus de toutes natures dans des conditions qui lui ont d'ailleurs valu d'etre egalement poursuivi et condamne pour abus des biens et du credit de la socap, dispositions de l'arret contre lesquelles le present pourvoi n'a formule aucune critique ;

Attendu que de ces constatations les juges deduisent qu'en faisant acquerir par la semib, au prix de 10 francs le metre carre, des terrains que la socap s'etait engagee a lui ceder au prix de 0,20 franc, Y... a, de mauvaise foi, conclu une operation dont il savait qu'elle etait contraire aux interets de la semib pour favoriser la socap dans laquelle il etait directement interesse ;

Attendu, enfin, que repondant aux conclusions qui sont reprises au moyen la cour d'appel enonce que Y... ne saurait se prevaloir de ce que en compensation des acquisitions defavorables pour la semib, il lui en aurait fait faire, en revanche, d'autres qui etaient avantageuses pour cette societe, cette pretendue compensation ne pouvant retirer aux operations retenues par la prevention leur caractere delictueux des lors qu'il est etabli que ces operations ont ete, en elles-memes prejudiciables a la semib, favorables a la socap et que Y... les a faites en connaissance de cause ;

Attendu que par l'ensemble de ces constatations et enonciations qui relevent la reunion de tous les elements tant materiels qu'intentionnels du delit d'abus des biens sociaux dont le prevenu a ete declare coupable au prejudice de la semib, les juges du fond ont donne une base legale a leur decision ;

Qu'en effet, le delit d'abus des biens sociaux est caracterise des lors que l'administrateur de deux societes qui n'ont pas, comme en l'espece, des interets complementaires, utilise indifferemment, selon les opportunites du moment, les biens de l'une au profit de l'autre, exposant ainsi par sa volonte frauduleuse, l'actif de chaque societe a des risques de pertes auxquels cet actif ne devrait pas etre expose ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut etre admis ;

Sur le troisieme moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 du code penal, 593 du code de procedure penale et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale, " en ce que l'arret confirmatif attaque a declare le prevenu coupable d'abus de confiance commis au prejudice des associations municipales ;

Au motif que la notion de mandat se retrouve dans toutes les formes de groupements sociaux qui n'ont pas la nature juridique de la societe telles les associations dans lesquelles les societaires expressement nommes ou non gerent les interets collectifs, qu'il s'ensuit que le prevenu, dirigeant de droit des associations municipales, avait l'obligation, qu'il n'a pas respectee, d'affecter leurs ressources conformement a leur destination et que le prevenu ne peut s'abriter derriere le quitus des assemblees generales en raison de la composition de ces organismes ;

Alors que le delit d'abus de confiance suppose, pour etre constitue, que le mandataire ait fait de la chose un usage different de celui pour lequel elle lui a ete confiee ;

Qu'en l'espece, aucun detournement ne pouvait etre reproche au prevenu des lors que l'assemblee generale des associes avait approuve l'affectation des fonds des associations a des fins etrangeres au principe de leur attribution " ;

Attendu qu'il resulte des constatations des juges du fond que Y..., president de cinq associations municipales poursuivant, d'apres leurs statuts, des objectifs sociaux ou culturels, a detourne une partie importante des fonds de ces associations en les utilisant a payer la plupart du temps, avec des cheques au porteur afin de dissimuler l'emploi qui etait fait de ces fonds, des depenses etrangeres a leur affectation telles que des remunerations indues, des cadeaux, des avances, des primes d'assurance, des subventions a des clubs sportifs ou a leurs dirigeants, toutes liberalites que Y... allouait a des personnes faisant partie de ses relations ou de sa "clientele" ;

Que les fonds de chacune de ces associations etaient egalement utilises a payer indifferemment les depenses des autres ;

Attendu que les juges, repondant aux conclusions du prevenu qui sont reprises au moyen, enoncent que Y..., qui reconnait ces faits, ne peut valablement se prevaloir pour s'exonerer de sa responsabilite penale du quitus qui lui a ete donne par les assemblees generales des associes ;

Attendu qu'en l'etat de ces constatations et enonciations, c'est a bon droit que la cour d'appel a declare le prevenu coupable, en sa qualite de mandataire des associations, des delits d'abus de confiance ;

Qu'en effet, notamment, il est de principe que l'assentiment des associes ne saurait faire disparaitre le caractere delictueux des detournements qui ont ete commis ;

Que, des lors, le moyen doit etre rejete ;

Sur le quatrieme moyen de cassation pris de la violation des articles 175-1° du code penal, 593 du code de procedure penale et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale, " en ce que l'arret confirmatif attaque a declare le demandeur coupable d'ingerence ;

Aux motifs que le prevenu, qui avait interet a favoriser une societe a laquelle il appartenait, a fait approuver par le conseil municipal une vente desavantageuse pour la ville en lui faisant acquerir des terrains au prix de 10 francs le metre carre, alors que certaines parcelles etaient visees dans la clause de retrocession et pouvaient etre acquises au prix de 0,20 franc le metre carre ;

Que, de plus, apres avoir fait approuver par le conseil municipal un devis de reconstruction d'un immeuble detruit pour permettre l'elargissement d'une route, le prevenu a fait rediger un second devis beaucoup plus eleve qui, si les travaux avaient ete executes, aurait permis la reconstruction d'un immeuble d'une valeur tres superieure de celle de l'immeuble qui avait ete detruit, que, selon le prevenu, le second devis n'etait qu'un brouillon pour obtenir un pret plus important et qu'il aurait decide d'arreter les travaux a cause d'un risque de depassement, mais qu'on voit mal pour quels motifs le demandeur aurait fait etablir ce second devis s'il n'avait pas eu l'idee de s'en servir opportunement pour justifier le depassement de credit ;

Qu'en toute hypothese, il lui appartenait d'obtenir une nouvelle deliberation du conseil municipal et de la soumettre pour approbation au prefet, ce qu'il n'a pas fait ;

Alors, d'une part, que le prevenu avait fait valoir dans ses conclusions laissees sans reponse que certaines des parcelles achetees par la ville au prix de 0,10 franc le metre carre etaient visees dans la clause de retrocession, la ville n'avait cependant subi aucun prejudice puisque anterieurement des terrains non vises dans la clause de retrocession et d'une valeur superieure avaient ete vendus au prix de 0,20 franc le metre carre ;

Alors que, d'autre part, faute d'avoir constate que les travaux prevus dans le second devis avaient ete executes, la cour ne pouvait se fonder sur la seule intention du prevenu, d'ailleurs hypothetique, pour le declarer coupable d'ingerence " ;

Attendu que pour declarer Y... coupable d'ingerence dans des affaires incompatibles avec sa qualite de maire de bollene, les juges du fond constatent : 1° que le 7 janvier 1971, ce prevenu a fait prendre au conseil municipal une deliberation par laquelle la commune donnait son accord pour l'achat a la socap, au prix de 10 francs le metre carre, de terrains d'une superficie de plus de 41 hectares, soit pour une somme totale de 4194690 francs ;

Que sans meme soumettre cette deliberation a l'approbation de l'autorite prefectorale, Y..., a, des le 9 fevrier 1971, donne son accord a la promesse de vente etablie par la socap ;

2° que le 3 novembre 1969, Y... a fait approuver par le conseil municipal un devis afferent a la reconstruction au profit de la socap d'un nouvel immeuble, reconstruction que la commune de bollene devait prendre a sa charge en suite de la demolition de l'ancien immeuble de la socap rendue necessaire pour l'execution d'un plan d'alignement concernant la voie communale sur laquelle se trouvait cet immeuble ;

Attendu que les juges, qui ont precise dans leur decision, a l'occasion de l'examen des faits d'abus de biens sociaux commis par Y..., tant au prejudice de la semib qu'a celui de la socap, la situation considerable qu'il possedait dans cette derniere societe comme actionnaire et dirigeant de fait par personnes interposees, ont conclu qu'il resultait de l'ensemble de ces constatations la preuve que le prevenu avait, dans les termes de l'article 175 du code penal, pris ou recu des interets dans les actes ci-dessus exposes alors qu'il en avait la surveillance en sa qualite de maire ;

Que le caractere intentionnel de cette ingerence residait dans la connaissance que Y... avait de ce que ces actes etaient particulierement avantageux pour la socap a raison des diverses circonstances que l'arret expose et analyse ;

Attendu qu'en l'etat de ces constatations souveraines, la cour d'appel, qui a releve la reunion de tous les elements des delits d'ingerence dont le prevenu a ete declare coupable, a donne une base legale a sa decision ;

Qu'il n'importe, en effet, que, finalement, pour des raisons independantes de la volonte de Y..., les affaires incriminees n'aient pu se realiser, le delit d'ingerence etant consomme et non point seulement tente ;

Des lors que, comme en l'espece, un maire qui, au sens de l'article 175 precite du code penal, a la qualite d'officier public, a pris ou recu, en connaissance de cause, des interets dans les actes dont il avait l'administration ou la surveillance ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit etre ecarte ;

Et attendu que l'arret est regulier en la forme ;

Declare irrecevable le pourvoi forme par x... ;

Rejette le pourvoi de y...

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