Jurisprudence : Cass. crim., 07-12-1967, n° 66-91972, publié au bulletin

Cass. crim., 07-12-1967, n° 66-91972, publié au bulletin

A3078AUK

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Cass. crim., 07-12-1967, n° 66-91972, publié au bulletin. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1011714-cass-crim-07121967-n-6691972-publie-au-bulletin
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Cassation partielle sur les pourvois de : 1° x... (jean claude);

2° y... (pierre), contre un arret de la cour d'appel de lyon du 22 avril 1966 qui les a condamnes l'un et l'autre a 10000 francs d'amende et a des reparations civiles pour abus de biens sociaux et pour presentation de faux bilans;

Statuant egalement sur le pourvoi de la societe palais des arts menagers, contre le meme arret qui l'a declare forclose pour un chef de sa demande la cour, joignant les pourvois en raison de la connexite;

Vu les memoires produits en demande et en defense;

Sur le moyen unique de cassation propose par Y... pris de la violation des articles 15, paragraphe 5 et 6 de la loi du 26 juillet 1867 modifie par les decrets des 8 aout et 30 octobre 1935, 553 du code de procedure penale et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut et insuffisance de motifs, manque de base legale, "en ce que l'arret attaque s'est borne a declarer etablis les faits qu'il a consideres comme constitutifs des delits d'abus des biens et du credit de la societe dont le demandeur etait president-directeur general, et de presentation de faux bilan;

"alors que, en omettant de constater la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse, l'arret attaque n'a pas mis la cour de cassation en mesure de controler l'un des elements constitutifs et essentiels des infractions retenues a la charge du demandeur au pourvoi";

Attendu que le jugement confirme, dont l'arret a adopte les motifs non contraires, enonce que l'information et les debats a l'audience ont etabli que Y... alors president-directeur general de la societe "palais des arts menagers" avait, a lyon, courant 1955 et 1956 sciemment publie ou presente aux actionnaires un bilan inexact en vue de dissimuler la veritable situation de la societe "palais des arts menagers", et, de mauvaise foi, fait des biens et du credit de cette societe un usage qu'il savait contraire a l'interet de celle-ci, dans un but personnel;

Qu'il suit de la que la mauvaise foi a ete expressement constatee par les juges du fond;

Que le moyen n'est, des lors, pas fonde;

Sur le premier moyen propose par X... et pris de la violation et fausse application des articles 8 du code de procedure penale, 15 de la loi du 24 juillet 1867 et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs manque de base legale;

"en ce que l'arret attaque a admis que la pretendue infraction d'abus de biens qui aurait ete commise de janvier a mai 1953 n'aurait pas ete couverte par la prescription triennale a la date du requisitoire introductif (28 fevrier 1957) bien que l'infraction soit une infraction instantanee;

Au motif que la prescription ne commence a courir qu'a la date ou le delit "est apparu ou a pu etre constate" et ne beneficierait pas au prevenu qui aurait commis des actes de dissimulation de ladite infraction;

"alors qu'il est constate en fait que les payements incrimines effectues par cheques entre janvier et avril 1953 ont tous ete portes regulierement a leurs dates en comptabilite et n'ont donc pas ete dissimules;

Qu'ainsi l'infraction a la supposer etablie, apparaissait et pouvait etre constatee a sa date, d'ou il suit que la prescription est acquise sans qu'il soit possible de retenir l'inscription de l'operation sous une rubrique "comptes d'ordres" au bilan de 1954 comme pouvant constituer un acte de dissimulation, alors que le juge du fond constate en fait la sincerite dudit bilan dont l'inexactitude de la rubrique ne peut retroagir sur la prescription qui a commence a courir a la date des faits par suite de leur inscription en comptabilite et de l'absence de toute manoeuvre de dissimulation";

Attendu que l'arret attaque enonce que dans les premiers mois de l'annee 1953, X..., alors president-directeur general de la societe "palais des arts menagers" (pam) a preleve, a diverses reprises, sur les fonds sociaux, des sommes se montant au total a 12600000 anciens francs pour regler partie du prix d'une usine dont un sieur Z... et lui-meme, a titre personnel, avaient obtenu la promesse de vente;

Que X... a renonce, par la suite, au benefice de cette promesse, au profit de Z..., mais n'a point rembourse a sa societe les sommes qu'il avait retirees de la caisse sociale pour realiser une affaire qui lui etait cependant personnelle;

Attendu que l'arret precise que si les versements effectues par la societe "palais des arts menagers" pour le compte de X... ont bien ete portes dans les livres de la societe, ils l'ont ete de facon equivoque, sous un compte d'ordre qui dissimulait la cause reelle des versements et ne faisait pas apparaitre qu'ils avaient ete effectues pour le compte de X... et dans son seul interet;

Que de ces faits, l'arret a deduit que l'abus de biens sociaux n'ayant pu etre decouvert et n'ayant pu etre constate qu'au cours d'une expertise comptable ordonnee en 1956, apres le depart de X..., l'action publique n'etait pas prescrite lorsqu'elle fut engagee moins de trois ans apres cette expertise par requisitoire introductif du 27 fevrier 1957;

Attendu qu'en decidant ainsi, par une appreciation souveraine des circonstances de fait de la cause, la cour d'appel, loin d'avoir viole les articles vises au moyen, en a, au contraire, fait une exacte application;

Qu'en effet, en matiere d'abus de biens sociaux, le point de depart de la prescription triennale doit etre fixe au jour ou ce delit est apparu et a pu etre constate;

D'ou il suit que le moyen doit etre rejete;

Sur le deuxieme moyen de cassation propose par X... et pris de la violation et fausse application des articles 15 de la loi du 24 juillet 1867 et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs, manque de base legale;

"en ce que l'arret attaque a condamne le demandeur pour abus de biens au motif qu'il aurait fait verser par la societe "pam" dont il etait president-directeur general les fonds destines a l'achat d'une usine en vertu d'une promesse de vente qui lui restait personnelle, sans caracteriser sa mauvaise foi;

"alors que le demandeur a toujours soutenu que la promesse devait etre realisee par la "pam" et tendait a permettre l'achat d'une usine a lyon dont la societe "siapam" filiale de la "pam" devait devenir locataire et qu'il est constant en fait que, bien que le demandeur n'ait pu realiser completement l'operation, l'usine acquise par Z... a ete effectivement louee a la "siapam" et que par ailleurs, a aucun moment l'operation n'a ete dissimulee et que les payements incrimines ont ete comptabilises a leur date et sous leur montant et leur destination exacte;

D'ou il suit que la mauvaise foi n'est pas caracterisee, alors d'ailleurs, que le juge du fond ne s'explique pas sur l'intention alleguee par le demandeur de ne realiser definitivement l'operation si elle avait pu etre menee a bien qu'en qualite de president-directeur general de la "pam";

"alors enfin que meme a supposer que la rubrique soit entachee d'erreur, la depense a ete regulierement inscrite au bilan de la "pam" dont le juge du fond constate en fait qu'il n'est pas entache de faussete";

Attendu que le jugement dont les motifs ont ete adoptes par l'arret attaque a releve en termes expres la mauvaise foi de x...;

Que cette affirmation se trouve non pas contredite, mais justifiee par les constatations de l'arret desquelles il resulte que les versements operes sur les fonds sociaux pour le compte de X... avaient ete portes sur les livres comptables et au bilan sous une rubrique et avec des mentions qui en dissimulaient la cause reelle;

Que, d'autre part, l'arret a precise que l'allegation de X... d'apres laquelle il aurait eu l'intention de subroger la societe dans ses droits n'etait confirmee par aucune piece du dossier et se trouvait, au contraire dementie par le fait qu'il avait abandonne le benefice de la promesse de vente dont il etait titulaire au sieur Z... et non a la societe "palais des arts menagers";

Qu'ainsi le moyen ne saurait etre admis;

Sur le troisieme moyen de cassation propose par X... et pris de la violation et fausse application des articles 15 de la loi du 24 juillet 1867 et 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs, manque de base legale, "en ce que l'arret attaque a retenu quatre faits qui constitueraient des enonciations inexactes des bilans et un abus de biens, alors que l'inscription a un compte d'ordres de la defense de 12600000 anciens francs pour l'achat de l'usine n'est pas entachee d'erreur ou de dissimulation et que l'operation alors en cours et dont le demandeur avait du se desister appelait un reglement definitif qui ne pouvait encore etre envisage;

"alors que les changements apportes dans le mode d'evaluation des amortissements et des refactions correspondaient a la valeur actuelle des immeubles et installations, comme a la modification des conventions intervenues entre la "pam" et sa filiale la "siapam";

"alors enfin, que le juge du fond ne pouvait, sans intervertir le fardeau de la preuve ni user d'un motif divinatoire, retenir a la charge du demandeur qu'il ne demontrerait pas avoir paye avant le 30 juin 1954 la somme de 239510 francs due par la "pam" au cabinet X..., alors qu'il admet en fait que la somme a ete effectivement payee par le demandeur qui ne pouvait se la faire rembourser voire meme s'en faire avancer le montant sans commettre un abus de biens";

Attendu qu'il resulte des enonciations du jugement confirme que X... a fait figurer aux bilans de la societe "palais des arts menagers" des 30 juin 1955 et 31 janvier 1956, presentes aux assemblees generales, le versement d'une somme de 12600000 anciens francs, sans preciser que ce versement n'avait pas ete fait pour le compte de la societe "pam", mais pour celui du seul x...;

Que, d'autre part, les juges du fond ont egalement releve que X... avait fait figurer aux bilans susvises une pretendue creance de 239510 anciens francs qu'il assurait avoir sur la societe "palais des arts menagers", alors que cette creance n'etait nee que posterieurement a la presentation des bilans;

Que ces constatations font apparaitre l'ensemble des elements constitutifs du delit de presentation de faux bilans et justifient, des lors, la declaration de culpabilite de ce chef;

D'ou il suit que le moyen doit etre ecarte;

Sur le moyen unique de cassation presente par la societe "palais des arts menagers", partie civile et pris de la violation de l'article 8 du code de procedure penale, de l'article 17, paragraphe 5 de la loi modifiee du 24 juillet 1867, de l'article 1382 du code civil et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs, manque de base legale;

"en ce que l'arret attaque declare prescrite comme n'ayant pas ete exercee dans le delai d'un an apres la tenue de l'assemblee generale du 24 juin 1957, l'action dirigee par la societe demanderesse contre le sieur Y... a l'occasion de l'abandon par ledit Y... au sieur X... d'un fonds de commerce situe a grenoble, au motif que la prescription annale prevue par l'article 17, paragraphe 5 de la loi du 24 juillet 1867 vise d'une facon generale toute action en responsabilite tendant a la reparation d'un prejudice cause a une societe, que cette action soit fondee sur une simple faute de gestion ou sur une infraction penale, qu'elle soit exercee a titre principal ou accessoirement a l'action publique;

"alors que lorsque l'action est exercee accessoirement a l'action publique, c'est la prescription de trois ans organisee par le code de procedure penale qui est necessairement applicable, et que l'erreur de droit qui entache sur ce point l'arret attaque commande la cassation dudit arret";

Vu lesdits articles, ensemble les articles 3 et 10 du code de procedure penale;

Attendu que de la combinaison des articles 3, 8 et 10 du code de procedure penale, comme de celle des articles 637 et 638 du code d'instruction criminelle en vigueur a l'epoque des faits, il ressort que l'action publique et l'action civile resultant d'un delit de nature a etre puni correctionnellement, sont prescrites apres trois annees revolues a compter du jour ou le delit aura ete commis si, dans cet intervalle, il n'a ete fait aucun acte d'instruction ni de poursuite;

Attendu que s'appuyant sur les termes de l'article 17, alinea 5 de la loi du 24 juillet 1867, l'arret attaque a declare forclose la societe "palais des arts menagers" dans son action civile tendant a la reparation du prejudice a elle cause par son president-directeur general Y... lorsque celui-ci, pour regler une dette qui lui etait personnelle, avait dispose d'un fonds de commerce sis a grenoble et qui appartenait a la societe;

Que la cour d'appel a releve, a l'appui de sa decision, la circonstance que l'action civile dirigee contre Y..., de ce chef, avait ete exercee plus d'un an apres que les faits qui lui servaient de base eussent ete reveles a une assemblee generale;

Mais attendu que l'action de la societe "palais des arts menagers" etait fondee sur des faits qui, par leur nature, presentaient le caractere delictueux d'abus de biens sociaux que leur ont reconnu les juges du fond;

Que, des lors, l'action civile etait regie par les articles 3, 8 et 10 du code de procedure penale, et, conformement au droit commun, pouvait etre exercee en meme temps que l'action publique et devant la meme juridiction, tant que l'action publique n'etait pas prescrite;

Qu'elle echappait, en consequence, a la forclusion prevue par l'article 17, alinea 5 de la loi du 24 juillet 1867 qui limite a un an le delai pendant lequel la responsabilite des administrateurs peut etre recherchee devant les juridictions civiles lorsque l'action est fondee sur des faits ou circonstances reveles a l'assemblee generale des actionnaires par un rapport des gerants ou du conseil de surveillance;

D'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef;

Par ces motifs : rejette les pourvois de X... et de y...;

Condamne les demandeurs solidairement et par corps a l'amende et aux depens;

Fixe au minimum edicte par la loi, la duree de la contrainte par corps;

Casse et annule l'arret de la cour d'appel de lyon en date du 22 avril 1966, mais dans sa seule disposition civile par laquelle il a dit forclose la societe "palais des arts menagers" pour un chef de sa demande de dommages-interets dirigee contre Y..., et pour qu'il soit statue a nouveau, conformement a la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcee, renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de grenoble president : M Comte - rapporteur : M Gagne - avocat general : M Touren - avocats : mm tetreau, brouchot et riche.

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