COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 6 juillet 1960
REJET.
Pourvoi n° 58-11.222
Société "Raphalen Frères"
C/
Veuve Gestin et autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
SUR LE PREMIER MOYEN
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ÉNONCIATIONS DU JUGEMENT ATTAQUE (TRIBUNAL DE CHATEAULIN, 25 MARS 1958) QU'ISIDORE LE MEUR, AGISSANT EN QUALITÉ D'INTERMEDIAIRE ENTRE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN FRÈRES ET DIVERS CULTIVATEURS, A REMIS A DAME VEUVE GESTIN 150 KILOGRAMMES DE SEMENCES DE PETITS POIS, PROVENANT DE CETTE SOCIÉTÉ, AFIN D'ASSURER L'ENSEMENCEMENT DE LA RECOLTE 1957, DONT LE PRODUIT LUI ETAIT DESTINE;
ATTENDU QUE, LA RECOLTE AYANT ETE PERDUE FAUTE D'AVOIR ETE ENLEVEE EN TEMPS UTILE PAR SON DESTINATAIRE, DAME GESTIN A CITE ISIDORE LE MEUR ET LA SOCIÉTÉ RAPHALEN DEVANT LE JUGE DE PAIX DU FAOU, EN PAYEMENT DE 180000 FRANCS DE DOMMAGES-INTERETS;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF AU JUGEMENT CONFIRMATIF ATTAQUE, QUI A ADMIS LA RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN ET ORDONNE UNE EXPERTISE, D'AVOIR ENTENDU CONNAITRE DES TRACTATIONS INTERVENUES ENTRE ISIDORE LE MEUR, COMMERCANT INSCRIT AU REGISTRE DU COMMERCE, ET LES CULTIVATEURS AUXQUELS IL AVAIT REMIS DE LA SEMENCE DE PETITS POIS DONT LE PRODUIT DEVAIT LUI ÊTRE LIVRE À LA RECOLTE EN VUE D'ALIMENTER DES MAISONS DE CONSERVES, ET D'AVOIR DECIDE QUE LE MEUR AVAIT AGI COMME MANDATAIRE DE CES MAISONS, NOTAMMENT DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN, ALORS QUE LA COMPETENCE EN CETTE MATIERE APPARTENAIT EXCLUSIVEMENT AU TRIBUNAL DE COMMERCE;
MAIS ATTENDU QU'UN LITIGE ENTRE LES PARTIES DONT L'UNE N'EST PAS COMMERCANTE OU A PROPOS D'UN ACTE QUI N'EST COMMERCIAL QUE POUR CERTAINE D'ENTRE ELLES PEUT ÊTRE PORTE AUX CHOIX DU DEMANDEUR NON COMMERCANT DEVANT LA JURIDICTION CIVILE OU LA JURIDICTION COMMERCIALE;
QUE LA JURIDICTION AINSI SAISIE A TOUT POUVOIR POUR STATUER SUR L'INTERPRÉTATION D'UN CONTRAT OPPOSE A TITRE D'EXCEPTION OU DE MOYEN DE DÉFENSE, ALORS MEME QUE LA QUESTION SOULEVEE PAR LE MOYEN DE DÉFENSE EXCEDERAIT SA COMPETENCE PAR SA NATURE OU PAR SON TAUX;
D'OU IL SUIT QUE CES MOTIFS DE DROIT, QU'IL APPARTIENT À LA COUR DE CASSATION DE SUBSTITUER AUX MOTIFS INOPERANTS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE, JUSTIFIENT LEGALEMENT CETTE DÉCISION LAQUELLE N'A VIOLE AUCUN DES TEXTES VISES AU MOYEN;
SUR LE DEUXIEME MOYEN
ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE AU JUGEMENT ATTAQUE D'AVOIR CONSIDERE QUE LES RAPPORTS EXISTANTS ENTRE LES DEUX PARTIES DECOULAIENT D'UN MANDAT SANS S'EXPLIQUER SUR LES ARTICULATIONS DES CONCLUSIONS DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN PRETENDANT JUSTIFIER QUE LE ROLE DE LE MEUR AVAIT ETE CELUI DE COMMISSIONNAIRE ET FAISANT VALOIR NOTAMMENT QU'ALORS QUE LE MANDAT COMPORTAIT NECESSAIREMENT L'INDICATION, A CEUX AVEC LESQUELS TRAITAIT LE MANDATAIRE, DU NOM DU MANDAT, LE MEUR(ISIDORE), N'AVAIT JAMAIS FAIT CONNAITRE AUX CULTIVATEURS LE NOM DE LA MAISON À LAQUELLE ETAIT DESTINEE LA RECOLTE ET QUE LA SOCIÉTÉ N'AVAIT CONNU LE NOM DES CULTIVATEURS QUE LORS DE L'INSTANCE DIRIGEE CONTRE ELLE PAR CES DERNIERS;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR RAPPELE A JUSTE TITRE QUE "LE CONTRAT DE COMMISSION QUI OFFRE UNE GRANDE ANALOGIE AVEC LE MANDAT SALARIE EST CARACTERISE PAR LE FAIT QUE LE COMMISSIONNAIRE AGIT EN SON PROPRE NOM ET QU'AU CONTRAIRE LE MANDATAIRE AGIT AU NOM DE SON COMMETTANT", LE JUGEMENT ATTAQUE ENONCE "QUE L'USINIER FOURNISSAIT LES SEMENCES PLACEES EN CULTURE PAR ISIDORE LE MEUR ET ETABLISSAIT DES CE MOMENT SON PROGRAMME DE FABRICATION, QUE L'UN DES GERANTS DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN L'ECRIT SANS AMBIGUITE DANS LA LETTRE ADRESSEE A ISIDORE LE MEUR LE 28 NOVEMBRE 1956, QUE LA SOCIÉTÉ SE MENAGEAIT AINSI ET SE RESERVAIT LA QUANTITE DE RECOLTES CONVENANT À LA BONNE MARCHE DE L'USINE;
QU'ELLE FOURNISSAIT DES DIRECTIVES À L'INTERMEDIAIRE POUR LA RECOLTE ET LE BATTAGE SI LES PETITS POIS N'ETAIENT PAS LIVRES EN GOUSSES QU'IL N'EST PAS CONTESTE QUE LES PAYEMENTS AUX CULTIVATEURS SOIENT CALCULES À L'USINE LAQUELLE CHARGEAIT L'INTERMEDIAIRE DU PAYEMENT DES SOMMES DUES;
QUE SI, POUR CONTESTER LA QUALITÉ DE MANDATAIRE DE LE MEUR(ISIDORE), LA SOCIÉTÉ RAPHALEN FAIT RESSORTIR QU'ELLE A IGNORE JUSQU'AU MOIS DE JUILLET 1947 LE NOM DES PRODUCTEURS CET ELEMENT NE CHANGE RIEN AU CARACTERE DU CONTRAT ET QUE SI ELLE S'EST DESINTERESSEE DE LEUR IDENTITE C'EST PRECISEMENT QU'ELLE FAISAIT CONFIANCE A SON AGENT LOCAL" ET ENFIN QU'IL EST ASSEZ SINGULIER DE CONSTATER QUE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN QUI PRETEND QUE LE MEUR AGISSAIT EN SON NOM PERSONNEL AIT CRU DEVOIR LUI CONFIER DES BORDEREAUX A ENTETE DES ÉTABLISSEMENTS RAPHALEN POUR L'ÉTABLISSEMENT DES FICHES DE BATTAGE;
ATTENDU QU'EN L'ÉTAT DE CES ÉNONCIATIONS, LE TRIBUNAL, A QUI IL APPARTENAIT D'APPRECIER LA NATURE ET LA PORTEE DES ENGAGEMENTS QUI LIAIENT LES PARTIES ET QUI N'ETAIT PAS TENU DE SUIVRE CELLES-CI DANS LE DÉTAIL DE LEUR ARGUMENTATION, A PU CONSIDERER QUE LE MEUR AVAIT TRAITE AU NOM DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;
SUR LE TROISIÈME MOYEN
ATTENDU QUE LE POURVOI REPROCHE ENCORE AU JUGEMENT DÉFÉRÉ D'AVOIR DEGAGE ISIDORE LE MEUR DE TOUTE RESPONSABILITÉ A RAISON DES FAITS LITIGIEUX AU MOTIF QU'EN S'ABSTENANT DE RELEVER APPEL DE LA MISE HORS DE CAUSE, PAR LES PREMIERS JUGES, D'ISIDORE LE MEUR, LA SOCIÉTÉ RAPHALEN FRÈRES AVAIT ADMIS SA NON RESPONSABILITÉ, ALORS QUE CETTE DERNIERE ÉTANT DÉFENDERESSE À L'INSTANCE DILIGENTEE TANT CONTRE ELLE QUE CONTRE ISIDORE LE MEUR IL LUI SUFFISAIT, COMME ELLE L'AVAIT FAIT, DE DEMANDER SA MISE HORS DE CAUSE ET QUE C'ETAIT AU DEMANDEUR QU'IL APPARTENAIT DE REPORTER L'APPEL DIRIGE CONTRE LUI CONTRE LE MEUR AFIN D'AVOIR UN RESPONSABLE POUR LE CAS OU LA MISE HORS DE CAUSE DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN SERAIT ACCUEILLIE;
MAIS ATTENDU QUE LE
JUGEMENT ATTAQUE NE SE BORNE PAS A INDIQUER QUE LA THESE DE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ D'ISIDORE LE MEUR EST INCOMPATIBLE AVEC LA LIMITATION DE SON APPEL AU SEUL CULTIVATEUR;
QUE LE TRIBUNAL ENONCE EN EFFET QUE LA SOCIÉTÉ "LOIN DE CONSIDERER ISIDORE LE MEUR COMME UN MANDATAIRE INFIDELE LUI A MANIFESTE SA CONFIANCE EN LUI DEMANDANT PAR LETTRE DU 25 SEPTEMBRE 1957 DES RENSEIGNEMENTS DE NATURE A ECLAIRER ET A FACILITER SA DÉFENSE QUE N'AYANT PAS RECU LIVRAISON DE TOUTES LES RECOLTES CORRESPONDANT AUX SEMENCES PLACEES PAR ELLE, LA SOCIÉTÉ RAPHALEN NE POUVAIT IGNORER QUE CERTAINES RECOLTES RESTAIENT EN SOUFFRANCE" ET ENFIN "QU'ON NE PEUT METTRE EN DOUTE, CE QUE D'AILLEURS LA SOCIÉTÉ RAPHALEN NE FAIT PAS, LES COMMUNICATIONS TELEPHONIQUES DONT LE MEUR FAIT ÉTAT", ET PAR LESQUELLES IL ATTIRAIT SON ATTENTION SUR LES QUATRE RECOLTES EN QUESTION;
ATTENDU QU'EN L'ÉTAT DE CES ÉNONCIATIONS LE JUGEMENT ATTAQUE A PU, SANS VIOLER LES TEXTES VISES AU MOYEN, DECIDER QUE LA SOCIÉTÉ RAPHALEN ETAIT SEULE RESPONSABLE DU DOMMAGE RESULTANT DE LA PERTE DE CES RECOLTES, D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ET QUE LE JUGEMENT ATTAQUE, QUI EST DUMENT MOTIVE ET QUI A REPONDU AUX CONCLUSIONS DES PARTIES, À LEGALEMENT JUSTIFIE SA DÉCISION;
PAR CES MOTIFS
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE LE JUGEMENT RENDU LE 25 MARS 1958, PAR LE TRIBUNAL CIVIL DE CHATEAULIN