Par déclaration reçue au greffe le 21 octobre 2021, monsieur [T] [B] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 juin 2023, monsieur [T] [B] demande à la cour, au visa des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (ci-après, "la CESDH"), 7, 16, 56, 114, 117, 648, 63, 66, 68, 325 et 331 et suivants du code de procédure civile, 1240 du code civil et L 442-1 II du code de commerce :
- de recevoir monsieur [T] [B] en ses demandes ;
- de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 septembre 2021 en ce qu'il a :
*débouté la SAS Lagardère Media News de sa demande de nullité de l'assignation ;
*débouté la SAS Lagardère Media News de sa demande de dommages et intérêts, en réparation du prétendu préjudice d'image subi par elle ;
- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 septembre 2021 en ce qu'il a :
* débouté monsieur [T] [B] de sa demande de préavis au titre de l'article L 442-1 du code de commerce ;
* condamné monsieur [T] [B] à payer à la SAS Lagardère Media News la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
* ordonné l'exécution provisoire ;
* condamné monsieur [T] [B] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros, dont 12,12 euros de TVA.
- statuant à nouveau, de :
* juger que la SAS Lagardère Media News aurait dû respecter un préavis d'une durée de vingt-quatre mois pour rompre sa relation commerciale avec monsieur [T] [B], en application de l'article L 442-1 II du code de commerce ;
* en conséquence, condamner la SAS Lagardère Media News à payer à monsieur [T] [B] la somme de 29 336 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de préavis écrit suffisant conformément à l'article L 442-1 II du code de commerce ;
* condamner la SAS Lagardère Media News à payer à monsieur [T] [B] la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'atteinte à son image et à sa réputation ;
* débouter la SAS Lagardère Media News de toutes ses demandes ;
- en tout état de cause, de :
* débouter la SAS Lagardère Media News de toutes ses demandes ;
* condamner la SAS Lagardère Media News à payer à monsieur [T] [B] la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 juin 2023, la SAS Lagardère Media News, demande à la cour :
- à titre liminaire, vu les
articles 117, 56 et 548 du code de procédure civile🏛🏛🏛 :
* d'infirmer le jugement du 13 septembre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la SAS Lagardère Media News ;
* statuant à nouveau, de juger que l'assignation introductive d'instance du 22 juillet 2020 délivrée au nom de " Ludo Media " est nulle et ne peut faire l'objet de régularisation ;
- subsidiairement, vu l'article l 442-1 II du code de commerce :
* de confirmer le jugement du 13 septembre 2021 en ce qu'il a considéré que les relations de 10 mois entre les parties avaient été légitimement rompues pour faute grave de monsieur [T] [B] ;
* en conséquence, de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SAS Lagardère Media News ;
- en tout état de cause :
* d'infirmer le jugement du 13 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la SAS Lagardère Media News de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'image ;
* statuant à nouveau de ce chef, de condamner l'appelant au paiement d'une somme de 8 000 euros à la SAS Lagardère Media News, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice d'image ;
* de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné monsieur [T] [B] à verser à la concluante la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens pour la procédure de première instance ;
* de condamner l'appelant au paiement d'une somme de 8 000 euros à la SAS Lagardère Media News en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel ;
* condamner l'appelant en tous les frais et dépens de l'instance d'appel.
Conformément à l'
article 455 du code de procédure civile🏛, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'
article 467 du code de procédure civile🏛.
MOTIVATION
1°) Sur l'exception de nullité de l'assignation
Moyens des parties
Au soutien de son exception de nullité, la SAS Lagardère Media News expose que l'assignation a été délivrée par "Ludo Média", entité inexistante et par conséquent dépourvue de personnalité juridique et de capacité d'ester en justice, et qu'elle est ainsi affectée d'un vice de fond causant sa nullité. Elle ajoute que l'assignation ne comporte pas les mentions prescrites à peine de nullité par les
articles 56 et 648 2a du code de procédure civile🏛.
En réponse, monsieur [T] [B] explique que le fait qu'il se soit désigné sous son nom commercial dans son assignation ne constitue pas une irrégularité de fond mais un éventuel vice de forme. Il ajoute avoir précisé dans ses écritures ultérieures les éléments litigieux et régularisé ce dernier, à le supposer établi.
Réponse de la Cour
Conformément aux
articles 73 et 74 du code de procédure civile🏛🏛, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l'exception soient d'ordre public.
En application de l'
article 54 du code civil🏛 dans sa rédaction issue du
décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019🏛 applicable au jour de l'introduction de l'instance, la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. A peine de nullité, la demande initiale mentionne en particulier, pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs, précisions également prescrites par l'article 648 du code de procédure relatifs aux actes d'huissier dont la nullité est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ainsi que l'indique l'
article 649 du code de procédure civile🏛.
La SAS Lagardère Media News invoque un vice de fond tenant au défaut de capacité à agir de l'entité Ludo Média désignée dans l'assignation. Aux termes de celle-ci, qui n'est pas versée au débat mais qui est partiellement reproduite dans les écritures des parties, sa délivrance a été faite à la requête de "LUDO MEDIA, entrepreneur individuel, enregistré à l'INSEE sous le numéro 410745061 dont le siège social est situé au [Adresse 2], représenté par Monsieur [T] [B]". Ces mentions révèlent sans la moindre équivoque que ce dernier agissait en qualité d'autoentrepreneur personne physique et qu'il s'est désigné, certes maladroitement mais sans induire en erreur la SAS Lagardère Media News qui a immédiatement identifié son adversaire qu'elle connaissait bien, sous son nom commercial ainsi que le confirme l'extrait Sirene produit qui comporte un numéro expressément visé dans l'assignation.
Cette légèreté, caractéristique d'une erreur matérielle, ne constitue pas un vice de fond, l'identité du demandeur initial, doté de la capacité à agir, étant certaine, mais un vice de forme (en ce sens, pour une question voisine, 2ème
Civ., 11 décembre 2008, n° 07-18.511⚖️, cité par l'appelant : "la circonstance que la société Gerling Konzern s'était présentée sous son nom commercial Gerling France ne la privait pas de la capacité d'ester en justice qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation, et ne constituait qu'une irrégularité de forme").
A ce titre, le régime de la nullité prévue par les
articles 54 et 56 du code de procédure civile🏛 qui n'entre pas, comme celui de la nullité prévue par l'article 648 de ce code, dans les cas limitativement prévus par l'article 117 du code de procédure civile est celui de la nullité pour vice de forme défini aux
articles 112 et suivants du même code🏛.
En vertu des
articles 112, 114 et 115 du code de procédure civile🏛🏛, la nullité des actes de procédure pour vice de forme peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement mais est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, la nullité ne pouvant être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
La SAS Lagardère Media News ne contestant que les mentions prescrites par l'article 648 du code de procédure civile ont été insérées dans les écritures soutenues à l'audience du 9 avril 2021, le vice allégué a été régularisé, constat qui vaudrait d'ailleurs si le vice avait été qualifié de vice de fond conformément à l'
article 121 du code de procédure civile🏛.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité opposée par la SAS Lagardère Media News.
2°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, monsieur [T] [B] expose que la relation entretenue avec l'éditeur du Journal du Dimanche était stable et continue et qu'elle était établie depuis le 5 septembre 1999, la SAS Lagardère Media News l'ayant poursuivie sans réserve aux mêmes conditions. Il précise à ce titre que l'ancienneté de la relation débutée avec l'éditeur précédent est reprise en vertu des termes de l'apport partiel d'actifs du 29 octobre 2018 opérant transmission universelle du patrimoine propre à chaque activité cédée et subrogation de la SAS Lagardère Media News dans toutes les conventions antérieurement conclues. Il estime qu'il avait droit à un préavis de 24 mois et que la rupture notifiée par la SAS Lagardère Media News sans préavis était brutale. Il conteste toute inexécution contractuelle ou faute en précisant que cette dernière ne démontre pas la réalité du signalement de lecteur qu'elle oppose, que ses grilles étaient corrigées et validées par celle-ci, que le fait de proposer le terme " tapette " dans des mots fléchés, simple " jeux d'esprit " correspondant à l'esprit de la rubrique " Jeux et détente ", n'est pas fautif et ne caractérise pas le délit d'injure en ses éléments matériel et intentionnel. Il ajoute que le tribunal a violé le principe du contradictoire en s'appuyant sur la
loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004🏛 qui n'était pas en débat. Il indique enfin subir un préjudice distinct consécutif à l'atteinte à son image et à sa réputation.
En réponse, la SAS Lagardère Media News expose que la relation commerciale a duré 10 mois, les relations entamées avec l'éditeur précédent n'ayant pas été poursuivies par le seul effet de l'apport partiel d'actifs. Elle conteste ainsi l'existence de relations commerciales établies. Elle explique par ailleurs que monsieur [T] [B] s'est rendu coupable d'injure à caractère homophobe au sens des
articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881🏛🏛, peu important son intention réelle et la ligne éditoriale des rubriques dans lesquelles la grille litigieuse a été insérée. Elle ajoute que la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, qui a modifié les dispositions citées, était dans le débat en première instance et que le tribunal n'a ni modifié l'objet du litige ni violé le principe de la contradiction. Elle estime que cette faute, qui engage la responsabilité du directeur de la publication en vertu de l'
article 42 de la loi du 29 juillet 1881🏛, fondait à elle seule la rupture immédiate de la relation. Subsidiairement, elle indique que le préavis éludé ne peut excéder six mois et que le préjudice consécutif à l'atteinte à l'image et à la réputation de monsieur [T] [B] n'est démontré ni en son principe ni en sa mesure.
Réponse de la cour
En application de l'article L 442-1 II du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens,
Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216⚖️) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des
articles L 110-1 et suivants du code de commerce🏛 comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens,
Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664⚖️). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens,
Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200⚖️ qui évoque "la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale").
Par ailleurs, L 442-1 II du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Ce dernier, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ;
Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966⚖️, qui précise qu'une modification contractuelle négociable et non imposée n'est pas la marque d'une rupture partielle brutale).
Enfin, la rupture, quoique brutale, peut être justifiée si elle est causée sur une faute suffisamment grave pour fonder la cessation immédiate des relations commerciales (en ce sens, sur le critère de gravité,
Com. 27 mars 2019, n° 17-16.548⚖️). La faute doit être incompatible avec la poursuite, même temporaire, du partenariat.
La SAS Lagardère Media News invoque une faute tirée de la livraison d'une grille de mots fléchés contenant les réponses "gréées" et "tapette" à la définition "plus à voile qu'à vapeur" (pièce 13 de l'appelant). Le débat des parties sur la qualification d'injure au sens des articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 n'est pas pertinent : si la caractérisation d'une infraction pénale peut servir à celle d'une faute civile, elle n'est pas son préalable nécessaire.
Or, quels que soient les ouvrages retenus, et pour ne s'en tenir qu'à ceux produits par monsieur [T] [B] (sa pièce 11), contractuellement tenu de livrer des grilles de mots fléchés exemptes d'erreurs et de propos insultants pour une personne déterminée ou une catégorie spécifique d'individus, le terme " tapette " désigne dans son sens premier une palette de bois pour enfoncer les bouchons et ,dans une acceptation familière et vulgaire, un homosexuel efféminé (Le Petit Aa) ou passif (Trésor de la langue française). Il est ainsi, en soi, perçu par le corps social comme une moquerie grossière et insultante tirée de l'orientation et des préférences sexuelles du sujet, présentées sous un jour significativement dégradé et péjoratif, la féminité étant ici envisagée comme le vice d'une masculinité défaillante, minorée. La banalisation dénoncée par le rapport sur les LGTIphobies de 2021 rédigé par l'association SOSHomophobie ou le guide de mai 2017 du Défenseur des Droits (pièces 13 et 14 de l'intimée), derrière laquelle monsieur [T] [B], qui n'invoque pas le bénéfice de l'exercice de sa liberté d'expression, paraît se retrancher en invoquant la ligne éditoriale de l'organe de presse et le ton léger de sa rubrique " Jeux et détente ", n'enlève rien à la gravité de l'insulte et de la faute qu'elle matérialise. Au contraire, nourrissant une logique de légitimation de celle-ci et d'invisibilisation des personnes ou groupe d'individus qui en sont victimes, elle aggrave l'atteinte subie par les personnes moquées et, partant, par l'organe de presse qui est associé à sa réalisation : une telle publication est de nature à ternir sérieusement son image et à affecter son lectorat, peu important que le signalement évoqué ne soit pas produit et que certains fidèles aient pu regretter, comme des salariés isolés de la SAS Lagardère Media News (sa pièce 20), la disparition des mots fléchés de monsieur [T] [B] (sa pièce 16).
Ainsi, la gravité intrinsèque de la faute n'est pas atténuée par son contexte de commission, peu important que son auteur n'en ait pas une claire conscience ainsi que le révèle sa comparaison avec la proposition du mot " tarlouze " dans le cadre d'un jeu télévisé dans lequel les participants s'affrontent pour identifier le plus long mot susceptible d'être composé à partir de lettres tirées au hasard : il n'est pas ici question de connaissance de la langue française et d'agilité à trouver des mots du dictionnaire décontextualisés mais de la réponse à une définition qui est elle-même insultante en ce qu'elle réduit une orientation sexuelle à un type de pratique (par référence à la prise du vent arrière par une voile de bateau - pièce 2 de l'intimée) et, à nouveau, à une féminité conçue péjorativement (même pièce).
Par ailleurs, le fait que la SAS Lagardère Media News soit à même de contrôler et de valider les grilles de mots fléchés qu'elle publie n'implique pas qu'elle l'ait effectivement fait pour l'édition du 29 septembre 2019. Les éléments versés au débat à ce titre par monsieur [T] [B] se résument à ses déclarations en phase précontentieuse (sa pièce 8) ou consistent en des échanges tronqués de juillet 2019 ne révélant pas la cause, l'objet et la nature des corrections opérées (pièce 6 de la SAS Lagardère Media News) ou postérieurs aux faits et menés avec un tiers (sa pièce 19). Et, la défaillance de la SAS Lagardère Media News dans l'exécution de ses obligations, si elle est de nature à rompre la chaine causale entre la faute et le préjudice d'image qu'elle allègue ainsi qu'il sera dit infra, ne constitue pas un fait justificatif de la faute de monsieur [T] [B] ou une circonstance atténuant sa gravité dans le cadre de l'application de l'article L 442-1 II du code de commerce. De fait, alors qu'il allègue une relation de vingt ans qui induit une certaine confiance mutuelle susceptible d'alléger les vérifications opérées par le partenaire, la faute de monsieur [T] [B], qui ne prouve pas qu'il adressait des grilles complétées pour faciliter la supervision de son cocontractant, est de nature à significativement alourdir le travail de la SAS Lagardère Media News, tenue à une vigilance privant d'intérêt la collaboration en cours et imposant sa cessation sans préavis au regard des risques qu'une négligence de sa part génère pour son activité.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens des parties et notamment celui tiré de la violation du principe de la contradiction par le tribunal de commerce, la faute est suffisamment grave pour fonder la rupture immédiate des relations commerciales. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de monsieur [T] [B], l'absence de faute imputable à la SAS Lagardère Media News dans la rupture impliquant l'inexistence du préjudice né de l'absence de préavis mais également celle du préjudice réputationnel, le ternissement éventuel de son image trouvant sa cause exclusive dans son comportement et aucune publicité n'ayant été donnée par la SAS Lagardère Media News aux raisons de son éviction.
3°) Sur la demande reconventionnelle
Moyens des parties
Tandis que la SAS Lagardère Media News soutient avoir subi un préjudice d'image à raison de la publication d'une injure à caractère homophobe dans la grille publiée dans l'édition du 29 septembre 2019 du Journal du Dimanche, monsieur [T] [B] conteste à nouveau toute faute et souligne l'absence de démonstration d'un préjudice subi par l'intimée qui avait les moyens et le devoir de contrôler les grilles publiées.
Réponse de la cour
Conformément à l'
article 1134 du code civil🏛 (devenu 1103 et 1194), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des
articles 1147, 1149 et 1150 du code civil🏛🏛🏛 (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.
Ainsi qu'il a été dit, la négligence de la SAS Lagardère Media News dans l'accomplissement des vérifications qu'elle est légalement tenue d'accomplir en sa qualité d'éditrice assumant la responsabilité du contenu qu'elle publie, peu important sur ce plan la relation de confiance entre les parties, brise la chaine causale entre la faute et le préjudice d'image : sa propre négligence est cause exclusive du dommage qui résulte ici de la seule publication dont elle a la pleine maîtrise. Par ailleurs, elle ne produit pas le signalement qu'elle allègue et n'établit pas la consistance du préjudice qu'elle invoque.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle.
4°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
Succombant en son appel, monsieur [T] [B], dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamné à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS Lagardère Media News la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.