Jurisprudence : Cass. crim., 25-10-2023, n° 23-84.999, F-D, Cassation

Cass. crim., 25-10-2023, n° 23-84.999, F-D, Cassation

A89881QX

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Cass. crim., 25-10-2023, n° 23-84.999, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101034050-cass-crim-25102023-n-2384999-fd-cassation
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N° R 23-84.999 F-D

N° 01407


MAS2
25 OCTOBRE 2023


CASSATION SANS RENVOI


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 OCTOBRE 2023



M. [U] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 11 août 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroqueries, blanchiment, aggravés, association de malfaiteurs, usage de faux, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [U] [W], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [U] [W] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire le 8 décembre 2022.

3. Le juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure par une ordonnance du 25 juillet 2023.

4. M. [W] a relevé appel de la décision.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de défaut de mise à disposition de l'avocat de M. [W] d'une copie complète de la procédure, alors « que s'il est recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour le débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, une copie de l'intégralité du dossier doit être mise à disposition de l'avocat dans les locaux de détention d'où il assiste la personne mise en examen, sauf si cette copie lui a déjà été remise ; que la chambre de l'instruction qui, bien qu'elle ait constaté que la copie du dossier adressée au conseil de M. [W], qui assistait son client depuis les locaux de détention, ne comprenait pas la totalité des pièces de fond, l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention et les réquisitions écrites prises par le ministère public, a écarté la nullité en retenant que l'absence de ces pièces n'avait pas porté atteinte aux droits du mis en examen, a méconnu les articles 706-71 du code de procédure pénale🏛 et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ce texte que lorsque le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention est réalisé par visioconférence alors que l'avocat est auprès du détenu dans les locaux de détention, une copie de l'intégralité du dossier doit être mise à sa disposition.

7. Pour rejeter le moyen de nullité tiré du défaut de mise à disposition du dossier à la maison d'arrêt le 25 juillet 2023 et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de M. [W], l'arrêt attaqué énonce notamment, après avoir relevé que l'avocat de la personne mise en examen avait reçu une copie de la procédure le 17 mai 2023, qui n'avait pas été actualisée, et analysé la teneur des actes intervenus postérieurement à cette remise, que ces actes n'ont porté que sur les codes de déverrouillage des téléphones, que l'avocat de M. [Aa] a en outre nécessairement eu connaissance de l'interrogatoire de son client et que celui d'une autre personne mise en examen n'a apporté aucun élément nouveau à la procédure.

8. Les juges ajoutent que, s'agissant des réquisitions du procureur de la République aux fins de prolongation de la détention provisoire du 11 juillet 2023 et de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire du 18 juillet 2023 qui n'ont pas été communiquées à l'avocat, les moyens invoqués au soutien de cette demande sont identiques à ceux développés à l'occasion du précédent débat sur la détention intervenu le 28 mars 2023.

9. Ils en déduisent qu'il n'est pas établi que l'absence de mise à disposition de la procédure actualisée à la maison d'arrêt à l'avocat de M. [W] a fait obstacle à une préparation efficace de la défense de celui-ci.

10. En se déterminant ainsi, alors qu'il s'est écoulé plus de deux mois depuis le dernier envoi de la copie du dossier aux avocats, que de nombreuses pièces manquaient au dossier ne permettant pas à la personne mise en examen et à son avocat d'en prendre connaissance et d'en apprécier eux-mêmes l'intérêt, que les réquisitions du ministère public et l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention en vue de la prolongation de la détention provisoire n'avaient également pas été communiquées, et que ces manquements ont porté atteinte aux droits de la défense, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.

11. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

12. Dès lors que la détention provisoire de M. [W] n'a pas été régulièrement prolongée dans le délai prescrit par l'article 145-1 du code de procédure pénale🏛, celui-ci doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause. La cassation aura donc lieu sans renvoi.

13. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale🏛 permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code🏛.

14. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [W] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.

15. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de :

- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que les faits relèvent d'une organisation structurée ; que l'instruction se poursuit et que d'autres investigations ou confrontations s'avèrent nécessaires pour identifier et interpeller les coauteurs et complices de M. [W] ;

- prévenir le renouvellement de l'infraction et garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que M. [W] a déjà été condamné en 2016 par les autorités judiciaires suisses pour des faits de même nature ; qu'il fait preuve d'une très grande mobilité, les juges ayant recensé vingt-neuf déplacements à l'étranger en 2022 et noté l'utilisation, lors de la commission des délits, de fausses identités.

16. Afin d'assurer ces objectifs, M. [W] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.

17. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale🏛🏛.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 11 août 2023 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [W] est détenu sans titre depuis le 8 août 2023 dans la présente procédure ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [W] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [W] ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département de Seine-Saint-Denis ;

- ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer [Adresse 2], qu'aux conditions suivantes : chaque jour de 7 heures à 19 heures ;

- se présenter, le lendemain de sa libération, avant 17 heures, et ensuite chaque jour, entre 9 heures et 17 heures, au commissariat central de police de son domicile, [Adresse 1] ;

- s'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation, de quelque façon que ce soit, avec M. [M] [V], personne mise en examen ;

DÉSIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire central de police du [Localité 3] ;

DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.

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