Jurisprudence : TPICE, 12-06-1997, aff. T-504/93, Tiercé Ladbroke SA c/ Commission des Communautés européennes

TPICE, 12-06-1997, aff. T-504/93, Tiercé Ladbroke SA c/ Commission des Communautés européennes

A3173AWG

Référence

TPICE, 12-06-1997, aff. T-504/93, Tiercé Ladbroke SA c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1009351-tpice-12061997-aff-t50493-tierce-ladbroke-sa-c-commission-des-communautes-europeennes
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Tribunal de première instance des Communautés européennes

12 juin 1997

Affaire n°T-504/93

Tiercé Ladbroke SA
c/
Commission des Communautés européennes





61993A0504

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie)
du 12 juin 1997.

Tiercé Ladbroke SA

contre

Commission des Communautés européennes.

Recours en annulation - Rejet d'une plainte - Article 86 - Marché de référence - Position dominante collective - Refus de concession d'une licence de transmission - Article 85, paragraphe 1 - Clause d'interdiction de retransmission.

Affaire T-504/93.

Recueil de Jurisprudence 1997 page II-0923

1 Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision de la Commission rejetant une plainte pour infraction aux règles de concurrence - Référence à une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63

(Traité CE, art. 190; règlement du Conseil n° 17, art. 3; règlement de la Commission n° 99/63, art. 6)

2 Concurrence - Position dominante - Marché en cause - Délimitation - Critères

(Traité CE, art. 86)

3 Concurrence - Position dominante - Marché en cause - Délimitation géographique - Critères

(Traité CE, art. 86)

4 Concurrence - Position dominante - Droits de propriété intellectuelle sur les sons et images de courses de chevaux - Absence d'exploitation directe ou indirecte des droits sur le marché d'un État membre - Refus d'accorder à une société de paris une licence pour le territoire de cet État - Abus - Absence

(Traité CE, art. 86)

5 Concurrence - Ententes - Droits de propriété intellectuelle - Exercice - Octroi d'une licence exclusive - Restriction de la concurrence - Conditions

(Traité CE, art. 85, § 1)

6 Concurrence - Ententes - Atteinte à la concurrence - Notion - Refus, par des parties à un accord, d'accorder à un tiers une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle

(Traité CE, art. 85, § 1)

7 La question de savoir si un acte communautaire satisfait à l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité dépend de la nature de l'acte et du contexte dans lequel il a été adopté. Ainsi, les exigences de motivation d'une décision sont fortement atténuées lorsque l'intéressé a été étroitement associé au processus d'élaboration de la décision et connaît donc les raisons pour lesquelles l'administration a estimé ne pas devoir faire droit à sa demande.

A cet égard, une décision de la Commission rejetant une plainte pour violation des règles de concurrence est suffisamment motivée lorsqu'elle se réfère, sans les reprendre expressément, aux arguments contenus dans une lettre envoyée au plaignant au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, et fait ainsi apparaître de façon suffisamment claire les raisons pour lesquelles la plainte a été rejetée, en permettant au plaignant de faire valoir ses droits devant le juge communautaire et à ce dernier d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision.

8 Aux fins de l'application de l'article 86 du traité, le marché du produit ou du service en cause englobe les produits ou les services qui sont substituables ou suffisamment interchangeables avec celui-ci, en fonction non seulement de leurs caractéristiques objectives, en vertu desquelles ils sont particulièrement aptes à satisfaire les besoins constants des consommateurs, mais également en fonction des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l'offre sur le marché en cause.

9 Dans l'économie de l'article 86 du traité, la définition du marché géographique relève, tout comme celle du marché des produits, d'une appréciation économique. Le marché géographique peut être défini comme le territoire sur lequel tous les opérateurs économiques concernés se trouvent exposés à des conditions objectives de concurrence qui sont similaires ou suffisamment homogènes.

10 Dans la mesure où le marché géographique des sons et images des courses hippiques se divise en marchés nationaux distincts et où les sociétés de courses d'un État membre A refusent, en l'absence d'exploitation directe ou indirecte de leurs droits de propriété intellectuelle sur le marché d'un État membre B, de concéder, à une société de paris de l'État B, une licence sur les sons et images des courses qu'elles organisent, ce refus ne constitue pas une discrimination entre les opérateurs sur le marché de l'État B et ne saurait être regardé comme entraînant une restriction quelconque de la concurrence sur ce marché. Ce refus ne peut non plus être tenu pour abusif au seul motif que des agences qui opèrent sur le marché d'un troisième État C disposent desdits sons et images, dès lors qu'il n'existe pas de concurrence entre les agences hippiques dans les États B et C.

A supposer même que la présence des sociétés de courses sur le marché de l'État B de sons et images ne soit pas un élément déterminant aux fins de l'application de l'article 86 du traité, un tel refus ne pourrait relever de l'interdiction prévue par cette disposition que s'il concernait un produit ou un service qui se présente soit comme essentiel pour l'exercice de l'activité principale de la prise de paris, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel, soit comme un produit nouveau dont l'apparition serait entravée, malgré une demande potentielle spécifique constante et régulière de la part des consommateurs. A cet égard, la transmission télévisée des courses hippiques, bien qu'elle constitue un service complémentaire, voire convenable, offert aux parieurs n'est pas en soi indispensable à l'exercice de l'activité principale de la prise de paris.

11 La seule circonstance que le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle ait concédé à un licencié unique un droit exclusif sur le territoire d'un État membre, en interdisant l'octroi de sous-licences pendant une période déterminée, ne suffit pas à faire constater qu'un tel contrat doit être considéré comme l'objet, le moyen ou la conséquence d'une entente interdite par le traité. Cependant, l'exercice d'un droit de propriété intellectuelle ainsi que celui du droit concédé qui en découle peuvent, dans un contexte économique ou juridique dont l'effet est de restreindre d'une manière sensible l'activité en cause ou de fausser la concurrence sur le marché, eu égard aux particularités de celui-ci, relever de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

12 Sont visés par la prohibition de l'article 85, paragraphe 1, du traité tout accord, décision d'association d'entreprises ou pratique concertée ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence que se font ou pourraient se faire les parties concernées entre elles, mais également la concurrence qui pourrait s'exercer entre elles ou l'une d'elles et les tiers.

Il en résulte qu'un accord entre deux ou plusieurs entreprises ayant comme objet d'interdire l'octroi à un tiers d'une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle ne tombe pas hors du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, au seul motif qu'aucune des parties contractantes n'a accordé à un tiers une telle licence sur le marché en cause et qu'aucune restriction de la position concurrentielle actuelle des tiers n'en découle.

En effet, s'il est vrai qu'un tel refus, en l'absence d'une concurrence actuelle sur le marché en cause, ne saurait être considéré comme discriminatoire et donc comme susceptible de relever de l'article 85, paragraphe 1, sous d), du traité, il n'en reste pas moins que l'accord ayant pour objet ce refus peut avoir pour effet de restreindre une concurrence potentielle sur le marché en cause, dès lors qu'il prive chacune des parties contractantes de sa liberté de contracter directement avec un tiers en lui concédant une licence d'exploitation de ses droits de propriété intellectuelle et d'entrer ainsi en concurrence avec les autres parties contractantes sur le marché pertinent. En outre, un tel accord pourrait avoir pour effet de "limiter ou de contrôler [...] les débouchés" et/ou de "répartir les marchés" au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous b) et c), du traité.

dans l'affaire T-504/93,

Tiercé Ladbroke SA, société de droit belge, établie à Bruxelles, représentée par MM. Jeremy Lever, QC, Christopher Vajda, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, et Stephen Kon, solicitor à Londres, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Winandy et Err, 60, avenue Gaston Diderich,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Julian Curall et Francisco Enrique González Díaz, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Société d'encouragement et des steeple-chases de France, association de droit français, établie à Boulogne-Billancourt (France),

Société d'encouragement à l'élevage du cheval français, association de droit français, établie à Paris,

Société sportive d'encouragement, association de droit français, établie à Paris,

Société de sport de France, association de droit français, établie à Boulogne-Billancourt,

Société des courses de la Côte d'Azur, association de droit français, établie à Cagnes-sur-Mer (France),

Société des courses du pays d'Auge, association de droit français, établie à Deauville (France),

Société des courses de Compiègne, association de droit français, établie à Compiègne (France),

Société des courses de Dieppe, association de droit français, établie à Rouxmesnil-Bouteilles (France),

Société des courses de Fontainebleau, association de droit français, établie à Fontainebleau (France),

Groupement d'intérêt économique Pari mutuel urbain, groupement de droit français, établi à Paris,

Pari mutuel international SA, société de droit français, établie à Paris,

représentés par Mes Bruno Chain et Jérôme Depondt, avocats au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Victor Gillen, 13, rue Aldringen,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 24 juin 1993 rejetant une plainte déposée par Tiercé Ladbroke SA le 9 octobre 1990 (IV/33.699) contre les principales sociétés de courses françaises, le Pari mutuel urbain et le Pari mutuel international, pour violation des articles 85 et 86 du traité CEE, ainsi qu'une demande de réexamen immédiat de cette plainte par la Commission,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(deuxième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. W. Bellamy et A. Kalogeropoulos, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 8 mai 1996,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1 Tiercé Ladbroke SA (ci-après "Ladbroke") est une société de droit belge, constituée en 1982 et appartenant au holding Ladbroke group plc, dont l'activité consiste à prendre en Belgique des paris à la cote sur les courses de chevaux courues à l'étranger.

2 Le Pari mutuel urbain français (ci-après "PMU") est un groupement d'intérêt économique (ci-après "GIE"), constitué par les principales sociétés de courses françaises (ci-après "sociétés de courses"). Le PMU est chargé en exclusivité de l'organisation en France des paris pris hors hippodrome, selon le système du pari mutuel, sur les courses de chevaux organisées par les sociétés de courses autorisées à cet effet. Le PMU bénéficie aussi de droits exclusifs pour la prise de paris à l'étranger sur les courses organisées en France et pour les paris pris en France sur les courses organisées à l'étranger.

3 Le Pari mutuel international (ci-après "PMI") est une société anonyme de droit français, dont la majorité du capital est détenue par le PMU, ayant pour objet de valoriser hors de France les images et informations télévisées sur les courses de chevaux organisées en France. En vertu d'un contrat conclu le 9 janvier 1990, avec effet au 1er août 1989, le PMU, auquel les sociétés de courses avaient concédé le droit de commercialiser les images télévisées et les commentaires sonores sur les courses qu'elles organisent, a cédé ce droit au PMI pour la République fédérale d'Allemagne et l'Autriche.

4 Le 25 août 1989, le PMI a conclu un accord avec Deutscher Sportverlag Kurt Stoof GmbH & Co. (ci-après "DSV"), société de droit allemand spécialisée dans l'édition de journaux de courses hippiques et notamment de courses françaises. Par cet accord le PMI accordait au DSV le droit exclusif d'exploiter les images télévisées et les commentaires sonores des courses françaises (ci-après "sons et images français") en République fédérale d'Allemagne, à l'intérieur des frontières antérieures à la réunification, y compris l'ancienne zone de Berlin-Ouest, et en Autriche (ci-après "territoire concédé").

5 En septembre 1989, Ladbroke a demandé au DSV le droit de retransmettre en Belgique les sons et images français. Cette demande s'est heurtée, en octobre 1989, au refus du DSV, au motif que le contrat qui le liait au PMI lui interdisait de retransmettre les sons et images français en dehors du territoire concédé.

6 A la suite d'une modification du cadre législatif belge régissant les paris hors hippodrome, qui a permis aux agences hippiques de rester ouvertes l'après-midi pendant le déroulement des courses hippiques, Ladbroke a demandé au PMI, par lettre en date du 18 juin 1990, des détails sur les conditions financières et techniques d'abonnement au service "Courses en direct", géré par le PMI, qui permet de suivre en direct, via satellite, les courses hippiques courues en France.

7 Par lettre en date du 13 juillet 1990, le PMI a répondu qu'il ne pouvait pas donner suite à cette demande au motif qu'il n'avait pas "la libre disposition des droits sur les images des courses françaises et les informations qui y sont associées, celles-ci étant la propriété des sociétés de courses et du GIE-PMU".

8 Le 27 juillet 1990, Ladbroke a écrit au PMU et à chacune des sociétés de courses pour demander des détails sur les conditions financières et techniques d'abonnement au service "Courses en direct".

9 Par lettre en date du 8 août 1990, le PMU a répondu à Ladbroke comme suit:

"Nous vous informons que le GIE-PMU, conformément au contrat qui le lie aux sociétés de courses, ne dispose des images leur appartenant que pour leur diffusion dans son réseau de prise de paris en temps réel en France et, en ce qui concerne l'étranger, uniquement pour leur retransmission en RFA et en Autriche. Dans ces conditions nous ne disposons pas des droits que suppose votre demande. Par ailleurs, les sociétés de courses membres du groupement nous ont informés que, par une lettre de même date et de même teneur, vous leur aviez demandé individuellement de vous faire connaître leurs conditions pour la fourniture de leur service. Lesdites sociétés nous ont chargés en tant que groupement d'intérêt économique entre elles de vous faire connaître, en leur nom et pour leur compte, qu'elles n'entendaient pas concéder l'exploitation commerciale de leurs droits d'auteur en Belgique."

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