Jurisprudence : TPICE, 18-09-1995, aff. T-49/93, Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) c/ Commission des Communautés européennes

TPICE, 18-09-1995, aff. T-49/93, Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) c/ Commission des Communautés européennes

A3133AWX

Référence

TPICE, 18-09-1995, aff. T-49/93, Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1009311-tpice-18091995-aff-t4993-societe-internationale-de-diffusion-et-dedition-side-c-commission-des-commu
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Tribunal de première instance des Communautés européennes

18 septembre 1995

Affaire n°T-49/93

Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE)
c/
Commission des Communautés européennes





61993A0049

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre élargie)
du 18 septembre 1995.

Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE)

contre

Commission des Communautés européennes.

Aides d'Etat - Articles 92 et 93 - Recours en annulation - Aides à l'exportation dans le secteur du livre.

Affaire T-49/93.

Recueil de Jurisprudence 1995 page II-2501

1. Aides accordées par les États - Projets d'aides - Examen par la Commission - Phase préliminaire et phase contradictoire - Compatibilité avec le marché commun d'une aide à l'exportation pour les livres, dans un but culturel, susceptible d'avoir des conséquences allant à l'encontre de dispositions spécifiques du traité, notamment en matière de concurrence - Difficultés d'appréciation - Obligation de la Commission d'ouvrir la procédure contradictoire - Obligation pour une entreprise concurrente de l'entreprise bénéficiaire de fournir des informations précises au stade de la procédure administrative - Absence

(Traité CEE, art. 85 et suivants et 93, § 2 et 3)

2. Recours en annulation - Moyens - Moyens susceptibles d'être soulevés par le plaignant à l'encontre d'une décision de la Commission, déclarant, après une simple procédure préliminaire, une aide d'État compatible avec le marché commun - Règle de concordance entre la plainte et le recours - Absence

3. Aides accordées par les États - Projets d'aides - Absence de notification - Mise à exécution avant la décision finale de la Commission - Obligation de la Commission de faire usage de son pouvoir d'imposer la suspension du versement et d'ordonner la récupération des montants versés - Absence

(Traité CEE, art. 93, § 3)

1. La procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une aide à l'exportation des livres, poursuivant un but culturel, que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un premier examen, que cette aide est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n'a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s'entourer de tous les avis nécessaires et d'ouvrir, à cet effet, la procédure de l'article 93, paragraphe 2.

A cet égard, dans la mesure où la Commission doit respecter la cohérence entre les articles 92 et 93 et d'autres dispositions du traité, tout particulièrement dans l'hypothèse où ces autres dispositions visent également l'objectif d'une concurrence non faussée dans le marché commun, elle doit, si elle entend ne pas aller au-delà de la procédure préliminaire, acquérir la conviction, fondée sur une analyse économique de la situation, que le bénéficiaire de l'aide ne se trouve pas en situation de contrevenir aux articles 85 et 86 du traité, même si la question d'éventuelles violations des articles 85 et 86 du traité n'est pas évoquée explicitement dans la plainte dont elle a été saisie.

L" absence dans la plainte de suffisamment de données détaillées sur les conditions du marché ne saurait être invoquée par la Commission pour justifier sa décision de ne pas, malgré les difficultés rencontrées pour apprécier la compatibilité de l'aide dénoncée avec le marché commun, ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2. En effet, on ne saurait exiger des concurrents d'entreprises bénéficiaires d'une aide non notifiée qu'ils fournissent des données auxquelles, dans la plupart des cas, il n'ont pas accès et qu'ils ne peuvent obtenir que par l'intermédiaire de la Commission, pour autant que celle-ci fasse usage à l'égard des États membres de ses pouvoirs d'investigation.

2. Lorsque la Commission, saisie d'une plainte visant une aide accordée par un État membre à une entreprise, adopte une décision déclarant ladite aide compatible avec le marché commun au terme d'une simple procédure préliminaire, c'est-à-dire sans avoir ouvert une procédure contradictoire et sans avoir reconnu au plaignant le droit de faire valoir son point de vue sur tous les éléments constants du dossier, notamment sur les informations complémentaires transmises par le gouvernement intéressé, on ne saurait exiger que, dans son recours en annulation, dirigé contre cette décision, le plaignant se conforme à une règle de concordance stricte entre les moyens invoqués dans le cadre de la procédure administrative et ceux développés dans la requête.

3. La Commission n'est pas tenue, lorsqu'elle entame l'examen d'une aide d'État qui a été octroyée sans lui avoir été préalablement notifiée à l'état de projet, d'enjoindre, à titre de mesure conservatoire, à l'État membre concerné d'en suspendre le versement, pas plus qu'elle n'est obligée, l'absence de notification ne permettant pas à elle seule de déclarer une aide incompatible avec le marché commun, d'en exiger la récupération.

Cette latitude laissée à la Commission ne se heurte pas à l'effet direct de l'interdiction de mise à exécution visée par la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 93 du traité, en vertu duquel le juge national, saisi d'un recours contre les actes d'exécution de l'aide, est tenu de sanctionner leur invalidité. En effet, il y a une différence fondamentale entre le rôle central et exclusif réservé par les articles 92 et 93 à la Commission, qui est tenue d'examiner la compatibilité de l'aide avec le marché commun, même dans les cas où l'État membre méconnaît l'interdiction de l'article 93, paragraphe 3, et celui des juridictions nationales, qui ne font que sauvegarder, jusqu'à la décision finale de la Commission, les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de cette interdiction, méconnaissance que ne pourra faire disparaître la décision finale de la Commission.

dans l'affaire T-49/93,

Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE), société de droit français, ayant son siège social à Bagneux (France), représentée par Mes Jean-Marie Meffre, Claire Adenis-Lamarre et Nicole Coutrelis, avocats au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Marc Loesch, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Michel Nolin et Ben Smulders, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par Mme Catherine de Salins, sous-directeur de la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Jean-Marc Belorgey, chargé de mission au même ministère, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,

partie intervenante,

ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 18 mai 1993, déclarant compatibles avec le marché commun certaines aides (NN 127/92) accordées par le gouvernement français aux exportateurs de livres en langue française (JO 1993, C 174, p. 6),

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

composé de MM. J. L. Cruz Vilaça, président, D. P. M. Barrington, A. Saggio, A. Kalogeropoulos et Mme V. Tiili, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 25 avril 1995,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1 La requérante dans la présente affaire, la Société internationale de diffusion et d'édition (ci-après "SIDE"), est une société commissionnaire établie en France. Ses activités consistent notamment dans l'exportation de livres français vers d'autres États membres de l'Union européenne et vers des pays tiers. Selon la requérante, l'exportation du livre en langue française représente environ 50 % de son chiffre d'affaires et 96,75 % de ses exportations de livres ont pour destination les zones non francophones.

2 Le CELF (Coopérative d'exportation du livre français, agissant sous le nom commercial de "Centre d'exportation du livre français") est une société anonyme coopérative dont l'objet, d'après la dernière version de ses statuts, est de "traiter directement des commandes vers l'étranger et les territoires et départements d'outre-mer, de livres, brochures et tous supports de communication et plus généralement d'exécuter toutes opérations visant notamment à développer la promotion de la culture française à travers le monde au moyen des supports susdésignés". Selon les autorités françaises, le CELF a été créé en 1980 à l'initiative du ministère de la Culture et du Syndicat national de l'édition "afin de remplir une mission visant à la fois à répondre à la demande du petit consommateur où qu'il se trouve et, ce faisant, à encourager la diffusion de la langue française". Les 85 coopérateurs du CELF sont pour la plupart des éditeurs établis en France, bien que la coopérative soit ouverte à la participation de tout opérateur lié à l'édition ou à la diffusion du livre francophone, indépendamment de son lieu d'établissement.

3 Le CELF, tout comme la SIDE, a une activité commerciale de diffusion du livre dirigée principalement vers les pays et les zones non francophones, étant donné que dans les zones francophones, en particulier de la Belgique, du Canada et de la Suisse, cette activité est assurée par les réseaux de distribution établis par les éditeurs.

4 Par le présent recours, la SIDE demande au Tribunal d'annuler la décision de la Commission qui a déclaré compatibles avec le marché commun, en leur appliquant la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE, certaines aides que le ministère de la Culture français octroie à l'exportation du livre français; ces aides profitent exclusivement au CELF ou sont distribuées par celui-ci.

Objectifs et caractéristiques des subventions litigieuses

5 Les subventions qui font l'objet de la décision attaquée sont, d'une part, l'aide octroyée exclusivement au CELF pour soutenir une activité de service public consistant dans le traitement des petites commandes placées par des libraires étrangers et, d'autre part, trois régimes d'aides gérés par le CELF pour le compte de l'État, à savoir, les aides au fret aérien ou au sac postal aérien à destination des départements et territoires d'outre-mer ou de pays étrangers éloignés (4,2 millions de FF par an, dont 2 millions de FF pour les départements d'outre-mer), le programme "Page à page" qui permet d'offrir aux lecteurs d'Europe centrale et orientale des ouvrages en langue française à moitié prix (5,2 millions de FF sur trois ans, de 1990 à 1993) et le programme "Plus", destiné à fournir à moitié prix des manuels universitaires de premier cycle aux étudiants des universités d'Afrique subsaharienne (4 millions de FF par an).

6 En ce qui concerne ces trois derniers régimes d'aides, seul le programme "Plus", mené en liaison avec le ministère de la Coopération, continue à être géré par le CELF. Le programme "Page à page" s'est déroulé uniquement sur trois ans, de 1990 à 1993. L'aide à l'utilisation du transport aérien pour les expéditions de livres a été gérée par le CELF jusqu'en 1993 et sa gestion est à présent confiée à une autre entité.

7 La subvention d'exploitation accordée au CELF vise à compenser le surcoût de traitement des petites commandes émanant des libraires établis à l'étranger. Elle permet au CELF de répondre à une demande dont la satisfaction, compte tenu de l'augmentation des frais de transport et de la valeur totale de la commande en question, n'est pas considérée comme rentable par les éditeurs ou leurs distributeurs affiliés. De ce fait, l'octroi de cette subvention contribue à la diffusion de la langue française et au rayonnement de la littérature francophone.

8 Selon les explications fournies par le gouvernement français devant le Tribunal, d'autres solutions possibles pour réaliser les objectifs poursuivis par le biais de la subvention accordée au CELF, comme l'octroi direct d'une aide aux nombreuses librairies concernées ou aux éditeurs et distributeurs qui s'engageraient à honorer ces petites commandes, ont été jugées trop onéreuses et susceptibles de poser des problèmes de contrôle. La solution retenue a été celle qui, d'après les autorités françaises, se présentait à la fois comme la plus rationnelle sur le plan économique, la plus sûre sur le plan de l'utilisation des fonds publics et la moins perturbatrice pour les circuits de distribution. Elle consiste à gérer le régime au niveau des commissionnaires à l'exportation en compensant le surcoût lié au traitement des petites commandes de libraires par une subvention spécifique du ministère de la Culture.

9 Parmi les différents opérateurs intervenant dans la diffusion du livre, les commissionnaires, qui ne s'adressent qu'aux détaillants ou aux collectivités, mais non à l'utilisateur final, permettent de satisfaire les commandes que les éditeurs ou leurs distributeurs ne trouvent pas intéressant d'honorer directement. Le commissionnaire rassemble les commandes, individuellement peu importantes, venant de différents clients et s'adresse à l'éditeur ou au distributeur, lequel n'a ainsi à fournir qu'un seul point de livraison. Pour ses clients libraires ou institutionnels, dont les commandes portent sur les ouvrages de différents éditeurs, le commissionnaire forme les paquets respectifs et évite ainsi à ses clients de passer de multiples commandes adressées à de nombreux opérateurs. En raison des frais fixes liés au traitement de chaque commande, l'intervention du commissionnaire permet de réaliser des gains au niveau du distributeur et au niveau du client, ce qui la rend donc économiquement intéressante.

10 Toujours selon le gouvernement français, le mécanisme de soutien fonctionne de la manière suivante. Les libraires qui ont besoin, en petites quantités, d'ouvrages publiés par différents éditeurs passent leurs commandes au CELF, qui joue alors le rôle d'un commissionnaire à l'exportation. La subvention vise spécifiquement à permettre d'honorer les commandes d'un montant inférieur à 500 FF, hors frais de transport, qui sont censées se trouver en-dessous du seuil de rentabilité. Ces opérations ont représenté 27 % des commandes en 1992, soit plus de 9 000, bien qu'elles ne produisent que 3 % du chiffre d'affaires total du CELF. Un quart du montant de la subvention octroyée l'année précédente est versé en début d'année, le solde étant accordé à l'automne, après examen par les pouvoirs publics des prévisions d'activité du CELF et des flux de la première partie de l'exercice. Dans les trois mois suivant la fin de l'exercice, un compte d'emploi de la subvention avec un relevé des pièces justificatives doit être fourni au ministère de la Culture et de la Francophonie.

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