Jurisprudence : CJCE, 10-02-2000, aff. C-50/96, Deutsche Telekom AG c/ Lilli Schröder

CJCE, 10-02-2000, aff. C-50/96, Deutsche Telekom AG c/ Lilli Schröder

A1945AWX

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CJCE, 10-02-2000, aff. C-50/96, Deutsche Telekom AG c/ Lilli Schröder. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008299-cjce-10022000-aff-c5096-deutsche-telekom-ag-c-lilli-schroder
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Cour de justice des Communautés européennes

10 février 2000

Affaire n°C-50/96

Deutsche Telekom AG
c/
Lilli Schröder



61996J0050

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 10 février 2000.

Deutsche Telekom AG contre Lilli Schröder.

Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht Hamburg - Allemagne.

Egalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) - Protocole sur l'article 119 du traité CE - Régimes professionnels de sécurité sociale - Exclusion de travailleurs à temps partiel de l'affiliation à un régime professionnel permettant de bénéficier d'une pension de retraite complémentaire - Affiliation rétroactive - Droit de bénéficier d'une pension - Rapports entre droit national et droit communautaire.

Affaire C-50/96.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-0743

1 Procédure - Conclusions de l'avocat général - Modalités de présentation

2 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Exclusion des travailleurs à temps partiel d'un régime professionnel de pensions - Mesure frappant un pourcentage considérablement plus élevé de femmes que d'hommes - Inadmissibilité en l'absence de justifications objectives - Possibilité d'invoquer l'effet direct de l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) - Limitation dans le temps - Prise en compte des seules périodes de services postérieures à l'arrêt du 8 avril 1976, 43/75 - Limitation résultant de l'arrêt du 17 mai 1990, C-262/88 - Inapplicabilité

(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE); protocole n° 2 sur l'article 119)

3 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) - Limitation dans le temps des effets résultant de l'arrêt du 8 avril 1976, 43/75 - Absence d'opposition à des dispositions nationales prévoyant un droit d'être affilié rétroactivement à un régime professionnel de pensions

(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE))

4 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Principe de non-discrimination et article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) - Absence d'opposition à des dispositions nationales prévoyant le droit à l'affiliation rétroactive à un régime professionnel de pensions, nonobstant le risque de distorsions de concurrence - Primauté de la finalité sociale de l'article 119 du traité

(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE))

1 La présentation du dispositif des conclusions de l'avocat général lors d'une audience devant une chambre autre que celle statuant dans l'affaire concernée ne comporte aucune violation des règles applicables devant la Cour ni des droits reconnus aux parties dans la procédure au principal. En effet, les juges de la chambre concernée peuvent prendre connaissance des conclusions de l'avocat général à travers leur dépôt au greffe de la Cour et la publicité de ces conclusions est assurée, notamment, par la lecture de leur dispositif en audience publique et par ledit dépôt au greffe. (voir points 20-21)

2 L'exclusion des travailleurs à temps partiel d'un régime professionnel de pensions constitue une discrimination interdite par l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) lorsque cette mesure frappe, en pourcentage, un nombre considérablement plus élevé de travailleurs féminins que de travailleurs masculins et qu'elle n'est pas justifiée par des raisons objectives et étrangères à toute discrimination fondée sur le sexe.

Dans un tel cas, la possibilité d'invoquer l'effet direct de l'article 119 du traité est limitée dans le temps en ce sens que les périodes de service de ces travailleurs ne doivent être prises en compte qu'à partir du 8 avril 1976, date de l'arrêt Defrenne II, 43/75, aux fins de leur affiliation rétroactive à un tel régime et du calcul des prestations auxquelles ils ont droit, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente.

À cet égard, la limitation dans le temps des effets de l'article 119 du traité résultant tant de l'arrêt du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, que du protocole n° 2 sur l'article 119 ne concerne que les types de discriminations que, en raison des exceptions transitoires prévues par le droit communautaire susceptible d'être appliqué en matière de pensions professionnelles, les employeurs et les régimes de pensions ont pu raisonnablement considérer comme tolérées. Or, en ce qui concerne le droit à l'affiliation aux régimes professionnels de pensions, aucun élément ne permettrait d'estimer que les milieux professionnels concernés ont pu se méprendre quant à l'applicabilité de l'article 119, étant donné que, depuis l'arrêt du 13 mai 1986, Bilka, 170/84, il est évident qu'une discrimination fondée sur le sexe dans la reconnaissance dudit droit enfreint cette disposition.

Puisque ce dernier arrêt n'a prévu aucune limitation dans le temps, la seule limitation en la matière est celle résultant de l'arrêt Defrenne II. (voir points 29, 35-38, 40-41, disp. 1-2)

3 La limitation dans le temps de la possibilité d'invoquer l'effet direct de l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), résultant de l'arrêt du 8 avril 1976, Defrenne II, 43/75, ne fait pas obstacle à des dispositions nationales énonçant un principe d'égalité en vertu duquel les travailleurs à temps partiel ont le droit d'être affiliés rétroactivement à un régime professionnel de pensions et de percevoir une pension au titre de ce régime.

À cet égard, ladite limitation ne visait nullement à exclure la possibilité, pour les travailleurs concernés, de se fonder sur des dispositions nationales énonçant un principe d'égalité. En effet, des dispositions nationales aboutissant à assurer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins contribuent à mettre en oeuvre l'article 119 du traité. En pareille hypothèse, le principe de sécurité juridique, qui peut amener la Cour, à titre exceptionnel, à limiter la possibilité d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée, ne trouve pas à s'appliquer et ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales assurant un résultat conforme au droit communautaire. (voir points 46-48, 50, disp. 3)

4 Le droit communautaire, et notamment le principe de non-discrimination en raison de la nationalité et l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), ne s'oppose pas à des dispositions d'un État membre énonçant un principe d'égalité en vertu duquel les travailleurs à temps partiel ont le droit d'être affiliés rétroactivement à un régime professionnel de pensions et de percevoir une pension au titre de ce régime, nonobstant le risque de distorsions de concurrence entre opérateurs économiques des différents États membres au détriment des employeurs établis dans le premier État membre.

D'une part, en effet, on ne saurait considérer comme contraire au principe de non-discrimination l'application d'une législation nationale en raison de la seule circonstance que d'autres États membres appliqueraient des dispositions moins rigoureuses.

D'autre part, la finalité économique poursuivie par l'article 119 du traité et consistant en l'élimination des distorsions de concurrence entre les entreprises établies dans différents États membres revêt un caractère secondaire par rapport à l'objectif social visé par la même disposition, lequel constitue l'expression du droit fondamental de la personne humaine de ne pas être discriminée en raison de son sexe. (voir points 52, 56-57, 59, disp. 4)

Dans l'affaire C-50/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Landesarbeitsgericht Hamburg (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Deutsche Telekom AG, anciennement Deutsche Bundespost Telekom,

Lilli Schröder,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ainsi que du protocole sur l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne, annexé au traité CE,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. R. Schintgen (rapporteur), président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, G. Hirsch et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Deutsche Telekom AG, par Me G. Engelbrecht, avocat à Hambourg,

- pour Mme Schröder, par Me R. Mendel, avocat à Hambourg,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. N. Paines, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. P. Hillenkamp et Mme M. Wolfcarius, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Me K. Bertelsmann, avocat à Hambourg,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Deutsche Telekom AG, de Mme Schröder, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 1er juillet 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 8 octobre 1998,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 25 octobre 1995, parvenue à la Cour le 21 février 1996, le Landesarbeitsgericht Hamburg a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), six questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ainsi que du protocole sur l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne (ci-après le "protocole"), annexé au traité CE.

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant Mme Schröder à Deutsche Bundespost Telekom, devenue Deutsche Telekom AG (ci-après "Deutsche Telekom"), au sujet des conditions d'affiliation à un régime professionnel de retraite complémentaire et d'octroi d'une pension à ce titre.

Le cadre juridique national

3 L'article 3, paragraphes 1 à 3, du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne, ci-après le "GG") dispose:

"1. Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.

2. Hommes et femmes sont égaux en droits. L'État encourage la réalisation dans les faits de l'égalité de droits entre hommes et femmes et agit en vue de la suppression des désavantages existants.

3. Nul ne doit être lésé ou privilégié en raison de son sexe, de son ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa croyance, de ses opinions religieuses ou politiques. Nul ne doit être désavantagé en raison de son handicap."

4 L'article 1er du Gesetz über die Gleichbehandlung von Männern und Frauen am Arbeitsplatz (loi de 1980 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes sur le lieu de travail) a introduit dans l'article 612 du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand) un nouveau paragraphe 3 ainsi libellé:

"Dans un rapport de travail, il ne doit pas être convenu, pour un même travail ou un travail de même valeur, en raison du sexe du salarié, une rémunération moins élevée que pour un salarié de l'autre sexe. La convention d'une rémunération moins élevée ne peut pas être justifiée par le fait qu'en raison du sexe du salarié des règles spéciales de protection sont applicables..."

5 En 1985 a été édicté le Gesetz über arbeitsrechtliche Vorschriften zur Beschäftigungsförderung (loi portant dispositions de droit du travail visant à encourager l'emploi, ci-après le "BeschFG"), dont les articles 2 à 6 régissent le travail à temps partiel. L'article 2, paragraphe 1, interdit à un employeur de traiter un travailleur à temps partiel de façon différente des salariés à temps complet, à moins que des raisons objectives ne justifient une différence de traitement. L'article 6 prévoit toutefois qu'il peut être dérogé aux dispositions de la présente section, même en défaveur du salarié, par une convention collective.

6 En vertu de l'article 24 du Tarifvertrag für Arbeiter der Deutschen Bundespost (convention collective pour les ouvriers de la Deutsche Bundespost), les ouvriers doivent être affiliés à la Versorgungsanstalt der Deutschen Bundespost (institution de retraite de la Deutsche Bundespost, ci-après la "VAP") dans les conditions prévues dans la version en vigueur du Tarifvertrag über die Versorgung der Arbeitnehmer der Deutschen Bundespost (convention collective sur les pensions des salariés de la Deutsche Bundespost, ci-après la "convention sur les pensions").

7 Jusqu'au 31 décembre 1987, l'article 3 de la convention sur les pensions disposait:

"Le salarié doit être affilié à la VAP conformément au statut et à ses dispositions complémentaires si... la durée moyenne hebdomadaire du travail fixée à son contrat est au moins égale à la moitié de la durée hebdomadaire normale de travail d'un même salarié employé à temps complet..."

8 Cet article a été modifié comme suit, avec effet au 1er janvier 1988:

"Le salarié doit être affilié à la VAP conformément au statut et à ses dispositions complémentaires si... la durée moyenne hebdomadaire du travail fixée à son contrat est de 18 heures au moins".

9 Par convention collective du 22 septembre 1992, l'article 3 de la convention sur les pensions a été de nouveau modifié, avec effet rétroactif au 1er avril 1991, et est libellé comme suit:

"Le salarié doit être affilié à la VAP conformément au statut et à ses dispositions complémentaires si... il est employé à une activité qui n'est pas simplement négligeable au sens de l'article 8, paragraphe 1, du livre IV du Sozialgesetzbuch [code de la sécurité sociale]".

Le litige au principal

10 Mme Schröder a été employée à temps partiel par Deutsche Telekom, d'abord par contrats à durée déterminée du 9 août 1974 au 19 mai 1975, puis en vertu d'un contrat à durée indéterminée du 20 mai 1975 au 31 mars 1994, date à laquelle elle a pris sa retraite. Depuis le 1er avril 1994, elle perçoit une pension de vieillesse au titre du régime légal.

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