Jurisprudence : CJCE, 09-03-2000, aff. C-437/97, Evangelischer Krankenhausverein Wien c/ Abgabenberufungskommission Wien et Wein & Co. HandelsgesmbH contre Oberösterreichische Landesregierung

CJCE, 09-03-2000, aff. C-437/97, Evangelischer Krankenhausverein Wien c/ Abgabenberufungskommission Wien et Wein & Co. HandelsgesmbH contre Oberösterreichische Landesregierung

A1940AWR

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Cour de justice des Communautés européennes

9 mars 2000

Affaire n°C-437/97

Evangelischer Krankenhausverein Wien
c/
Abgabenberufungskommission Wien et Wein & Co. HandelsgesmbH contre Oberösterreichische Landesregierung



61997J0437

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 9 mars 2000.

Evangelischer Krankenhausverein Wien contre Abgabenberufungskommission Wien et Wein & Co. HandelsgesmbH contre Oberösterreichische Landesregierung.

Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche.

Imposition indirecte - Taxe communale sur les boissons - Sixième directive TVA - Directive 92/12/CEE.

Affaire C-437/97.

Recueil de Jurisprudence

Edition française 2000 page I-1157

1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Interdiction de percevoir d'autres impôts nationaux ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires - Objectif - Notion de "taxes sur le chiffre d'affaires" - Portée - Taxe sur la livraison de glaces et de boissons - Exclusion

(Directive du Conseil 77/388, art. 33)

2 Droit communautaire - Interprétation - Effet utile

3 Droit communautaire - Interprétation - Textes plurilingues - Divergences entre les différentes versions linguistiques

4 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Droits d'accise - Directive 92/12 - Alcools et boissons alcoolisées - Impositions indirectes autres que l'accise - Conditions - Taxe sur la livraison de boissons alcoolisées poursuivant un but autre que purement budgétaire et ne respectant l'économie générale ni des règles relatives aux accises ni de celles applicables pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 92/12, art. 3, § 2)

5 Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limites - Sécurité juridique - Pouvoir d'appréciation de la Cour

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

1 Si l'article 33 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires fait obstacle au maintien ou à l'introduction de droits d'enregistement ou d'autres types d'impôts, droits et taxes, qui présentent les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée, il ne s'oppose pas au maintien ou à l'introduction d'une taxe n'ayant pas ces caractéristiques. Dès lors, la disposition précitée ne s'oppose pas au maintien d'une taxe prévue par la législation d'un État membre qui frappe la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec les produits. En effet, cette taxe qui ne s'applique qu'à une catégorie limitée de biens, ne constitue pas un impôt général puisqu'elle n'a pas pour objet d'appréhender l'ensemble des opérations économiques dans l'État membre concerné.

(voir points 23-25, disp. 1)

2 Lorsqu'une disposition de droit communautaire est susceptible de plusieurs interprétations, il faut donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile.

(voir point 41)

3 En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.

(voir point 42)

4 L'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, selon lequel les produits mentionnés au paragraphe 1 du même article peuvent faire l'objet d'impositions indirectes autres que l'accise si, d'une part, elles poursuivent une ou plusieurs finalités spécifiques au sens de cette disposition et si, d'autre part, elles respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt, s'oppose au maintien d'une taxe, prévue par la législation d'un État membre, qui frappe la livraison à titre onéreux de boissons alcoolisées et qui, d'une part, ne poursuit pas un but autre que purement budgétaire et, d'autre part, ne respecte l'économie générale ni des règles relatives aux accises sur les boissons alcoolisées, son montant étant déterminé par rapport à la valeur du produit, et non sur la base du poids du produit, de la quantité du produit ou de l'alcool qu'il contient, ni des règles applicables pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de calcul et d'exigibilité.

(voir points 30-31, 47-50, disp. 2)

5 Dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 177 du traité (devenu article 234 CE), ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Cette limitation ne peut être admise que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée. Pour décider s'il y a lieu ou non de limiter la portée d'un arrêt dans le temps, il faut prendre en considération le fait que, si les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu'à infléchir l'objectivité du droit et compromettre son application future en raison des répercussions qu'une décision de justice peut entraîner pour le passé.

Étant donné que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, n'avait fait l'objet d'aucun arrêt préjudiciel en interprétation et que le comportement de la Commission a pu amener l'État membre en cause à estimer raisonnablement que la réglementation nationale relative à la taxe sur les boissons alcoolisées était conforme au droit communautaire, des raisons impérieuses de sécurité juridique s'opposent à une remise en cause de rapports juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le système de financement dans l'État membre concerné.

C'est pourquoi il y a lieu pour la Cour de décider que les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes relatives à ladite taxe, qui a été payée ou est devenue exigible avant la date de l'arrêt constatant son incompatibilité avec le droit communautaire, sauf par les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.

(voir points 57-60, disp. 3)

Dans l'affaire C-437/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Evangelischer Krankenhausverein Wien

Abgabenberufungskommission Wien

et entre

Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH

Oberösterreichische Landesregierung,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), de l'article 3 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), et de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et M. Wathelet (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour l'Evangelischer Krankenhausverein Wien, par Me B. Kramer, avocat à Vienne,

- pour l'Abgabenberufungskommission Wien, par MM. K. Pauer, Magistratrat auprès de l'Abgabenberufungskommission Magistratsdirektion - Verfassungs- und Rechtsmittelbüro, J. Ponzer, Bereichsdirektor de la même commission,

- pour Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH, par Me T. Jordis, avocat à Vienne,

- pour le gouvernement autrichien, par M. W. Okresek, Sektionschef à la Chancellerie, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. V. Kreuschitz, conseiller juridique, et E. Traversa, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de l'Evangelischer Krankenhausverein Wien, représenté par Me B. Kramer, de l'Abgabenberufungskommission Wien, représentée par M. K. Kamhuber, Senatsrat auprès de l'Abgabenberufungskommission Magistratsdirektion - Verfassungs- und Rechtsmittelbüro, de Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH, représentée par Me T. Jordis, du gouvernement autrichien, représenté par M. W. Okresek et Mme E. Zach, Ministerialrätin au ministère des Finances, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par MM. V. Kreuschitz et E. Traversa, à l'audience du 6 mai 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 1er juillet 1999,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 18 décembre 1997, parvenue à la Cour le 24 décembre suivant, le Verwaltungsgerichtshof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive"), de l'article 3 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1, ci-après la "directive sur les accises"), et de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part, l'Evangelischer Krankenhausverein Wien (ci-après l'"EKW") à l'Abgabenberufungskommission Wien (autorité viennoise compétente pour statuer en dernière instance dans les affaires en matière de recouvrement des taxes) et, d'autre part, Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH (ci-après "Wein & Co"), à l'Oberösterreichische Landesregierung (gouvernement du Land de Haute-Autriche), à propos de l'obligation pour EKW et Wein & Co de payer la taxe sur les boissons et les glaces ("Getränkesteuer", ci-après la "taxe sur les boissons").

Le cadre juridique national

3 Conformément à l'article 3 du Finanz-Verfassungsgesetz de 1948 (loi constitutionnelle en matière financière, BGBl. n° 45/1948, modifiée par la loi constitutionnelle fédérale, BGBl. n° 201/1996), la répartition du pouvoir fiscal et du produit des taxes est régie par la législation fédérale.

4 La loi fédérale applicable au moment du prélèvement de la taxe sur les boissons dans les affaires au principal était le Finanzausgleichsgesetz de 1993 (loi de péréquation financière, ci-après le "FAG", BGBl. n° 30/1993, dans la version de la loi fédérale publiée au BGBl. n° 853/1995). Selon l'article 14, paragraphes 1, point 8, et 2, du FAG, constituent des taxes exclusivement communales:

"des taxes perçues sur la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec ces produits, pour autant que la livraison ne s'effectue pas aux fins de la revente dans le cadre d'une activité permanente. Sont exclues de l'imposition les livraisons de 'vin' au sens de l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'Umsatzsteuergesetz ([loi de 1994 relative à la taxe sur le chiffre d'affaires], BGBl. n° 663), si le pouvoir de disposer du bien en question est donné sur le lieu même de la production et si aucun transport et aucune expédition n'ont lieu, ainsi que les livraisons de lait".

5 Il convient de préciser que les livraisons de vin au sens de l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'Umsatzsteuergesetz de 1994 (ci-après l'"UStG") correspondent à la vente de vin de raisins frais produit à l'intérieur du pays dans une exploitation agricole, pour laquelle l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'UStG prévoit l'application d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") de 12 %, qui est réduit par rapport à celui frappant les ventes ordinaires, qui s'élève à 20 %. En application de l'article 14, paragraphe 1, point 8, du FAG, la vente directe de ce vin est exonérée de la taxe sur les boissons.

6 En vertu de l'article 15, paragraphe 3, point 2, du FAG, les communes peuvent, par décision du conseil communal et sans préjudice d'une autorisation plus large octroyée par le législateur du Land, prélever les taxes visées à l'article 14, paragraphe 1, point 8, du FAG au taux de 10 % du prix de vente dans le cas des glaces et des boissons alcoolisées et de 5 % dans celui des boissons non alcoolisées. Au sens de cette disposition, les boissons non alcoolisées sont les boissons dont le degré d'alcool est égal ou inférieur à 0,5_.

7 L'article 15, paragraphe 4, du FAG prévoit que le prix de vente doit se calculer conformément à ce que prescrit l'UStG et qu'il ne comprend pas la taxe sur le chiffre d'affaires et le pourboire.

8 Les taxes communales qui sont à l'origine des litiges au principal sont prévues, s'agissant de l'EKW, par le Wiener Getränkesteuergesetz (loi viennoise de 1992 concernant la taxe sur les boissons, ci-après le "Wiener GStG", LGBl. de Vienne n° 3/1992) et la Wiener Getränkesteuerverordnung 1992 (règlement viennois de 1992 relatif à la taxe sur les boissons, ci-après la "Wiener GStV", Amtsblatt 6/1992, dans la version modifiée de l'Amtsblatt 44/1992 et de l'Amtsblatt 50/1994) et, s'agissant de Wein & Co., par l'Oberösterreichisches Gemeinde-Getränkesteuergesetz (loi de la Haute-Autriche relative à la taxe communale sur les boissons, ci-après l'"Oö GStG", LGBl. du Land de Haute-Autriche n° 15/1950, dans la version de la loi du Land publiée au LGBl. n° 28/1992). Bien que les taxes communales soient régies par des dispositions régionales distinctes, elles présentent des caractéristiques très largement similaires, en sorte qu'elles seront désignées ensemble sous le terme de "taxe sur les boissons".

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