Jurisprudence : CJCE, 14-12-2000, aff. C-110/99, Emsland-Stärke GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Jonas

CJCE, 14-12-2000, aff. C-110/99, Emsland-Stärke GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Jonas

A1844AW9

Référence

CJCE, 14-12-2000, aff. C-110/99, Emsland-Stärke GmbH c/ Hauptzollamt Hamburg-Jonas. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008200-cjce-14122000-aff-c11099-emslandstarke-gmbh-c-hauptzollamt-hamburgjonas
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Cour de justice des Communautés européennes

14 décembre 2000

Affaire n°C-110/99

Emsland-Stärke GmbH
c/
Hauptzollamt Hamburg-Jonas



61999J0110

Arrêt de la Cour
du 14 décembre 2000.

Emsland-Stärke GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas.

Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne.

Agriculture - Restitutions à l'exportation - Produits immédiatement réimportés dans la Communauté - Abus de droit.

Affaire C-110/99.

Recueil de jurisprudence 2000 page 0000

Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l'exportation - Restitution non différenciée - Produits immédiatemment réimportés dans la Communauté après l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation dans un pays tiers - Perte du droit à la restitution - Condition - Présence des éléments constitutifs d'une pratique abusive - Vérification incombant à la juridiction nationale

(Règlements de la Commission n° 2730/79, art. 9, § 1, 10, § 1, et 20, § 2 à 6, et n° 568/85)

$$Les articles 9, paragraphe 1, 10, paragraphe 1, et 20, paragraphes 2 à 6, du règlement n° 2730/79, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, dans sa version résultant du règlement n° 568/85, doivent être interprétés en ce sens qu'un exportateur communautaire peut être déchu de son droit au paiement d'une restitution à l'exportation non différenciée lorsque le produit vendu à un acheteur établi dans un pays tiers, pour lequel la restitution à l'exportation a été payée, a été, immédiatement après sa mise à la consommation dans le pays tiers concerné, réintroduit dans la Communauté dans le cadre du régime du transit communautaire externe pour y être, sans qu'un manquement aux dispositions réglementaires ait été constaté, mis à la consommation moyennant perception des droits et taxes à l'importation, et que cette opération est constitutive d'une pratique abusive dans le chef de cet exportateur communautaire.

La constatation qu'il s'agit d'une pratique abusive suppose l'existence d'une volonté, dans le chef de cet exportateur communautaire, de bénéficier d'un avantage résultant de l'application de la réglementation communautaire en créant artificiellement les conditions pour son obtention. La preuve doit en être rapportée devant la juridiction nationale conformément aux règles du droit national, par exemple en établissant une collusion entre cet exportateur et l'importateur de la marchandise dans le pays tiers.

Le fait que, avant d'être réimporté dans la Communauté, le produit a été vendu, par l'acheteur établi dans le pays tiers concerné, à une entreprise également établie dans ce pays avec laquelle il a des liens de nature personnelle et économique est l'un des éléments de fait pouvant être pris en considération par la juridiction nationale pour vérifier si les conditions de l'existence d'une obligation de remboursement des restitutions sont remplies.

(voir point 59 et disp.)

Dans l'affaire C-110/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Bundesfinanzhof (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Emsland-Stärke GmbH

Hauptzollamt Hamburg-Jonas,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 10, paragraphe 1, et 20, paragraphes 2 à 6, du règlement (CEE) n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 317, p. 1), dans sa version résultant du règlement (CEE) n° 568/85 de la Commission, du 4 mars 1985 (JO L 65, p. 5),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, A. La Pergola, M. Wathelet et V. Skouris, présidents de chambre, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, P. Jann, L. Sevón (rapporteur), R. Schintgen et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Emsland-Stärke GmbH, par Me B. Festge, avocat à Hambourg,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. K.-D. Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Emsland-Stärke GmbH et de la Commission à l'audience du 14 mars 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 mai 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 2 février 1999, parvenue à la Cour le 31 mars suivant, le Bundesfinanzhof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 10, paragraphe 1, et 20, paragraphes 2 à 6, du règlement (CEE) n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 317, p. 1), dans sa version résultant du règlement (CEE) n° 568/85 de la Commission, du 4 mars 1985 (JO L 65, p. 5, ci-après le "règlement n° 2730/79").

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant la société Emsland-Stärke GmbH (ci-après "Emsland-Stärke") au Hauptzollamt Hamburg-Jonas (ci-après le "HZA") au sujet du droit d'Emsland-Stärke à des restitutions à l'exportation non différenciées pour l'exportation de produits à base de fécule de pomme de terre et d'amidon de blé vers la Suisse au cours des mois d'avril à juin 1987.

Le cadre juridique

3 À l'époque des faits au principal, les conditions requises pour l'octroi des restitutions à l'exportation étaient régies, pour l'ensemble des produits agricoles, par le règlement n° 2730/79.

4 L'article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement dispose:

"Sans préjudice des dispositions des articles 10, 20 et 26, le paiement de la restitution est subordonné à la production de la preuve que le produit pour lequel ont été accomplies les formalités douanières d'exportation a, au plus tard dans un délai de 60 jours à compter du jour d'accomplissement de ces formalités:

- atteint, en l'état, sa destination dans les cas visés à l'article 5,

- quitté, en l'état, le territoire géographique de la Communauté dans les autres cas."

5 Selon l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2730/79:

"Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire géographique de la Communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s'il a péri en cours de transport par suite d'un cas de force majeure, importé dans un pays tiers et, le cas échéant, dans un pays tiers déterminé dans les délais visés à l'article 31:

a) lorsque des doutes sérieux existent quant à la destination réelle du produit,

b) lorsque le produit est susceptible d'être réintroduit dans la Communauté par suite de la différence entre le montant de la restitution applicable au produit exporté et le montant des droits à l'importation applicables à un produit identique le jour d'accomplissement des formalités douanières d'exportation.

Les dispositions de l'article 20 paragraphes 2 à 6 sont applicables dans les cas visés à l'alinéa précédent.

En outre, les services compétents des États membres peuvent exiger des modes de preuve supplémentaires de nature à démontrer à la satisfaction des autorités compétentes que le produit a été effectivement mis en l'état sur le marché du pays tiers d'importation."

6 L'article 20, paragraphes 2 à 6, du règlement n° 2730/79 dispose:

"2. Le produit est considéré comme importé lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies.

3. La preuve de l'accomplissement de ces formalités est apportée:

a) par la production du document douanier ou de sa copie ou photocopie certifiées conformes, soit par l'organisme qui a visé le document original, soit par les services officiels, du pays tiers concerné, soit par les services officiels d'un des États membres,

b) par la production du 'certificat de dédouanement' établi sur un formulaire conforme au modèle figurant à l'annexe II, qui doit être rempli dans une ou plusieurs langues officielles de la Communauté et une langue en usage dans le pays tiers concerné,

c) par la production de tout autre document visé par les services douaniers du pays tiers concerné, comportant l'identification des produits et démontrant que ceux-ci ont été mis à la consommation dans ce pays tiers.

4. Toutefois, si aucun des documents visés au paragraphe 3 ne peut être produit par suite de circonstances indépendantes de la volonté de l'exportateur ou s'ils sont considérés comme insuffisants, la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation peut être considérée comme apportée par la production de l'un ou plusieurs des documents suivants:

[...]

5. En outre, l'exportateur est tenu de présenter dans tous les cas d'application du présent article une copie ou photocopie du document de transport.

6. La Commission, selon la procédure prévue à l'article 38 du règlement n° 136/66/CEE et aux articles correspondants des autres règlements portant organisation commune des marchés, peut prévoir, dans certains cas spécifiques à déterminer, que la preuve de l'importation visée aux paragraphes 3 et 4 soit considérée comme apportée au moyen d'un document particulier ou de toute autre manière."

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, entre avril et juin 1987, Emsland-Stärke a exporté vers la Suisse, en plusieurs envois, une marchandise dénommée "Emes E", à base de fécule de pomme de terre. Les destinataires indiqués étaient soit Fuga AG (ci-après "Fuga"), soit Lukowa AG (ci-après "Lukowa"), sociétés établies à Lucerne (Suisse) à la même adresse, gérées et représentées par les mêmes personnes. Le destinataire des factures était dans tous les cas Lukowa. Sur demande de Emsland-Stärke et au vu, notamment, de certificats de dédouanement suisses et de documents de transport, le HZA a octroyé à cette dernière une restitution à l'exportation.

8 Des vérifications ultérieures menées par le service des enquêtes douanières allemand ont révélé que les envois à l'exportation d'"Emes E" avaient été, immédiatement après leur mise à la consommation en Suisse, réexpédiés en l'état et avec les mêmes moyens de transport vers l'Allemagne, dans le cadre d'une nouvelle procédure de transit communautaire externe ouverte par Lukowa, et avaient été mis à la consommation dans cet État membre, moyennant la perception des droits et taxes à l'importation correspondants.

9 Par décision du 16 mai 1991, le HZA a retiré, pour ces envois, ses décisions d'octroi de restitution à l'exportation et a réclamé le remboursement de la restitution octroyée, s'élevant au total à 66 722,89 DEM.

10 Par ailleurs, en mai et juin 1987, la demanderesse a exporté vers la Suisse, en plusieurs envois, une marchandise dénommée "Emsize W 2", à base d'amidon de blé. Les destinataires en étaient également Fuga ou Lukowa. Le HZA a, là encore, octroyé une restitution à l'exportation.

11 Des vérifications ultérieures menées par le service des enquêtes douanières allemand ont révélé que les envois à l'exportation en question avaient été, immédiatement après leur mise à la consommation en Suisse, acheminés en l'état et avec les mêmes moyens de transport en Italie, dans le cadre d'une nouvelle procédure de transit communautaire externe ouverte par Fuga, et avaient été mis à la consommation dans cet État membre moyennant la perception des droits et taxes à l'importation correspondants. L'entreprise chargée du transport a délivré à Fuga des factures pour un transport direct des marchandises du lieu d'origine en Allemagne au lieu de destination en Italie.

12 Par décision du 22 juin 1992, le HZA a retiré, pour ces envois, ses décisions d'octroi de restitution à l'exportation et a réclamé le remboursement de la restitution octroyée, s'élevant au total à 253 456,69 DEM.

13 Les réclamations formées à l'encontre de ces décisions n'ayant pas abouti, Emsland-Stärke a introduit un recours devant le Finanzgericht.

14 Emsland-Stärke a fait valoir devant cette juridiction que le remboursement de la restitution à l'exportation avait été réclamé à tort, au motif que la totalité des marchandises avait été mise à la consommation en Suisse. Elle a précisé que, pour trois envois, il était établi que les marchandises avaient été vendues en Suisse, avant leur réexportation, par Fuga à Lukowa. Elle a affirmé que les marchandises n'avaient pas été réintroduites dans la Communauté dans un but frauduleux et qu'elle ne savait pas ce que les acheteurs en Suisse feraient des marchandises.

15 Le Finanzgericht l'ayant déboutée, Emsland-Stärke a introduit un recours en "Revision" devant le Bundesfinanzhof et a invoqué devant cette juridiction la violation de l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2730/79.

16 Le Bundesfinanzhof relève que, dans les cas prévus à cette disposition, il est nécessaire d'apporter la preuve que le produit a été importé dans le pays tiers. L'article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2730/79 renvoie à cet égard aux règles de preuve qui figurent à l'article 20, paragraphes 2 à 6, du même règlement et qui sont également applicables dans le cas de restitution à des taux différenciés.

17 Le Bundesfinanzhof constate que, dans l'affaire au principal, la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation a été apportée par Emsland-Stärke par la production d'un certificat de dédouanement, document visé à l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79. Il ressort également des documents de transport produits par la demanderesse au principal, dont la présentation est prévue à l'article 20, paragraphe 5, que les produits ont été, dans chaque cas, physiquement acheminés dans le pays tiers concerné, en l'espèce la Suisse, pour en être cependant aussitôt réexpédiés.

18 La juridiction de renvoi indique que, pour le cas où ces documents ne devraient pas être reconnus comme preuve suffisante de l'importation du produit dans un cas comme celui en cause au principal, il y aurait lieu de décider quelles preuves supplémentaires peuvent être exigées. Si, par exemple, la preuve que la marchandise a atteint le marché du pays tiers pouvait être apportée en établissant qu'il y a eu revente de la marchandise dans ce pays, il y aurait lieu de préciser dans quelles conditions une telle revente doit être reconnue. Le Bundesfinanzhof relève que, dans l'affaire au principal, il est possible de se demander, pour les trois envois pour lesquels il y a eu revente dans le pays tiers, si les relations étroites de nature économique et personnelle entre les entreprises impliquées dans cette revente sont susceptibles d'exclure la reconnaissance d'une telle opération en tant que preuve de l'importation dans ce pays.

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