Jurisprudence : CJCE, 26-06-1990, aff. C-185/89, Staatssecretaris van Financiën c/ Velker International Oil Company Ltd NV

CJCE, 26-06-1990, aff. C-185/89, Staatssecretaris van Financiën c/ Velker International Oil Company Ltd NV

A9597AUY

Référence

CJCE, 26-06-1990, aff. C-185/89, Staatssecretaris van Financiën c/ Velker International Oil Company Ltd NV. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1006021-cjce-26061990-aff-c18589-staatssecretaris-van-financien-c-velker-international-oil-company-ltd-nv
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Cour de justice des Communautés européennes

26 juin 1990

Affaire n°C-185/89

Staatssecretaris van Financiën
c/
Velker International Oil Company Ltd NV



61989J0185

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 26 juin 1990.

Staatssecretaris van Financiën contre Velker International Oil Company Ltd NV.

Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas.

TVA - Sixième directive relative aux taxes sur le chiffre d'affaires - Exonération.

Affaire C-185/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-2561

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Exonération des livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux - Conditions

(Directive du Conseil 77/388, art. 15, § 4)

Les dispositions de l'article 15, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388, portant exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux, doivent être interprétées en ce sens que ne peuvent être considérées comme telles que les livraisons faites à l'exploitant de bateaux qui utilisera les biens pour l'avitaillement, et non les livraisons de ces biens faites à un stade antérieur de la commercialisation. Toutefois, il n'est pas nécessaire que l'embarquement des biens à bord des bateaux coïncide matériellement avec leur livraison à l'exploitant, de sorte que le stockage des biens, après leur livraison et avant l'opération matérielle d'avitaillement, ne fait pas perdre le bénéfice de l'exonération.

Dans l'affaire C-185/89,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, par le Hoge Raad der Nederlanden et visant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Staatssecretaris van Financiën

Velker International Oil Company Ltd NV, Rotterdam,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 15 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Sir Gordon Slynn, président, MM. M. Zuleeg, président de chambre, R. Joliet, J. C. Moitinho de Almeida et F. Grévisse, juges,

avocat général : M. C. O. Lenz

greffier : M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations présentées :

- pour le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, par M. E. Roeder, Regierungsdirektor au ministère fédéral des Affaires économiques, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du royaume des Pays-Bas, par M. B. R. Bot, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement de la République portugaise, par MM. L. Fernandes, directeur de la direction générale des Communautés, et A. Correia, sous-directeur général du service de l'administration de la TVA, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. A. Gensmantel, Treasury Solicitor, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J. F. Buehl, conseiller juridique, et B. J. Drijber, membre de son service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience

ayant entendu les observations orales de la partie défenderesse au principal, représentée par M. C. G. Verheij, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. J. W. De Zwaan, en qualité d'agent, du gouvernement allemand et de la Commission des Communautés européennes, à l'audience du 8 mars 1990,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 2 mai 1990,

rend le présent

Arrêt

1 Par arrêt du 24 mai 1989, parvenu à la Cour le 29 mai suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 15 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO L 145, p. 1).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre du litige qui oppose le secrétaire d'État aux Finances néerlandais à la société Velker International Oil Company Ltd NV de Rotterdam (ci-après "Velker "), à la suite d'un avis d'imposition complémentaire au titre de la taxe sur le chiffre d'affaires adressé à cette dernière.

3 Il ressort du dossier que Velker a vendu à Forsythe International BV de La Haye (ci-après "Forsythe ") deux lots de mazout de soute qui ont fait l'objet de factures datées respectivement du 14 novembre 1983 et du 16 novembre 1983.

4 Les lots de mazout avaient été acquis par Velker auprès de la société Handelsmaatschappij Verhoeven BV de Rotterdam (ci-après "Verhoeven ") qui avait elle-même acheté l'un de ces lots à la société Olie Verwerking Amsterdam BV (ci-après "OVA ").

5 Sur ordre de Forsythe, ces deux lots ont été livrés, respectivement par OVA le 5 novembre 1983 et par Verhoeven le 11 novembre 1983, dans des citernes louées par Forsythe auprès de la société De Nieuwe Matex, puis embarqués sur des navires de haute mer les 6, 7 et 8 novembre 1983, et les 17 et 18 novembre 1983.

6 La facture adressée par OVA à Verhoeven ne comportait aucune taxe sur le chiffre d'affaires. Les factures adressées par Verhoeven à Velker portaient la mention "TVA : tarif O ". A son tour, Velker a appliqué la TVA au taux zéro pour les deux ventes facturées à Forsythe.

7 L'administration fiscale néerlandaise a estimé que les livraisons de mazout faites par Velker à Forsythe ne pouvaient pas bénéficier d'une exonération de TVA et a émis à l'encontre de Velker un avis d'imposition complémentaire au titre de la taxe sur le chiffre d'affaires pour l'exercice 1983.

8 Saisi du litige, le gerechtshof de La Haye a annulé l'avis d'imposition, en considérant que le mazout livré par Velker était destiné à l'avitaillement de bateaux affectés à la navigation en haute mer et qu'une telle livraison devait être exonérée de TVA, en application des dispositions combinées de l'article 9, paragraphe 2, initio et sous b), de la Wet op de omzetbelasting (loi néerlandaise relative à la taxe sur le chiffre d'affaires) et de la position 4, sous a), première partie, du tableau II annexé à cette loi.

9 Cet arrêt du gerechtshof a fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad de la part du secrétaire d'État aux Finances néerlandais. Ce dernier a fait valoir que seule une livraison de biens coïncidant avec l'avitaillement de bateaux et suivie de l'exportation desdits biens pouvait être regardée comme une livraison de biens destinés à l'avitaillement de bateaux au sens des dispositions précitées de la législation néerlandaise.

10 Dans son arrêt de renvoi devant la Cour, le Hoge Raad explique qu'en adoptant cette législation le législateur néerlandais a entendu mettre en oeuvre les dispositions de l'article 15, initio, et paragraphe 4, de la sixième directive et que, par conséquent, l'expression "destinés à l'avitaillement" figurant dans la législation néerlandaise doit recevoir une signification identique à celle de cette même expression figurant dans la directive communautaire.

11 C'est pourquoi le Hoge Raad a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes :

"1) Les dispositions de l'article 15, initio, et paragraphe 4, de la sixième directive doivent-elles être interprétées en ce sens que seules des livraisons qui coïncident avec l'avitaillement doivent être considérées comme des livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux décrits dans ces dispositions?

2) Dans l'hypothèse où ladite disposition de la sixième directive n'aurait pas une signification aussi limitée que celle qui est indiquée dans la première question, faut-il alors considérer également comme des livraisons au sens de cette disposition :

uniquement les livraisons faites à l'entrepreneur qui utilisera ces biens comme avitaillement à une date ultérieure,

ou bien également les livraisons qui ont eu lieu au cours d'une étape commerciale antérieure, c'est-à-dire les livraisons faites à un entrepreneur qui n'utilise pas lui-même les biens comme avitaillement, mais qui les livre à un autre entrepreneur qui leur donnera alors cette affectation?"

12 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

13 Aux termes de l'article 15 de la sixième directive :

"Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels :

1) les livraisons de biens expédiés ou transportés, par le vendeur ou pour son compte, en dehors du territoire visé à l'article 3;

2)...

3)...

4) les livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux :

a) affectés à la navigation en haute mer et assurant un trafic rémunéré de voyageurs ou l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou de pêche;

..."

14 En vue d'interpréter les dispositions litigieuses de la sixième directive, il convient, tout d'abord, d'examiner la seconde question préjudicielle posée par la juridiction nationale.

15 Par cette question, le juge national demande si l'exonération prévue par ces dispositions s'applique seulement aux livraisons de biens faites à l'exploitant de bateaux qui va utiliser ces biens pour l'avitaillement ou si elle s'étend également aux livraisons faites à des stades antérieurs dans la chaîne de commercialisation, sous la réserve que les biens soient finalement utilisés pour l'avitaillement des bateaux.

16 L'expression "livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux" peut donner lieu à plusieurs interprétations littérales. Elle peut, en effet, désigner les livraisons dont le destinataire utilisera les biens pour l'avitaillement de ses bateaux ou les livraisons, à quelque stade qu'elles interviennent, de biens qui feront ultérieurement l'objet d'une telle utilisation.

17 Il y a donc lieu, pour interpréter cette expression, de recourir au contexte dans lequel elle s'inscrit, en tenant compte des finalités et de l'économie de la sixième directive.

18 Comme la Cour l'a relevé à de nombreuses reprises (par exemple, arrêt du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, Rec. p. 0000), la sixième directive assigne un champ d'application très large à la taxe sur la valeur ajoutée englobant toutes les activités économiques de producteur, de commerçant ou de prestataire de services.

19 Les dispositions de la directive portant exonération de taxe doivent être interprétées strictement puisqu'elles dérogent au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur toute livraison de biens ou toute prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti.

20 Cette interprétation stricte s'impose notamment lorsque sont en cause des dispositions dérogatoires à la règle de l'assujettissement à la taxe des opérations réalisées "à l'intérieur du pays ".

21 En ce qui concerne le paragraphe 4 de l'article 15, il y a lieu de relever que les opérations d'avitaillement de bateaux qui y sont mentionnées sont exonérées en raison du fait qu'elles sont assimilées à des opérations à l'exportation.

22 De même que, s'agissant des opérations à l'exportation, l'exonération de plein droit prévue par le paragraphe 1 de l'article 15 s'applique exclusivement aux livraisons finales de biens exportés par le vendeur ou pour son compte, de même l'exonération prévue par le paragraphe 4 de l'article 15 ne peut s'appliquer qu'aux livraisons de biens à l'exploitant de bateaux qui utilisera ces biens pour l'avitaillement et ne peut donc être étendue aux livraisons de ces biens faites à un stade antérieur de commercialisation.

23 Dans ses observations devant la Cour, le gouvernement allemand fait, toutefois, valoir qu'une telle interprétation des dispositions litigieuses serait contraire à leur finalité. Selon ce gouvernement, l'exonération en cause aurait pour objet de permettre une simplification administrative et non d'accorder un avantage fiscal. Compte tenu de l'objectif ainsi poursuivi, cette exonération devrait être étendue à tous les stades de commercialisation.

24 Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, l'extension de l'exonération aux stades antérieurs à la livraison finale des biens à l'exploitant de bateaux exigerait des États qu'ils mettent en place des mécanismes de contrôle et de surveillance en vue de s'assurer de la destination ultime des biens livrés en exonération de taxe. Loin d'entraîner une simplification administrative, ces mécanismes se traduiraient, pour les États et pour les opérateurs concernés, par des contraintes qui seraient inconciliables avec l'"application correcte et simple des exonérations" prescrite par la première phrase de l'article 15 de la sixième directive.

25 Compte tenu de la réponse qu'il y a lieu de donner à la seconde question préjudicielle, il reste à rechercher, comme le demande la juridiction nationale dans la première question préjudicielle, si, pour ouvrir droit à l'exonération, l'embarquement des biens à bord des bateaux doit coïncider matériellement avec les livraisons faites à l'exploitant de bateaux.

26 Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, la livraison d'un bien se définit comme le "transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire ".

27 Compte tenu de cette définition, il suffit de constater que ni le libellé des dispositions en cause de l'article 15, paragraphe 4, ni le contexte dans lequel elles s'inscrivent, ni l'objectif qu'elles poursuivent ne justifient de retenir une interprétation de ces dispositions, telle que le stockage des biens, après leur livraison et avant l'opération matérielle d'avitaillement, ferait perdre le bénéfice de l'exonération.

28 Il est vrai que, comme l'a fait remarquer le gouvernement du Royaume-Uni dans ses observations devant la Cour, cette interprétation permettrait de garantir que les opérateurs n'utilisent pas ultérieurement les biens livrés en exonération de taxe à des fins autres que l'avitaillement des bateaux.

29 Toutefois, ce seul motif ne saurait justifier une telle interprétation alors qu'au surplus il appartient aux États membres, ainsi que le prévoit la première phrase de l'article 15 de la sixième directive, de fixer les conditions d'exonération propres à "prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels ".

30 Dès lors, il convient de répondre aux questions préjudicielles posées par le Hoge Raad der Nederlanden que les dispositions de l'article 15, paragraphe 4, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, doivent être interprétées en ce sens que ne peuvent être considérées comme des livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux que les livraisons faites à l'exploitant de bateaux qui utilisera ces biens pour l'avitaillement, sans que l'embarquement des biens à bord des bateaux doive coïncider matériellement avec les livraisons à l'exploitant.

Sur les dépens

31 Les frais exposés par les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du royaume des Pays-Bas, de la République portugaise, du Royaume-Uni, et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 24 mai 1989, dit pour droit :

Les dispositions de l'article 15, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doivent être interprétées en ce sens que ne peuvent être considérées comme des livraisons de biens destinés à l'avitaillement des bateaux que les livraisons faites à l'exploitant de bateaux qui utilisera ces biens pour l'avitaillement, sans que l'embarquement des biens à bord des bateaux doive coïncider matériellement avec les livraisons à l'exploitant.

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