Jurisprudence : CJCE, 17-11-1993, aff. C-69/92, Commission des Communautés européennes c/ Grand-Duché de Luxembourg

CJCE, 17-11-1993, aff. C-69/92, Commission des Communautés européennes c/ Grand-Duché de Luxembourg

A9577AUA

Référence

CJCE, 17-11-1993, aff. C-69/92, Commission des Communautés européennes c/ Grand-Duché de Luxembourg. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1006001-cjce-17111993-aff-c6992-commission-des-communautes-europeennes-c-grandduche-de-luxembourg
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Cour de justice des Communautés européennes

17 novembre 1993

Affaire n°C-69/92

Commission des Communautés européennes
c/
Grand-Duché de Luxembourg



61992J0069

Arrêt de la Cour
du 17 novembre 1993.

Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg.

Taxe sur la valeur ajoutée - Sixième directive - Prestations de publicité.

Affaire C-69/92.

Recueil de Jurisprudence 1993 page I-5907

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Prestations de services - Détermination du lieu de rattachement fiscal - "Prestations de publicité" au sens de la sixième directive - Notion - Opération réalisée dans le cadre d'une campagne publicitaire ou d'une manifestation de relations publiques

[Directive du Conseil 77/388, art. 9, § 2, sous e)]

La notion de "prestations de publicité" au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388, relatif au lieu de rattachement fiscal de certaines prestations de services, est une notion communautaire, qui doit être interprétée uniformément, afin d'éviter des situations de double imposition ou de non-imposition pouvant résulter d'interprétations divergentes.

Rentre dans cette notion une opération, telles la vente par le prestataire au preneur, dans le cadre d'une campagne publicitaire, de biens meubles corporels qui sont distribués gratuitement aux consommateurs ou leur sont vendus à prix réduit, ou l'organisation d'un cocktail, d'une conférence de presse, d'un séminaire, d'une séance récréative ou d'autres manifestations de "relations publiques", dès lors qu'elle comporte la transmission d'un message destiné à informer le public de l'existence et des qualités du produit ou service faisant l'objet de cette opération, dans le but d'en augmenter les ventes. Il en est de même de toute opération qui fait indissociablement partie d'une campagne publicitaire et qui concourt, de ce fait, à la transmission du message publicitaire, ce qui est le cas de la vente par le prestataire au preneur, dans le cadre d'une campagne publicitaire, de biens meubles corporels, ou des prestations réalisées lors de diverses manifestations de "relations publiques", même si ces biens et prestations ne comportent pas, considérés isolément, la transmission d'un message publicitaire.

Dans l'affaire C-69/92,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Thomas F. Cusack, conseiller juridique, et par Mme Edith Buissart, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile auprès de M. Nicola Annecchino, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Grand-duché de Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater qu'en excluant une série d'opérations économiques de la notion de "prestations de publicité" prévue à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM. O. Due, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida et M. Díez de Velasco, présidents de chambre, C. N. Kakouris, F. A. Schockweiler, F. Grévisse, M. Zuleeg et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. C. Gulmann

greffier: Mme Louterman-Hubeau, administrateur principal

vu le rapport d'audience,

ayant entendu la Commission à l'audience du 25 mai 1993,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 juillet 1993,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 mars 1992, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater qu'en excluant une série d'opérations économiques (notamment les conférences de presse, séminaires, cocktails, séances récréatives et la location d'emplacements réservés à la publicité) de la notion de "prestations de publicité" prévue à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après "sixième directive"), le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et du traité CEE.

2 Le septième considérant de la sixième directive, envisageant le problème du lieu des opérations imposables, qui avait entraîné des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne la livraison d'un bien avec montage et les prestations de services, énonce ce qui suit:

"... si le lieu des prestations de services doit en principe être fixé à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité professionnelle, il convient toutefois de fixer ce lieu dans le pays du preneur, notamment pour certaines prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens".

3 Dans la poursuite de l'objectif indiqué par ce considérant, le paragraphe 1, de l'article 9 de la directive, dispose:

"le lieu d'une prestation de services est en principe réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique...".

4 Le paragraphe 2 du même article, introduit une série d'exceptions à ce principe. Concernant les prestations de publicité, ce paragraphe prévoit ce qui suit:

"Toutefois:

...

e) le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

...

- les prestations de publicité".

5 Cette dernière disposition a été reprise dans l'article 17, paragraphe 2, sous e), de la loi luxembourgeoise sur la TVA, du 12 février 1979 (Mémorial A, n° 23, p. 453). Le règlement grand-ducal du 7 mars 1980, déterminant les limites et les conditions d'application du taux réduit de la TVA (Mémorial A, n° 16, p. 238), vise à délimiter les différentes opérations taxables au taux réduit. Son article 4, sous e), définit les services de publicité comme "toute publicité généralement quelconque et notamment celle faite dans les journaux, périodiques, livres, brochures, programmes de concerts, de théâtres ou d'autres manifestations, par affiches ordinaires ou lumineuses, par projection de films ou de diapositives, ainsi que par télévision ou radiodiffusion...".

6 Il ressort du dossier que, en réponse à une demande d'information de la Commission, l'administration luxembourgeoise a, par lettre du 6 décembre 1988, indiqué que selon sa propre interprétation, l'article 4, sous e) du règlement grand-ducal ne visait pas:

a) la vente, dans le cadre d'une campagne publicitaire, de biens meubles corporels; le lieu d'imposition d'une telle opération serait celui prescrit par l'article 8 de la sixième directive;

b) les prestations réalisées dans le cadre de "public relation" à l'occasion de manifestations telles que conférences de presse, séminaires, cocktails, séances récréatives,...; ces prestations seraient imposables dans le pays où elles sont matériellement exécutées;

c) la location d'emplacements réservés à la publicité, cette opération ne constituant pas un service de publicité.

7 Considérant que la distinction opérée entre les prestations de publicité par le règlement grand-ducal, tel qu'appliqué par l'administration luxembourgeoise, est contraire à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, la Commission a engagé, le 20 octobre 1989, la procédure prévue à l'article 169 du traité CEE, en mettant le grand-duché de Luxembourg en demeure de présenter ses observations.

8 Dans sa réponse du 12 février 1990, le gouvernement du Grand-Duché a soutenu que:

a) l'interprétation restrictive adoptée par l'administration nationale était compatible avec le droit communautaire, puisqu'elle s'appuyait sur la jurisprudence de la Cour (arrêt du 14 mai 1985, Van Dijk' s Boekhuis, 139/84, Rec. p. 1405);

b) cette interprétation était corroborée par un avis émis par les services de la Commission au sein du comité de la TVA;

c) l'exclusion de la livraison de biens, dans le cadre d'une campagne publicitaire, s'expliquait par le fait que l'interprétation administrative portait sur la notion de "prestations de publicité".

9 Ne pouvant se rallier aux arguments avancés par le gouvernement luxembourgeois, la Commission a émis, le 6 septembre 1991, un avis motivé qui est resté sans réponse. La Commission a alors introduit le présent recours.

10 Le grand-duché de Luxembourg, régulièrement mis en cause, n'a produit aucun mémoire dans le délai qui lui a été imparti. Invoquant l'article 94, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission a demandé à la Cour de lui adjuger ses conclusions.

11 Pour un plus ample exposé du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

12 En l'espèce, la Cour statue par défaut. Il lui appartient dès lors, conformément à l'article 94, paragraphe 2, du règlement de procédure, d'examiner la recevabilité de la requête et de vérifier si les conclusions de la partie requérante paraissent fondées.

13 En ce qui concerne la recevabilité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir notamment arrêt du 16 décembre 1992, Commission/République hellénique, C-210/91, Rec. p. I-6735, point 10), le recours introduit en vertu de l'article 169 du traité CEE ne peut être fondé que sur des motifs et moyens déjà énoncés dans l'avis motivé. En l'espèce, le grief concernant la location d'emplacements réservés à la publicité n'était pas compris dans l'avis motivé. Par conséquent, il doit être déclaré irrecevable.

14 En ce qui concerne les griefs portant sur la vente de biens meubles corporels dans le cadre d'une campagne publicitaire, et sur les prestations réalisées lors de manifestations diverses de "relations publiques" (conférences de presse, séminaires, cocktails, séances récréatives, etc.), il y a lieu d'examiner si les opérations concernées constituent des prestations de publicité au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive.

15 Ce dernier article est une règle de conflit déterminant le lieu d'imposition des prestations de publicité et, par conséquent, la délimitation des compétences des États membres. Il s'ensuit que la notion de "prestations de publicité" est une notion communautaire, qui doit être interprétée uniformément, afin d'éviter des situations de double imposition ou de non-imposition pouvant résulter d'interprétations divergentes.

16 Ainsi qu'il résulte du septième considérant, précité, de la sixième directive, la fixation du lieu d'imposition des prestations de publicité à l'endroit où le preneur a le siège de son activité économique est justifiée par le fait que le coût de ces prestations, effectuées entre assujettis, entre dans le prix des biens. Le législateur communautaire a donc considéré que, dans la mesure où le preneur vend habituellement les marchandises ou fournit les services faisant l'objet de la publicité dans l'État où il a son siège, en percevant la TVA correspondante sur le consommateur final, la TVA ayant pour assiette la prestation de publicité devait elle-même être versée par le preneur à cet État. Cette justification constitue un des éléments qu'il convient de prendre en considération afin d'interpréter le terme "prestations de publicité" figurant à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive.

17 Il y a lieu de relever que la notion de publicité comporte nécessairement la diffusion d'un message destiné à informer les consommateurs de l'existence et des qualités d'un produit ou d'un service, dans le but d'en augmenter les ventes; si la diffusion de ce message se fait d'habitude au moyen de paroles, d'écrits et/ou d'images, par la presse, la radio et/ou la télévision, elle peut aussi être réalisée par l'utilisation, partielle ou même exclusive, d'autres moyens.

18 Afin de déterminer, en cas d'utilisation exclusive d'autres moyens, si l'opération concernée constitue une prestation de publicité au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, il convient chaque fois de prendre en considération toutes les circonstances entourant la prestation concernée. Une telle circonstance permettant de qualifier de "publicité" une prestation existe lorsque les moyens utilisés ont été procurés par une agence de publicité. Toutefois, cette qualité du prestataire n'est pas une condition indispensable de la qualification. En effet, il ne peut pas être exclu qu'une prestation de publicité soit fournie par une entreprise ne s'occupant pas exclusivement, ni même principalement, de publicité, même si cette hypothèse est peu probable.

19 Il suffit donc qu'une opération, telles la vente par le prestataire au preneur, dans le cadre d'une campagne publicitaire, de biens meubles corporels qui sont distribués gratuitement aux consommateurs ou leur sont vendus à prix réduit, ou l'organisation d'un cocktail, d'une conférence de presse, d'un séminaire, d'une séance récréative ou d'autres manifestations de "relations publiques", comporte la transmission d'un message destiné à informer le public de l'existence et des qualités du produit ou service faisant l'objet de cette opération, dans le but d'en augmenter les ventes, pour que l'on puisse la qualifier de prestation de publicité au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive.

20 Il en est de même de toute opération qui fait indissociablement partie d'une campagne publicitaire et qui concourt, de ce fait, à la transmission du message publicitaire. Tel est le cas de la vente par le prestataire au preneur, dans le cadre d'une campagne publicitaire, de biens meubles corporels, ou des prestations réalisées lors de diverses manifestations de "relations publiques", même si ces biens et prestations ne comportent pas, considérés isolément, la transmission d'un message publicitaire.

21 Il résulte des considérations qui précèdent qu'en excluant de la notion de "prestations de publicité" au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, la vente de biens meubles corporels dans le cadre d'une campagne publicitaire, et les prestations réalisées dans le cadre de diverses manifestations de "relations publiques", telles que conférences de presse, séminaires, cocktails, séances récréatives,..., même si ces opérations, soit comportent la transmission d'un message publicitaire, soit sont indissociablement liées à cette transmission, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et du traité CEE.

Sur les dépens

22 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le grand-duché de Luxembourg ayant succombé sur l'essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) En excluant de la notion de "prestations de publicité" au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, la vente de biens meubles corporels dans le cadre d'une campagne publicitaire, et les prestations réalisées dans le cadre de diverses manifestations de "relations publiques", telles que conférences de presse, séminaires, cocktails, séances récréatives,..., même si ces opérations, soit comportent la transmission d'un message publicitaire, soit sont indissociablement liées à cette transmission, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et du traité CEE.

2) Le grand-duché de Luxembourg est condamné aux dépens.

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