Jurisprudence : CJCE, 18-03-1980, aff. C-62/79, SA Compagnie générale pour la diffusion de la télévision, Coditel, et autres c/ Ciné Vog Films et autres, quest. préj.

CJCE, 18-03-1980, aff. C-62/79, SA Compagnie générale pour la diffusion de la télévision, Coditel, et autres c/ Ciné Vog Films et autres, quest. préj.

A5882AUE

Référence

CJCE, 18-03-1980, aff. C-62/79, SA Compagnie générale pour la diffusion de la télévision, Coditel, et autres c/ Ciné Vog Films et autres, quest. préj. . Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1001136-cjce-18031980-aff-c6279-sa-compagnie-generale-pour-la-diffusion-de-la-television-coditel-et-autres-c
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Cour de justice des Communautés européennes

18 mars 1980

Affaire n°C-62/79

SA Compagnie générale pour la diffusion de la télévision, Coditel, et autres
c/
Ciné Vog Films et autres


Recueil de jurisprudence 1980 page 0881

édition spéciale grecque 1980 page I-0477

édition spéciale suédoise 1980 page 0089

édition spéciale finnoise 1980 page 0089

édition spéciale espagnole 1980 page 0279

1. LIBRE PRESTATION DES SERVICES - RESTRICTIONS - APPLICATION DES LEGISLATIONS NATIONALES RELATIVES A LA PROTECTION DES DROITS D'AUTEUR - CESSION DES DROITS - ADMISSIBILITE - CONDITIONS

(TRAITE CEE, ART. 59)

2. LIBRE PRESTATION DES SERVICES - RESTRICTIONS - TELEDISTRIBUTION DANS UN ETAT MEMBRE D'UN FILM REPRESENTE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE AVEC LE CONSENTEMENT DU TITULAIRE DU DROIT - OPPOSITION DU CONCESSIONNAIRE DE LA REPRESENTATION POUR LE PREMIER ETAT - ADMISSIBILITE

(TRAITE CEE, ART. 59)

1. SI L'ARTICLE 59 DU TRAITE CEE INTERDIT LES RESTRICTIONS A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES, IL NE VISE PAS PAR LA LES LIMITES A L'EXERCICE DE CERTAINES ACTIVITES ECONOMIQUES QUI PROVIENNENT DE L'APPLICATION DES LEGISLATIONS NATIONALES SUR LA PROTECTION DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, SAUF SI UNE TELLE APPLICATION CONSTITUE UN MOYEN DE DISCRIMINATION ARBITRAIRE OU UNE RESTRICTION DEGUISEE DANS LES RELATIONS ECONOMIQUES ENTRE LES ETATS MEMBRES. TEL SERAIT LE CAS SI CETTE APPLICATION PERMETTAIT AUX PARTIES A UNE CESSION D'UN DROIT D'AUTEUR DE CREER DES BARRIERES ARTIFICIELLES AUX RELATIONS ECONOMIQUES ENTRE ETATS MEMBRES.

2. LES DISPOSITIONS DU TRAITE CEE RELATIVES A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES NE S'OPPOSENT PAS A CE QU'UN CESSIONNAIRE DES DROITS DE REPRESENTATION D'UN FILM CINEMATOGRAPHIQUE DANS UN ETAT MEMBRE INVOQUE SON DROIT POUR FAIRE INTERDIRE LA REPRESENTATION DE CE FILM DANS CET ETAT, SANS SON AUTORISATION, PAR VOIE DE TELEDISTRIBUTION, SI LE FILM AINSI REPRESENTE EST CAPTE ET TRANSMIS APRES AVOIR ETE DIFFUSE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE PAR UN TIERS, AVEC LE CONSENTEMENT DU TITULAIRE ORIGINAIRE DU DROIT.

EN EFFET, SI LE DROIT D'AUTEUR COMPORTE LE DROIT D'EXIGER DES REDEVANCES POUR TOUTE REPRESENTATION D'UN FILM CINEMATOGRAPHIQUE, LES REGLES DU TRAITE NE SAURAIENT, EN PRINCIPE, FAIRE OBSTACLE AUX LIMITES GEOGRAPHIQUES DONT LES PARTIES AUX CONTRATS DE CESSION SONT CONVENUES POUR PROTEGER L'AUTEUR ET SES AYANTS DROIT A CET EGARD. LE SEUL FAIT QUE CES LIMITES GEOGRAPHIQUES PEUVENT COINCIDER AVEC LES FRONTIERES NATIONALES N'IMPLIQUE PAS UNE SOLUTION DIFFERENTE DANS UNE SITUATION OU L'ORGANISATION DE LA TELEVISION DANS LES ETATS MEMBRES S'APPUIE DANS UNE LARGE MESURE SUR DES MONOPOLES LEGAUX D'EMISSION, CE QUI IMPLIQUE QU'UNE LIMITATION DIFFERENTE DU CHAMP D'APPLICATION GEOGRAPHIQUE D'UNE CESSION SERAIT SOUVENT IMPRATICABLE.

dans l'affaire 62/79,

AYANT POUR OBJET UNE DEMANDE ADRESSEE A LA COUR, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, PAR LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, ET TENDANT A OBTENIR DANS LE LITIGE PENDANT DEVANT CETTE JURIDICTION ENTRE

SA COMPAGNIE GENERALE POUR LA DIFFUSION DE LA TELEVISION, CODITEL, A BRUXELLES,

SA CODITEL BRABANT, A BRUXELLES,

SA COMPAGNIE LIEGEOISE POUR LA DIFFUSION DE LA TELEVISION, CODITEL LIEGE, A LIEGE,

PARTIES APPELANTES,

ET

SA CINE VOG FILMS, A SCHAERBEEK,

ASBL CHAMBRE SYNDICALE BELGE DE LA CINEMATOGRAPHIE, A ST-JOSSE-TEN-NOODE,

SA DE DROIT FRANCAIS " LES FILMS LA BOETIE ", A PARIS,

CHAMBRE SYNDICALE DES PRODUCTEURS ET EXPORTATEURS DE FILMS FRANCAIS, A PARIS,

PARTIES INTIMEES,

INTERMIXT, ETABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE, A BRUXELLES,

UNION PROFESSIONNELLE DE RADIO ET TELEDISTRIBUTION, A SCHAERBEEK,

INTER-REGIES, ASSOCIATION INTERCOMMUNALE COOPERATIVE, A BRUXELLES,

PARTIES INTERVENANTES,

UNE DECISION A TITRE PREJUDICIEL SUR L'INTERPRETATION DE L'ARTICLE 59 DU TRAITE CEE,

1 PAR ARRET DU 30 MARS 1979, PARVENU A LA COUR LE 17 AVRIL SUIVANT, LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES A POSE, EN VERTU DE L'ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, DEUX QUESTIONS RELATIVES A L'INTERPRETATION DE L'ARTICLE 59 ET DES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITE EN MATIERE DE LIBRE PRESTATION DE SERVICES.

2 CES QUESTIONS ONT ETE SOULEVEES A L'OCCASION D'UNE ACTION INTENTEE PAR UNE SOCIETE BELGE DE DISTRIBUTION DE FILMS CINEMATOGRAPHIQUES, LA SA CINE VOG FILMS - INTIMEE DEVANT LA COUR D'APPEL -, POUR ATTEINTE A DES DROITS D'AUTEUR. CETTE ACTION EST DIRIGEE CONTRE UNE SOCIETE FRANCAISE, LES FILMS LA BOETIE, ET CONTRE TROIS SOCIETES BELGES DE TELEDISTRIBUTION, COLLECTIVEMENT DENOMMEES CI-APRES LES SOCIETES CODITEL ; ELLE TEND A LA REPARATION DU PREJUDICE PRETENDUMENT CAUSE A CINE VOG PAR LA RECEPTION EN BELGIQUE D'UNE EMISSION DE LA TELEVISION ALLEMANDE CONSACREE A LA PROJECTION DU FILM " LE BOUCHER ", DONT CINE VOG A OBTENU DES FILMS LA BOETIE L'EXCLUSIVITE DE DISTRIBUTION EN BELGIQUE.

3 IL RESSORT DU DOSSIER QUE LES SOCIETES CODITEL ASSURENT, AVEC L'AUTORISATION DE L'ADMINISTRATION BELGE, UN SERVICE DE TELEDISTRIBUTION QUI COUVRE UNE PARTIE DU TERRITOIRE BELGE. LES POSTES RECEPTEURS DE TELEVISION DES ABONNES A CE SERVICE SONT RELIES PAR CABLE A UNE ANTENNE CENTRALE PRESENTANT DES CARACTERISTIQUES TECHNIQUES SPECIALES, QUI PERMETTENT DE CAPTER LES EMISSIONS BELGES ET CERTAINES EMISSIONS ETRANGERES QUE L'ABONNE NE POURRAIT PAS CAPTER DANS TOUS LES CAS SUR UNE ANTENNE INDIVIDUELLE, ET QUI AMELIORENT EN OUTRE LA QUALITE DES IMAGES ET DU SON RECUS PAR L'ABONNE.

4 LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BRUXELLES, SAISI DE LA DEMANDE, L'A DIT NON FONDEE EN TANT QUE DIRIGEE CONTRE LES FILMS LA BOETIE, MAIS IL A CONDAMNE LES SOCIETES CODITEL A PAYER DES DOMMAGES-INTERETS A CINE VOG. LES SOCIETES CODITEL ONT INTERJETE APPEL DE CE JUGEMENT ; CET APPEL A ETE DECLARE IRRECEVABLE PAR LA COUR D'APPEL EN TANT QU'IL ETAIT DIRIGE CONTRE LA SOCIETE LES FILMS LA BOETIE, QUI EST DONC MISE HORS DE CAUSE AU STATE ACTUEL DU LITIGE.

5 LES FAITS DE LA CAUSE QUI INTERESSENT LA SOLUTION DU LITIGE ONT ETE RESUMES COMME SUIT PAR LA COUR D'APPEL. PAR CONVENTION DU 8 JUILLET 1969, LES FILMS LA BOETIE ONT, EN TANT QUE PROPRIETAIRE DE TOUS LES DROITS D'EXPLOITATION DU FILM " LE BOUCHER ", DONNE A CINE VOG LE " MANDAT EXCLUSIF " DE DISTRIBUER CE FILM EN BELGIQUE PENDANT SEPT ANNEES. LE FILM A ETE PROJETE DANS LES CINEMAS EN BELGIQUE A PARTIR DU 15 MAI 1970. TOUTEFOIS, LE 5 JANVIER 1971, LA PREMIERE CHAINE DE LA TELEVISION ALLEMANDE EN A DIFFUSE UNE VERSION ALLEMANDE ET CETTE EMISSION A PU ETRE CAPTEE EN BELGIQUE. CINE VOG A ESTIME QUE L'EMISSION AVAIT COMPROMIS LA CARRIERE COMMERCIALE DU FILM EN BELGIQUE. ELLE EN A FAIT GRIEF, TANT AUX FILMS LA BOETIE, POUR N'AVOIR PAS RESPECTE L'EXCLUSIVITE QU'ELLE LUI AVAIT CONCEDEE, QU'AUX SOCIETES CODITEL, POUR AVOIR FAIT PASSER L'EMISSION DONT IL S'AGIT SUR SES RESEAUX DE TELEDISTRIBUTION.

6 LA COUR D'APPEL A D'ABORD EXAMINE LES ACTIVITES DES SOCIETES DE TELEDISTRIBUTION DU POINT DE VUE DE LA VIOLATION DU DROIT D'AUTEUR. ELLE A CONSIDERE QUE CES SOCIETES AVAIENT PROCEDE A UNE " COMMUNICATION PUBLIQUE " DE CE FILM AU SENS DES DISPOSITIONS APPLICABLES DANS CE DOMAINE ET QU'ELLES AVAIENT DES LORS, SUR LE PLAN DE LA LEGISLATION SUR LE DROIT D'AUTEUR ET SOUS RESERVE DE L'INCIDENCE, QUANT A CELLE-CI, DU DROIT COMMUNAUTAIRE, BESOIN DE L'AUTORISATION DE CINE VOG POUR FAIRE PASSER LE FILM SUR LEURS RESEAUX. IL RESULTE DE CES CONSIDERATIONS QUE, DANS LE RAISONNEMENT DE LA COUR D'APPEL, L'AUTORISATION DONNEE PAR LE TITULAIRE DU DROIT D'AUTEUR DE DIFFUSER LE FILM A LA TELEVISION ALLEMANDE NE COMPRENAIT PAS CELLE DE FAIRE PASSER CE FILM SUR LES RESEAUX DE TELEDISTRIBUTION EXISTANT EN DEHORS DU TERRITOIRE ALLEMAND, OU DU MOINS SUR CEUX ETABLIS EN BELGIQUE.

7 LA COUR D'APPEL A EXAMINE ENSUITE, EN CE QUI CONCERNE L'INCIDENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE, L'ARGUMENT DES SOCIETES CODITEL, SELON LEQUEL UNE INTERDICTION EVENTUELLE DE TRANSMETTRE DES FILMS DONT LE DROIT D'AUTEUR A ETE CONCEDE PAR LE PRODUCTEUR A UNE MAISON DE DISTRIBUTION POUR TOUT LE TERRITOIRE BELGE, SERAIT CONTRAIRE AUX DISPOSITIONS DU TRAITE CEE, ET PLUS PARTICULIEREMENT A L'ARTICLE 85 ET AUX ARTICLES 59 ET 60. APRES AVOIR REJETE L'ARGUMENT TIRE DE L'ARTICLE 85, LA COUR D'APPEL S'EST DEMANDEE SI L'ACTION ENTREPRISE A L'ENCONTRE DES SOCIETES DE TELEDISTRIBUTION PAR CINE VOG, " EN TANT QU'ELLE LIMITE LA POSSIBILITE POUR UNE STATION D'EMISSION ETABLIE DANS UN PAYS LIMITROPHE DE LA BELGIQUE, PAYS DES DESTINATAIRES DE LA PRESTATION, D'EFFECTUER LIBREMENT CELLE-CI ", CONTREVENAIT A L'ARTICLE 59. D'APRES LES SOCIETES APPELANTES, L'ARTICLE 59 DEVRAIT ETRE COMPRIS DANS CE SENS QU'IL INTERDIT LES RESTRICTIONS A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES ET NON SEULEMENT A LA LIBRE ACTIVITE DES PRESTATAIRES DE SERVICES, ET QU'IL EMBRASSE TOUTES LES HYPOTHESES OU LA PRESTATION DE SERVICE ENTRAINE OU A ENTRAINE, DANS UN STADE ANTERIEUR, OU ENTRAINERA, DANS UN STADE ULTERIEUR, LE FRANCHISSEMENT DES FRONTIERES INTRACOMMUNAUTAIRES.

8 ESTIMANT QUE CE MOYEN TOUCHE A L'INTERPRETATION DU TRAITE, LA COUR D'APPEL A DEFERE A LA COUR DE JUSTICE LES DEUX QUESTIONS SUIVANTES :

" - PREMIERE QUESTION : LES RESTRICTIONS INTERDITES PAR L'ARTICLE 59 DU TRAITE INSTITUANT LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE SONT-ELLES UNIQUEMENT CELLES QUI S'OPPOSENT A LA PRESTATION DE SERVICES ENTRE RESSORTISSANTS ETABLIS DANS DES ETATS MEMBRES DIFFERENTS, OU COMPRENNENT-ELLES AUSSI LES RESTRICTIONS A LA PRESTATION DE SERVICES ENTRE RESSORTISSANTS ETABLIS DANS UN MEME ETAT MEMBRE MAIS QUI CONCERNENT UNE PRESTATION DONT LA SUBSTANCE PROVIENT D'UN AUTRE ETAT MEMBRE?

-DEUXIEME QUESTION : EN CAS DE REPONSE AFFIRMATIVE AU PREMIER MEMBRE DE LA QUESTION PRECEDENTE, EST-IL CONFORME AUX DISPOSITIONS DU TRAITE RELATIVES A LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES QUE LE CESSIONNAIRE DES DROITS DE REPRESENTATION D'UN FILM CINEMATOGRAPHIQUE DANS UN ETAT MEMBRE INVOQUE SON DROIT POUR FAIRE INTERDIRE AU DEFENDEUR DE REPRESENTER CE FILM DANS CET ETAT PAR LA VOIE DE LA TELEDISTRIBUTION, ALORS QUE LE FILM AINSI REPRESENTE EST CAPTE PAR LE DEFENDEUR DANS LEDIT ETAT MEMBRE APRES AVOIR ETE DIFFUSE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE, PAR UN TIERS, AVEC LE CONSENTEMENT DU TITULAIRE ORIGINAIRE DU DROIT?

'

9 D'APRES SON LIBELLE, LA DEUXIEME QUESTION EST POSEE POUR LE CAS D'UNE REPONSE AFFIRMATIVE AU PREMIER MEMBRE DE LA PREMIERE QUESTION, MAIS LA COUR D'APPEL A MANIFESTEMENT VOULU VISER LE CAS D'UNE REPONSE AFFIRMANT QU'EN PRINCIPE LES ARTICLES 59 ET SUIVANTS DU TRAITE S'APPLIQUENT A LA PRESTATION DE SERVICES CONCERNEE, ETANT DONNE QUE LA DEUXIEME QUESTION NE PEUT SE COMPRENDRE QUE DANS CETTE HYPOTHESE.

10 LA COUR DE JUSTICE EXAMINERA D'ABORD LA DEUXIEME QUESTION. S'IL DEVAIT S'AVERER QUE LA REPONSE A CETTE QUESTION EST NEGATIVE, PARCE QUE LA PRATIQUE Y DECRITE NE SERAIT PAS CONTRAIRE AUX DISPOSITIONS DU TRAITE RELATIVES A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES, DANS L'HYPOTHESE OU CES DISPOSITIONS SERAIENT APPLICABLES, LA JURIDICTION NATIONALE DISPOSERAIT DE TOUS LES ELEMENTS NECESSAIRES POUR QU'ELLE PUISSE RESOUDRE LE PROBLEME JURIDIQUE DONT ELLE EST SAISIE, EN CONFORMITE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE.

11 LA DEUXIEME QUESTION SOULEVE LE PROBLEME DE SAVOIR SI LES ARTICLES 59 ET 60 DU TRAITE S'OPPOSENT A UNE CESSION, LIMITEE AU TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE, D'UN DROIT D'AUTEUR SUR UN FILM, ETANT DONNE QU'UNE SERIE DE CESSIONS PAREILLES POURRAIT AVOIR COMME RESULTAT DE CLOISONNER LE MARCHE COMMUN DU POINT DE VUE DE L'EXERCICE DES ACTIVITES ECONOMIQUES EN MATIERE CINEMATOGRAPHIQUE.

12 LE FILM CINEMATOGRAPHIQUE APPARTIENT A LA CATEGORIE DES OEUVRES LITTERAIRES ET ARTISTIQUES MISES A LA DISPOSITION DU PUBLIC PAR LA VOIE DE REPRESENTATIONS, QUI PEUVENT SE REPETER A L'INFINI. A CET EGARD, LES PROBLEMES QUE COMPORTE LE RESPECT DU DROIT D'AUTEUR PAR RAPPORT AUX EXIGENCES DU TRAITE NE SONT PAS LES MEMES QUE CEUX QUI CONCERNENT LES OEUVRES LITTERAIRES ET ARTISTIQUES DONT LA MISE A LA DISPOSITION DU PUBLIC SE CONFOND AVEC LA CIRCULATION DU SUPPORT MATERIEL DE L'OEUVRE, COMME C'EST LE CAS DU LIVRE OU DU DISQUE.

13 DANS CES CONDITIONS, LE TITULAIRE DU DROIT D'AUTEUR D'UN FILM ET SES AYANTS DROIT ONT UN INTERET LEGITIME A CALCULER LES REDEVANCES DUES POUR L'AUTORISATION DE REPRESENTER LE FILM EN FONCTION DU NOMBRE REEL OU PROBABLE DES REPRESENTATIONS ET A N'AUTORISER UNE EMISSION TELEVISEE DU FILM, SUSCEPTIBLE D'ETRE CAPTEE PAR UN GRAND PUBLIC, QU'APRES UNE CERTAINE PERIODE DE PROJECTION DANS LES SALLES DE CINEMA. IL RESSORT DU DOSSIER QU'EN L'ESPECE LE CONTRAT CONCLU ENTRE LES FILMS LA BOETIE ET CINE VOG STIPULAIT QUE LE DROIT EXCLUSIF CONCEDE COMPRENAIT CELUI DE FAIRE REPRESENTER PUBLIQUEMENT LE FILM " LE BOUCHER " EN BELGIQUE SOUS FORME DE PROJECTION DANS LES SALLES DE CINEMA ET D'EMISSIONS DE TELEVISION, MAIS QUE LE DROIT DE FAIRE DIFFUSER LE FILM PAR LA TELEVISION BELGE NE POUVAIT ETRE EXERCE QUE QUARANTE MOIS APRES LA PREMIERE SORTIE DU FILM EN BELGIQUE.

14 CES CONSTATATIONS ONT UNE DOUBLE IMPORTANCE. D'UNE PART, ELLES METTENT EN LUMIERE QUE LA FACULTE, POUR LE TITULAIRE DU DROIT D'AUTEUR ET SES AYANTS DROIT, D'EXIGER DES REDEVANCES POUR TOUTE REPRESENTATION D'UN FILM FAIT PARTIE DE LA FONCTION ESSENTIELLE DU DROIT D'AUTEUR SUR CE GENRE D'OEUVRES LITTERAIRES OU ARTISTIQUES. D'AUTRE PART, ELLES DEMONTRENT QUE L'EXPLOITATION DES DROITS D'AUTEURS SUR LES FILMS, ET DES REDEVANCES Y AFFERENTES, NE PEUT PAS ETRE ORGANISEE INDEPENDAMMENT DES PERSPECTIVES D'EMISSION TELEVISEE DE CES FILMS. LA QUESTION DE SAVOIR SI UNE CESSION DU DROIT D'AUTEUR LIMITEE AU TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE EST SUSCEPTIBLE DE CONSTITUER UNE RESTRICTION A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES DOIT ETRE APPRECIEE DANS CE CADRE.

15 SI L'ARTICLE 59 DU TRAITE INTERDIT LES RESTRICTIONS A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES, IL NE VISE PAS PAR LA LES LIMITES A L'EXERCICE DE CERTAINES ACTIVITES ECONOMIQUES QUI PROVIENNENT DE L'APPLICATION DES LEGISLATIONS NATIONALES SUR LA PROTECTION DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, SAUF SI UNE TELLE APPLICATION CONSTITUE UN MOYEN DE DISCRIMINATION ARBITRAIRE OU UNE RESTRICTION DEGUISEE DANS LES RELATIONS ECONOMIQUES ENTRE LES ETATS MEMBRES. TEL SERAIT LE CAS SI CETTE APPLICATION PERMETTAIT AUX PARTIES A UNE CESSION D'UN DROIT D'AUTEUR DE CREER DES BARRIERES ARTIFICIELLES AUX RELATIONS ECONOMIQUES ENTRE ETATS MEMBRES.

16 IL EN RESULTE QUE, SI LE DROIT D'AUTEUR COMPORTE LE DROIT D'EXIGER DES REDEVANCES POUR TOUTE REPRESENTATION, LES REGLES DU TRAITE NE SAURAIENT, EN PRINCIPE, FAIRE OBSTACLE AUX LIMITES GEOGRAPHIQUES DONT LES PARTIES AUX CONTRATS DE CESSION SONT CONVENUES POUR PROTEGER L'AUTEUR ET SES AYANTS DROIT A CET EGARD. LE SEUL FAIT QUE CES LIMITES GEOGRAPHIQUES PEUVENT COINCIDER AVEC LES FRONTIERES NATIONALES N'IMPLIQUE PAS UNE SOLUTION DIFFERENTE DANS UNE SITUATION OU L'ORGANISATION DE LA TELEVISION DANS LES ETATS MEMBRES S'APPUIE DANS UNE LARGE MESURE SUR DES MONOPOLES LEGAUX D'EMISSION, CE QUI IMPLIQUE QU'UNE LIMITATION DIFFERENTE DU CHAMP D'APPLICATION GEOGRAPHIQUE D'UNE CESSION SERAIT SOUVENT IMPRATICABLE.

17 LE CESSIONNAIRE EXCLUSIF DES DROITS DE REPRESENTATION D'UN FILM POUR TOUT LE TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE PEUT DONC INVOQUER SON DROIT A L'EGARD DES SOCIETES DE TELEDISTRIBUTION QUI ONT TRANSMIS CE FILM SUR LEUR RESEAU DE DISTRIBUTION APRES L'AVOIR CAPTE D'UNE STATION EMETTRICE DE TELEVISION ETABLIE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE, SANS QUE LE DROIT COMMUNAUTAIRE Y FASSE OBSTACLE.

18 EN CONSEQUENCE, IL Y A LIEU DE REPONDRE A LA DEUXIEME QUESTION POSEE PAR LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES QUE LES DISPOSITIONS DU TRAITE RELATIVES A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES NE S'OPPOSENT PAS A CE QU'UN CESSIONNAIRE DES DROITS DE REPRESENTATION D'UN FILM CINEMATOGRAPHIQUE DANS UN ETAT MEMBRE INVOQUE SON DROIT POUR FAIRE INTERDIRE LA REPRESENTATION DE CE FILM DANS CET ETAT, SANS SON AUTORISATION, PAR VOIE DE TELEDISTRIBUTION, SI LE FILM AINSI REPRESENTE EST CAPTE ET TRANSMIS APRES AVOIR ETE DIFFUSE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE PAR UN TIERS, AVEC LE CONSENTEMENT DU TITULAIRE ORIGINAIRE DU DROIT.

19 IL RESSORT DE LA REPONSE DONNEE A LA DEUXIEME QUESTION QUE LE DROIT COMMUNAUTAIRE, DANS L'HYPOTHESE OU IL SERAIT APPLICABLE AUX ACTIVITES DES SOCIETES DE TELEDISTRIBUTION QUI FONT L'OBJET DU LITIGE DONT LA JURIDICTION NATIONALE A ETE SAISIE, N'A PAS D'INCIDENCE SUR L'APPLICATION, PAR CETTE JURIDICTION, DES DISPOSITIONS DE LA LEGISLATION EN MATIERE DU DROIT D'AUTEUR DANS UN CAS COMME CELUI DE L'ESPECE. DES LORS, IL N'EST PLUS NECESSAIRE DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION.

SUR LES DEPENS

20 LES FRAIS EXPOSES PAR LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, PAR LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI ET PAR LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, QUI ONT SOUMIS DES OBSERVATIONS A LA COUR, NE PEUVENT FAIRE L'OBJET DE REMBOURSEMENT. LA PROCEDURE REVETANT, A L'EGARD DES PARTIES AU PRINCIPAL, LE CARACTERE D'UN INCIDENT SOULEVE DEVANT LA JURIDICTION NATIONALE, IL APPARTIENT A CELLE-CI DE STATUER SUR LES DEPENS.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT SUR LES QUESTIONS A ELLE SOUMISES PAR LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES PAR ARRET DU 30 MARS 1979, DIT POUR DROIT :

LES DISPOSITIONS DU TRAITE RELATIVES A LA LIBRE PRESTATION DE SERVICES NE S'OPPOSENT PAS A CE QU'UN CESSIONNAIRE DES DROITS DE REPRESENTATION D'UN FILM CINEMATOGRAPHIQUE DANS UN ETAT MEMBRE INVOQUE SON DROIT POUR FAIRE INTERDIRE LA REPRESENTATION DE CE FILM DANS CET ETAT, SANS SON AUTORISATION, PAR VOIE DE TELEDISTRIBUTION, SI LE FILM AINSI REPRESENTE EST CAPTE ET TRANSMIS APRES AVOIR ETE DIFFUSE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE PAR UN TIERS, AVEC LE CONSENTEMENT DU TITULAIRE ORIGINAIRE DU DROIT.

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