CE 2/7 ch.-r., 27-09-2023, n° 470331, mentionné aux tables du recueil Lebon
A29301ID
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:470331.20230927
Référence
39-01-03-04 Société autoroutière demandant l’annulation pour excès de pouvoir d’un avis par lequel l’Autorité de régulation des transports (ART) a, d’une part, estimé que l’avenant à un contrat de concession d’autoroute conclu entre l’Etat et cette même société et le décret l’approuvant étaient illégaux faute qu’ait été recueilli au préalable son avis et, d’autre part, exprimé des doutes sur la légalité de certaines stipulations de cet avenant. ART ayant publié l’avis sur son site internet, diffusé un communiqué de presse s’y rapportant, également publié sur son site internet, et l’ayant commenté sur plusieurs réseaux sociaux. ...D’une part, la position prise par l’ART sur la portée exacte de l’obligation, faite au Gouvernement, de la consulter, en vertu de l’article L. 122-8 du code de la voirie routière, ne peut être regardée comme ayant par elle-même un effet notable sur l’autorité chargée de mettre en œuvre cet article. ...D’autre part, si la société requérante soutient que l’avis rendu sur l’avenant litigieux en ce qu’il conclut à l’illégalité de cet avenant en raison de l’absence de consultation de l’ART et à l’existence de doutes sérieux sur la légalité de certaines de ses stipulations emporterait des effets notables, en particulier en ce qu’il affecterait sa situation ou celle d’autres sociétés concessionnaires d’autoroutes, elle ne produit à l’appui de ces allégations que des articles de presse faisant état de la position de l’ART, ne fournissant notamment aucun élément sur la dégradation actuelle ou probable de sa situation financière. La seule circonstance qu’un recours contentieux ait été introduit contre le décret et cet avenant est insusceptible à elle seule de constituer un effet notable. ...Par suite, les conclusions de la requête tendant à l’annulation de cet avis sont irrecevables.
Par une requête et quatre mémoires en réplique enregistrés les 9 janvier,
21 avril, 16 juin, 2 août et 17 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Autoroute du Sud de la France (ASF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'avis de l'Autorité de régulation des transports n° 2022-082 du 15 novembre 2022 relatif au dix-neuvième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société ASF pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes, approuvée par décret du 7 février 1992 et au cahier des charges annexé à cette convention ;
2°) d'enjoindre à l'Autorité de régulation des transports de procéder, dans un délai de deux jours à compter de la notification de la décision à intervenir, au retrait de son site internet de l'avis n° 2022-082 du 15 novembre 2022, ainsi que du communiqué de presse publié le 16 novembre 2022, de supprimer toutes les communications qu'elle a effectuées sur les réseaux sociaux au sujet de cet avis et de publier sur son site internet et sur ces réseaux sociaux un communiqué informant de l'annulation de cet avis du fait de son illégalité, en y joignant la décision d'annulation ;
3°) d'assortir l'injonction prononcée d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à l'expiration du délai de deux jours précité, jusqu'à la complète exécution de la décision à intervenir ;
4°) de juger que l'astreinte prononcée présente un caractère définitif au sens de l'article L. 911-6 du code de justice administrative🏛 ;
5°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation des transports la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2022-1303 du 10 octobre 2022🏛 ;
- le code des transports ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
1. Le dix-neuvième avenant à la convention passée entre l'Etat et la société Autoroute du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes et au cahier des charges annexé à cette convention a été approuvé par décret du 10 octobre 2022🏛, publié le 11 octobre au Journal officiel. Par son avis n° 2022-082 du 15 novembre 2022, l'Autorité de régulation des transports (ART) a, d'une part, estimé que cet avenant et le décret l'approuvant étaient illégaux faute qu'ait été recueilli au préalable son avis, en application de l'article L. 122-8 du code de la voirie routière🏛 et, d'autre part, exprimé des doutes sur la légalité de certaines stipulations de cet avenant. L'ART a publié cet avis sur son site internet, diffusé un communiqué de presse s'y rapportant, également publié sur son site internet, et l'a commenté sur plusieurs réseaux sociaux. La société ASF en demande l'annulation.
2. Aux termes de l'article L. 122-7 du code de la voirie routière🏛, " L'Autorité de régulation des transports mentionnée à l'article L. 2131-1 du code des transports🏛 veille au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage autoroutier. " L'article L. 122-8 du même code dispose que : " L'Autorité de régulation des transports est consultée sur les projets de modification de la convention de délégation, du cahier des charges annexé ou de tout autre contrat lorsqu'ils ont une incidence sur les tarifs de péage ou sur la durée de la convention de délégation. Elle est aussi consultée sur tout nouveau projet de délégation. Elle vérifie notamment le respect de l'article L. 122-4. Elle se prononce dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. "
3. D'une part, la position prise par l'ART sur la portée exacte de l'obligation, faite au Gouvernement, de la consulter, en vertu de l'article L. 122-8, ne peut être regardée comme ayant par elle-même un effet notable sur l'autorité chargée de mettre en œuvre les dispositions de cet article. D'autre part, si la société ASF soutient que l'avis rendu sur le
dix-neuvième avenant en ce qu'il conclut à l'illégalité de cet avenant en raison de l'absence de consultation de l'ART et à l'existence de doutes sérieux sur la légalité de certaines de ses stipulations emporterait des effets notables, en particulier en ce qu'il affecterait sa situation ou celle d'autres sociétés concessionnaires d'autoroutes, elle ne produit à l'appui de ces allégations que des articles de presse faisant état de la position de l'ART, ne fournissant notamment aucun élément sur la dégradation actuelle ou probable de sa situation financière. La seule circonstance qu'un recours contentieux ait été introduit contre le décret et cet avenant est insusceptible à elle seule de constituer un effet notable. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cet avis sont irrecevables.
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Autorité de régulation des transports, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
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Article 1er : La requête de la société Autoroute du Sud de la France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Autoroute du Sud de la France et à l'Autorité de régulation des transports.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.