CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 septembre 2023
Cassation partielle
Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 539 F-D
Pourvoi n° N 21-23.877
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 SEPTEMBRE 2023
M. [Aa] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-23.877 contre l'arrêt rendu le 5 août 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme [Ab] [H], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [B] [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. [H], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 05 août 2021), [F] [M] et son époux, [L] [H], sont décédés respectivement les 17 novembre 2001 et 16 mai 2004, en laissant pour leur succéder leurs enfants, [I] et [B].
2. Des difficultés sont apparues lors des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal et le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident
3. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4. Mme [B] [H], épouse [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la modification du projet d'acte de partage des successions présenté par Maître [P] et qu'il soit jugé que le terrain donné par [F] [M], par acte du 21 avril 1967, à M. et Mme [C] était situé en zone agricole non constructible et devait être évalué à un euro le mètre carré, soit 5 000 euros, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant, pour juger que le terrain donné le 21 avril 1967 par [F] [M] aux époux [C] devait être évalué à la somme de 288 000 euros, que le tribunal avait, dans les motifs de son jugement du 21 juin 2012, répondu à chacune des contestations qui lui étaient soumises et spécifiquement à celles concernant l'immeuble donné à Mme [C], écartant tous les arguments qui lui étaient soumis, qu'il avait conclu que « sur ce point, il convient d'homologuer les conclusions de l'expert, qui ne donnent pas lieu à critique quant au mode de calcul employé », qu'il avait estimé non fondés les moyens de la demanderesse et, au terme de son raisonnement, avait rejeté sa demande d'expertise mais avait aussi homologué les conclusions du rapport d'expertise, comme il le lui était demandé par le défendeur, ces deux prétentions réunies constituant l'objet du litige selon l'
article 4 du code de procédure civile🏛, que si le dispositif du jugement, auquel l'
article 480 du code de procédure civile🏛 attachait l'autorité de la chose jugée ne reprenait pas ce point, c'était par une simple omission matérielle dès lors que les autres parties de la décision montraient que le juge s'était bien prononcé sur tout ce qui lui était demandé, y compris la valeur de la donation rapportable du 21 avril 1967 et que l'arrêt du 13 février 2014 avait confirmé le jugement, adoptant la motivation pertinente des premiers juges et ajoutant que les expertises étaient suffisantes pour la solution du litige et pour permettre aux parties de revenir au partage, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 13 février 2014, qui confirmait le jugement du 21 juin 2012, lequel n'avait pourtant pas, dans son dispositif, tranché la question de la valeur du terrain donné le 21 avril 1967 aux époux [C] ni même homologué le rapport d'expertise en ce qu'il proposait une évaluation de ce terrain à la somme de 288 000 euros, a violé l'
article 1351 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, ensemble l'article 480 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1351, devenu 1355 du code civil, et 480 du code de procédure civile :
5. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif.
6. Pour rejeter la demande de Mme [C] tendant à ce que le terrain donné par [F] [M] soit réévalué à la somme de 5 000 euros pour le calcul du montant de la donation rapportable, l'arrêt constate que, si le dispositif du jugement du 21 juin 2012, confirmé par arrêt du 13 février 2014, ne reprend pas ce point, c'est par une simple omission matérielle, dès lors que les autres parties de la décision montrent que le juge s'est prononcé sur tout ce qui lui était demandé, y compris la valeur de la donation rapportable du 21 avril 1967. Il en déduit que le rapport doit être fait sur la base de la valeur du terrain déjà entérinée par les précédentes décisions rendues entre les parties.
7. En statuant ainsi, alors que le jugement du 21 juin 2012 n'avait pas tranché dans son dispositif l'évaluation de ce terrain, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
8. Mme [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité d'occupation formée à l'encontre M. [H] pour la maison d'habitation à l'Est, alors « que la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d'user de la chose, de sorte que la détention des clés de l'immeuble indivis, en ce qu'elle permet à l'indivisaire qui les détient d'en avoir seul la libre disposition, est constitutive d'une jouissance privative et exclusive ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'indemnité d'occupation formée par Mme [C], que l'absence de relocation de la maison d'habitation à l'Est n'impliquait pas que M. [Ac] avait fait un usage privatif des lieux après le congé notifié le 2 février 2015 par le locataire et qu'il ne pouvait donc être redevable d'une indemnité d'occupation au seul motif que les clés lui auraient été restituées par ce locataire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait pourtant que depuis le départ de M. [D], locataire de la maison d'habitation à l'Est, M. [Ac] détenait seul les clés de cette maison, à l'exclusion de Mme [C], de sorte qu'il avait seul la libre disposition du bien indivis, ce qui était constitutif d'une jouissance privative et exclusive donnant lieu au paiement d'une indemnité d'occupation, et a, dès lors, violé l'
article 815-9 du code civil🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 815-9, alinéa 2, du code civil :
9. Aux termes de ce texte, l'indivisaire, qui use ou jouit privativement de la chose indivise, est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
10. Pour rejeter la demande de Mme [C] en paiement d'une indemnité d'occupation pour la maison d'habitation Est, l'arrêt retient que l'absence de relocation de ce bien à compter du mois de juin 2015 n'implique pas que M. [Ac] a fait un usage privatif des lieux après le congé donné par le locataire et qu'il ne peut être redevable d'une indemnité d'occupation au seul motif que les clés lui auraient été restituées par le locataire.
11. En statuant ainsi, alors que la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d'user de la chose et que la détention des clés, en ce qu'elle permettait à son détenteur d'avoir seul la libre disposition d'un bien indivis, est constitutive d'une jouissance privative et exclusive, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes de Mme [C], tendant à ce que le terrain donné par [F] [M] soit réévalué à la somme de 5 000 euros pour le calcul du montant de la donation rapportable et au paiement d'une indemnité d'occupation par M. [H] pour l'appartement Est, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt disant que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et n'y avoir lieu à application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [C] tendant à ce que le terrain donné par [F] [M] soit réévalué à la somme de 5 000 euros pour le calcul du montant de la donation rapportable et en ce qu'il rejette la demande de Mme [C] tendant au paiement d'une indemnité d'occupation par M. [H] pour l'appartement Est, l'arrêt rendu le 05 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Ac] et le condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.