Au nom du peuple français,
La Cour de discipline budgétaire et financière, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre Ier du livre III relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu les jugements n° 2006-0265 et n° 2006-0303 du 3 août 2006 par lesquels la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a déchargé de sa gestion M. Patrick Maugery comptable des lycées polyvalent et professionnel Vauvenargues pour les exercices 1998 à 2004 ;
Vu les arrêts n° 49321 et n° 49323 rendus par la Cour des comptes, statuant en appel de ces deux jugements, le 28 juin 2007 ;
Vu les arrêts n° 50251 et n° 50257 rendus le 20 décembre 2007 par lesquels la Cour des comptes a infirmé les jugements n° 2006-0265 et n° 2006-0303 du 3 août 2006 susvisés ;
Vu l'arrêt du 27 juillet 2009 par lequel le Conseil d'Etat a annulé les arrêts susvisés du 20 décembre 2007, au motif de la méconnaissance de l'effet dévolutif de l'appel, et a renvoyé ces affaires à la Cour des comptes, laquelle ne les a pas jugées à ce jour ;
Vu la lettre en date du 21 mars 2008, enregistrée au parquet le 25 mars 2008, par laquelle le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, que cette chambre avait décidé, en sa séance du 22 novembre 2007, de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités relatives à la signature de contrats ainsi qu'au paiement de frais de mission, relevées dans la gestion administrative, financière et comptable des lycées polyvalent et professionnel Vauvenargues et du GRETA du pays d'Aix (Bouches-du-Rhône), au cours des exercices 1999 à 2004 ;
Vu la lettre en date du 27 novembre 2008, enregistrée le 28 novembre 2008, par laquelle le procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la décision prise par la chambre, en ses séances des 9 juin et 2 juillet 2008, de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de faits laissant présumer l'existence d'irrégularités dans la gestion administrative, financière et comptable du lycée polyvalent Vauvenargues, au cours des exercices 2004 à 2006, relatifs à des versements d'avances sur indemnités, à des paiements de frais de mission, à l'organisation de voyages scolaires, à des dépenses sans ordonnancement, au suivi des dépenses engagées et à la présentation du compte financier pour l'exercice 2005 ;
Vu le réquisitoire du 17 février 2009 par lequel le procureur général a transmis le dossier au président de la Cour de discipline budgétaire et financière conformément aux dispositions de l'article L. 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du 24 avril 2009 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a nommé rapporteur Mme Marie-Dominique Périgord, présidente de section de chambre régionale des comptes ;
Vu la lettre recommandée du 13 janvier 2010 par laquelle le procureur général a informé M. Maugery, agent comptable gestionnaire des lycées polyvalent et professionnel Vauvenargues et du GRETA du pays d'Aix jusqu'au 6 septembre 2006, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble l'avis de réception de cette lettre ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 28 octobre 2010 transmettant au procureur général le dossier de l'affaire, après dépôt du rapport d'instruction ;
Vu la lettre du procureur général en date du 8 novembre 2010 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l'affaire, de poursuivre la procédure en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres recommandées du 12 novembre 2010 par lesquelles le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis, en application de l'article L. 314-5 du même code, le dossier de l'affaire au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et au ministre de l'éducation nationale, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la décision du procureur général du 21 décembre 2010 renvoyant M. Maugery devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre recommandée adressée le 23 décembre 2010 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Maugery l'avisant qu'il pouvait prendre connaissance du dossier de l'affaire, produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières et le citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble l'avis de réception de cette lettre ;
Vu le mémoire en défense produit par Me Vexliard pour M. Maugery le 21 février 2011 ;
Vu la lettre du 21 février 2011 de Me Vexliard, pour M. Maugery, au président de la cour demandant que M. Bousquet soit cité en tant que témoin à l'audience publique de jugement et vu le permis délivré le 24 février 2011 par le président, après conclusions du procureur général du 23 février 2011, de citer cette personne à ladite audience ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d'audition et le rapport d'instruction ;
Entendu le rapporteur résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu sous serment le témoin, M. Bousquet, en sa déposition ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;
Entendu M. Maugery, invité à présenter ses explications et observations, ainsi que son conseil, Me Vexliard, la défense ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la cour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'éducation les collèges et les lycées sont des établissements publics locaux d'enseignement ;
Considérant que, selon les dispositions du b du I de l'article L. 312-1 du code des juridictions financières, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ;
Considérant que M. Maugery, conseiller d'administration scolaire et universitaire, a exercé, à compter de 1998 et jusqu'au 6 septembre 2006, les fonctions d'agent comptable et de gestionnaire des lycées polyvalent et professionnel Vauvenargues, établissements publics locaux d'enseignement ; que, par suite, il est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières : « la cour ne peut être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l'application des sanctions prévues par le présent titre » ;
Considérant que la communication du président de la quatrième chambre de la Cour des comptes du 21 mars 2008 a été enregistrée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 25 mars 2008 ; que les irrégularités mentionnées dans cette communication postérieures au 25 mars 2003 ne sont pas couvertes par la prescription ;
Considérant que la communication du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur, en date du 27 novembre 2008, a été enregistrée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 28 novembre 2008 ; que les irrégularités mentionnées dans cette communication, en tant qu'elles sont distinctes de celles mentionnées ci-dessus et postérieures au 28 novembre 2003, ne sont pas couvertes par la prescription ;
Sur l'absence d'avis des ministres :
Considérant que l'absence de réponse des ministres du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et de l'éducation nationale à la demande d'avis formulée le 12 novembre 2010, dans le délai d'un mois qui leur avait été imparti, ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Sur la chose jugée par la chambre régionale des comptes :
Considérant que les jugements susvisés, rendus le 3 août 2006 par la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur, au demeurant infirmés en appel en ce qu'ils accordent à M. Maugery décharge de sa gestion, ne lient pas la Cour de discipline budgétaire et financière qui statue dans son propre champ de compétence et sur le fondement du titre Ier du livre III du code des juridictions financières ; qu'en particulier lesdits jugements n'interdisent nullement à la Cour de discipline budgétaire et financière de se prononcer sur l'irrégularité des pratiques du comptable concerné, notamment sur le fondement des articles L. 313-3 et L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Sur les faits, leur qualification et l'imputation des responsabilités :
Considérant que les irrégularités alléguées à l'encontre de M. Maugery sont relatives à des opérations effectuées au titre du lycée polyvalent et du GRETA dont ledit lycée est l'établissement support :
1. Sur la signature de contrats sans y être habilité :
Considérant que selon l'article R. 421-9 (4°) du code de l'éducation le chef d'établissement est ordonnateur des recettes et des dépenses ;
Considérant que l'article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dispose que « les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable public sont incompatibles » ; qu'en l'espèce, ainsi que rappelé par la circulaire n° 2005-156 du 30 septembre 2005 afférente à la mise en œuvre des dispositions du décret n° 85-924 du 30 août 1985 modifié relatif aux établissements publics locaux d'enseignement, un gestionnaire qui est également agent comptable de l'établissement ne peut recevoir de délégation de signature pour les actes relevant de l'ordonnateur ;
Considérant qu'entre le 26 mars 2003 et le 6 septembre 2006 M. Maugery a signé plusieurs contrats, notamment trois contrats avec la société A..., les 30 juin 2003, 27 septembre 2004 et 16 mai 2005, un contrat avec la société B..., le 30 juin 2003, un contrat avec la société C..., le 12 mai 2003, deux contrats avec D..., les 21 mai 2003 et 30 mai 2004, un contrat avec la société E..., le 20 juin 2003, un contrat avec la société F..., le 10 février 2005 et un contrat avec la société G..., le 15 mars 2004 ;
Considérant que M. Maugery a procédé aux paiements correspondants sans que les mandats aient été signés de l'ordonnateur, seul compétent pour cela aux termes de l'article R. 421-9 (4°) du code de l'éducation ;
Considérant que, si certains des contrats en cause reconduisaient des contrats antérieurement souscrits par l'établissement, cette circonstance ne justifie en rien que M. Maugery se soit substitué à l'ordonnateur pour les signer ;
Considérant ainsi que la responsabilité de M. Maugery est engagée sur le fondement de l'article L. 313-3 du code des juridictions financières aux termes duquel « toute personne visée à l'article L. 312-1 qui aura engagé des dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 » ;
2. Sur le remboursement de frais de mission :
Considérant que les mandats de remboursement des frais de mission doivent être signés de l'ordonnateur, c'est-à-dire du chef d'établissement, et accompagnés d'un ordre de mission temporaire ou permanent ainsi que d'un état de frais signé du bénéficiaire ; que lorsque les déplacements sont effectués au moyen du véhicule personnel des intéressés une autorisation préalable de l'ordonnateur est requise, selon les dispositions de l'annexe I de l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements publics locaux d'enseignement ; que la circonstance que les déplacements sont utiles au service ne saurait dispenser du respect de ces règles.
En ce qui concerne les remboursements à M. Maugery :
Considérant que, par sept mandats collectifs émis les 31 décembre 2003, 6 juillet 2004, 30 décembre 2004, 14 juin 2005, 30 septembre 2005, 16 décembre 2005 et 20 juin 2006 au titre du GRETA, accompagnés d'états de frais, dont certains non signés du bénéficiaire, représentant un total de 2 593,15 EUR, des frais de déplacement ont été payés à M. Maugery pour 107 réunions qui se seraient tenues, au titre du GRETA ou de la délégation académique à la formation continue (DAFCO), à Pertuis, Marseille, Aubagne et Avignon, dont cinq au cours de vacances scolaires ;
Considérant que, par sept mandats émis les 28 mars 2003, 1er juillet 2003, 29 septembre 2003, 16 décembre 2003, 2 avril 2004, 25 juin 2004 et 6 octobre 2004, accompagnés d'états de frais dont certains non signés du bénéficiaire, représentant un total de 2 352,45 EUR, des frais de déplacement ont été payés à M. Maugery pour soixante-sept réunions qui se seraient tenues au titre du Fonds académique de mutualisation (FAM), à Marseille, Carry-le-Rouet ou Avignon ; qu'en 2003 l'une de ces réunions aurait eu lieu le lundi de Pâques ; que s'agissant de plusieurs dates mentionnées, soit les 14 février 2003, 22 septembre 2003, 7 janvier 2004, 5 avril 2004, 27 août et 22 septembre 2004, le comptable se serait rendu en réunion simultanément en des lieux différents ; qu'il se serait ainsi rendu deux fois à Marseille le 22 septembre 2004, de 9 heures à 18 heures au titre du FAM et de 10 heures à 12 heures pour la DAFCO, se faisant rembourser chacune de ces deux missions ;
Considérant que, selon M. Maugery lui-même, certaines missions au titre du GRETA et du FAM n'ont pas été effectuées ; qu'il a déclaré que le remboursement de ces frais de déplacements avait pour seul objectif de lui permettre de forfaitiser les versements ; qu'au demeurant il n'avait pas reçu autorisation de l'ordonnateur d'utiliser son véhicule personnel ;
Considérant, s'agissant des missions remboursées à M. Maugery au titre du FAM, que, selon la défense, le délégué académique à la formation continue en fonction avait accordé à M. Maugery un ordre de mission permanent ; que, cependant, seul l'ordonnateur disposait de la compétence pour établir un tel ordre de mission.
En ce qui concerne les remboursements à M. Bousquet :
Considérant que, par sept mandats émis les 30 décembre 2004, 7 avril 2005, 14 juin 2005, 30 septembre 2005, 16 décembre 2005, 31 mars 2006 et 20 juin 2006 payés sur le budget du GRETA, accompagnés d'états de frais dont certains non signés du bénéficiaire, des frais correspondant à cent cinquante-six déplacements ont été remboursés à M. Bousquet, agent comptable du lycée d'Aubagne, au titre d'un tutorat professionnel officieux de cadres de l'agence comptable de Vauvenargues, effectué à la demande de M. Maugery, pour un montant de 2 656,88 EUR ;
Que les mandats susmentionnés ne sont pas signés de l'ordonnateur, lequel n'a pas accordé d'ordre de mission à M. Bousquet pour ce tutorat ; que, par suite, si l'utilité des missions qui ont été effectivement réalisées n'est pas contestée, le caractère irrégulier des conditions de prise en charge des dépenses y afférentes n'en demeure pas moins ;
Considérant qu'en engageant de sa seule initiative, sans avoir reçu délégation de l'ordonnateur, les dépenses de frais de déplacements, puis en validant seul les états de frais de M. Bousquet, M. Maugery a irrégulièrement exercé les fonctions d'ordonnateur, méconnaissant au surplus le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ;
Considérant ainsi que la responsabilité de M. Maugery est engagée, au sens de l'article L. 313-3 susmentionné et de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières, aux termes duquel toute personne visée à l'article L. 312-1 qui « aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 » ;
3. Sur les avances sur indemnités de formation continue des adultes que le comptable s'est consenties à lui-même :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 93-439 du 24 mars 1993 portant attribution d'indemnités à certains personnels relevant du ministère de l'éducation nationale qui participent aux activités de formation continue des adultes lesdites indemnités « [...] sont liquidées et versées en fin d'exercice. Le conseil d'administration de l'établissement support du groupement d'établissements donne son accord sur la part des ressources affectées à ces indemnités, sous réserve du maintien de l'équilibre financier du groupement. Le chef d'établissement support du groupement d'établissements arrête les décisions individuelles d'attribution... » ;
Considérant que par mandat du 22 février 2005, imputé sur le GRETA et ne portant aucune signature, M. Maugery a procédé au versement, à son bénéfice, de la somme de 4 200 EUR sur la base d'un bulletin de paye à son nom, portant mention d'« avances sur indemnité 2004 » ; que ces indemnités, relevant du décret n° 93-439 du 24 mars 1993, ont été ultérieurement mandatées et déduites sur le bulletin de paye de M. Maugery du mois d'avril 2005 ;
Considérant qu'en février 2006 M. Maugery s'est, de même, versé de la somme de 3 000 EUR, sur la base d'un bulletin de paye à son nom, portant mention d'« avance sur indemnité de gestion 2005 » ; que toutefois ces indemnités ont été mandatées par la suite et déduites du bulletin de paye de l'intéressé du mois d'avril 2006 ;
Considérant que les indemnités versées en 2004 n'ont été arrêtées par le conseil d'administration que le 7 avril 2005 ; que le montant des indemnités de 2005, préliquidées en février 2005, n'a été arrêté par le conseil d'administration que le 4 mai 2006 ; qu'ainsi, en anticipant la décision du conseil d'administration, M. Maugery n'a pas respecté les dispositions précitées ;
Considérant, d'autre part, qu'en application de l'instruction codificatrice n° 02-038-M91 du 30 avril 2002, « sont émis à l'initiative de l'agent comptable les ordres de paiement relatifs [...] aux avances et acomptes au personnel (compte 425), dans ce dernier cas, l'ordre est appuyé de l'autorisation écrite de l'ordonnateur » ;
Considérant en l'espèce que nul ordre de paiement n'a été émis, ni aucune autorisation de l'ordonnateur délivrée ;
Considérant que la circonstance que ces opérations aient été régularisées a posteriori ne saurait ni leur enlever leur caractère irrégulier ni exonérer M. Maugery de sa responsabilité devant la Cour de discipline budgétaire et financière, laquelle est engagée au regard des articles L. 313-3 et L. 313-4 du code des juridictions financières.
4. Sur les avances faites en dehors de régie et sur les paiements effectués par chèque au-delà des limites réglementaires :
Considérant que le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dispose en son article 11 que « les comptables publics sont seuls chargés : de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics ; du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités » ; que son article 18 précise que « des régisseurs peuvent être chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement ou de paiement » ;
Considérant que toute avance de fonds effectuée à une personne autre que le comptable public impose la création d'une régie permanente ou d'une régie temporaire selon les modalités définies par le décret n° 85-924 du 30 août 1985 ;
Considérant par ailleurs que, selon les dispositions combinées de l'article 34 du décret du 29 décembre 1962, de l'article 2 du décret n° 65-97 du 4 février 1965 modifié et de l'arrêté du ministre du budget du 23 juillet 1991 modifié, le montant net au-dessus duquel le règlement des dépenses des organismes publics est obligatoirement effectué par virement est fixé à 750 EUR ; que dès lors les paiements par chèque bancaire supérieurs à cette somme sont interdits ;
Considérant qu'au cours des exercices 2005 et 2006 six voyages, autorisés par le conseil d'administration, ont été organisés par le lycée polyvalent Vauvenargues ;
Considérant que pour un voyage à Berlin la somme de 1 500 EUR a été avancée par M. Maugery, le 14 avril 2006 en espèces et contre reçu, à un responsable pédagogique ; que ce montant a été reversé dans la caisse du lycée le 6 juin 2006 ; que pour un voyage en Italie la somme de 2 078 EUR a été avancée le 7 avril 2006 en espèces et contre reçu à un responsable pédagogique dudit voyage ; que ce montant a été reversé dans la caisse du lycée le 12 mai 2006 ; que pour un voyage en Grande-Bretagne a été avancée en espèces par l'agent comptable la somme de 3 095 EUR destinée au paiement des billets d'avion des participants, le 9 février 2006, à une responsable pédagogique dudit voyage ; que 77,80 EUR ont été reversés dans la caisse du lycée le lendemain et que le solde a été apuré par imputation de la facture de la compagnie en dépenses le 26 mai suivant ;
Considérant que pour un voyage en Espagne ont été réglées par chèques à une agence de voyages les sommes de 5 390 EUR (deux fois) et de 5 470 EUR, les 6 décembre 2005, 2 février et 10 mars 2006 ; que ces opérations ont été régularisées par mandats des 28 février et 15 septembre 2006 ; que pour un autre voyage en Grande-Bretagne ont été réglées par chèques au profit du club « H... » les sommes de 7 350 EUR et 11 309 EUR, les 20 janvier et 7 mars 2006 ; que ces opérations ont été régularisées par mandat du 20 septembre 2009 seulement ; que pour un autre voyage en Espagne ont été réglées par chèques au profit de la société « J... » les sommes de 4 900 EUR (deux fois), de 331,89 EUR, de 4 851 EUR et de 13,40 EUR les 15 décembre 2005, 2 février, 7 février, 14 mars et 6 avril 2006 ; que ces opérations ont été régularisées par mandats des 28 février et 15 septembre 2006 ;
Considérant ainsi qu'en méconnaissance des dispositions précitées certaines sommes ont été avancées en l'absence de régie temporaire et des paiements par chèques bancaires ont été effectués au-delà de la limite autorisée ;
Considérant que, nonobstant les contraintes particulières que peut susciter l'organisation concrète de voyages scolaires, ces irrégularités constituent des infractions au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières, imputables à M. Maugery ;
5. Sur les dépenses avant ordonnancement :
Considérant que, selon l'article 28 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, « avant d'être payées, les dépenses sont engagées, liquidées et, le cas échéant, ordonnancées » ; que l'article 169 du même décret dispose que « toutes les dépenses doivent être liquidées et ordonnancées au cours de l'exercice auquel elles se rattachent » ;
Considérant cependant que le paiement de dépenses sans ordonnancement préalable est autorisé en certaines hypothèses, dans les conditions fixées par le décret du 29 décembre 1962 précité, en son article 171, notamment pour certaines dépenses urgentes ou qui sont récurrentes, ainsi que pour celles qui résultent de contrats ;
Considérant en outre que la circulaire interministérielle n° 88-079 du 28 mars 1988 relative à l'organisation économique et financière des établissements publics locaux d'enseignement rappelle en son paragraphe 424 5221 que, si l'agent comptable a la possibilité de payer avant ordonnancement certaines dépenses par le débit d'un compte d'imputation provisoire, de tels règlements ne peuvent intervenir que dans la limite des crédits disponibles, s'ils concernent des opérations portant sur des chapitres de caractère limitatif, et qu'ils doivent être régularisés dans les meilleurs délais ;
Considérant qu'au 6 septembre 2006, date de la sortie de fonctions de M. Maugery, le total des dépenses en attente d'ordonnancement s'élevait à 99 481,80 EUR ; qu'à la même date le solde des crédits ouverts, calculé par rapport au total des dépenses engagées et des dépenses exécutées avant ordonnancement, faisait apparaître un dépassement de crédits global de 101 947,56 EUR sur les sept chapitres concernés, lequel s'explique en large part par l'existence de ces dépenses avant ordonnancement ;
Considérant que lesdites dépenses sans ordonnancement préalable concernent des fournitures d'enseignement, en particulier des menues dépenses des mois d'avril à juin 2006 et des chèques émis avant mandatement entre janvier et avril 2006 pour le règlement de factures émises en 2005 et 2006 ; qu'elles concernent également des prélèvements d'électricité pour 7 418,99 EUR, des prélèvements de téléphone pour 9 259,14 EUR correspondant aux mois de janvier à août 2006, et pour 20 574 EUR des chèques émis en février, mars et avril 2006 ;
Considérant qu'en maintenant pendant plusieurs mois et, à tout le moins jusqu'au début du mois de septembre 2006, sur des comptes d'imputation provisoire, des dépenses exécutées avant ordonnancement, pour la réalisation desquelles les crédits ouverts par chapitre étaient devenus insuffisants, M. Maugery a engagé sa responsabilité au regard de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
6. Sur le suivi des dépenses engagées :
Considérant qu'aux termes de la circulaire n° 88-079 du 28 mars 1988, en son paragraphe 1322, « le gestionnaire tient la comptabilité administrative qui comporte la comptabilité des engagements de dépenses et produit au chef d'établissement la situation mensuelle des dépenses engagées » ;
Considérant que M. Maugery en sa qualité de gestionnaire n'a ni tenu ni produit à l'ordonnateur de situation mensuelle des dépenses engagées au cours des exercices 2004 à 2006 ;
Considérant que le défaut de production d'une situation mensuelle des dépenses engagées constitue une infraction au regard de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que cette infraction est imputable à M. Maugery ;
Considérant toutefois que l'inaction du chef d'établissement, lequel n'a pas exigé de M. Maugery, gestionnaire placé auprès de lui, la production de telles situations mensuelles doit être prise en considération et constitue une circonstance absolutoire de la responsabilité de M. Maugery ;
7. Sur la prise en charge des titres de recettes :
Considérant, aux termes de l'article 163 du décret du 29 décembre 1962 précité, que « tous les droits acquis au cours d'un exercice doivent faire l'objet, au cours de cet exercice, d'un ordre de recette » ;
Considérant que, selon le paragraphe 1322 intitulé « la gestion administrative » de la circulaire n° 88-079 précitée « le gestionnaire est chargé de la préparation [...] de l'ordonnancement des recettes » ;
Considérant qu'au cours des exercices 2004 et 2005 M. Maugery en sa qualité de gestionnaire de l'établissement n'aurait pas préparé de façon convenable divers dossiers adressés à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, afin de justifier l'attribution de subventions de maintenance ;
Considérant en outre qu'au cours des exercices 2004 et 2005 des négligences répétées dans l'identification de débiteurs auraient gravement compromis le recouvrement des créances du lycée et du GRETA, pour un montant de 103 051,84 EUR ;
Considérant, s'agissant de l'année 2006, que le défaut de préparation et de prise en charge des titres de recettes a conduit le nouvel agent comptable, successeur de M. Maugery, à émettre six bordereaux d'ordre de recette à la date du 31 décembre seulement, pour un montant de 5 084 119,18 EUR ;
Considérant cependant que les pièces du dossier ne suffisent pas à établir à l'endroit de M. Maugery seul une infraction aux règles d'exécution des recettes de l'établissement sanctionnée par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
8. Sur l'élaboration et la présentation au conseil d'administration du compte financier pour 2005 :
Considérant que l'article 55 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement, en vigueur au moment des faits, dispose que l'agent comptable « prépare le compte financier de l'établissement pour l'exercice écoulé » que « le compte financier est visé par l'ordonnateur qui certifie que le montant des ordres des dépenses et des ordres de recettes est conforme à ses écritures » et que « le compte financier accompagné éventuellement des observations du conseil d'administration et de celles de l'agent comptable est transmis à la collectivité de rattachement et à l'autorité académique dans les trente jours suivant son adoption » ;
Considérant que la délibération portant sur le compte financier du lycée polyvalent Vauvenargues relatif à l'exercice 2005, telle que présentée au conseil d'administration le 16 mai 2006 et adoptée par cette instance, présente un déficit de 92 845,10 EUR, soit, d'une part, 35 310,84 EUR imputables au service général, réduisant le montant des réserves à 30 497,09 EUR et, d'autre part, 54 900,79 EUR imputables au service de restauration, réduisant le montant des réserves correspondantes à 85 843,09 EUR ;
Considérant que le compte financier transmis au rectorat fait état du même déficit total pour l'exercice 2005, mais selon une ventilation différente de celle présentée au conseil d'administration, soit 65 310,84 EUR imputables au service général réduisant le montant des réserves correspondantes à 497,09 EUR et 24 900,79 EUR imputables au service de restauration réduisant le montant des réserves correspondantes à 115 843,09 EUR ;
Considérant que si l'autorité académique, destinataire du compte le 6 juillet 2006, a interrogé M. Maugery sur les discordances constatées entre le procès-verbal du conseil d'administration et le compte qui lui avait été transmis, et que si M. Maugery n'a pas répondu à cette demande, il ne résulte pas de l'instruction que le compte financier établi après affectation des résultats n'ait pas été approuvé par le conseil d'administration dans sa séance du 16 mai 2006 ; que par suite aucune irrégularité n'est imputable à M. Maugery au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières.
Sur les circonstances :
Considérant que M. Maugery a tiré un avantage personnel de certaines opérations irrégulières, par la perception directe de remboursements de frais de déplacements dont certains sont fictifs et d'avances sur indemnités ; qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante de sa responsabilité ;
Considérant cependant qu'à compter du mois de juin 2004 les services financiers du lycée Vauvenargues ont été affectés par le départ concomitant de plusieurs fonctionnaires expérimentés, lesquels ont été remplacés par des agents de moindre expérience ;
Considérant, par ailleurs, pour ce qui concerne les voyages pédagogiques, qu'il convient de prendre en compte les difficultés afférentes à ce genre d'activité ;
Considérant enfin que l'ordonnateur n'a pas exercé la vigilance qui lui incombait en matière de suivi administratif, budgétaire et financier des établissements concernés et du GRETA ;
Considérant que lesdites circonstances sont de nature à atténuer la responsabilité de M. Maugery ;
Sur l'amende :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l'espèce en infligeant à M. Maugery une amende de 2 000 EUR ;
Sur la publication au Journal officiel :
Considérant qu'il y a lieu, au vu des circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l'article L. 314-20 du code des juridictions financières,
Arrête :
Article 1
M. Patrick Maugery est condamné à une amende de 2 000 EUR (deux mille euros).
Article 2
Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le 11 mars 2011 par M. Migaud, premier président de la Cour des comptes, président ; MM. Martin, Loloum et Pêcheur, conseillers d'Etat, M. Vachia et Mme Fradin, conseillers maîtres à la Cour des comptes.
Lu en audience publique le 4 avril 2011.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la cour et la greffière.