(MME NATHALIE K.-M.)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 mars 2015 par le Conseil d'Etat (décision n° 387322 du 30 mars 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour Mme Nathalie K.-M., par Me Didier Bouthors, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2015-471 QPC.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Bouthors et Me Olivier Schnerb, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 23 avril 2015 ;
Vu les observations produites pour M. Rémi F., partie en défense, par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 avril 2015 ;
Vu les observations produites pour la Ville de Paris, partie en défense, par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 avril et 6 mai 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 avril 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bouthors et Me Schnerb pour la requérante, Me Claire Waquet pour M. F., partie en défense, Me Foussard pour la Ville de Paris, partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 mai 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales est relatif aux modalités de vote des conseils municipaux ; qu'il est applicable au conseil de Paris siégeant en formation de conseil municipal ; qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de cet article, dans leur rédaction issue de la loi du 21 février 1996 susvisée : « Il est voté au scrutin secret :
« 1° Soit lorsqu'un tiers des membres présents le réclame » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en permettant qu'il soit voté au scrutin secret à l'initiative d'un tiers des membres présents du conseil municipal, les dispositions contestées portent atteinte, d'une part, à un principe de publicité des séances et des votes résultant des dispositions combinées des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 3 de la Constitution et, d'autre part, au droit de demander compte à tout agent public de son administration garanti par l'article 15 de la Déclaration de 1789 ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le troisième alinéa de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ;
5. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution : « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret » ;
6. Considérant qu'il ne résulte pas de la combinaison de ces dispositions un principe de publicité des séances et des votes lors des délibérations des assemblées locales ; que, par suite, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient un tel principe doit être écarté ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 15 de la Déclaration de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » ;
8. Considérant que les dispositions contestées sont relatives aux modalités du processus de vote au sein des conseils municipaux ; que les exigences qui découlent de l'article 15 de la Déclaration de 1789 ne sont pas susceptibles de s'appliquer aux règles d'organisation d'un scrutin ; que, par suite, le grief tiré de ce que les dispositions contestées seraient contraires à l'article 15 de la Déclaration de 1789 est inopérant ;
9. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :
Article 1
Le troisième alinéa de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 mai 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 29 mai 2015.