ETUDE : Les extorsions (dépubl. le 22/12/2022)

ETUDE : Les extorsions (dépubl. le 22/12/2022)

E9908EWU

avec cacheDernière modification le 22-12-2022

Plan de l'étude

  1. Synthèse
  2. Le délit d'extorsion à proprement dit
  3. Le chantage
  4. La demande de fonds sous contrainte
  5. Les peines complémentaires applicables aux personnes physiques

1. Synthèse

Initialement les extorsions visaient l'extorsion classique et le chantage. La loi du 18 mars 2003 (N° Lexbase : L9731A9B) a ajouté une troisième infraction : la demande de fonds sous contrainte.

Le délit d'extorsion

Aux termes de l'article 312-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7189ALT), l'extorsion est le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque. Les peines à l'encontre des personnes commettant cette infraction varient selon les cas. L'infraction simple est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende (C. pén., art. 312-1 N° Lexbase : L7189ALT). Mais la peine peut passer à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie de violences sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus ; lorsqu'elle est commise au préjudice d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; lorsqu'elle est commise à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou de son orientation sexuelle, vraie ou supposée ; lorsqu'elle est commise par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée ; lorsqu'elle est commise dans les établissements d'enseignement ou d'éducation ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements. En cas de violence ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, l'article 312-3 du Code pénale (N° Lexbase : L1805AMS) prévoit une peine de quinze ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende. Si elle est précédée, accompagnée ou suivie de violences sur autrui ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, l'extorsion est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende. Enfin, l'extorsion est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie soit de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d'actes de barbarie. Tel est le cas de l'introduction d'un bâton dans l'anus d'un jeune garçon, contraint à se déshabiller, après avoir été menacé de mort et ligoté, dans le seul but de lui extorquer de l'argent (Cass. crim., 9 décembre 1993, n° 93-81.044 N° Lexbase : A8001ABX).

Le chantage

Aux termes de l'article 312-10 du Code pénal (N° Lexbase : L1879AMK), le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds ou d'un bien. Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque l'auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende. La jurisprudence considère que l'infraction de chantage est constituée même lorsque l'obligation est souscrite au nom d'un tiers dont la bonne foi n'est pas en cause (Cass. crim., 6 mars 1978, n° 77-91567 N° Lexbase : A2970CG4).

La demande de fonds sous contrainte

Introduite par la loi du 18 mars 2003 de sécurité intérieure la demande de fonds sous contrainte consiste, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien (C. pén., art. 312-12-1 N° Lexbase : L0663DHZ). Cette infraction est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Ainsi cette incrimination vise la demande de fonds et non l'obtention de ceux-ci. Elle est en conflit de qualification systématique avec la tentative d'extorsion.

2. Le délit d'extorsion à proprement dit

E9909EWW

  • L'incrimination de l'extorsion
  • Art. 312-1, Code pénal
    L'extorsion est le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.
  • Cass. crim., 23-03-2016, n° 15-80.513, F-P+B
    Constitue le délit d'extorsion de fonds le fait de se faire remettre des fonds sous la contrainte, fût-ce à titre de prêt. Et l'évaluation de l'indemnité propre à réparer le dommage né de cette infraction relève de l'appréciation souveraine des juges du fonds.
  • Cass. crim., 06-02-1997, n° 96-83.145
    Contrainte. La contrainte morale de l'extorsion doit être appréciée compte tenu notamment de l'âge et de la condition physique ou intellectuelle de la personne sur laquelle elle s'exerce.
  • Cass. crim., 23-06-1999, n° 98-84158
    Doit être cassé l'arrêt qui retient que l'infraction préparée était une extorsion commise au préjudice d'une personne vulnérable, en raison de son âge de 64 ans, sans préciser en quoi un tel âge mettait la victime dans une situation de vulnérabilité.
  • Cass. crim., 03-11-2016, n° 15-83.892, FS-P+B
    Le délit d'extorsion est caractérisé dès lors que la signature et la remise de fonds ont été déterminées par l'existence d'une contrainte morale exercée en connaissance de cause par le prévenu. Cette contrainte morale peut résulter d'une pression au moyen de l'évocation d'un dépôt de plainte, d'une exclusion scolaire et d'une possible incarcération.
  • Cass. crim., 09-01-1991, n° 90-80.478
    Intention. L'élément intentionnel du délit d'extorsion est caractérisé par la conscience d'obtenir par la force, la violence ou la contrainte ce qui n'aurait pu être obtenu par un accord librement consenti.
  • Peine principale
  • Art. 312-1, Code pénal
    L'extorsion est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.
  • Aggravation de la peine
  • Art. 312-2, Code pénal
    Dans certains cas l'extorsion est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Précisions
  • Art. 312-3, Code pénal
    L'extorsion est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie de violences sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
  • Art. 312-4, Code pénal
    L'extorsion est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie de violences sur autrui ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.
  • Art. 312-5, Code pénal
    L'extorsion est punie de trente ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé.
  • Art. 312-6, Code pénal
    L'extorsion en bande organisée est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende.
  • Art. 312-6, Code pénal
    Elle est punie de trente ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie de violences sur autrui ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.
  • Art. 312-6, Code pénal
    Elle est punie de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'elle est commise soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé.
  • Art. 312-7, Code pénal
    L'extorsion est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie soit de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d'actes de barbarie.
  • Art. 312-8, Code pénal
    Constitue une extorsion suivie de violences l'extorsion à la suite de laquelle des violences ont été commises pour favoriser la fuite ou assurer l'impunité d'un auteur ou d'un complice.
  • Cass. crim., 09-12-1993, n° 93-81.044
    L'introduction d'un bâton dans l'anus d'un garçon, contraint à se déshabiller, après avoir été menacé de mort, dans le seul but de lui extorquer de l'argent, caractérise l'emploi de tortures ou d'actes de barbarie pour l'exécution d'une extorsion de fonds.
  • Réduction ou exemption de peines
  • Art. 312-6-1, Code pénal
    Toute personne qui a tenté de commettre une extorsion en bande organisée prévue par l'article 312-6 est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.
  • Art. 312-6-1, Code pénal
    La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'une extorsion en bande organisée est réduite de moitié si, ayant averti les autorités, il a permis de faire cesser l'infraction.
  • Art. 312-6-1, Code pénal
    Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de réclusion criminelle.
  • La tentative
  • Art. 312-9, Code pénal
    La tentative d'extorsion est punie des mêmes peines.

3. Le chantage

E9910EWX

  • Incrimination
  • Art. 312-10, Code pénal
    Le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.
  • Cass. crim., 22-04-1975, n° 74-90984
    Selon les dispositions de l'article 400 alinéa 2 du Code pénal, qui prévoient et punissent le délit de chantage, cette infraction ne peut être commise qu'a l'aide de la menace de révélations ou d'imputations diffamatoires. Des lors la constatation par les juges de l'emploi d'une telle menace est une condition nécessaire à l'application dudit texte.
  • Cass. crim., 13-03-1990, n° 88-87015, publié au bulletin
    La menace de révéler une infraction fiscale laquelle est étrangère à un litige entre particuliers est constitutive de chantage.
  • Cass. crim., 12-03-1985, n° 84-90.787, Rejet.
    La menace de révéler une irrégularité susceptible d'entraîner des poursuites d'ordre fiscal ou disciplinaire tendant à obtenir l'exécution d'une convention entachée de nullité est constitutive de chantage.
  • Cass. crim., 06-03-1978, n° 77-91567
    L'infraction de chantage est constituée même lorsque l'obligation est souscrite au nom d'un tiers dont la bonne foi n'est pas en cause.
  • Cass. crim., 13-01-2016, n° 14-85.905, FS-P+B
    Dès lors que les révélations et imputations, objet des menaces formulées par le prévenu, étaient de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la victime appréciés au regard de sa situation concrète, le délit de chantage est caractérisé.
  • Répression
  • Art. 312-10, Code pénal
    Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
  • Aggravation
  • Art. 312-11, Code pénal
    Lorsque l'auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende.
  • Tentative
  • Art. 312-12, Code pénal
    La tentative de chantage est punie des mêmes peines.
  • Cass. crim., 28-01-2015, n° 14-81.610, F-P+B
    La menace de révéler une liaison, qui est nature à porter atteinte à la considération de la victime, dans le but d'obtenir la remise de sommes d'argent, constitue une tentative de chantage. Précisions

    La menace de révéler une liaison, qui est nature à porter atteinte à la considération de la victime, dans le but d'obtenir la remise de sommes d'argent, constitue une tentative de chantage. Aussi, le prévenu est irrecevable à contester, pour la première fois, devant la Cour de cassation l'admission, comme moyen de preuve, l'enregistrement d'une communication téléphonique auquel il n'a pas consenti. Tels sont les enseignements d'un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 28 janvier 2015 (Cass. crim., 28 janvier 2015, n° 14-81.610, F-P+B N° Lexbase : A7073NA9 ; voir, pour la menace de révéler une infraction fiscale, en vue d'obtenir une transaction, Cass. crim., 13 mars 1990, n° 88-87.015 N° Lexbase : A2832CHD). En l'espèce, M. L. a été déclaré coupable du délit de tentative de chantage sur la personne de son ancienne épouse, dont il a tenté d'obtenir la remise de sommes d'argent en la menaçant, à l'occasion d'une conversation téléphonique, de porter la liaison qu'elle entretenait avec le mari de Mme P. à la connaissance de cette dernière. Contestant la décision le condamnant, M. L. a soutenu, devant les juges suprêmes, que porte atteinte au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la production en justice de l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu du prévenu pour provoquer ses aveux au moyen de ce stratagème ; dès lors, en se fondant en l'espèce, pour dire établie la tentative de chantage poursuivie, sur la retranscription de l'enregistrement, effectué par Mme S., à l'insu de son ex-époux, d'une conversation téléphonique qu'elle avait provoquée avec lui à dessein, bien que la déloyauté d'un tel procédé rendait irrecevable en justice cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 427 du Code de procédure pénale et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe de loyauté dans l'administration de la preuve. Aussi, selon lui, pour être constitutive du délit de chantage ou de tentative de chantage, la menace de révélation reprochée doit concerner des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération. Or, la révélation faite n'était pas diffamatoire. Il en conclut qu'en le déclarant coupable de tentative de chantage, sans caractériser en tous ses éléments le délit poursuivi, la cour d'appel a violé les articles 312-10 et 312-12 du Code pénal. La Cour de cassation rejette son argumentation et confirme la décision des juges du fond, sous le visa des textes précités (cf. l'Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E9910EWX et l'Encycopédie "Procédure pénale" N° Lexbase : E1786EUP).

  • Immunités familiales
  • Art. 312-12, Code pénal
    Art. 311-12, Code pénal
    Les immunités familiales sont applicables au chantage.

4. La demande de fonds sous contrainte

E9911EWY

  • Art. 312-12-1, Code pénal
    Le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
  • Cons. const., décision n° 2003-467, du 13-03-2003
    Le délit visé à l'article 312-12-1 vise par ses éléments constitutifs des agissements disctincts de ceux mentionnés à l'article 312-1 du Code pénal.

5. Les peines complémentaires applicables aux personnes physiques

E9912EWZ

  • Art. 312-13, Code pénal
    Les personnes physiques coupables d'extorsion encourent également des peines complémentaires.Précisions

    Ces peines sont les suivantes :

    - l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

    - l'interdiction soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;

    - la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;

    - l'interdiction de séjour ;

    - l'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté ;

    - l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.

  • Art. 312-13, Code pénal
    Le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation est obligatoire.
  • Art. 312-13, Code pénal
    Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle, décider de ne pas prononcer cette peine.
  • Art. 312-14, Code pénal
    L'interdiction du territoire français peut être prononcée, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable ce cette infraction.

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