ETUDE : Le contentieux de la copropriété : aspects procéduraux
E4536ET8
avec cacheDernière modification le 07-10-2024
E8077ETC
E8088ETQ
En vertu de l'alinéa deux de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, l'autorisation du syndic à agir en justice n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. Elle n'est pas non plus nécessaire lorsque le président du tribunal de grande instance est saisi en application des premiers alinéas des articles 29-1A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou du premier alinéa de l'article L. 615-6 du Code de la construction et de l'habitation.
Se prescrivant jusqu’alors par un délai de dix ans, les actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat, peuvent désormais, depuis la loi "ELAN" du 23 novembre 2018, être exercées pendant cinq ans en application de l’article 2224 du Code civil, auquel l’article 42, alinéa 1, de la loi de 1965 fait expressément référence.
E7005ETM
Seules les actions personnelles, par opposition aux actions réelles, entrent dans le champ du délai de prescription décennale.
L'action en suppression d'un empiétement sur les parties communes, intervenu à l'occasion de travaux autorisés par une assemblée générale, est-elle considérée comme une action personnelle soumise à la prescription décennale, en application de l'article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4849AH3), ou comme une action réelle soumise à la prescription trentenaire ? La Cour de cassation répond à cette question dans un arrêt en date du 19 juin 2013, qui offre l'occasion de revenir sur la délicate distinction à opérer entre action personnelle et action réelle lorsque le litige porte sur des empiètements ou des constructions irrégulières sur des parties communes.
Dans cette affaire, M. et Mme W., propriétaires d'un lot de copropriété, avaient été autorisés par une assemblée générale du 12 mars 1995 à effectuer des travaux. Une assemblée générale du 31 janvier 1998 ayant refusé d'autoriser les travaux effectivement réalisés par M. et Mme W. qui se prévalaient d'un permis de construire modificatif, ces derniers avaient assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en annulation des décisions prises lors de cette assemblée. Un jugement pour partie avant dire droit du 9 juin 1999, devenu irrévocable, avait dit opposable à M. et Mme W. le règlement de copropriété, avait jugé qu'il n'y avait pas eu d'abus de majorité et avait, avant dire droit sur les demandes reconventionnelles du syndicat de remise en état des lieux, ordonné une expertise afin de dire si les travaux réalisés étaient conformes aux résolutions adoptées le 12 mars 1995. Le syndicat avait assigné M. et Mme W. par acte du 30 janvier 2008 aux fins de voir juger l'instance introduite en 1998 périmée et les voir condamner à remettre leur lot en son état initial, en démolissant notamment certaines constructions empiétant sur les parties communes. Mme D. était intervenue volontairement à l'instance et avait de même sollicité la démolition de constructions.
Les demandes en remise en état avaient été déclarées irrecevables, pour cause de prescription, par la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 26 septembre 2011, n° 10/01507 N° Lexbase : A2272H7B), qui avait fait application de l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, aux termes duquel "sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans".
Il résulte de ces dispositions que trois critères cumulatifs permettent de déterminer le champ d'application de la prescription décennale : l'action doit être personnelle, elle doit être née de l'application de la loi du 10 juillet 1965, et elle doit s'exercer entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat.
Pour contester la décision de la cour d'appel, les requérants soutenaient que l'action devait être considérée, non pas comme une action personnelle, mais comme une action réelle soumise à la prescription trentenaire. Telle était donc la question soulevée par la présente affaire.
Au vu de la subtilité de la question, on comprendra qu'il n'est pas inutile de procéder à un rappel de ces deux notions. Selon le Vocabulaire juridique du Doyen Cornu, l'action personnelle est "l'action par laquelle on demande la reconnaissance ou la protection d'un droit personnel (d'une créance) quelle qu'en soit la source (contrat, quasi-contrat, délit, quasi-délit) et qui est, en général, mobilière, comme la créance dont l'exécution est réclamée (ex. action en recouvrement d'un prêt d'argent) mais qui peut être immobilière, si cette créance l'est aussi (ex. l'action en délivrance de tant d'hectares de terre dans un terrain de lotissement)".
Quant à l'action réelle, elle se définit comme l'"action par laquelle on demande la reconnaissance ou la protection d'un droit réel (droit de propriété, servitude, usufruit, hypothèque) et qui est mobilière si le droit réel exercé porte sur un meuble (ex. action en revendication d'un meuble perdu ou volé) ; immobilière si le droit porte sur un immeuble (ex. action en revendication d'un immeuble)".
La jurisprudence a été amenée à préciser la notion d'actions personnelles. Constituent, notamment, des actions personnelles : l'action tendant à l'application d'une décision d'assemblée générale (Cass. civ. 3, 7 décembre 1994, n° 92-21.003 N° Lexbase : A4436CPY) ; l'action tendant à obtenir le respect du règlement de copropriété, s'agissant notamment de l'usage des lots privatifs (CA Paris, 23ème ch., sect. B, 30 janvier 2003, n° 2002/13972 N° Lexbase : A5873DHY) ; l'action en recouvrement des charges de copropriété (Cass. civ. 3, 17 novembre 1999, n° 98-13.114 N° Lexbase : A3621AUN) ; l'action tendant au remboursement de charges indûment payées (Cass. civ. 3, 6 février 2002, n° 00-15.319, FS-P+B N° Lexbase : A9300AXQ).
En revanche, l'action qui tend à faire cesser l'appropriation des parties communes par un copropriétaire est une action réelle qui se prescrit par trente ans (Cass. civ. 3, 16 janvier 2008, n° 06-21.123, FS-D N° Lexbase : A0960D4C).
Au regard de ces décisions, la distinction ne semble guère soulever de difficultés, on saisit aisément le caractère réel de cette dernière action.
Mais si l'on analyse plus attentivement les solutions rendues dans le cadre de litiges tendant à faire cesser des empiétements sur les parties communes imputables à un copropriétaire et en restitution desdites parties, les très nombreuses décisions apparaissent contradictoires dans un premier temps, certaines retenant la qualification d'action réelle, et d'autres celle d'action personnelle.
C'est alors qu'il convient d'opérer la distinction suivante, qui repose sur la formulation de la demande.
- Une action qui tend à titre principal à la démolition, en vue d'assurer le respect du règlement de copropriété ou d'une décision d'assemblée générale, est une action personnelle soumise à la prescription de dix ans.
A titre d'exemples, on relèvera l'action tendant à la reconstruction d'une partie commune irrégulièrement démolie, sans aucune appropriation, par un copropriétaire (Cass. civ. 3, 5 juillet 1989, n° 88-10.028 N° Lexbase : A9979AAT) ; la demande de remise en l'état antérieure des parties communes à jouissance privative, fondée sur la non-conformité des installations créées aux autorisations données par l'assemblée générale (Cass. civ. 3, 25 mai 2005, n° 04-10.345, FS-D N° Lexbase : A4252DIC) ; ou encore l'action de copropriétaires tendant à obtenir la suppression dans le conduit de cheminée desservant leur lot du tubage aménagé au profit d'un autre lot (Cass. civ. 3, 21 novembre 2000, n° 99-14.146 N° Lexbase : A3676CYS).
- Au contraire, une action qui tend à titre principal à la restitution des parties communes indûment appropriées (et à titre seulement subsidiaire à la démolition des constructions irrégulières) est une action réelle en revendication pour laquelle la prescription est trentenaire (cf. notamment : Cass. civ. 3, 20 novembre 1985, n° 84-16.414 N° Lexbase : A5604AAS ; Cass. civ. 3, 11 janvier 1989, n° 87-13.605 N° Lexbase : A8923AAQ ; Cass. civ. 3, 17 mai 1995, n° 93-14.872 N° Lexbase : A7774ABK).
On citera, notamment, à propos de l'action tendant à la réouverture d'un passage cocher permettant l'accès aux parties communes situées à l'arrière du bâtiment à usage d'annexe et la démolition de diverses clôtures empêchant l'accès aux parties communes (Cass. civ. 3, 16 janvier 2008, n° 06-21.123, FS-D N° Lexbase : A0960D4C) ; ou encore s'agissant de l'action du syndicat des copropriétaires en restitution du local chaufferie commun qui a fait l'objet d'une appropriation par un copropriétaire (Cass. civ. 3, 6 mars 2002, n° 01-00.335, FS-D N° Lexbase : A1884AYG).
Si l'on cherche à appliquer la distinction dans l'affaire soumise à la Cour de cassation le 19 juin 2013, la simple lecture du dispositif des dernières conclusions du syndicat des copropriétaires démontrait que celui-ci poursuivait essentiellement "la condamnation de M. et Mme W. à combler la pièce en sous-sol située sous l'appentis, à reculer de 40 cm la véranda, à reculer de 30 cm l'appentis, à reculer la partie de la construction au 1er étage dite 'dent creuse', à détruire l'abri de jardin et à remettre en état le mur mitoyen avec la propriété" voisine.
Le litige tendait donc à remettre en cause la conformité des travaux effectivement réalisés par M.et Mme W. par rapport à ceux autorisés lors de l'assemblée générale du 12 mars 2005. La demande de remise en état des parties communes fondée sur la non-conformité des installations créées aux autorisations données par une assemblée générale est manifestement une action personnelle.
L'action en cause devait donc être qualifiée d'action personnelle née de l'application de la loi du 10 juillet 1965, et notamment de son article 25 (N° Lexbase : L4825AH8) qui soumet à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires les travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble à condition que ces travaux soient conformes à la destination de l'immeuble et de son article 26 (N° Lexbase : L4826AH9) qui requiert l'autorisation de l'assemblée générale pour les travaux portant appropriation de parties communes dont la conservation n'est pas nécessaire au respect de la destination de l'immeuble.
C'est ce que retient la Cour de cassation, qui approuve la cour d'appel ayant énoncé que "l'action en suppression d'un empiétement sur les parties communes, intervenu à l'occasion de travaux autorisés par une assemblée générale était une action personnelle soumise à la prescription décennale". La solution est donc parfaitement classique et conforme à la jurisprudence établie depuis de nombreuses années. Il n'en reste pas moins que le rappel est loin d'être inutile, tant la confusion des objets des deux types d'action est permise. Il faudra retenir de tout cela l'importance de la formulation de la demande, qui permettra de déterminer l'objet de l'action. L'enjeu est de taille, puisque c'est la durée de la prescription qui en dépend. Le plus grand soin doit donc ici être apporté par les professionnels à la rédaction des écritures.
Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée, paru dans Lexbase Hebdo n° 533 du 27 juin 2013 - édition privée
Dans un arrêt du 25 février 2009, la Cour de cassation précise que le point de départ du délai de prescription, prévu par l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, se situe au moment de l'apparition des vices de construction qui sont la cause génératrice de l'action sans qu'une vente postérieure des lots concernés puisse interrompre ce délai.
Cette décision semble porter un coup d'arrêt à un courant plus favorable aux droits des copropriétaires qui admettait que le délai de prescription court à compter de la découverte ou de la connaissance du vice de construction.
En l'espèce, par acte du 12 mars 2001, un particulier a acquis d'une SCI, qui en était le concepteur, trente six lots de copropriété consistant en places de mouillage dans le port de Cannes. Invoquant un défaut de conception, l'acquéreur a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence le Port Cannes Marina en dommages-intérêts et pour que la mutation de quatre emplacements de bateaux à réaliser sur les parties communes soit ordonnée à son profit. Ses demandes furent rejetées comme étant prescrites.
A l'appui de son pourvoi, l'acquéreur faisait valoir que l'action d'un copropriétaire contre le syndicat en réparation de son préjudice causé par un vice de construction se prescrit par un délai de dix ans qui court à compter de la connaissance par le copropriétaire du vice, cause de son dommage. Selon l'acquéreur, le point de départ du délai de prescription de l'action personnelle serait donc le jour où le copropriétaire a eu personnellement connaissance du vice.
La Cour de cassation rejette ce moyen et précise, au contraire, que la date à prendre en compte est celle du moment de l'apparition des vices de construction qui sont la cause génératrice de l'action, sans qu'une vente postérieure des lots concernés puisse interrompre ce délai.
Ainsi, dès lors que le vice dénoncé par l'acquéreur copropriétaire était apparu le 9 mars 1977 lors de l'effondrement du quai, les juges du fond pouvaient légalement estimer que l'action engagée en 2002 était prescrite.
La Haute cour ne pouvait être plus claire dans sa formulation pour indiquer que le point de départ du délai de prescription de l'action personnelle prévue par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 est le jour de l'apparition du vice et non le jour où le copropriétaire en a eu connaissance.
La jurisprudence antérieure était plus souple et admettait que le point de départ de la prescription corresponde à la connaissance du vice par le copropriétaire. Rappelons tout d'abord qu'il appartient aux juges du fond de mentionner le point de départ de la prescription lorsqu'ils la déclarent acquise (Cass. civ. 3, 20 juillet 1994, n° 92-19.150 N° Lexbase : A7038CXX).
Ainsi, la Cour avait retenu qu'il appartenait aux juges du fond de préciser la date d'apparition, dans l'appartement du copropriétaire, de désordres consécutifs aux vices de construction affectant les parties communes pour savoir si son action en responsabilité contre le syndicat des copropriétaires était prescrite (Cass. civ. 3, 26 mai 1992, n° 90-16.228 N° Lexbase : A5316AHD). Plus récemment, la Cour avait approuvé les juges du fond d'avoir fixé le point de départ du délai de prescription au jour où le copropriétaire avait connu de façon certaine la cause des désordres qu'il subissait et où il avait pu fonder son action à l'encontre du syndicat des copropriétaires du fait du vice de construction de la terrasse (Cass. civ. 3, 2 mars 2005, n° 03-14.713 N° Lexbase : A1000DHI ; cf. également, Cass. civ. 3, 24 mai 2006, n° 05-12.185, FS-D N° Lexbase : A7575DPA).
Désormais, compte tenu des termes sans équivoque de l'arrêt du 25 février 2009, il conviendra de considérer que le délai de prescription court à compter de l'apparition des vices de construction qui sont la cause génératrice de l'action.
Il résulte des articles 14 (N° Lexbase : L4807AHI) et 42 (N° Lexbase : L4849AH3) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, que le point de départ du délai de prescription décennale de l'action personnelle du copropriétaire contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par des vices de construction est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée et non la date de survenance des dommages. Telle est la solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, à travers deux arrêts rendus le 19 novembre 2015 (Cass. civ. 3, 19 novembre 2015, deux arrêts, n° 14-17.784 N° Lexbase : A5469NXT et n° 13-19.999 N° Lexbase : A5411NXP, FS-P+B).
Le syndicat des copropriétaires est, en effet, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes. La prescription applicable est celle prévue à l'article 42, alinéa 1er, de la même loi (N° Lexbase : L4849AH3), selon lequel les actions personnelles nées de l'application de cette dernière entre des copropriétaires, entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.
Il reste toutefois à déterminer quel est le point de départ du délai de prescription.
Le principe général en matière de prescription est que le délai court à compter du jour où l'action est née. En application de cette règle, lorsqu'il y a, par exemple, violation du règlement de copropriété, le délai court à compter du jour où l'infraction a été commise, et il n'est pas interrompu par les ventes successives du lot (Cass. civ. 3, 23 mai 1991, n° 89-19.879 N° Lexbase : A4652ACB, Inf. Rap. Copr., juin 1992, p. 194, note P. Capoulade).
En cas d'action en réparation de dommage intentée par un copropriétaire contre le syndicat, le délai était considéré comme courant en principe du jour de la survenance du dommage. Ainsi, sur cette base, lorsque le copropriétaire recherche la responsabilité du syndicat pour vice de construction, le délai part donc du jour de l'apparition des désordres dans le lot privatif concerné. Tel est le sens de nombreuses décisions de jurisprudence (Cass. civ. 3, 26 mai 1992, n° 90-16.228 N° Lexbase : A5316AHD, Bull. civ. III, n° 169, p. 103 ; Cass. civ. 3, 9 octobre 2007, n° 06-14.212, F-D N° Lexbase : A7334DYB, Administrer, janvier 2008, p. 54, obs. J.-R. Bouyeure ; Cass. civ. 3, 16 décembre 2008, n° 07-21.666, F-D N° Lexbase : A9116EBA, p. 58, obs. J.-R. Bouyeure).
Mais un complément à cette règle s'est trouvé posé par diverses autres décisions car encore faut-il, pour que la prescription puisse courir, que la victime ait connaissance des désordres et dispose des éléments lui permettant de savoir si la responsabilité du syndicat est ou peut être encourue, et si elle peut être recherchée (Cass. civ. 3, 2 mars 2005, n° 03-14.713 N° Lexbase : A1000DHI, Administrer, juin 2005, p. 47 ; Cass. civ. 3, 24 mai 2006, n° 05-12.185, FS-D N° Lexbase : A7575DPA : Loyers et Copropriété, septembre 2006, comm. 186, obs. G. Vigneron). Pour la Cour Suprême, le point de départ du délai de dix ans est le moment où le copropriétaire a pu connaître de façon effective la cause des désordres subis (pour des nuisances sonores : Cass. civ. 3, 30 mars 2010, n° 09-13.755, F-D N° Lexbase : A3642NZW, Administrer août/sept. 2010, p. 36, obs. J.-R. Bouyeure).
C'est dans la lignée de cette jurisprudence que s'inscrivent les deux arrêts de principe rendus le 19 novembre 2015 par la Cour de cassation, qui accentuent toutefois la nécessité de cette connaissance de la cause des désordres en exigeant qu'une telle cause soit connue de façon certaine.
Dans la première affaire (pourvoi n° 13-19.999), la cour d'appel, pour opposer l'acquisition de la prescription de dix ans, avait retenu que les infiltrations étaient apparues en 1989 mais que le copropriétaire victime n'avait agi en référé pour obtenir la désignation d'un expert que le 12 octobre 2001 (CA Aix-en-Provence, 11 avril 2013, n° 12/06905 N° Lexbase : A9282KBE).
Cette décision se trouve censurée par la Cour de cassation qui, au visa des articles 14 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, rappelle d'abord "qu'il résulte de ces textes que le point de départ du délai de prescription décennale de ladite loi est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée".
Puis, après avoir relevé que la cour d'appel avait constaté que l'expert désigné en référé n'avait déposé son rapport, concluant à un vice de construction, que le 6 juillet 2009, la Cour Suprême en déduit une violation des textes susvisés.
Dans la seconde espèce (pourvoi n° 14-17.784), la cour d'appel avait également déclaré l'action prescrite en retenant que dès lors que le titulaire du lot sinistré avait sollicité en 1988, puis lors d'une assemblée générale de copropriété du 6 mars 1992, la réfection des structures de l'immeuble à l'origine des désordres, la demande en référé aux fins de désignation d'expert qui n'avait été formulée qu'en 2001 s'avérait tardive, et donc prescrite (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 février 2014, n° 12/04681 N° Lexbase : A5111MEZ).
L'arrêt du 19 novembre 2015 prononce une cassation au motif qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si la cause des désordres avait été connue seulement au moment des opérations d'expertise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Ces deux arrêts de la Cour de cassation retiennent chacun une solution similaire qui revient à différer très largement le point de départ du délai de prescription par rapport à la conception généralement retenue.
On doit en effet déduire comme conséquences principales de ces deux arrêts :
- que la date de survenance des désordres ne constitue plus normalement le point de départ du délai de prescription, puisqu'il faut que le demandeur en connaisse la cause ;
- que cette connaissance de la cause doit revêtir un caractère certain, et non pas seulement dubitatif ;
- que dès lors, s'agissant d'une appréciation technique et étant donné la nécessité d'un caractère incontestable et contradictoire, cette connaissance résultera le plus souvent de l'expertise judiciaire.
Cela signifie qu'elle pourra se situer, selon les circonstances, soit à la date du dépôt du rapport de l'expert, soit "au moment des opérations d'expertise". En ce dernier, cas, il pourra s'agir d'une note explicative de l'expert aux parties.
Toujours est-il que le point de départ du délai de prescription se trouve ainsi largement différé puisque le copropriétaire victime ne se trouve plus lié par l'obligation d'agir dans le délai de dix ans à compter de la survenance du désordre, ni même à compter de la connaissance du désordre, mais seulement à compter de la connaissance de la cause du désordre. Il ne paraît donc plus y avoir d'empêchement à agir plus de dix années après l'apparition d'un désordre.
Cet allongement risque de se trouver en quelque sorte aggravé par la durée de certaines opérations d'expertise, qui s'échelonnent parfois sur des années, s'il faut attendre le dépôt du rapport de l'expert pour considérer que la cause des désordres est connue de manière certaine.
Il y a là une source s'insécurité juridique pour les syndicats de copropriété dont la responsabilité est ainsi susceptible d'être recherchée, sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, plusieurs années après l'apparition elle-même des désordres. Si l'on peut comprendre le souci de protection de la victime du dommage, supposant de sa part une connaissance suffisante du sinistre pour intenter une action contre le responsable, il ne semble pas illégitime non plus de veiller à ne pas favoriser les actions judiciaires exagérément tardives, et à ne pas accorder ainsi une tolérance excessive par rapport à la négligence de certains copropriétaires dans la gestion de leurs lots de copropriété.
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que le délai de dix ans est considéré comme un délai de prescription, et non comme un délai préfix. La prescription peut donc être interrompue selon le droit commun par l'un des évènements prévus aux articles 2242 (N° Lexbase : L7180IA8) et suivants du Code civil, et notamment par une citation en justice, y compris en référé (Cass. civ. 3, 24 avril 2003, n° 01-15.457, FS-P+B N° Lexbase : A5282BML, JCP éd. G, 2003, IV, 2039).
Patrick Baudouin, Avocat à la cour d'appel de Paris, Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris (Point de départ du délai de prescription de l'action personnelle du copropriétaire contre le syndicat des copropriétaires en réparation du préjudice causé par un vice de construction, article publié dans Lexbase Hebdo n° 638 du 7 janvier 2016 - édition privée)
E7748ET7
Aux termes de l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, "les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale". Pour plus de détails, il convient de se reporter au chapite "Le recours contre les décisions de l'assemblée générale" (N° Lexbase : E6344ET7).
E381203L
Les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique.
Les copropriétaires peuvent, à tout moment et par tout moyen, demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale.
Le syndic informe les copropriétaires des moyens qui s'offrent à eux pour conserver un mode d'information par voie postale.
Actualités. – Les formes de notification en copropriété sont imposées par les articles 64 et suivants du décret du 17 mars 1967 N° Lexbase : L8032BB4. Cet article, d’ordre public, prévoyait initialement que « toutes les notifications et mises en demeure prévues par la loi du 10 juillet 1965 et le présent décret (17 mars 1967) sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ». Pour rappel, ces textes précisaient que l’emploi du courrier postal AR demeurait le principe, l’envoi électronique étant alors l’exception. Sous réserve de l’accord exprès des copropriétaires concernés dument consigné dans le registre des procès-verbaux, les notifications et mises en demeure prévues en copropriété par la loi du 10 juillet 1965 peuvent être expédiée par LRE (loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 42-1 N° Lexbase : L5536AG7). Cet acheminement est confié à un tiers prestataire de lettre recommandée électronique usant d’un processus certifié garantissant l’identité du destinataire et de l’expéditeur. Le décret du 27 juin 2019 a ainsi prévu que l’accord exprès du copropriétaire sur la dématérialisation pouvait préciser s'il portait sur les notifications, les mises en demeure ou les deux. Le régime de cette dématérialisation des notifications et mises en demeure en copropriété est régi par les articles 64-2 N° Lexbase : L3386LBZ à 64-9 N° Lexbase : L7312LYH du décret du 17 mars 1967 :
Evolution de la loi : la notification par voie électronique devient le principe. La loi « Habitat dégradé » vient bouleverser cet équilibre en modifiant l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose désormais que : « Les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique. Les copropriétaires peuvent, à tout moment et par tout moyen, demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale. Le syndic informe les copropriétaires des moyens qui s'offrent à eux pour conserver un mode d'information par voie postale ». La loi consacre donc la généralisation des notifications et mises en demeure par voie électronique. L’accord exprès obligatoire des copropriétaires n’est donc plus nécessaire. En revanche, tout copropriétaire pourra demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par la voie postale classique. La demande pourra alors être faite par tout moyen et à tout moment auprès du syndic de copropriété. Le syndic informera alors les copropriétaires des moyens qui s’offrent à eux pour conserver un mode d’information par voie postale. Il est évident que les articles 64 et suivants du décret du 17 mars 1967 devront être harmonisés, par voie décrétale avec ces nouvelles mesures. En effet, à ce jour, seul l’article 46-1 de la loi a été modifié, si bien que les professionnels de la copropriété se trouvent dans une situation pouvant conduire à contentieux. Il parait également souhaitable que le décret à intervenir précise les formes à disposition des copropriétaires voulant conserver la forme papier de telles notifications. N’oublions pas que de nombreux copropriétaires n’ont pas nécessairement accès aux modes « modernes » de communication. Une telle imprécision pourrait les priver de leurs droits de copropriétaires. Enfin, il est bien évident que ce « tout LRE » n’est pas compatible avec certaines procédures prévues par le statut de la copropriété. Tel est ainsi le cas de l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965 et la convocation de l’assemblée générale, en cas de carence de syndic, par tout copropriétaire. Comment ce dernier pourra-t-il détenir l’intégralité des adresses courriels, voir l’identité des copropriétaires opposant à cette forme de notification ? Un décret salvateur est évidemment fiévreusement attendu par tous les praticiens de la copropriété. B. Naudin, Loi « Habitat dégradé » du 9 avril 2024 : les dispositions visant l’administration courante et les travaux à réaliser au sein des copropriétés et ASL, Lexbase Droit privé, mai 2024, n°985 N° Lexbase : N9370BZ3. |