ETUDE : Les règles et documents comptables
E39323R3
avec cacheDernière modification le 24-11-2021
E39333R4
E39343R7
Cette prérogative est, d'ailleurs, confirmée par la première chambre civile de la Cour de cassation qui, le 21 octobre 2003, rappelait que le conseil de l'Ordre, ainsi investi du pouvoir d'apporter au secret professionnel les dérogations strictement nécessaires à l'organisation du contrôle relatif aussi bien aux dépôts qu'aux retraits opérés sur les comptes ouverts par les avocats auprès de la caisse des règlements pécuniaires, pouvait, sans excéder les limites de son pouvoir réglementaire, obliger les membres de ce barreau à produire un justificatif de la cause et de l'objet de toute opération en débit ou crédit sur le compte "maniements de fonds" ouvert auprès de la Carpa (Cass. civ. 1, 21 octobre 2003, n° 01-11.169, F-P N° Lexbase : A9335C9M).
1 - La procédure de vérification
Le règlement intérieur doit établir cette procédure en tenant compte de la taille du barreau, de sa culture, des particularités de sa composition.
1.1. Les modes de vérification
- contrôle systématique :
Le règlement intérieur peut prévoir un contrôle systématique de tous les confrères mais aussi du Bâtonnier, des membres du conseil de l'Ordre.
Par exemple :
- contrôle du Bâtonnier des membres du conseil de l'Ordre à leur élection ;
- contrôle des confrères sur la base d'un tour de rôle selon l'inscription ou liste alphabétique ;
- contrôle par l'envoi préalable à tous les confrères d'un formulaire.
- contrôle aléatoire :
Par tirage au sort, soit général, soit en prévoyant deux tirages au sort, un pour les jeunes cabinets, un pour les autres cabinets.
- contrôle d'opportunité :
Le contrôle peut être déclenché en cas de situations suspectes : retards de cotisations à l'ordre, à l'URSSAF, à la CNBF, avis à tiers détenteur (sauf règlement AJ), actes ou assignations délivrées à confrères.
Le règlement intérieur peut aussi prévoir de " mixer " ces trois types de contrôle .
En toute hypothèse, c'est au Bâtonnier qu'il incombe annuellement d'inscrire à l'ordre du jour l'organisation de ces vérifications pour pouvoir en informer ensuite le Procureur général.
1.2. L'étendue de la vérification
Le texte n'est pas précis sur l'étendue de la vérification. L'article 232, alinéa 1er, du décret du 27 novembre 1991 dispose : "L'avocat est tenu de présenter sa comptabilité à toute demande du Bâtonnier". L'article 17, alinéa 29, de la loi du 31 décembre 1971 dispose : "De vérifier la comptabilité des avocats, personnes physiques ou morales et la constitution des garanties imposées par l'article 27 et par les décrets posés à l'article 53".
La vérification doit donc comporter sur toute la comptabilité des avocats, personnes physiques ou morales afin de vérifier le respect des obligations comptables, sociales et fiscales de l'avocat ainsi que sur sa situation financière et économique.
Il ne s'agit donc pas seulement de vérifier la tenue de la comptabilité mais aussi le contenu de celle-ci et la conformité aux règles applicables.
- la comptabilité du cabinet
Il convient de vérifier :
- la tenue de la comptabilité,
- le respect des obligations sociales personnelles,
- le respect des obligations à l'égard des salariés,
- le respect des obligations à l'égard des collaborateurs,
- le respect des obligations fiscales,
- la situation économique du cabinet.
- les règlements pécuniaires
A côté des contrôles diligentés par la CARPA, l'ordre doit vérifier les comptes CARPA. En effet, l'examen des comptes CARPA peut révéler des situations incompatibles avec nos règles déontologiques dont le contrôle appartient, il convient de le rappeler , au conseil de l'Ordre.
Un contrôle peut notamment permettre de constater :
- si un règlement pécuniaire et ou n'est pas accessoire d'un acte juridique ou judiciaire,
- le versement de l'ensemble des fonds appartenant au client sur les comptes ou sous compte CARPA,
- l'obligation de ne pas prélever d'honoraires sur les fonds appartenant au client sans l'accord de celui-ci.
Il convient de rappeler que faute pour le conseil de l'Ordre d'exercer ses prérogatives de vérification, sa responsabilité peut être engagée (voir, notamment, CA Aix en Provence, 14 décembre 2000, Gazette du Palais 2001-1-386).
- les comptes personnels des avocats
Ce point est délicat car il peut être considéré comme une atteinte à la vie privée . Mais, la discipline de l'avocat et son respect des principes essentiels l'engagent tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée et des poursuites peuvent être exercées portant sur des manquements observés également dans ce cadre conformément à l'article 183 du décret du 27 novembre 1991.
Il rencontre souvent une opposition de la part des confrères vérifiés. Toutefois , l'extension au compte personnel peut permettre au conseil de l'Ordre de prendre connaissance :
- de la situation financière du confrère,
- ils permettent de vérifier que les comptes personnels ne soient pas utilisés pour masquer une opération que l'avocat ne voudrait pas voir apparaître dans ses comptes professionnels : honoraires occultes, détournement de fonds appartenant à un client.
Toutefois, il conviendra bien entendu de réserver cette vérification approfondie des comptes personnels à des situations bien particulières, lorsque l'examen de la comptabilité professionnelle aura permis de détecter des anomalies.
1.3. Les formes de la vérification
Le règlement intérieur définira les formes de la vérification en fonction notamment des possibilités financières des ordres et de leur importance.
La vérification peut être graduée de la manière suivante :
- contrôle du Bâtonnier par l'envoi d'un questionnaire dont les réponses sont certifiées sur l'honneur (ce questionnaire portera sur la situation financière, économique et comptable du cabinet ainsi que sur les modalités de gestion du compte CARPA ainsi que sur la situation financière personnelle du confrère) ;
- si les réponses apportées au questionnaire révèlent une situation inquiétante : contrôle du conseil de l'Ordre ou d'un membre du conseil de l'Ordre délégué par le Bâtonnier, dans les locaux du confrère
- contrôle du Bâtonnier ou du membre du conseil de l'Ordre assisté d'une personne qualifiée tel un expert-comptable.
- le secret professionnel ne peut être opposé, le Bâtonnier et ses délégataires étant soumis au secret.
Le secret ne peut pas être opposé à l'expert-comptable désigné dans le cadre du contrôle.
1.4. Les contrôles pour les sociétés inter-barreaux ou barreaux secondaires
L'article 235 dispose en ses alinéas 3, 4 et 5 :
"La comptabilité des sociétés constituées entre avocats appartenant à des barreaux différents et des cabinets ayant ouvert un bureau secondaire dans le ressort d'un barreau distinct est vérifié par le conseil de l'ordre des avocats du lieu du siège social ou de l'établissement principal, qui peut se faire communiquer les documents comptables correspondant à l'activité accomplie dans les autres barreaux.
Le Bâtonnier de ce conseil de l'ordre informe les Bâtonniers des barreaux dont les membres font l'objet d'une vérification de leur comptabilité du déroulement de cette opération ainsi que de son résultat.
Le conseil de l'ordre vérificateur peut déléguer aux conseils de l'ordre locaux certaines opérations de vérifications s'appliquant aux membres de leurs barreaux".
Il convient donc, dans le règlement intérieur de prévoir, pour les barreaux relevant de ces dispositions, les modalités de contrôle de vérification des comptabilités.
Il peut notamment être prévu de déléguer une partie de la vérification au conseil de l'Ordre du barreau local par délégation.
2. Les suites de la vérification
En suite de la vérification, deux points doivent être évoqués :
- la transmission des informations au Procureur général ;
- les suites de la vérification à l'égard de l'avocat.
2.1. La transmission des informations au Procureur général
Cette obligation relève de l'alinéa 2 de l'article 235. Le contenu de l'information n'est pas prévu mais doit porter au moins :
- sur le nombre de vérifications opérées,
- sur les suites éventuelles données à l'égard du confrère.
Le Bâtonnier n'a pas à communiquer le nom des confrères qui ont fait l'objet d 'une vérification, ni ceux qui présentent une situation économique difficile.
Seuls le nom des confrères susceptibles d'être poursuivis déontologiquement doit être communiqué ainsi que les suites envisagées.
2.2. Les suites de la vérification
Le but exclusif de la vérification est de :
- vérifier le respect des règles sociales, comptables et fiscales,
- la situation financière du confrère,
- le respect des règles déontologiques.
Pour les plus jeunes notamment, le contrôle doit avoir un rôle pédagogique, de manière à permettre au confrère de permettre de rectifier le plus rapidement possible une situation inadéquate voire illégale.
Ce faisant, le Bâtonnier doit :
- aider (mais non pas conseiller) le confrère à mettre en oeuvre les pratiques
conformes aux règles précitées,
- le mettre en demeure éventuellement de rectifier des situations non conformes ,
- faire une seconde vérification après mise en demeure,
- déclencher une procédure disciplinaire,
- en cas de situation économique inquiétante et en fonction de l'état de celle -ci :
* aider le confrère à obtenir des délais de grâce auprès des organismes fiscaux , sociaux et
bancaires
* si la situation est obérée
= prononcer l'omission du tableau
= soit accompagner le confrère dans l'ouverture d'une procédure collective.
Synthèse rédigée par Le Bâtonnier Christine Laissue-Stravopodis, Les contrôles, extrait du Séminaire des Dauphins, Le Journal des Bâtonniers n° 22, Janvier - Février - Mars 2015