ETUDE : Les caisses des règlements pécuniaires des avocats (Carpa)
E39213RN
avec cacheDernière modification le 24-11-2021
E39223RP
E39233RQ
E39243RR
Et, une cour d'appel de conclure, à bon droit, à un manquement aux règles professionnelles ainsi qu'aux obligations d'honneur, de probité et de délicatesse d'un avocat, après avoir relevé que la situation débitrice du compte de l'avocat en cause provenait de ce que, pendant plusieurs années et de façon continue, celui-ci avait utilisé les fonds de ses clients pour ses besoins personnels, notamment en prélevant une partie d'une indemnité d'accident destinée à un de ses clients et en faisant domicilier à ce compte les échéances mensuelles d'une dette qu'il avait contractée pour l'achat d'un appartement, ainsi que ses factures d'électricité et de téléphone et autres dettes personnelles (Cass. civ. 1, 4 mai 1982 N° Lexbase : A0589C8C).
En l'espèce, sur la base d'un "Relevé des affaires stagnantes non soldées'', et se prévalant de la prescription acquise, une SCP d'avocats a demandé à la Carpa de son barreau de lui reverser diverses sommes qu'elle avait déposées, et s'est heurtée au refus de la Caisse qu'elle a fait assigner aux mêmes fins. L'article 15 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 1996, fixant les règles applicables aux dépôts et maniements de fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients (N° Lexbase : L3456IPP), dispose, dans ses trois derniers alinéas, que "si les fonds déposés au titre d'une affaire ne peuvent être remis au bénéficiaire, l'avocat en informe la caisse de règlements pécuniaires des avocats. La caisse doit enregistrer ces fonds sur un compte spécial. Les fonds restent à la disposition de l'intéressé ou de tout ayant droit jusqu'à prescription". La cour précise, alors, que, s'agissant d'un dépôt obligatoire, seul peut être dépositaire, tant que l'état de l'affaire le justifie, celui désigné par l'article 240 du décret de 1991, donc la Carpa.
👉 L’avocat peut-il se rémunérer sur les sommes déposées à la CARPA ? Bien que l’on parle communément du « compte CARPA de l’avocat », les sommes qui y sont déposées par l’avocat ne le sont jamais pour lui-même. Elles le sont essentiellement pour son client, pour l’adversaire de celui-ci, pour son cocontractant… L’avocat n’a par conséquent aucun droit sur les sommes détenues sur son compte CARPA. Il n’y a donc a priori aucune raison que l’avocat se rémunère sur celles-ci. Pourtant, l’avocat peut prélever sur les sommes revenant à son client et détenues par la CARPA, les honoraires qui lui sont dus. Cette pratique est en réalité très répandue et présente des avantages cetains. D’abord, parce qu’elle évite au client d’avoir à émettre un règlement, quelle que soit la forme de celui-ci, puisque les sommes qu’il doit verser à son avocat seront prélevées sur celles qui lui reviennent. Ensuite parce que cette pratique assure à l’avocat la garantie qu’il sera effectivement réglé de ses honoraires, et ce, sans incident. Mais pour effectuer un tel prélèvement, l’avocat doit impérativement obtenir de son client un accord préalable écrit, tant sur le principe du prélèvement que sur le montant à prélever. C’est ce que prévoit l’article 241, alinéa 2 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) selon lequel « Aucun prélèvement d’honoraires au profit de l’avocat ne peut intervenir sans l’autorisation écrite préalable du client. ». L’original de cet accord du client doit être fourni à la CARPA. A défaut, la CARPA refusera d’effectuer ce paiement au profit de l’avocat. Il arrive parfois que la CARPA sollicite en outre de l’avocat la production de sa facture à l’origine de sa demande de prélèvement. A contrario, le prélèvement par l’avocat du montant de ses honoraires sur les fonds reçus et déposés à la CARPA sans accord préalable du client représente un manquement au devoir de probité. Ainsi en a jugé la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 3 juillet 2001, n° 98-16.854 N° Lexbase : A1337AU3) ; Bull. civ. I, n° 195, p. 124). Mais eu égard au contrôle stricte exercé aujourd’hui par la CARPA quant à l’existence de l’accord préalable du client, ce type d’agissements est devenu quasiment impossible à envisager, sauf pour l’avocat à se rendre coupable de falsifications de documents de nature à prétendre à l’existence d’un accord écrit du client, ce qui relèverait, outre d’un délit pénal, de la violation des principes essentiels d’honneur, de probité, de loyauté... Pour contourner cette obligation d’obtenir l’accord préalable du client, les avocats ne manquent pas d’imagination. Ainsi a-t-on vu un avocat obtenir devant notaire la signature d’une cliente âgée, en difficulté financière et sans connaissance juridique, d’un acte exécutoire de reconnaissance de dette pour diligenter ensuite une procédure d’exécution forcée à son encontre, agissements qui lui ont valu une sanction disciplinaire, notamment pour manquement à la délicatesse (Cass. civ. 1, 30 septembre 2015, n° 14-23.372, F-P+B N° Lexbase : A5665NSM). A également manqué à ce principe, l’avocat qui a obtenu d’une banque un prêt et demandé à un client modeste de le cautionner afin d’obtenir règlement de ses honoraires (CA, Nouméa, 24 décembre 1987 ; JCP G, 1988, II, 21080, obs. J.-L. Vivier.) Une cour a, en outre, jugé qu’avait manqué à son obligation de délicatesse dans ses rapports avec sa cliente, l'avocat qui a subordonné le règlement de montants dus à sa cliente à la délivrance d’autorisations de prélèvement alors qu’aucun honoraire complémentaire ne lui était dû (CA Caen, 3 avril 2019, n° 18/03320 N° Lexbase : A0729Y8I). En revanche, si l’avocat qui se heurte au refus illégitime de son client de lui régler tout ou partie de ses honoraires n’a aucun droit de rétention sur les fonds déposés à la CARPA, il peut pour préserver ses droits, présenter une requête auprès du président du tribunal aux fins de saisie conservatoire entre les mains du Bâtonnier qui sera alors désigné comme séquestre à hauteur de l’honoraire contesté (le solde devant être sans délai adressé au client). Il saisira ensuite le Bâtonnier d’une demande de fixation ou de taxation de ses honoraires afin d’obtenir un titre exécutoire et transformer sa saisie conservatoire en saisie attribution. |
L'avocat qui n'a saisi ni le Bâtonnier d'une demande en fixation d'honoraires conformément aux dispositions de l'article 175 du décret du 27 novembre 1991, ni, dans l'attente de la mise en oeuvre de cette procédure, le président de la juridiction compétente afin d'être judiciairement autorisé à faire séquestrer à titre conservatoire les sommes qu'il estimait lui être dues, ne peut valablement exciper d'un droit de rétention portant sur des fonds versés sur son compte CARPA, non pas en vue du règlement de ses diligences, mais à l'occasion de la restitution à son client de la caution judiciaire qu'il avait dû acquitter dans le cadre d'une instruction pénale à la suite de sa mise sous contrôle judiciaire. Il lui appartient, en conséquence, de procéder à la restitution immédiate des fonds en cause à la première demande de son client. En persistant dans la voie du refus, six ans après la première demande de restitution présentée par le client et malgré les nombreuses relances provenant de l'Ordre des avocats, l'avocat a ainsi commis un manquement aux règles en matière de maniement de fonds, ainsi qu'aux principes essentiels de probité, de désintéressement, de délicatesse, de dévouement et de diligence ; manquements particulièrement graves. Aussi, doit être confirmée la sanction infligée par le conseil de discipline de l'Ordre des avocats de l'interdiction temporaire d'exercice de la profession d'avocat d'une durée de six mois non assortie du sursis. Telle est la décision rendue par la cour d'appel de Paris, le 25 octobre 2012 (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 25 octobre 2012, n° 10 /20112 N° Lexbase : A9524IUB).
Doit être confirmée l'ordonnance prononçant le séquestre des sommes déposées en compte Carpa au regard de l'insolvabilité du client, dont un retour de fortune, à l'issue d'une décision judiciaire en attente, demeure hypothétique et ayant, par le passé, remis à son avocat un chèque sans provision. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 6 novembre 2012 (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 6 novembre 2012, n° 12/05619 N° Lexbase : A3975IW7). Dans cette affaire, un avocat constatant l'insolvabilité de son client demandait la mise sous séquestre des sommes déposées au nom de ce dernier auprès de la Carpa et des sommes à venir. Le client contestait, d'une part, le montant de la créance de l'avocat à son encontre, auprès du Bâtonnier ; et d'autre part, s'il reconnaissait qu'il n'avait perçu aucun revenu depuis plusieurs années et qu'il était hébergé gratuitement, il espérait recouvrer ses droits dans le cadre d'un litige successoral. Mais, le futur recouvrement des droits d'auteur allégué par le débiteur ne saurait constituer une garantie dès lors qu'il est suspendu à l'aboutissement des procédures en cours et il existe un risque de non recouvrement par l'avocat de sa créance, quel que soit le montant auquel celle-ci est ramenée à l'issue de la procédure de contestation des honoraires. La mesure de séquestre est, en conséquence, indispensable et urgente.
Le juge des référés de la cour d'appel de Bordeaux a rendu, le 2 novembre 2011, un arrêt à la suite du gel des fonds d'un avocat par une banque faisant application du Règlement n° 204/2011 du Conseil de l'Europe (N° Lexbase : L7863IPW) qui organise le gel des avoirs de dignitaires et entités libyennes (CA Bordeaux, 2 novembre 2011, n° 11/5536 N° Lexbase : A6696H3E). Ce dernier a assigné la banque devant le juge des référés afin d'obtenir sa condamnation à lui verser une provision d'un montant correspondant à celui des avoirs gelés. La cour d'appel relevant qu'il existe une contestation sérieuse s'oppose à cette demande de provision de l'intéressé. La cour relève d'abord qu'il ne peut être reproché à la banque de n'avoir pas respecté le règlement intérieur du barreau de Bordeaux alors que le respect des obligations prévues par ce dernier ne peut incomber à la partie elle-même mais seulement à son avocat. Par ailleurs, il apparaît que le mandat donné à l'avocat par le directeur du département du contentieux du ministère de la Justice libyenne a pour but de défendre les personnes dont les avoirs ont été bloqués par le Règlement du 2 mars 2011. En outre, les procurations données à l'avocat révèlent que l'autorité qui a mandaté l'avocat pour agir en justice pour le compte de l'Etat libyen alors dirigé par M. Kadhafi est la même que celle qui envisage de le mandater pour défendre directement les intérêts de M. Kadhafi. Il apparaît donc que les fonds reçus par l'avocat dans le cadre de ces deux mandats sont susceptibles de profiter indirectement à M. Kadhafi qui figure sur la liste des personnalités libyennes dont les fonds doivent être bloqués. La cour ajoute que, même si les fonds litigieux ont été versés par l'intermédiaire d'une banque située à Doubaï aux Emirats Arabes unis lesquels ne figurent pas sur la liste des personnes dont les avoirs doivent être bloqués et même si l'avocat bénéficiaire desdits fonds ne figure pas lui-même sur cette liste, il s'ensuit que les fonds versés sont susceptibles de tomber sous le coup de l'article 5 du Règlement du 2 mars 2011. Il importe peu dès lors que la banque qui a bloqué les fonds ne produise pas un courrier du directeur général du Trésor public, le blocage se fondant sur les dispositions du Règlement d'application directe en droit français. Le gel des fonds versés qui sont susceptibles d'être restitués au nouvel Etat libyen fait peser sur la banque le risque de ne pouvoir obtenir le remboursement par l'avocat de la provision qui lui a été allouée. C'est donc à tort que l'intéressé soutient qu'il n'y a aucun risque pour la banque à lui verser le montant de la somme qu'il sollicite à titre de provision. Il existe en conséquence une contestation sérieuse qui s'oppose à la demande de provision de l'intéressé.
Quand une loi ordonne une consignation sans en indiquer le lieu, les juridictions ne peuvent autoriser de consignations auprès d'organismes autres que la Caisse des dépôts et consignations. A défaut de dispositions spéciales, les sommes provenant d'une vente amiable doivent être consignées auprès de cet organisme. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le décembre 2012 (Cass. civ. 2, 6 décembre 2012, n° 11-24.443, FS-P+B N° Lexbase : A5626IYZ), au visa des articles 2203 du Code civil (N° Lexbase : L5941HIU), alors applicable, 2-14° de l'ordonnance du 3 juillet 1816 et L. 518-19 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9684DYC). Dans cette affaire, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par une banque, le juge de l'exécution a autorisé une vente amiable pour un certain prix et rappelé que ce prix et toute somme acquittée par l'acquéreur seraient consignés. A la date fixée, le juge a constaté la vente amiable, ordonné la radiation des inscriptions ainsi que la consignation du prix de vente à une Carpa sur le compte séquestre du Bâtonnier de l'Ordre. Or, la Caisse des dépôts et consignations a formé tierce opposition à ce jugement. Le CNB ainsi que l'Union nationale des Carpa (l'UNCA) sont volontairement intervenus à l'instance. Après avoir rappelé que le jugement par lequel le juge de l'exécution constate la vente amiable, après avoir contrôlé la conformité de l'acte notarié aux conditions fixées par le jugement qui l'a autorisée et la consignation du prix de vente, constitue une décision juridictionnelle susceptible de tierce opposition, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel ayant rejeté la tierce opposition de la Caisse des dépôts et consignations, sur le fondement sus-évoqué.
Dans cette affaire, ayant d'ailleurs donné lieu à la radiation définitive du barreau de l'avocat en cause, en raison de manquements graves répétés aux principes essentiels de la profession, il était apparu que cet avocat avait reçu de l'argent (une somme de 600 000 euros) de la part d'un client fortuné qui recherchait des biens immobiliers à acquérir. Interrogé par les enquêteurs désignés par le Bâtonnier, il avait déclaré avoir reçu cette somme à titre d'honoraires et en avoir rétrocédé près de la moitié à une personne, n'ayant pas la qualité d'avocat, pour son intermédiaire dans une vente immobilière. Selon les juges, l'avocat avait ainsi procédé à une affaire immobilière et ne s'était pas comporté en avocat mais en homme d'affaires effectuant des opérations sans aucune transparence financière, utilisant sa qualité d'avocat pour percevoir des honoraires tout en n'hésitant pas à en rétrocéder une partie à un intermédiaire immobilier. Ce faisant, la cour d'appel a retenu qu'il avait violé la règle déontologique de la prohibition du partage d'honoraires rappelée par l'article 11.4 du RIN. On relèvera que la violation de cette règle professionnelle a amené la cour à retenir que l'avocat a ainsi commis un très grave manquement à l'ensemble des principes essentiels de la profession d'avocat énoncés à l'article 1.3 du RIN.
E39313RZ
Cette commission est composée du président du Conseil national des barreaux, du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, du président de la Conférence des Bâtonniers, du président de l'Union nationale des caisses d'avocats. Chacun d'eux désigne un suppléant choisi au sein de l'organisation qu'il représente. La commission élit son président ainsi que celui de ses membres appelé à remplacer le président si celui-ci est absent ou empêché. Elle peut bénéficier, sur sa demande, d'une assistance technique procurée par toute personne désignée par un arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. La commission établit son règlement intérieur. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
Lorsque le rapport révèle des manquements aux règles et obligations prévues par le présent décret, ou par l'arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, la commission, soit d'office, soit sur saisine du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est établi le siège de la caisse, peut prendre l'une des mesures prévues ci-dessous (décret n° 91-1197, art. 241-4).
La commission de contrôle peut émettre des avis et recommandations. Elle peut également enjoindre aux caisses de mettre fin aux manquements constatés. Elle veille à l'exécution de l'obligation de regroupement en une caisse commune.
En cas de carence des organes de gestion de la caisse, de risque de non-représentation des fonds, effets et valeurs déposés ou de manquement aux règles d'affectation des produits financiers, la commission de contrôle peut désigner, pour une durée maximale d'un an renouvelable une fois, un avocat aux fins d'assister le président de la caisse.
L'avocat ainsi désigné ne peut être membre du ou des Ordres auprès desquels est instituée la caisse.
Il peut donner au président de la caisse tous avis, conseils et mises en garde. Il tient régulièrement informé le procureur général ainsi que la commission de contrôle.