ETUDE : Les salariés placés en activité partielle : une nouvelle catégorie objective ? * Rédigée le 09.07.2020
E81013Q4
sans cacheDernière modification le 06-11-2020
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L’évolution de la pandémie de Covid-19 a conduit le Gouvernement à prendre, sur le plan sanitaire, des mesures contraignantes de confinement total à compter du 17 mars 2020, et sur le plan social, à améliorer le dispositif existant de l’activité partielle afin de permettre aux entreprises de faire face à la baisse d’activité d’une ampleur sans précédent. Au pic de cette crise, près de 14 millions de salariés (Etude de la DARES publiée 24 juin 2020 sur le site du ministère du Travail, [en ligne]) ont ainsi été placés en activité partielle et ont perçu un revenu de remplacement versé par l’employeur, lequel est remboursé, dans une certaine limite, par l’État.
En matière de protection sociale complémentaire, la suspension du contrat de travail des salariés en activité partielle et, dans ce cas, l’absence de perception d’un revenu soumis à cotisations de Sécurité sociale au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4986LR4) a très rapidement soulevées diverses problématiques :
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Pour les contrats d’assurance dont l’assiette des cotisations est définie en référence à l’article L. 242-1 précité, la position commune des organismes assureurs prévoyait alors que « les assiettes des cotisations […] d[evaient] inclure les indemnités versées au titre de l’activité partielle ». Une note en bas de page du communiqué précisait que « l’allocation complémentaire d’activité partielle n’[était] donc pas incluse dans l’assiette ».
Parallèlement, les organisations syndicales se sont mobilisées pour proposer aux organisations patronales un projet d’accord national interprofessionnel (Projet du 10 avril 2020) :
Toutefois, faute de convergence de point de vue avec les organisations patronales, ce projet n’a jamais abouti et les organisations syndicales ont porté ce projet devant le ministère du Travail.
C’est dans ce contexte que le 7 mai dernier, le Conseil des ministres sur le cadrage du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre aux salariés en activité partielle de bénéficier du « maintien de garanties de protection sociale complémentaire applicables le cas échéant dans l’entreprise, nonobstant toute clause contraire des accords collectifs ou des décisions unilatérales et des contrats collectifs d’assurance pris pour leur application, pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, ainsi que l’adaptation des conditions de versement et du régime fiscal et social des contributions dues par l’employeur dans ce cadre » (Article 1er, 3°, b) du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, le 7 mai 2020).
Finalement, plutôt que de légiférer par voie d’ordonnance, le Gouvernement a préféré inscrire directement dans la loi « un cadre juridique clair en matière de maintien des garanties collectives pour les salariés en activité partielle » (Exposé des motifs de l’amendement n° 125 présenté par le Gouvernement le 25 mai 2020, [en ligne]). L’article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin) vient ainsi instituer à leur profit, de manière temporaire et rétroactive, du 12 mars au 15 juillet 2020 (Paragraphe IV de l’article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020) :
qui s’imposent à la fois, aux employeurs, aux salariés et aux organismes complémentaires.
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Aux termes du paragraphe I de l’article 12 de la loi du 17 juin, les salariés, et le cas échéant leurs ayants droit, bénéficiant de régimes collectifs de frais de santé et de prévoyance « lourde » (incapacité, invalidité, décès) complémentaires, formalisés par voie de décision unilatérale de l’employeur, d’accord collectif ou référendaire, doivent continuer à en bénéficier lorsqu’ils sont placés en activité partielle.
Ces dispositions d’ordre public :
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En effet, l’article 12 prévoit expressément que, dans cette hypothèse, « l’indemnité brute mensuelle due en application de l’article L. 5122-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9343LND) » est substituée aux « revenus d’activité ».
Or, l’article L. 5122-1 précité dispose que : « […] les salariés […] placés en activité partielle […] reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'État. […] ».
A ce titre, l’article R. 5122-18 du Code du travail (N° Lexbase : L3124LBC) précise que « le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés […] ».
Autrement dit, en application d’une lecture stricte de l’article 12 de la loi du 17 juin, à la date à laquelle nous rédigeons cet article, seules les indemnités légales d’activité partielle doivent, par principe, être prises en compte dans le calcul des cotisations et des prestations de frais de santé et de prévoyance « lourde ».
Dans ce cas, aucun acte de formalisation n’est nécessaire, il s’agit d’une obligation légale de cotiser sur une assiette minimale au profit des salariés placés en activité partielle et ce, pendant une période limitée (du 12 mars au 15 juillet 2020).
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L’alinéa 2 du paragraphe II de l’article 12 dispose que l’employeur peut, s’il le souhaite, prévoir une cotisation sur une assiette supérieure à l’assiette minimale légale précitée, en intégrant notamment :
Dans ce cas, la détermination de l’assiette doit être formalisée :
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Ainsi, la loi permet à l’employeur, là encore, s’il le souhaite, d’augmenter sa part de cotisations afin de diminuer corrélativement celle prise en charge par les salariés placés en activité partielle.
Dans cette hypothèse, même si la loi ne le prévoit pas expressément, cette nouvelle clé de répartition des cotisations devrait, selon nous, être formalisée au sein de l’acte de droit du travail instituant le régime.
La question pourrait se poser de savoir si l’éventuelle modification de la répartition employeur / salarié ne devrait pas s’appliquer à l’ensemble des salariés bénéficiaires du régime. Pour répondre à cette question, prenons un peu de hauteur et ne perdons pas de vue que le législateur est précisément intervenu pour pallier les carences que l’activité partielle pouvait entraîner sur le niveau des cotisations et des prestations des régimes de frais de santé et de prévoyance complémentaires. En effet, nul besoin d’une nouvelle loi pour permettre un tel dispositif au profit de l’ensemble des salariés, lequel est déjà encadré par la réglementation en vigueur.
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En guise de conclusion...
Dans le cadre de la crise sanitaire et du recours massif à l’activité partielle, le législateur est intervenu pour créer, à titre exceptionnel et de manière temporaire, « une nouvelle catégorie objective », celle des salariés placés en activité partielle, pouvant ainsi bénéficier, de manière spécifique, d’un financement patronal (assiette et répartition des cotisations) et de garanties (assiette des prestations) qui leurs sont propres, sans remettre en cause le régime social de faveur attaché au financement patronal des régimes de frais de santé et de prévoyance complémentaire.
Cette intervention législative aura permis de :
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