ETUDE : Le champ d'application du statut de la copropriété
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avec cacheDernière modification le 04-06-2024
Le champ d'application du statut de la copropriété a été profondément modifié par l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, qui prévoit désormais de prendre en considération l'usage de l'immeuble (usage partiel ou exclusif d'habitation) pour déterminer l'application impérative du statut de la copropriété.
Pour présenter le champ d’application du statut de la copropriété, il convient de distinguer entre les conditions communes à l’application impérative au statut de la copropriété et à l’application facultative au statut, les conditions propres à l’application impérative au statut de la copropriété et les conditions propres à l’application facultative au statut de la copropriété.
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La division d'un ensemble immobilier en volumes est possible en application de l'article 533 du Code civil et de l'article 1er alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
Pour cela, il faut que le sol soit divisé en propriétés distinctes (appropriation hétérogène).
"Cette technique de division (...) consiste à distinguer des fractions d'immeuble définies en trois dimensions par référence à des plans (notamment cadastraux), à des coupes horizontales et verticales, ces dernières par références aux cotes 'Nivellement général de la France' (NGF) ; mais aucune quote-part de parties communes n'est affectée à ces fraction qui, de ce fait, sont autonomes les unes par rapport aux autres, mais avec des superstructures communes.
(...) Le statut de la copropriété ne leur est donc pas applicable au moins automatiquement". (Dalloz Action, La copropriété, 2010-2011, n° 55).
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C’est dans les conditions propres à l'application impérative au statut de la copropriété que réside la modification majeure réalisée par l’ordonnance du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété : la réduction du champ d’application impératif du statut de la copropriété aux seuls immeubles à usage partiel ou exclusif d’habitation. N’est pas modifiée, en revanche, la condition d’une propriété du sol homogène permettant de distinguer le groupe d’immeubles de l’ensemble immobilier.
Partant du postulat que la loi du 10 juillet 1965 est trop rigide pour s’appliquer à tous les immeubles quel que soit leur usage, l’ordonnance du 30 octobre 2019 réduit l’application impérative du statut de la copropriété aux seuls immeubles ou groupes d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation.
Une telle réduction du champ d’application impérative du statut de la copropriété créera inévitablement des problèmes de frontière qui doivent, néanmoins, être relativisés.
Le critère à retenir pour déterminer si l’immeuble est à usage partiel ou total d’habitation n’est pas précisé dans le I de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965. A notre sens, il n’est pas possible de s’en tenir à la seule volonté des parties. En effet, il serait trop simple de contourner le statut de la copropriété en mettant en place une organisation différente pour un immeuble pour lequel les parties déclareraient qu’il n’est pas à usage d’habitation. Il conviendra de prendre en compte, également, des éléments objectifs, des caractéristiques matérielles, permettant d’établir l’usage qui est ou qui sera fait de l’immeuble. Ainsi, dès lors que l’immeuble comprend ou doit comprendre tous les éléments d’équipement d’un immeuble à usage d’habitation, l’application du statut de la copropriété sera impérative.
Par ailleurs, il est suffisant que le bâtiment contienne un lot à usage d’habitation pour que l’application du statut de la copropriété soit impérative. Il importe peu, en effet, de déterminer si les lots à usage d’habitation sont majoritaires par rapport aux lots à un autre usage. Ainsi, un lot à usage d’habitation dans un bâtiment comprenant 99 lots à un usage autre que d’habitation suffira pour considérer que le bâtiment est à usage partiel d’habitation et que le statut de la copropriété soit impérativement applicable. De même, il est suffisant qu’un bâtiment dans un groupe de bâtiments soit à usage partiel ou total d’habitation pour que le statut de la copropriété soit applicable impérativement.
Il est parfaitement possible, au demeurant, que l’usage d’un lot évolue dans le temps. En cette hypothèse, il faudra régler la situation conventionnellement. En effet, si un lot passe d’un usage d’habitation à un usage de commerce et qu’il n’existe plus de lot à usage d’habitation dans le bâtiment concerné, les copropriétaires pourront user du deuxième alinéa du 2° du II de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 qui précise que la convention mettant en place une organisation dotée de la personne morale est adoptée par l'assemblée générale à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat. A l’inverse, l’usage d’un lot à usage autre que d’habitation pourrait être transformée par son propriétaire. En cette hypothèse, la convention prévoyant l’organisation différente pourrait faire obstacle à une telle modification. Chaque propriétaire ne pourrait ainsi, sans l’accord unanime des autres, modifier l’usage de son lot.
Si, ainsi, des problèmes de frontière vont surgir, celles-ci ne sont pas pour autant inédites. En effet et tout d’abord, différentes dispositions du droit de la copropriété ne sont applicables qu’aux bâtiments à usage d’habitation. Ainsi et par exemple, le dernier alinéa de l’article 8-2 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L3651I4Y), qui n’est pas modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019, précise que l’établissement d’une fiche synthétique ne s’impose pas lorsque l’immeuble est à destination totale autre que d’habitation. Il est vrai, toutefois, que, dans cette hypothèse, le syndic va être conduit à prendre en considération les stipulations du règlement de copropriété pour déterminer s’il est tenu ou non d’établir ladite fiche.
D’autre part, ces problèmes de frontière apparaissent également dans d’autres domaines notamment celui du droit de la construction lorsqu’il s’agit de déterminer si les règles du secteur protégé doivent être appliquées. Ainsi, pour les résidences de tourisme et les résidences-services, la Cour de cassation a été conduite à préciser que le mode de gestion desdites copropriétés n’était pas dirimant et que les appartements situés dans ces résidences devaient être considérés comme étant à usage d’habitation (Cass. civ. 3, 23 mai 2019, n° 17-17.908, FS-P+B+I N° Lexbase : A1907ZCM). Il nous semble que la même solution devra être retenue lorsqu’il s’agira de déterminer si le statut de la copropriété est impérativement applicable aux résidences de tourisme et aux résidences-services.
Vivien Zalewski-Sicard, extrait de Le statut de la copropriété : un champ d’application révolutionné par l’ordonnance du 30 octobre 2019, article paru dans Lexbase, éd. priv., n° 806, 2019 (N° Lexbase : N1559BYE).
"Le statut de la copropriété doit s'appliquer, à l'exclusion de tout autre mode d'organisation, dès lors qu'un immeuble, dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, est de structure suffisamment 'homogène' pour que chaque lot comprenne nécessairement une partie privative et une quote-part des parties communes.
En particulier, il ne serait pas possible, dans un immeuble à élévation homogène, de faire de chaque appartement un volume immobilier et d'organiser cet ensemble en s'affranchissant de la loi du 10 juillet 1965 au prétexte qu'il n'y aurait pas, dans cette présentation, de parties communes réparties entre tous les lots. Ce serait éluder de façon artificielle le statut d'ordre public résultant de cette loi" (Mémento Francis Lefebvre, Gestion immobilière, 2010-2011, n° 35050).
E4539ETB
Les conditions propres à l'application facultative au statut de la copropriété sont énoncées au II de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965. Le statut de la copropriété s’appliquera de manière facultative aux immeubles ou groupe d’immeubles à usage autre que d’habitation, ainsi qu’aux ensembles immobiliers, mais uniquement lorsqu’une organisation différente n’aura pas été mise en place.
Sont visés par le II de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 tous les immeubles ou groupe d’immeubles à usage autre que d’habitation, même partiellement. Ainsi et désormais, un immeuble à usage de commerce, à usage industriel, à usage artisanal, à usage professionnel… , à usage mixte, dès lors que l’un des usages n’est pas l’habitation, peut ne pas être soumis au statut de la copropriété. Des parties communes et des parties privatives existeront bien. C’est, alors, aux parties qu’il va revenir d’organiser conventionnellement la gestion desdites parties communes et les rapports entre les copropriétaires et entre les copropriétaires et les tiers. Aux parties, donc, de créer une nouvelle organisation.
L’article 2 de l’ordonnance du 30 octobre 2019 n’a d’ailleurs pas omis d’envisager la situation de ces immeubles qui seraient soumis au statut de la copropriété, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de ladite ordonnance soit ultérieurement en l’absence de mise en place d’une organisation différente, et dont les copropriétaires voudraient sortir. En cette hypothèse, la convention créant une organisation différente répondant aux exigences du II de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965.
Vivien Zalewski-Sicard, extrait de Le statut de la copropriété : un champ d’application révolutionné par l’ordonnance du 30 octobre 2019, article paru dans Lexbase, éd. priv., n° 806, 2019 (N° Lexbase : N1559BYE).
Vivien Zalewski-Sicard, extrait de Le statut de la copropriété : un champ d’application révolutionné par l’ordonnance du 30 octobre 2019, paru dans Lexbase, éd. priv., n° 806, 2019 (N° Lexbase : N1559BYE)
Une réponse ministérielle précise que "par opposition à l'homogénéité prévue par l'alinéa 1er de l'article 1er (de la loi du 10 juillet 1965) de la répartition de la propriété par lots de l'immeuble ou du groupe d'immeubles bâtis, pour lesquels le statut de la copropriété est impératif, l'ensemble immobilier présente une structure hétérogène et des aménagements ou des services communs pour la gestion desquels une organisation est nécessaire. Si l'on peut regretter l'inexistence d'un statut spécifique aux ensembles immobiliers, il convient d'observer que le régime de la copropriété ne s'applique à ces ensembles qu'à défaut d'une organisation différente, telle que la constitution d'une association syndicale libre des propriétaires (...), d'une association foncière urbaine régie par l'article L. 322-2 du Code de l'urbanisme, ou encore d'une union de syndicats prévue par l'article 29 de la loi du 10 juillet 1965 (...). Même s'il semble préférable, pour des raisons pratiques, que l'organisation différente soit créée en même temps que l'ensemble immobilier, il apparaît possible de procéder à cette création ultérieurement" (Rép. min. n° 28921, JO Sénat, 1er mars 2001, p. 756).
L'ensemble immobilier est défini comme un ensemble composé de parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs, devant gérer des terrains, des aménagements ou des services communs. Pour qu'un ensemble immobilier soit constitué il faut donc la réunion des deux conditions suivantes : des parcelles faisant l'objet de droit de propriété privatif (appropriation hétérogène) et des terrains, des aménagements et des services communs.
Vivien Zalewski-Sicard, extrait de Le statut de la copropriété : un champ d’application révolutionné par l’ordonnance du 30 octobre 2019, paru dans Lexbase, éd. priv., n° 806, 2019 (N° Lexbase : N1559BYE)
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