ETUDE : Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

ETUDE : Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

E7503ET3

sans cacheDernière modification le 20-09-2022

Alors que le délai de séparation conditionnant le divorce pour cause objective était déjà passé de six à deux ans en 2004, il est à nouveau réduit en 2019, avec la loi du 23 mars 2019, en passant à un an, permettant d’en favoriser nettement l’accès.

Plan de l'étude

  1. Synthèse
  2. Définition du divorce pour altération définitive du lien conjugal
  3. Les deux cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal

1. Synthèse

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal correspond à l'ancien divorce pour rupture de la vie commune, dont les conditions de durée en ont été assouplies au fil des réformes : alors que le délai de séparation conditionnant le divorce pour cause objective était déjà passé de six à deux ans en 2004, il est à nouveau réduit en 2019, avec la loi du 23 mars 2019, en passant à un an, permettant d’en favoriser nettement l’accès.La clause de dureté (article 238, al. 2 anc.) a été supprimée ; par conséquent, le juge est désormais obligé de prononcer le divorce pour ADLC dès lors que les conditions visées à l'article 238 du Code civil sont réunies. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est un divorce pour cause objective à raison de la cessation de la communauté de vie entre les époux pendant un délai d'un an. Il existe deux cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal. Ces deux cas sont énoncés à l'article 238 du Code civil N° Lexbase : L2794DZI. L'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis un an lors de l'assignation en divorce. Nonobstant ces dispositions, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal dans le cas prévu au second alinéa de l'article 246, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel.

2. Définition du divorce pour altération définitive du lien conjugal

E7509ETB

  • Art. 237, Code civil

    Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.

    Le divorce pour altération définitive du lien conjugal correspond à l'ancien divorce pour rupture de la vie commune, dont les conditions de durée en ont été assouplies au fil des réformes : alors que le délai de séparation conditionnant le divorce pour cause objective était déjà passé de six à deux ans en 2004, il est à nouveau réduit en 2019, avec la loi du 23 mars 2019, en passant à un an, permettant d’en favoriser nettement l’accès. La clause de dureté (article 238, al. 2 anc.) a été supprimée ; par conséquent, le juge est désormais obligé de prononcer le divorce pour ADLC dès lors que les conditions visées à l'article 238 du Code civil sont réunies. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est un divorce pour cause objective à raison de la cessation de la communauté de vie entre les époux pendant un délai d'un an.
  • Cass. civ. 2, 12-10-1988, n° 87-16.924
    Le rejet d'une première demande en divorce à raison de la durée insuffisante de la séparation ne peut interdire à l'époux d'en introduire une seconde lorsque cette séparation a atteint la durée prévue à l'article 237 du Code civil.
  • Cass. civ. 2, 25-03-1991, n° 89-21.181
    Le divorce peut être prononcé malgré l'engagement du mari de ne pas divorcer avant l'expiration d'un délai de moins de 6 ans après la séparation de fait des époux, nul ne pouvant valablement renoncer à un droit d'ordre public avant qu'il ne soit acquis.
  • Conformité à la CESDH
  • Cass. civ. 1, 30-06-2004, n° 02-21.101, F-D
    Le prononcé du divorce pour rupture de la vie commune ne peut être contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
  • Cass. civ. 1, 15-04-2015, n° 13-27.898, F-P+B
    Cass. civ. 2, 25-03-1987, n° 85-12.262
    Le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui implique une cessation de la communauté de vie entre des époux séparés depuis deux ans (un an désormais) lors de l'assignation en divorce, ne peut être contraire aux dispositions de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.Précisions

    Le divorce pour altération du lien conjugal peut être demandé lorsque le lien conjugal est définitivement altéré (C. civ., art. 237 N° Lexbase : L2793DZH). Cette altération résulte de « la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce » (désormais un an) (C. civ., art. 238 N° Lexbase : L2794DZI).

    Lors de la réforme du divorce de 2004 (loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 N° Lexbase : L2150DYB), le législateur a tenté, avec ce divorce, de corriger les principaux « inconvénients » du divorce pour rupture de la vie commune, afin que les époux, qui ne s'entendent pas suffisamment pour choisir un divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture, ne s'orientent plus systématiquement vers le divorce pour faute, allant parfois même jusqu'à « inventer » un comportement fautif. Alors que l'ancien article 237 du Code civil (N° Lexbase : L2591ABL) mettait l'accent sur la durée de la rupture, la nouvelle rédaction insiste sur son aspect définitif. Il suffit que les époux vivent séparés depuis deux ans (un an désormais, et non plus six ans) pour que le lien conjugal soit définitivement altéré, peu importe les raisons de la séparation.

    L'ancien divorce pour rupture de la vie commune était critiqué comme permettant la répudiation de l'un des époux par l'autre. Le nouveau divorce pour altération du lien conjugal va encore plus loin. Il consacre un véritable droit unilatéral au divorce.

    D'une part, l'époux non fautif qui ne veut pas divorcer ne peut plus, désormais, invoquer l'exceptionnelle dureté qu'aurait le divorce, pour lui ou les enfants. En effet, selon l'ancien article 240 du Code civil (N° Lexbase : L2594ABP), si l'époux défendeur établissait que le divorce allait avoir, soit pour lui soit pour les enfants, des conséquences matérielles ou morales d'une exceptionnelle dureté, le juge rejetait la demande. La clause d'exceptionnelle dureté était systématiquement invoquée et appréciée au cas par cas. Elle a, par exemple, été admise en faveur de l'époux qui, incapable d'exercer une activité salariée en raison de son âge et de son état de santé, risquait de perdre le logement qu'il occupait (1). Les arguments principalement invoqués étaient : l'état de santé, le statut social et les convictions religieuses.

    - L'état de santé. En principe, l'altération de l'état de santé d'un des époux résulte moins du divorce que de la séparation de fait qui l'a précédé. Les juges étaient donc prudents et les solutions étaient parfois singulières. Ainsi, dans une affaire où l'épouse, souffrant d'hypertension artérielle chronique, avait été atteinte d'hémiplégie à la suite du jugement prononçant du divorce, deux médecins experts avaient établi le lien de causalité entre la santé et le jugement et la cour d'appel de Paris avait infirmé celui-ci (2). Avaient également été retenus pour refuser le divorce : le stress (3), les troubles psychologiques (4) et la sclérose en plaque (5).

    - Le statut social. La honte et le déshonneur d'être divorcé ont longtemps été invoqués, notamment par les épouses, comme conséquence d'une exceptionnelle dureté (6). Retenu dans les années 1970, lors des premiers divorces pour rupture de la vie commune, largement qualifiés à l'époque de répudiation, cet argument le fut de moins en moins et une cour d'appel a même jugé que la qualification de femme divorcée ne pouvait plus être considérée comme infamante, dans l'état de notre société à la fin du XXe siècle (7).

    - Les convictions religieuses. Les convictions religieuses étaient fréquemment invoquées, notamment par les catholiques, mais il était difficile d'en vérifier la sincérité. Les juges étaient vigilants. Ainsi, l'exceptionnelle dureté du divorce n'avait pas été retenue pour une épouse qui avait elle-même, antérieurement à la procédure de divorce, déposé une requête en séparation de corps (8).

    Généralement, les juges se fondaient sur plusieurs critères pour admettre l'exceptionnelle dureté du divorce : âge du défendeur, durée du mariage, nombre d'enfants. Ils ont admis l'exceptionnelle dureté pour une épouse dont le mariage avait duré 56 ans et qui aurait été obligée de vivre en maison de retraite, si le divorce avait été prononcé (9) ; ou pour une femme de 43 ans, dont 29 ans de vie commune, qui avait 12 enfants (10).

    D'autre part, le législateur de 1975 avait imposé aux demandeurs, dans les divorces pour rupture de la vie commune, d'assumer de nombreuses charges, afin de les dissuader et d'atténuer les conséquences de la séparation pour les époux défendeurs. Tel n'est absolument plus le cas dans le divorce pour altération du lien conjugal. Souhaitant pacifier la séparation, et dissocier les causes et les conséquences de la rupture, le législateur de 2004 n'a pas accablé le demandeur en divorce pour altération définitive du lien conjugal. Ce dernier n'a pas à assumer les charges pécuniaires du divorce (C. civ., anc., art. 239 N° Lexbase : L2593ABN), il ne perd pas de plein droit les donations et avantages matrimoniaux (C. civ., anc., art. 269 N° Lexbase : L2656ABY), il n'est pas systématiquement tenu au devoir de secours (C. civ., anc., art. 281 N° Lexbase : L2679ABT), il n'est pas obligé de laisser l'usage de son nom à son ex-conjoint (C. civ., anc., art. 264 N° Lexbase : L2647ABN) ou de lui concéder à bail le local servant de logement à la famille qui lui appartient en propre ou personnellement (C. civ., anc., art. 285-1 N° Lexbase : L4195C3R). Pis ! Il peut désormais obtenir une prestation compensatoire.

    Enfin, l'ancien article 238 du Code civil (N° Lexbase : L2592ABM) permettait à l'un des conjoints de demander le divorce lorsque l'autre était atteint d'altérations graves de ses facultés mentales, rendant intolérable le maintien de la vie commune, depuis au moins six ans. Seule la séparation affective des époux importait. La preuve de la séparation matérielle n'était pas requise. A présent, le conjoint du dément ne peut plus invoquer la séparation affective, due à l'altération des facultés mentales, comme cause de divorce. Seule la cessation de la communauté de vie entre les époux compte (C. civ., art. 238 L2794DZI). Pour pouvoir demander le divorce pour altération du lien conjugal, le conjoint du dément doit donc suspendre toute communauté de vie pendant deux ans (un an). Certains se demandent alors si l'officier d'état civil doit encore dire aux jeunes mariés qu'ils sont unis "pour le meilleur et pour le pire".

    Dans une affaire jugée le 15 avril 2015 (arrêt commenté), des époux s'étaient mariés en 1967. Sur assignation de l'épouse, un juge aux affaires familiales a prononcé leur divorce pour altération définitive du lien conjugal. L'époux a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt d'appel. Selon lui, toute personne a droit au respect de ses croyances et de sa vie privée et familiale. Or, en s'abstenant de rechercher si, en l'espèce, le divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal n'était pas de nature à emporter pour lui, meurtri dans ses convictions personnelles les plus profondes, une atteinte à sa vie privée et familiale et à sa liberté de religion disproportionnée par rapport à la liberté de mettre fin au lien matrimonial, la cour d'appel a violé les articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 9 (N° Lexbase : L4799AQS) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

    La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

    D'une part, elle a estimé que le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui implique une cessation de la communauté de vie entre des époux séparés depuis deux ans lors de l'assignation, ne peut être contraire aux dispositions de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

    D'autre part, elle a conclu qu'il ne résultait ni de l'arrêt ni des productions que l'époux avait invoqué l'article 9 de la même Convention devant la cour d'appel et soutenu que le prononcé du divorce porterait atteinte à sa liberté de religion. Le grief pris de la violation de ces dispositions était donc nouveau, mélangé de fait et, par conséquent, irrecevable.

    L'époux a essayé, via les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de retrouver une partie de la protection dont bénéficiait le défendeur, dans l'ancien divorce pour rupture de la vie commune. Cela était vain. D'une part, lors de la réforme de 2004, le législateur a clairement fait prévaloir la liberté de rompre sur la protection de l'époux« innocent ». D'autre part, sous l'empire de la législation antérieure, les Hauts magistrats avaient déjà jugé que le prononcé du divorce pour rupture de la vie commune n'était pas contraire aux dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (11). Le divorce pour altération du lien conjugal n'est donc pas, a fortiori, comme l'ancien divorce pour rupture de la vie commune, contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

    La liberté de rompre le lien matrimonial l'emporte sur le droit au respect de la vie privée et familiale et la liberté de pensée, de conscience et de religion. Les juges l'ont encore rappelé !

     M. Brusorio-Aillaud, extrait de Chronique de droit du divorce - Mai 2015, Lexbase Droit privé, mai 2015, n° 614 N° Lexbase : N7529BUE

  • Conformité à la Constitution ?
  • Cass. QPC, 06-06-2012, n° 12-40.027, FS-D
    Cass. QPC, 06-06-2012, n° 12-40.028, FS-D
    Par deux décisions rendues le 6 juin 2012, la Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 237 et 238 du Code civil.Précisions

    Pour aller plus loin ; M. Brusorio-Aillaud, extrait de Chronique de droit du divorce - Juillet 2012 - Le divorce : c'était "mieux" avant... ou pas, Lexbase Droit privé, juillet 2012, n°492 " name="">N° Lexbase : N2746BTU.

3. Les deux cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal

E7510ETC

  • Art. 238, Code civil
    Le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé dans deux cas distincts, énoncés aux deux alinéas de l'article 238 du Code civil.
  • La demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal formée à titre principal sur la cessation de la vie commune
  • Art. 238, Code civil
    Alors que le délai de séparation conditionnant le divorce pour cause objective était déjà passé de six à deux ans en 2004, il est à nouveau réduit en 2019, avec la loi du 23 mars 2019, en passant à un an, permettant d’en favoriser nettement l’accès.
    L'article 238 du Code civil dispose ainsi que « l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce.
    Si le demandeur a introduit l'instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l'altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce ».
  • Circ. DACS/DSJ, n° 16/04, du 23-11-2004
    La condition de séparation de deux ans (désormais un an) « s'avère nécessaire et suffisante [...] aucun pouvoir d'appréciation n'étant conféré au juge ».
  • Cass. civ. 2, 18-06-1981, n° 80-11718
    L'appréciation de la durée de la séparation relève de la seule compétence du juge du fond, l'existence de cette séparation de fait de six années constituant la cause même du divorce et non une condition de recevabilité de la demande.
  • Cass. civ. 2, 02-10-1980, n° 79-11538
    La double vie menée par un époux, partagée entre son épouse et sa maîtresse, et les nombreux déplacements effectués à raison de sa profession, ne font pas obstable à l'appréciation souveraine des juges du fond retenant l'absence de séparation de fait.
  • Cass. civ. 2, 30-01-1980, n° 79-12470
    Il suffit pour que les conditions prévues par la loi soient remplies, que la communauté de vie, tant matérielle qu'affective, ait cessé entre les conjoints (jurisprudence rendue sous l'empire des anciennes dispositions).
  • Cass. civ. 2, 25-01-1984, n° 82-14.521
    La séparation de fait précédant la demande en divorce doit être une période continue. La reprise de la vie commune, tant matérielle qu'affective, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
  • Cass. civ. 1, 25-11-2009, n° 08-17.117, F-P+B
    La demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal est recevable dès lors que le juge constate la séparation effective du couple pendant deux ans (désormais un an).
  • Cass. civ. 1, 28-05-2015, n° 14-10.868, FS-P+B+I
    Pour apprécier la durée de la cessation de communauté de vie, il convient de se placer à la date de la demande reconventionnelle en divorce et non à celle de l'assignation en séparation de corps.
  • La demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal formée reconventionnellement à une demande en divorce pour faute
  • Art. 238, Code civil
    Art. 246, Code civil
    Toutefois, sans préjudice des dispositions de l'article 246, dès lors qu'une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d'un an ne soit exigé.
  • CA Bastia, 28-03-2012, n° 09/924
    Une demande en divorce pour ADLC formée reconventionnellement à une demande en divorce pour faute, démontre l'ADLC, sans qu'il soit utile de rapporter la preuve de l'écoulement du délai de deux ans (désormais un an) de séparation lors de l'assignation en divorce.
  • Art. 64, Code de procédure civile
    Pour rappel, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

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