ETUDE : Le harcèlement moral
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avec cacheDernière modification le 26-06-2024
Le harcèlement moral est la conduite abusive d'une personne, qui par des gestes, paroles, comportements répétés a pour conséquence une dégradation des conditions de travail du salarié, portant atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est un délit, punissable par la loi.
Etude réalisée en collaboration avec Pauline Larroque-Daran, Avocat Associé et Solène Hervouët, Avocat, Factorhy Avocats
Le harcèlement moral est devenu depuis quelques années une problématique fortement médiatisée conduisant les entreprises à revoir leur stratégie entrepreneuriale à ce sujet afin d’éviter toute condamnation. Initialement, le harcèlement moral ne faisait l’objet d’aucune définition légale. Il a fallu attendre la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale pour qu’une définition soit introduite par le législateur (N° Lexbase : L1304AW9).
Les salariés disposent donc, désormais, d'armes légales pour lutter contre le harcèlement moral au travail. Notons que loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques (N° Lexbase : L9374A8P) a remodelé les dispositions relatives au harcèlement.
Le harcèlement moral est considéré au même titre que le harcèlement sexuel comme une forme de violence au travail qui est réprimée tant par le Code du travail à l’article L. 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) que par le Code pénal (C. pén., art. 222-33-2 (N° Lexbase : L9324I3Q). Dans le cadre de ces deux articles, le législateur a volontairement défini de manière large le harcèlement moral afin de recouvrer de multiples situations et non seulement les éventuels abus d’autorité de l’employeur.
Selon l’article L.1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) constitue une situation de harcèlement moral le fait pour le salarié de subir des « agissements répétés » « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Selon l’article 222-32-2 du Code pénal, « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Le harcèlement moral est donc considéré comme un délit pénal. Un accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et les violences au travail est venu renforcer la définition de celui-ci, en obligeant l’employeur et les salariés à agir dès l’apparition des premiers signes de violence ou de harcèlement. Enfin, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39) interdit tout type de discrimination, directe ou indirecte, pour l’ensemble des activités, que celles-ci soient économiques ou non économiques.
L’article L. 1152-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8841ITM) prévoit plusieurs conditions pour qu’une situation de harcèlement puisse être caractérisée à savoir :
Cette formulation n'est pas sans rappeler celle prévue par l'article L. 1153-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8842ITN) en cas de harcèlement sexuel. L'article L. 1152-5 (N° Lexbase : L0732H9Y) prévoit, en outre, que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.
Il appartient à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-4 N° Lexbase : L5790I3T) et de protéger la « santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY). L’accord du 26 mars 2010, étendu par l’arrêté du 23 juillet 2010, oblige ainsi les employeurs à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir des agissements de harcèlement moral.
Le règlement intérieur doit aussi rappeler les dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral.Par ailleurs, si l’employeur était auparavant tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, la Cour de cassation est revenue sur sa position mettant fin à sa responsabilité de plein droit en la matière (Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3).
Le manquement de l’employeur à son obligation de prévention et son obligation de sécurité est sanctionné par des dommages et intérêts distincts de ceux accordés du fait du harcèlement moral.
Les pouvoirs des représentants du personnel sont renforcés afin de lutter contre le harcèlement moral au travail. En effet, le CSE a compétence pour proposer des actions de prévention en matière de harcèlement moral (C. trav., art. L. 4612-3 N° Lexbase : L6802K9S) ; il a pour mission supplémentaire de contribuer à la prévention et à la protection de la santé « physique et mentale » des salariés (C. trav., art. L. 4612-1 N° Lexbase : L7242K94).
Le droit d'alerte du CSE est applicable en cas de harcèlement moral (C. trav., art. L. 2312-59 N° Lexbase : L8292LG9). Il est, désormais, prévu que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de l'article L. 1153-1 (N° Lexbase : L8840ITL) (harcèlement sexuel) et de l'article L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) (harcèlement moral) en faveur d'un salarié de l'entreprise ; elles doivent, toutefois, justifier d'un accord écrit de l'intéressé qui peut toujours intervenir à l'instance et y mettre fin à tout moment (C. trav., art. L. 1154-2 N° Lexbase : L0749H9M).
Enfin, les services de santé au travail ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. A cette fin, ils conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir le harcèlement sexuel ou moral (C. trav., art. L. 4622-2 N° Lexbase : L7345LHI).
Une procédure de médiation peut être engagée par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou sexuel (C. trav., art. L. 1152-6 N° Lexbase : L0734H93). Cette procédure, introduite par la loi de modernisation a été légèrement modifiée par la loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. Cette dernière a, ainsi, supprimé les deuxième, troisième et dernier alinéas de l'article L. 122-54 du Code du travail (N° Lexbase : L0587AZR, devenu L. 1152-6). Ainsi, les dispositions relatives au choix du médiateur, à la procédure de convocation des parties ainsi que celles relatives à l'application au médiateur des pouvoirs reconnus au conseiller du salarié sont supprimées.
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire (C. trav., art. L. 1152-5 N° Lexbase : L0732H9Y). Ainsi, en cas de reconnaissance d’une situation de harcèlement moral, l’employeur pourra sanctionner le salarié auteur par une mesure de licenciement.
Sur le terrain pénal, le harcèlement moral en entreprise est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (C. pén., art. 222-33-2 N° Lexbase : L9324I3Q). Cette peine peut être plus lourde en fonction de la présence de circonstances aggravantes (C. pén., art. 222-33-2-2 N° Lexbase : L6228LLA).
Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des informations (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, FP-P+B+R N° Lexbase : A7131EDH). L'intention de nuire n'est pas nécessaire pour retenir la mauvaise foi du salarié (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.207 N° Lexbase : A1524Z8X ; Ord. n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 4 N° Lexbase : L7629LGN).
La Cour de cassation a considéré que l’absence de mention de la mauvaise foi dans la lettre de licenciement n'empêche pas l'employeur de l'alléguer devant le juge (Cass. soc., 16 septembre 2020, n° 18-26.696 N° Lexbase : A36573UY).
Or, en cas de nullité du licenciement, l'employeur est condamné à verser l'indemnité dont le montant doit être compris entre les montants minimaux et maximaux prévus par l'article L. 1235-3 (N° Lexbase : L8061LGN), lorsque le licenciement est en outre, dépourvu de cause réelle.
Dès lors que l'employeur a eu, à l'égard du salarié, une attitude répétitive constitutive de violences morales et psychologiques, le salarié peut rompre son contrat de travail pour harcèlement moral et en imputer la rupture à son employeur (Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47.296 N° Lexbase : A2960DGQ). La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur, en raison notamment du harcèlement moral dont la salariée a été victime sur son lieu de travail, produit les effets d'un licenciement nul (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-26.560, F-P+B N° Lexbase : A4354I8R).
Par ailleurs, la carence d'un employeur, laissant perdurer des vexations, insultes à caractère raciste, est fautive. En réparation du préjudice moral entretenu par l'incurie de l'employeur, la victime peut donc réclamer des dommages et intérêts (CA Versailles, 31 mars 2011, n° 10/00710 N° Lexbase : A7391HMP).
En outre, sur le plan civil, le Code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail qui résulterait d'agissements répétés de harcèlement moral, toute disposition ou tout acte contraire à l'article L. 1152-1 du Code du travail, est nul de plein droit (C. trav., art. L. 1152-3 N° Lexbase : L0728H9T, art. L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P).
Aux prud’hommes, la reconnaissance judiciaire d’une situation de harcèlement moral se fait en 3 temps :
Au vu de l'ensemble de ces éléments, et après avoir examiné la matérialité de chacun des faits invoqués par le salarié, le juge conclura ou non à l'existence d'un harcèlement (Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-42.766, FS-P+B+R N° Lexbase : A8506GQ4 ; Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-70.992 N° Lexbase : A8541GQE ; Cass. soc., 12 octobre 2016, n° 15-18.276 N° Lexbase : A9624R7L).
Enfin, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. C’est au juge d’apprécier souverainement l’existence ou non d’un harcèlement moral. Ainsi, diverses preuves sont admissibles afin de prouver un harcèlement moral (attestation produite par un membre du CSE, témoignage, lettre de licenciement…).
Les témoins et dénonciateurs sont protégés par la loi. En effet, ils ne peuvent pas faire l’objet de mesures discriminatoires, sous peine d’une condamnation de l’auteur ou des auteurs de ces mêmes mesures.
Lorsqu’un salarié est licencié à la suite d’un arrêt de travail ayant pour cause principal du harcèlement moral, le licenciement prononcé est nul. Il en est de même pour l’inaptitude constatée à la suite d’un harcèlement moral. Par ailleurs, la Cour de cassation reconnaît la qualification d'accident du travail en cas de suspension du contrat de travail. Ainsi, si le salarié apporte la preuve du lien entre sa tentative de suicide lors de son arrêt de travail et ses conditions de travail laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, alors celui-ci pourra voir sa demande qualifiée en accident de travail.
Le salarié qui apporte la preuve que son arrêt de travail était la conséquence d’une dégradation de ses conditions de travail, peut voir sa demande qualifiée en accident de travail. De plus, le salarié victime de harcèlement moral peut se voir attribuer des dommages et intérêts.
E0789GAH
E5230YUA
Cet accord a pour but :
• d’améliorer la sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs, des salariés et de leurs représentants à l’égard du harcèlement et de la violence au travail, afin de mieux anticiper ces phénomènes, les réduire, et si possible les éliminer ;
• d’apporter aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants, un cadre concret pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail.
♦ la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) ;
♦ la Directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002, relative à la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail ([LXB=L9630A4G]) ;
♦ la Directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, qui procède à la refonte des directives antérieures (N° Lexbase : L4210HK7).
Cette loi interdit tout type de discrimination, directe ou indirecte, pour l’ensemble des activités, qu’elles soient économiques ou non économiques. Depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle (N° Lexbase : L1605LB3), ce texte définit la liste des motifs de discrimination directe et indirecte sur le plan civil.
Il a vocation à s’appliquer aux activités professionnelles salariées ou indépendantes.
Désormais, le contentieux relatif au licenciement d’un salarié tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement va s’axer sur le caractère évident d’une telle dénonciation dans l’écrit du salarié, peu important que les termes « harcèlement moral » n’aient pas été utilisés par ce dernier.
Cette solution répond à la fois :
En l'espèce, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que la salariée avait dénoncé des faits de harcèlement moral. En effet, la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration une lettre pour dénoncer le comportement de son supérieur hiérarchique. La salariée illustrait son propos de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053, FP-B+R N° Lexbase : A02239QC).
E5233YUD
Le harcèlement est caractérisé par 3 principaux éléments :
- des agissements répétés,
- une dégradation des conditions de travail du salarié,
- une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel.
♦ une dégradation de ses conditions de travail,
♦ une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel.
Ainsi, par exemple, la cour d'appel qui ne justifie pas en quoi les agissements de M. X à l'égard du salarié, étaient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, ne caractérise pas les agissements de harcèlement moral (Cass. crim., 08-04-2014, n° 12-85.800, FS-P+B+I N° Lexbase : A7638MIQ).
A noter que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 23-11-2005, n° 04-46.152, F-P N° Lexbase : A7593DLS).
Illustrations jurisprudentielles |
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Cass. soc., 24 janvier 2006, n° 03-44.889, F-D (N° Lexbase : A5499DMM). |
Les critiques systématiques des compétences et du travail d'un salarié qu'il privait régulièrement et pour des périodes prolongées d'affectation précise, aux fins de l'isoler du reste de la communauté de travail constituent des actes répétés de harcèlement. |
Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47.296, F-P+B (N° Lexbase : A2960DGQ). |
C'est à bon droit que la cour d'appel a attribué au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir relevé que l'employeur a eu à l'égard du salarié une attitude "répétitive" constitutive de violences morales et psychologiques qui permettaient au salarié de rompre son contrat de travail et d'en imputer la rupture à l'employeur. |
Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308, F-D (N° Lexbase : A7372DUL). |
Est victime de harcèlement moral la salariée qui n'a précédemment fait l'objet d'aucun reproche et qui est sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n'est fondé et dont il est résulté une dégradation de ses conditions de travail. |
Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-41.999, FS-P+B (N° Lexbase : A9602D7R). |
Constitue un harcèlement moral le fait de déclasser la salariée à la faveur de l'entrée en vigueur d'une nouvelle classification conventionnelle des emplois et de lui adresser sur une période de plusieurs mois, outre plusieurs mises en garde, trois avertissements irréguliers. |
Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 08-41.638, F-D (N° Lexbase : A7535EIW). |
Constitue également un harcèlement moral le fait pour un supérieur hiérarchique de s'être livré de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l'activité d'une salariée, en présence d'autres salariés. |
L’ANI du 26 mars 2010 est venu compléter la définition du Code du travail en prévoyant que le harcèlement survient en raison d’abus, de menaces et / ou d’humiliation répétés ou délibérés dans des circonstances liées au travail.
Selon l'article L 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P), pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. Généralement, il s’agit de dégradation des conditions de travail en raison de relations individuelles du salarié victime avec l’auteur des agissements. Cependant, une situation de harcèlement moral peut également prendre appuie sur des modes de gestion ou de management appliqués en interne. On parle alors de harcèlement moral managérial ou institutionnel (Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 07-45.321, FS-P+B ; T. corr. Paris, 20 décembre 2019 N° Lexbase : A1629ENN). La simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail suffit à consommer le délit de harcèlement moral (Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-82.266, F-P+B N° Lexbase : A0348H9R ; Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.709, F-D N° Lexbase : A8603XBA).
A noter également que les dispositions relatives au harcèlement moral sont applicables pendant toute la durée de la relation de travail, peu important que le salarié soit dispensé d'activité (congé de fin de carrière) (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.328, FS-P+B N° Lexbase : A3048ZHD). |
Les conséquences de la dégradation des conditions de travail sont de trois ordres :
• de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié ;
• d'altérer sa santé physique ;
• ou de compromettre son avenir professionnel.
Ces conditions ne sont pas cumulatives (Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-44.393, F-D N° Lexbase : A1734ETE). Ainsi, dans un arrêt, le juge ayant constaté que les agissements de l'employeur avaient altéré la santé de la salariée, il n'avait pas à rechercher si la dégradation des conditions de travail portait cumulativement atteinte à ses droits et à sa dignité. Le harcèlement moral est qualifié lorsque la situation de travail d’un salarié se dégrade progressivement, sans aucune raison valable. Ci-dessous quelques exemples jurisprudentiels.
Illustrations jurisprudentielles | |
Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 04-41.008 (N° Lexbase : A7443DDZ). | La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait fait l'objet d'un retrait sans motif de son téléphone portable à usage professionnel, de l'instauration d'une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure hiérarchique, de l'attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d'un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, a, par une appréciation souveraine, estimé que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral. |
Cass. soc., 7 juillet 2015, n° 13-26.726, F-D (N° Lexbase : A7458NM8). | Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le salarié invoquait en outre un état d'affaiblissement physique et psychologique qui a donné lieu à un arrêt de travail. |
Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.709, F-D (N° Lexbase : A8603XBA). | Encourt la cassation l'arrêt qui, pour juger non caractérisé le délit de harcèlement moral, a retenu que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral. |
Les agissements de harcèlement moral commis par un salarié peuvent également porter atteinte à la santé de la victime. Pour illustration :
Illustrations jurisprudentielles |
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Cass. crim., 28 mai 2013, n° 12-81.468, F-P+B (N° Lexbase : A3008KIA). |
Est considéré comme un harcèlement le fait pour un salarié d'avoir fait l'objet d'une procédure de licenciement abandonnée et mis en cause violemment par le président de l'entreprise après avoir soutenu un collègue victime de harcèlement moral et ayant entraîné une altération de sa santé. |
Cass. crim., 6 février 2007, n° 06-82.601, F-P+F (N° Lexbase : A3111DUR). |
Il y a également harcèlement moral lorsque l'employeur a procédé de façon répétée à des brimades à l'encontre d'un délégué syndical (tâches dévalorisantes ne correspondant pas à sa qualification, retenues sur salaire injustifiées, ...) et lorsque ce comportement a empêché l'intéressé d'exercer pleinement ses fonctions de chef d'équipe, l'a discrédité auprès de ses collègues de travail et l'a placé dans une situation financière difficile, à tel point que sa santé mentale s'en est trouvée altérée et qu'il a été contraint, à la suite des faits, d'interrompre son activité. |
Cass. soc., 28 janvier 2010, n° 08-42.616, FS-P+B (N° Lexbase : A7668EQ3). |
Par ailleurs, le fait pour un employeur de ne pas prendre en compte la santé du salarié peut également constituer un harcèlement. Ainsi, le fait d'imposer à une salariée, déclarée apte au travail mais avec réserves à la suite d’un accident du travail, de manière répétée et au mépris des prescriptions du médecin du travail, le port de lourdes charges et de lui avoir proposé à cinq reprises des postes de reclassement d'un niveau inférieur, constitue de la part de l'employeur un harcèlement moral. |
Cass. soc., 23 mars 2011, n° 08-45.140, F-D (N° Lexbase : A7587HIT). |
Est constitutif d’un harcèlement moral le fait de mener son salarié dans un état de surmenage, d’épuisement professionnel et de dépression. |
Cass. soc., 17 novembre 2011, n° 10-25.704, F-D (N° Lexbase : A9503HZY). |
Le harcèlement moral est caractérisé lorsqu’un employeur, ayant connaissance de l’état de grossesse d’une salariée, met en péril la vie de la salariée en question. |
Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-42.671, F-D (N° Lexbase : A2807GQZ). |
Lorsqu'un employeur critique en permanence une salariée, encourage par son attitude les collègues de travail de celle-ci à lui tenir des propos déplacés ou injurieux, la fait surveiller et interdit au reste du personnel de se rendre dans son bureau, ces agissements entraînent une dégradation des conditions de travail de l'intéressée portant atteinte à sa dignité et altérant sa santé. |
Cass. soc., 18 mars 2016, n° 14-26.827, F-D (N° Lexbase : A3606Q83). |
Le salarié ayant subi une baisse de sa rémunération et une réduction de ses prérogatives depuis janvier 2008, des retards fréquents et des omissions de paiement de certains éléments de salaire ainsi qu'un défaut de visite médicale périodique consécutif à la non-adhésion de l'employeur à un service de visite médicale, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits étaient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité comme à sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, et de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. |
Les agissements de harcèlement moral peuvent également avoir pour effet de compromettre l'avenir professionnel de la victime. Est constitutif d’un harcèlement moral le fait de sanctionner subitement, sans véritable raison, un salarié présent depuis une longue date en entreprise, alors que son travail est sans reproche. Ci-dessous les illustrations jurisprudentielles :
Illustrations jurisprudentielles |
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Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308, F-D (N° Lexbase : A7372DUL). |
Est victime de harcèlement moral la salariée qui n'a précédemment fait l'objet d'aucun reproche et qui est sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n'est fondé et dont il est résulté une dégradation de ses conditions de travail. |
Cass. soc., 13 juillet 2017, n° 16-13.734, F-D (N° Lexbase : A9943WM9). |
En ayant relevé qu'à la suite de la dénonciation des agissements de harcèlement moral de son supérieur par le salarié, jamais sanctionné au cours des dix années précédentes, l'employeur a pris à son encontre deux mesures disciplinaires successives et que les faits reprochés étaient intervenus concomitamment aux agissements de harcèlement moral, une cour d'appel, qui a suffisamment caractérisé le lien existant entre ces faits, en a exactement déduit la nullité du licenciement. |
Cass. soc., 13 juillet 2017, n° 16-13.734, F-D (N° Lexbase : A9943WM9). |
Est constitutif d’un harcèlement moral la succession de mesures disciplinaires exercées à l’encontre d’une salariée protégée. |
Cass. soc., 19 octobre 2010, n° 09-42.391, F-D (N° Lexbase : A4260GCR). |
Est constitutif de harcèlement moral l’employeur qui impose à son salarié une mutation malgré son refus, et qui l’oblige à se présenter dans les locaux de la société tierce. |
Cass. soc., 15 mars 2011, n° 09-72.541, F-D (N° Lexbase : A1633HDT). |
Le fait de divulguer des informations personnelles relatives à la santé d’un salarié, ainsi que de diminuer les responsabilités et déclasser la salariée en question, sans raison apparente, constitue un harcèlement moral. |
Cass. soc., 20 octobre 2011, n° 10-15.623, F-D (N° Lexbase : A8851HYH). |
Est constitutif d’un harcèlement moral le fait de demander, à répétition, à un salarié d’effectuer des tâches n’ayant aucun rapport avec sa qualification première. |
Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-18.843, F-D (N° Lexbase : A2973M3I). |
Caractérise des agissements de harcèlement moral le fait, pour l'employeur d'envoyer plusieurs lettres notamment de mise en demeure au salarié, sur un ton discourtois inapproprié, et de lui annoncer son intention de le licencier au motif qu'il n'a pas atteint ses objectifs, les juges ayant, par ailleurs, constaté que la dépression et l'arrêt de travail du salarié étaient directement en rapport avec les pressions ainsi exercées par son employeur. |
Cass. soc., 11 décembre 2015, n° 14-17.908, F-D (N° Lexbase : A1823NZK). |
La cour d'appel, qui a constaté que les faits de mise à l'écart, de propos dénigrants et de sanctions disciplinaires injustifiées étaient établis, a pu en déduire l'existence d'éléments, qu'elle a appréciés dans leur ensemble, laissant supposer un harcèlement moral. |
• sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
• par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
• dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
• en raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime.
Lorsque le fait est commis par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, l’amende peut être portée à 1 500 € (3 000 € en cas de récidive). Des peines complémentaires sont également envisageables, comme par exemple l’obligation pour le coupable d’effectuer à ses frais un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Jurisprudence | Comportement constituant un harcèlement moral | Comportement ne constituant pas un harcèlement moral |
Le salarié ayant été victime d’agissements de harcèlement moral et la lettre de licenciement lui ayant reproché notamment un des faits retenus (la remise d’un rapport journalier) comme caractérisant ce harcèlement, la cour d’appel a pu décider, sans avoir à examiner les autres faits énoncés dans cette lettre, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 janvier 2016, n° 14-14.118, F-D N° Lexbase : A9318N3I). | X |
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Dans un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation consacre expressément le fait que le harcèlement moral ne nécessite pas la preuve de l’intention de nuire au salarié (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-30.463, FS-P+B+R N° Lexbase : A9350HZC). | X |
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Le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-10.687, FS-P+B+R N° Lexbase : A9349HZB). | X |
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Les éléments apportés par le salarié qui ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime, en particulier, les avertissements justifiés par des refus illégitimes de rendre des comptes à sa hiérarchie et une attitude de dénigrement envers l'entreprise, ne justifient pas un harcèlement moral du fait de sa mauvaise foi caractérisée (Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.344, F-D N° Lexbase : A9129MKC). |
| X |
Une simple mesure disciplinaire prononcée à l’égard d’un salarié ne peut être qualifié de harcèlement moral (Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 07-45.521, FS-P+B+R N° Lexbase : A4362EPA ; CA Colmar, 17 août 2017, n° 15/00825 N° Lexbase : A0245WQ7). |
| X |
N’est pas constitutif d’un harcèlement moral le fait d’utiliser de manière normale les canaux de communication mis en place dans l’entreprise (CA Paris, 22e, C, 27 janvier 2005, n° 03/33818 N° Lexbase : A1620DHH ; Cass. soc., 24 septembre 2013, n° 12-16.670, F-D N° Lexbase : A9505KLM). |
| X |
Le mauvais comportement d’un ou plusieurs salarié(s) ne remet pas en question l’obligation de sécurité de l’employeur et ne constitue pas un harcèlement moral (Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-19.748, FS-P+B N° Lexbase : A4140GCC ; Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-16.729, F-D N° Lexbase : A9045MZZ ; CA Riom, 9 janvier 2018, n° 16/01903 N° Lexbase : A8812XP3). |
| X |
Des conditions de travail stressantes liées à l’activité en entreprise ne peuvent être qualifiées de harcèlement moral (CA Paris, A, 4 juin 2009, n° 07/05933 N° Lexbase : A1317EIM ; CA Nîmes, 17 mai 2011, n° 09/04331 N° Lexbase : A4269HRK). |
| X |
Une décision prise unilatéralement par un employeur, n’ayant pas d’impact sur les conditions de travail du salarié, ne peut être qualifié de harcèlement moral (Cass. soc., 12 mai 2010, n° 08-45.244, F-D N° Lexbase : A1607EXS). |
| X |
Un salarié présent à une scène de violence entre deux membres de son entreprise, ne peut voir sa demande qualifiée en harcèlement moral (Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17.245, F-D N° Lexbase : A9353M3S). |
| X |
L’absence d’un entretien annuel ou la privatisation d’instruments de travail, par l’employeur, ne peuvent être qualifiés de harcèlement moral (Cass. soc., 2 février 2011, n° 09-42.733, F-D N° Lexbase : A9706GSB). |
| X |
N’est pas constitutif de harcèlement moral le fait de réduire, par l’employeur, la charge de travail d’un salarié en vue d’optimiser sa santé (Cass. soc., 22 mars 2011, n° 09-70.440, F-D (N° Lexbase : A7660HIK). |
| X |
N’est également pas constitutif de harcèlement moral le fait d’augmenter la charge de travail, par le salarié, en vue d’obtenir une promotion (Cass. soc., 22 mars 2011, n° 10-11.821, F-D N° Lexbase : A7726HIY). |
| X |
Ne constitue pas un harcèlement moral le fait que l’employeur demande à son salarié de réaliser les tâches inhérentes à sa fiche de poste (Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-30.224, F-D N° Lexbase : A5028HTE). |
| X |
Refuser la reclassification d’un salarié n’est pas constitutif d’un harcèlement moral (Cass. soc., 30 septembre 2015, n° 14-23.291, F-D N° Lexbase : A5597NS4). |
| X |
Ne peut être qualifié de harcèlement moral des faits reprochés en vue d’un licenciement (Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-19.990, F-D N° Lexbase : A2783MTA). |
| X |
On ne peut qualifier de harcèlement moral le fait de licencier une personne pour faute grave (CA Toulouse, 4 octobre 2012, n° 11/01415 N° Lexbase : A9541ITK). |
| X |
Le harcèlement moral n’a pas lieu lorsqu’il n’existe pas de lien causal entre une dégradation de l’état de santé d’un salarié et un dépassement temporaire d’horaires (Cass. soc., 11 juin 2014, n° 12-28.309, F-D N° Lexbase : A2220MRN). |
| X |
Le fait pour une société de s'opposer à ce que le salarié reprenne ses fonctions au sein du magasin et de l'obliger à prendre ses congés, la société s’étant affranchie des règles relatives à la procédure de détermination et de notification des périodes collectives et individuelles des congés payés à seule fin de l'écarter de ses fonctions (Cass. soc., 12 juin 2019, n° 17-13.636, F-D N° Lexbase : A5710ZE9). | X | |
Le fait de surcharger une salariée et d’entretenir une attitude managériale poussant la salariée à un épuisement professionnel (CA Chambéry, 18 mars 2021, n° 19/02055 N° Lexbase : A56824LZ) | X | |
Le fait d’avoir des relations de travail insatisfaisantes ainis qu’une situation personnelle difficile ne permettent pas de retenir une présomption de harcèlement moral (CA Paris, 5 mars 2020, n° 18/00593 N° Lexbase : A06273I3) | X |
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👉 Voir également sur l'obligation de sécurité de l'employeur : N° Lexbase : E0612E9K.
En cas de non-respect de ces engagements, l’employeur pourra voir sa responsabilité engagée et condamné à des dommages et intérêts.
Ainsi, l’employeur est tenu de prendre des mesures pour empêcher la survenance de situations de harcèlement moral notamment en :
• informant et sensibilisant les salariés sur la législation et les sanctions relatives en matière de harcèlement moral. À ce titre, l’employeur doit notamment informer par tout moyen les salariés du texte de l’article 222-33-2 du Code pénal (N° Lexbase : L9324I3Q) et faire figurer au sein du règlement intérieur de l’entreprise les dispositions relatives à l’interdiction du harcèlement dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1152-4 N° Lexbase : L5790I3T et L. 1321-2 N° Lexbase : L6800K9Q) ;
• formant les salariés et notamment les managers pour améliorer la connaissance, la prévention et l'identification des problèmes de harcèlement, Pour illustration, les juges considèrent qu’indépendamment des actions prises par l’employeur, celles-ci sont insuffisantes si l’employeur n’a pas mis en place des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral (Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-15.775 N° Lexbase : A6942WLP). De plus, l'employeur dont les actions d'information et de formation se résument à une seule journée, à une note générale et à un code éthique à l'usage des salariés, rappelant des principes très généraux et insuffisamment concrets, méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs notamment en matière de harcèlement moral (CA Amiens, 4 janvier 2017, n° 15/02470 N° Lexbase : A4412SY3) ;
• prendre des mesures appropriées visant à faciliter le repérage de faits de harcèlement (N° Lexbase : L6507IUK).
L’obligation de prévention des risques professionnels (articles L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY et L. 4121-2 du Code du travail N° Lexbase : L6801K9R) étant distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral (L. 1152-1 du même Code N° Lexbase : L0724H9P), les juges du fond ne sauraient, pour limiter l’indemnisation de la salariée au titre de l’exécution déloyale du contrat, écarter le manquement à l’obligation de sécurité au motif que l’action pénale avait conclu à l’absence de harcèlement moral (Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-25.789, F-D N° Lexbase : A40294XI).
De même, caractérise une abstention fautive de l'employeur rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse la procédure de licenciement lancée tardivement quand l'employeur a connaissance de l'existence éventuelle de faits de harcèlement reprochés au salarié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-70.902, FS-P+B N° Lexbase : A6495HU4). L'employeur est donc tenu de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral. Il doit prendre des mesures pour mettre un terme aux actes de harcèlement commis par un salarié protégé, dont les agissements sortent du cadre de la fonction assignée par son mandat. A défaut, l'employeur engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés du fait de son inaction (Cass. crim., 28 mai 2013, n° 11-88.009, F-P+B N° Lexbase : A3147KIE).
Exonération de responsabilité de l'employeur. Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie :
• avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (Cass. soc., 1 juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3).
• et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
Ainsi, l'employeur, dont les actions d'information et de formation se résument à une seule journée, à une note générale et à un code éthique à l'usage des salariés, rappelant des principes très généraux et insuffisamment concrets, méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs notamment en matière de harcèlement moral (CA Amiens, 4 janvier 2017, n° 15/02470 N° Lexbase : A4412SY3).
Viole les articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGY) et L. 4121-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6801K9R) la cour d’appel qui retient que, d'une part, si des faits de violence physique ont eu des effets sur la santé du salarié, il demeure qu'il n'existe pas d'éléments suffisants permettant d'établir que les violences commises ne l’avaient pas été dans une rixe à laquelle avait participé le salarié, que d'autre part, les circonstances indéterminées des faits ne permettent pas non plus de retenir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. En statuant ainsi, alors que l'employeur ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité au titre de l'obligation de sécurité qu'en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-23.548, F-D N° Lexbase : A02474GA).
👉 Voir également sur l'obligation de sécurité de l'employeur : N° Lexbase : E0612E9K.
♦ Premier entretien
Cette réaction peut à titre liminaire passer par l’organisation d’un entretien avec le salarié dénonciateur pour obtenir des explications complémentaires sur les faits dont il s’estime victime. Dans les entreprises disposant d’un référent harcèlement au CSE, l’entretien pourra être mené par ce dernier (C. trav., art. L. 2314-1 N° Lexbase : L0337LMG). Cet entretien permet de faire un « tri » des informations reçues mais sera également l’occasion de sensibiliser le salarié sur la définition du harcèlement moral et sur les sanctions disciplinaires ou pénales que cette situation suppose.
♦ Enquête interne
Il est également conseillé aux entreprises, dans l’hypothèse où le salarié maintien sa dénonciation, de diligenter une enquête interne. C’est notamment ce que préconise l’ANI du 26 mars 2010 qui prévoit expressément que les plaintes doivent être suivies d’enquêtes et traitées sans retard (ANI 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail). À défaut d’organisation d’une enquête, le salarié pourra obtenir la réparation du préjudice subi en raison de la faute de l’employeur de ne pas avoir engagé d’enquête même si les agissements ne sont pas constitués (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551, FP-P+B N° Lexbase : A3486Z4U).
En pratique, et afin que l’enquête soit neutre et impartiale, il est conseillé de confier son organisation à une commission d’enquête paritaire composée à la fois d’un représentant de la direction et d’un représentant du personnel. Dans l’hypothèse où l’entreprise ne possède pas de représentant, il est possible d’inclure dans la commission :
Les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête – outre les personnes concernées par les dénonciations - devront entretenir un lien professionnel suffisant avec les personnes directement visées par l’enquête. Il conviendra d’être en mesure de justifier de l’objectivité des personnes interrogées en cas de contestation de l’enquête. Dans le cadre du déroulement de l’enquête il est important de faire preuve d’une grande discrétion afin que l’enquête conserve son utilité et éviter tout détournement de l’enquête par une concertation des témoins auditionnés notamment.
À savoir. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’avertir les salariés de leur audition en amont puisque l’enquête interne n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0814H9Z) prévoyant l’information préalable du salarié sur la collecte d’informations personnelles par un dispositif (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597, FS-P+I N° Lexbase : A89224LZ). |
L’ensemble des déclarations des salariés lors de leur audition devront également être consignées dans le cadre d’un procès-verbal relu et signé par le salarié auditionné afin d’éventuellement pouvoir être produit en justice (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, FS-P+B N° Lexbase : A5590XXC). L’audition d’un salarié ne s’apparente pas à un entretien préalable de sorte que la procédure attachée à un tel entretien ainsi que les règles d’assistance du salarié n’ont pas vocation à s’appliquer (Cass. soc., 22 mars 2016, n° 15-10.503, F-D N° Lexbase : A3624RAH). À l’issue de l’enquête, la commission sera chargée de rédiger un rapport d’enquête qui aura vocation à déterminer si les faits dénoncés sont confirmés ou au contraire si aucune situation de harcèlement moral n’a été observée. L’employeur devra prendre des mesures adéquates en fonction des conclusions de l’enquête.
À savoir. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’apprécier la valeur probante de l’enquête interne, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties. Ne permet pas d’écarter des débats le rapport d’enquête le fait qu’il ne précise ni la durée de l’interrogatoire du mis en cause, ni de son temps de repos, que seules les deux salariées qui se sont plaintes de son comportement ont été entendues, que cette audition a été commune, sans audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés par les deux salariées, sans information ou saisine du CHSCT (Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437, FS-B N° Lexbase : A8415788). |
♦ Situation des salariés concernés par la dénonciation de harcèlement pendant l’enquête
L’organisation d’une enquête ne permet pas à elle seule d’exonérer l’employeur de sa responsabilité. En effet, il doit également prendre des mesures de prévention durant l’organisation de l’enquête pour les salariés directement concernés. Ainsi, dans l’attente des résultats de l’enquête il peut être décidé de limiter les contacts entre le prétendu auteur et la prétendue victime de harcèlement moral en les dispensant d’activité, en mutant un salarié sur un site différent, en ayant recours au télétravail si possible.
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• susciter toute initiative qu'il estime utile et proposer des actions de prévention. Si l'employeur refuse les actions proposées, il doit motiver sa décision (C. trav., art. L. 2312-9 N° Lexbase : L8242LGD) ;
• faire partie de la commission d’enquête paritaire si une telle enquête est organisée au sein de l’entreprise. (C. trav., art. L. 2312-5 N° Lexbase : L1435LKD et L. 2312-13 N° Lexbase : L8246LGI) ;
• faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. (C. trav., art. L. 2315-94 N° Lexbase : L1438LKH).
Le CSE est également associé dans le cadre de l’élaboration et de la modification du règlement intérieur qui contient des dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes.
• les entreprises ou les établissements distincts d’au moins 300 salariés ;
• les établissements classés Seveso, les installations nucléaires de base (INB) et certains gisements miniers.
• l'équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par le médecin du travail dans les services de santé au travail interentreprises (C. trav., art. L. 4622-8 N° Lexbase : L7393K9P) ;
• le médecin du travail en coordination avec les autres acteurs de l'entreprise dans les services de santé au travail autonome (C. trav., art. L. 4622-4 N° Lexbase : L8705LGI).
Le médecin du travail peut également proposer des mutations ou transformations de postes justifiées par des considérations relatives à la santé physique ou mentale des salariés. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. À défaut de prise en compte des prescriptions médicales du médecin, l’employeur risque de voir sa responsabilité engagée et condamnée au paiement de dommages et intérêts au salarié (Cass. soc., 4 novembre 2020, n° 19-11.626 N° Lexbase : A933933B).
• de faire modifier les clauses du règlement intérieur en contradiction avec les articles L. 1321-1 (N° Lexbase : L1837H9W) et L. 1321-2 (N° Lexbase : L6800K9Q) du code du travail ;
• de veiller à l'application des dispositions relatives au harcèlement moral et constater, le cas échéant, les infractions commises dans l'entreprise (C. trav., art. L. 8112-2 N° Lexbase : L5734K7I)
Les agents de contrôle peuvent réaliser une enquête dans l'entreprise. Avant de prendre une telle décision, ils s'assurent à partir des éléments recueillis auprès du salarié que les faits sont bien constitutifs d'un harcèlement sexuel ou moral, en les distinguant de la discrimination pour avoir refusé de tels agissements ou en avoir témoigné. Les agents de contrôle doivent en outre vérifier que la matérialité des faits peut être établie par des preuves tels que des écrits ou des témoignages avant de débuter toute enquête. A ce titre, le recueil de la plainte de la victime devra être particulièrement méticuleux et précis.
L'action de contrôle s'exerce dans les règles de confidentialité des plaintes. Lorsque l'infraction ne peut être établie, du fait notamment de la difficulté à rassembler les preuves, l'agent de contrôle devra, par l'intermédiaire du directeur de l'unité territoriale, informer le procureur de la République. Pour apprécier si des agissements sont constitutifs d'un harcèlement moral, l'inspecteur du travail doit, sous le contrôle du juge administratif, tenir compte des comportements respectifs du salarié auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et du salarié susceptible d'en être victime, indépendamment du comportement de l'employeur.
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• le fait pour un salarié d'avoir adopté à l'égard de plusieurs autres salariés des comportements autoritaires, vexatoires et humiliants voire menaçants, en les convoquant de manière excessive et répétée, les interrompant sans cesse dans leur travail et en adoptant une attitude humiliante lors d'entretiens allant jusqu'à compromettre la santé d'une collaboratrice (Cass. soc., 21 mai 2014, n° 12-29.832, F-D N° Lexbase : A4920MM8) ;
• des attitudes, gestes et paroles déplacés d'un salarié à l'égard d'une salariée ayant entraîné pour celle-ci un état dépressif majeur, ce comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. soc., 24 octobre 2012, n° 11-20.085 N° Lexbase : A0509IWR) ;
• l'attitude négative et menaçante d'un salarié à l'égard de ses subordonnés, qui a insulté l'un d'eux et l'a poussé à la démission (Cass. soc., 17 octobre 2001, n° 99-41.766 N° Lexbase : A9047AWY).
Cependant, les juges dans l’appréciation de la gravité de la faute sont sensibles aux mesures de sensibilisation et de formation mises en place par l’employeur auprès du salarié auteur et sa potentielle qualité de salarié victime également (Cass. soc., 29 janv. 2013, n° 11-23.944 N° Lexbase : A6325I4Z). En tout état de cause, il reviendra à l’employeur d’établir la preuve de la faute, l’aménagement de la charge de la preuve en matière de harcèlement moral ne concerne que la victime du harcèlement et non son auteur (Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-17.393, FS-P+B N° Lexbase : A3635ICM).
L'intention de nuire n'est pas nécessaire pour retenir la mauvaise foi du salarié (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.207 N° Lexbase : A1524Z8X ; ord. n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, art. 4 N° Lexbase : L7629LGN). Pour illustration, la mauvaise foi du dénonciateur a été caractérisée lorsque :
• il est rapporté qu'une salariée avait dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l'entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable, la mauvaise foi de la salariée au moment de la dénonciation des faits de harcèlement, a pu être retenue et un licenciement pour faute grave retenu à son encontre (Cass. soc., 6 juin 2012, no 10-28.345 N° Lexbase : A3898INP ; Cass. soc., 6 juin 2012, no 10-28.199 N° Lexbase : A3942INC).
• elle se déduit des fonctions du salarié (Cass. soc., 7 févr. 2018, no 16-19.594 N° Lexbase : A6796XCP) ;
• le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue (Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-21.823, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2309R4B).
Lorsque la mauvaise foi est caractérisée, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié en question étant précisé que la situation peut justifier un licenciement pour faute grave voire pour faute lourde (Cass. soc., 5 juillet 2018, n° 17-17.485, F-D N° Lexbase : A5563XXC). Il était exigé de l’employeur qu’il indique dans le courrier de licenciement la mauvaise foi du salarié. Cependant, la Cour de cassation a considéré que l’absence de mention de la mauvaise foi dans la lettre de licenciement n'empêche pas l'employeur de l'alléguer devant le juge (Cass. soc., 16 septembre 2020, n° 18-26.696 N° Lexbase : A36573UY). Par mesure de sécurité il est quand même préconisé de le mentionner expressément dans le courrier de licenciement.
Mauvaise foi (appréciation du juge). La dénonciation d'un harcèlement moral ou sexuel ne pouvant être sanctionnée, sauf mauvaise foi, ce motif ne peut être pris en considération dans l'appréciation des éventuelles fautes de l'apprentie de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts. Il appartient au juge du fond de caractériser la mauvaise foi de la salariée (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 14-13.318, FS-P+B N° Lexbase : A8777NKB).
La charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas que sur le salarié (Cass. soc., 9 novembre 2020, n° 19-13.470, FS-P+B N° Lexbase : A579939N). Ainsi, en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié en retenant que ses mails n'étaient pas de nature à établir ses propres allégations et que le harcèlement n'était pas prouvé, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6799K9P) (Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 07-45.632, F-D N° Lexbase : A7239EIX).
Et, au vu des éléments de fait établis par le salarié, il incombe au défendeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-30.463, FS-P+B+R N° Lexbase : A9350HZC ; Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 20-16.545, F-D N° Lexbase : A51147IA).
Si le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6799K9P), ces dispositions ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral (Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-17.393, FS-P+B N° Lexbase : A3635ICM).
Le régime particulier de preuve prévu par le Code du travail au bénéfice du salarié s'estimant victime de harcèlement moral n'est pas applicable lorsque survient un litige, auquel ce dernier n'est pas partie, opposant un employeur à l'un de ses salariés auquel il est reproché d'être l'auteur de tels faits.
Les héritiers, exerçant une action en réparation de leur préjudice du fait du décès de leur mari et père, à la suite d'un harcèlement moral, ne peuvent bénéficier du régime probatoire institué par l'article L. 1154-1 du Code du travail N° Lexbase : L6799K9P (Cass. soc., 30 juin 2015, n° 14-14.360, FS-D N° Lexbase : A5407NM9).
Viole des articles L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P et L. 1154-1 du Code du travail N° Lexbase : L6799K9P car procédant à une appréciation séparée des éléments de faits versés aux débats la cour d’appel qui examine pour chaque élément invoqué par la salariée les éléments avancés par l’employeur pour les justifier, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis et les certificats médicaux laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-24.102, F-D N° Lexbase : A01554GT ; Cass. soc., 3 avril 2024, n° 23-11.767, F-D N° Lexbase : A053623A).
En cas de harcèlement moral, il appartient au juge de rechercher préalablement si les faits présentés par le salarié ne laissent pas présumer l’existence d’un harcèlement moral et si, dans l’affirmative, l’employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Après s’être prononcé sur l’existence du harcèlement moral, le juge statue sur le préjudice au titre de ce dernier.
La Haute juridiction (Cass. soc., 15 février 2023, n° 21-20.572, F-B N° Lexbase : A24089DK) rappelle l’aménagement probatoire et l’office du juge en matière de harcèlement moral :
Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, dont les documents médicaux éventuellement produits, et doit apprécier les faits dans leur ensemble. Prive sa décision de base légale la cour d’appel qui, pour écarter le harcèlement moral, n’a pas pris en considération les nombreux documents médicaux produits et a examiné séparément chacun des faits matériellement établis par le salarié (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-15.832, F-D N° Lexbase : A17534EN).
Concernant le courriel envoyé par la salariée, les juridictions françaises ont interprété strictement les conditions légales d’exonération de la responsabilité pénale du salarié puisqu’elles ont reconnu le caractère public du courriel.
Or, ce courriel envoyé par la requérante constitue un texte envoyé à un nombre limité de personnes, n’ayant pas vocation à être diffusé au public, mais dont le seul but est d’alerter les intéressés sur la situation de la requérante afin de trouver une solution permettant d’y mettre fin.
La CEDH souligne sur ce point le contexte tendu consécutif aux démarches infructueuses de la requérante ayant alerté sur le comportement du prétendu agresseur à son égard.
Sur la nature des propos litigieux, les juridictions françaises ont estimé qu’il ne peut pas être reproché à la requérante, dans le contexte qu’elle subissait, de s’exprimer de manière vive et qu’il existe des éléments permettant d’établir la réalité d’un harcèlement moral, voire sexuel, dans la perception de l’intéressée. Pour autant, elles ont estimé que la salariée ne pouvait pas bénéficier de l’excuse de bonne foi puisque ses propos relatifs à l’agression sexuelle ne disposaient pas d’une base factuelle suffisante.
Or, la requérante a agi en qualité de victime alléguée des faits qu’elle dénonçait, et non en qualité de citoyen ou de lanceur d’alerte. Les propos contenus dans le courriel sont des déclarations de faits. L’absence de témoins pour les faits dénoncés ainsi que l’absence de plainte relative à de tels agissements ne peuvent conduire à caractériser la mauvaise foi de la requérante.
S’agissant des effets des propos tenus par la requérante sur la réputation de la personne dénoncée, ce n’est pas tant le courriel litigieux en soi que le billet publié sur Facebook par l’époux de l’intéressée, qui ont suscité de vifs échanges et ont porté l’affaire à la connaissance du public, de sorte que le courriel envoyé n’a entraîné que des effets limités sur la réputation du prétendu agresseur.
La CEDH décide alors que la condamnation pénale d’une salariée en raison de son courriel contenant des allégations de harcèlement et d’agression sexuelle et envoyé à plusieurs personnes au sein et en dehors de l’entreprise constitue une ingérence dans sa liberté d’expression et comporte, par nature, un effet dissuasif susceptible de décourager les intéressés de dénoncer des faits aussi graves que ceux caractérisant, à leurs yeux, un harcèlement moral ou sexuel, voire une agression sexuelle (CEDH, 18 janvier 2024, n° 20275/20
La Cour souligne la nécessité, au regard de l’article 10, d’apporter la protection appropriée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes. Elle considère que les juridictions françaises, en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce la notion de base factuelle suffisante et les critères de la bonne foi, ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer.
Elle condamne ainsi la France à verser à la requérante 8 500 euros pour dommages moral et matériel.
Le fait, pour une salariée, de ne faire référence à aucun fait précis, et que les attestations produites relatent soit des propos ou comportements du mis en cause qui ne concernaient pas directement la salariée, soit émanaient de personnes qui reprenaient des propos que la salariée leur avait tenus. Il s'agissait en l'espèce de comportements déplacés et de critiques humiliantes et dévalorisantes (Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-22.288, FS-P+B N° Lexbase : A6893KMA).
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