La constatation des infractions en matière d'urbanisme
L’article 105 de la loi n° 2016-925, du 7 juillet 2016, relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine N° Lexbase : L2315K9M, a modifié la constatation des infractions en matière d’urbanisme. Dorénavant, les infractions relatives aux constructions sans autorisation peuvent être constatées par les agents commissionnés à cet effet et assermentés, lorsqu’elles affectent des immeubles compris dans un secteur sauvegardé ou soumis aux dispositions législatives du Code du patrimoine relatives aux monuments historiques ou aux dispositions législatives du Code de l’environnement relatives aux sites et qu’elles consistent, soit dans le défaut de permis de construire, soit dans la non-conformité de la construction ou des travaux au permis de construire accordé (C. urb., art. L. 480-1 N° Lexbase : L0742LZI). Comme auparavant, les infractions aux dispositions relatives aux certificats d’urbanisme, déclarations préalables, constructions, aménagements et conformités des travaux, sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’Urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et sont assermentés (C. urb., art. L. 480-1 N° Lexbase : L0742LZI).
Les infractions d’exécution de travaux sans déclaration préalable et en méconnaissance du PLU s’accomplissent pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu’à leur achèvement et la prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elles sont destinées (Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-80.574, F-P+B
N° Lexbase : A6275MP4). La double condamnation du pétitionnaire d’un ouvrage unique pour exécution de travaux sans autorisation ni déclaration est illégale (Cass. crim., 1
er avril 2014, n° 13-82.731, F-P+B
N° Lexbase : A6215MIZ). Après que le maire a dressé procès-verbal de l’infraction, il peut, aussi longtemps que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée, ordonner par arrêté motivé l’interruption des travaux (CE, 1
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e s.-sect. réunies, 26 novembre 2010, n° 320871, mentionné aux tables du recueil Lebon
N° Lexbase : A4308GL7).
La nature des infractions en matière d'urbanisme
La construction sans autorisation
Le fait d’exécuter des travaux sans autorisation est puni d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros (C. urb., art. L. 480-4 N° Lexbase : L6810L7D). Ces peines peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux. Toutefois, la poursuite de travaux malgré une décision prononçant le sursis à exécution du permis de construire n’est pas constitutive de l’infraction de construction sans permis (Cass. ass. plén., 13 février 2009, n° 01-85.826, P+B+R+I N° Lexbase : A1394EDY). En outre, ne peut être condamné un prévenu pour délit de construction sans permis sans avoir recherché si, d’une part, il était titulaire d’un permis de construire tacite et si, d’autre part, le retrait de l’autorisation tacite éventuellement acquise était légal (Cass. crim., 18 septembre 2007, n° 07-80.804, F-P+F N° Lexbase : A6665DYI). L’achèvement des travaux n’est pas une condition de la poursuite pour construction en violation d’un permis de construire (Cass. crim., 8 décembre 2015, n° 14-85.548, F-P+B N° Lexbase : A1859NZU).
L'aménagement sans permis
Est puni d’une amende de 15 000 euros le fait de vendre ou de louer des terrains bâtis ou non bâtis compris dans un lotissement sans avoir obtenu un permis d’aménager ou sans avoir respecté l’obligation de déclaration préalable pour les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d’un permis d’aménager, lorsque le lotissement est soumis à une déclaration préalable, ou sans s’être conformé aux prescriptions imposées par le permis d’aménager ou par la décision prise sur la déclaration préalable (C. urb., art. L. 480-4-1 N° Lexbase : L5010LU4).
Le non-respect de l'interruption des travaux
En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l’arrêté en ordonnant l’interruption, les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux, encourent une amende de 75 000 euros et une peine de trois mois d’emprisonnement (C. urb., art. L. 480-3 N° Lexbase : L5008LUZ).
L'entrave au droit de visite
Quiconque aura mis obstacle à l’exercice du droit de visite des constructions en cours sera puni d’une amende de 3 750 euros. En outre, un emprisonnement d’un mois pourra être prononcé (C. urb., art. L. 480-12 N° Lexbase : L5019LUG).
L'entrave au droit d'inspection des terrains de camping
Le fait d’entraver l’exercice du droit d’inspection des terrains aménagés pour le camping et des terrains sur lesquels se trouvent des caravanes dont le stationnement a été autorisé ou aurait dû l’être est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (C. urb., art. R. 480-6 N° Lexbase : L8758ICD).
Les infractions aux conditions d'exploitation des établissements dangereux
Les infractions aux dispositions réglementant, dans les territoires faisant l’objet d’un plan local d’urbanisme approuvé ou d’un document en tenant lieu, l’ouverture, l’extension et les modifications aux conditions d’exploitation des établissements dangereux, insalubres ou incommodes sont punies des peines et sanctions prévues par la législation relative aux installations classées (C. urb., art. L. 610-3 N° Lexbase : L2747KIL).
La responsabilité des personnes morales
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables des infractions d’urbanisme (C. urb., art. L. 480-4-2 N° Lexbase : L5011LU7). Toutefois, ceci n’exclut pas la responsabilité pénale des personnes physiques auteurs ou complices de l’infraction d’urbanisme, tel le dirigeant personne physique qui a pris l’initiative des travaux pour le compte de la personne morale, qui les a définis puis effectués ou fait effectuer sans avoir obtenu d’autorisation (Cass. crim., 17 mai 2011, n° 10-86.255, F-D N° Lexbase : A5123HUB).
Les pouvoirs des juridictions
L'interruption des travaux
L’interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou d’une association agréée de protection de l’environnement, soit, même d’office, par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L’autorité judiciaire statue après avoir entendu le bénéficiaire des travaux ou l’avoir dûment convoqué à comparaître dans les 48 heures. La décision judiciaire est exécutoire sur minute et nonobstant toute voie de recours (C. urb., art. L. 480-2 N° Lexbase : L5007LUY). Lorsque l’autorité administrative municipale agit sur le fondement de ces dispositions, le maire, agissant au nom de l’État, dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour ordonner l’interruption des travaux (TA Montpellier, 1re ch., 2 octobre 2014, n° 1305211 N° Lexbase : A2809MYP). Cette interruption est au nombre des mesures de police qui ne peuvent intervenir qu’après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations, sauf en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles (CE, 1re-6e s.-sect. réunies, 10 mars 2010, n° 324076, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1637ETS).
Concernant le contrôle de la conformité de la réalisation avec l’autorisation, dans tous les cas, l’infraction doit être établie : un procès-verbal qui se limite à relater la plainte du maire au sujet de travaux effectués sans permis ne suffit pas à justifier légalement l’arrêté interruptif de travaux pris ultérieurement (CE, 4e-1re s.-sect. réunies, 10 janvier 1996, n° 125314, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7116ANU). En revanche, dès lors que le procès-verbal d’infraction est établi, le maire se trouve en situation de compétence liée, et doit, dès lors, prendre l’arrêté interruptif de travaux (CE, 4e-1re s.-sect. réunies 11 juin 1993, n° 89119, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0178ANW).
Concernant l’arrêté interruptif de travaux et la contrariété aux règles d’urbanisme, un changement de destination imposant la délivrance d’un permis de construire, la réalisation de travaux malgré l’absence de délivrance d’un tel permis autorise le maire à prendre un arrêté interruptif de travaux (CE, 9e-10e s.-sect. réunies, 6 février 2002, n° 235242, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1152AYC). En outre, un permis frappé par la péremption n’ouvrant aucun droit, la réalisation de travaux qu’il avait autorisés est donc constitutive d’une infraction et justifie l’interruption administrative des travaux (CAA Douai, 1re ch., 14 juin 2001, n° 97DA01664 N° Lexbase : A0682BM9).
La mise en conformité des lieux ou des ouvrages
La nature de la mise en conformité des lieux ou des ouvrages
En cas de condamnation d’une personne physique ou morale à la suite d’une construction non conforme aux prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou aux règles prévues par les servitudes, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l’absence d’avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur (C. urb., art. L. 480-5 N° Lexbase : L6812L7G). Le maire poursuivant une infraction au Code de l’urbanisme ne peut exercer l’action civile au nom de la commune qu’après en avoir été chargé par une délibération spéciale du conseil municipal (Cass. crim., 16 juin 2015, n° 14-83.990, FS-P+B N° Lexbase : A5206NLE).
La portée de la mise en conformité des lieux ou des ouvrages
L’extinction de l’action publique résultant du décès du prévenu, de la dissolution de la personne morale mise en cause ou de l’amnistie ne fait pas obstacle à l’application de ces dispositions (C. urb., art. L. 480-6 N° Lexbase : L5005LUW). La mise en conformité des lieux ou des ouvrages, leur démolition et la réaffectation du sol prévues par l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L6812L7G ne sont pas, dès lors, soumises à la prescription de la peine (Cass. crim., 23 novembre 1994, n° 93-81.605, publié au bulletin N° Lexbase : A7661CIL).
La procédure de mise en conformité des lieux ou des ouvrages
Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation. Il peut assortir son injonction d’une astreinte de 500 euros au plus par jour de retard. L’exécution provisoire de l’injonction peut être ordonnée par le tribunal (C. urb., art. L. 480-7 N° Lexbase : L5018LUE). La remise en état des lieux ne constitue pas une mesure propre à réparer le dommage né de l’infraction résultant de l’exécution de travaux sans déclaration préalable (Cass. crim., 1er septembre 2015, n° 14-84.353, F-P+B N° Lexbase : A4872NNR). En outre, l’injonction de remise en état des lieux à la suite de la condamnation du bénéficiaire d’une construction irrégulièrement édifiée doit être accompagnée d’un délai dans lequel les travaux nécessités par cette mesure devront être exécutés (Cass. crim., 18 novembre 2014, n° 13-83.836, F-P+B N° Lexbase : A9340M3C).
Les limites au pouvoir des juges
Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans certaines zones. Dans ce cas, l’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative (C. urb., art. L. 480-13 N° Lexbase : L5016LUC).
Viole cette disposition la cour d’appel qui, pour rejeter une demande de démolition d’un garage, retient qu’il convenait que le permis de construire ait été préalablement annulé par la juridiction administrative alors qu’elle relevait que le demandeur se prévalait d’une servitude de passage pour accéder à son fonds enclavé (Cass. civ. 3, 23 mai 2002, n° 00-20.861, FS-P+B N° Lexbase : A7169AY8). En revanche, l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L5016LUC ne s’applique pas à la demande de reprise de travaux de démolition en cas de contestation du permis de démolir (Cass. civ. 3, 18 juin 1997, n° 95-18.735, publié au bulletin N° Lexbase : A0665ACM).