ETUDE : Les vendeurs de meubles, les revendications et restitutions
E4307EY8
avec cacheDernière modification le 29-10-2024
Les propriétaires de meubles peuvent reprendre leur bien dans la procédure collective de leur débiteur. Il doivent néanmoins repecter un certain nombre de règles érigées par le droit des entreprises en difficulté. En principe, ils exercent une action en revendication dont sont toutefois dispensés les propriétaires de biens dont le contrat est publié, lesquels doivent alors demander la restitution de leurs biens. La plupart du temps, l'action en revendication sera le fait d'un créancier sous clause de réserve de propriété.
Les propriétaires de meubles peuvent reprendre leur bien dans la procédure collective de leur débiteur. Il doivent néanmoins repecter un certain nombre de règles érigées par le droit des entreprises en difficulté. En principe, ils exercent une action en revendication dont sont toutefois dispensés les propriétaires de biens dont le contrat est publié, lesquels doivent alors demander la restitution de leurs biens. La plupart du temps, l'action en revendication sera le fait d'un créancier sous clause de réserve de propriété.
L'article L. 624-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L5569HDM) prévoit que le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité et peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. L'article L. 624-10 du Code de commerce ne précise donc pas que le domaine de l'action en restitution est limité aux propriétaires de meubles ; cependant, il doit nécessairement s'interpréter par rapport à l'article L. 624-9 (N° Lexbase : L3492ICC), qui envisage le domaine de l'action en revendication, laquelle a pour objet de rendre opposable à la procédure collective le droit de propriété du propriétaire de meubles. La mesure est donc nécessairement limitée aux seuls biens meubles, et il n'y a pas de distinction à opérer selon qu'il s'agit de biens meubles corporels ou incorporels. Enfin, l'article 117, alinéa 1er, du décret du 28 décembre 2005 (C. com., art. R. 624-15 N° Lexbase : L0915HZW) ajoute que, pour bénéficier des dispositions de l'article L. 624-10 du Code de commerce, les contrats qui y sont mentionnés doivent avoir été publiés avant le jugement d'ouverture selon les modalités qui leur sont applicables.
Contrairement à la demande en revendication, qui est obligatoire et enfermée dans un délai de trois mois, la demande en restitution est simplement facultative et n'est évidemment pas enfermée dans un délai. La solution résulte clairement de l'article L. 624-10 du Code de commerce qui indique que le propriétaire d'un bien dont le contrat est publié "peut" réclamer la restitution de son bien.
La première étape du processus permettant au propriétaire de reprendre possession de son bien dans une procédure collective est une demande en acquiescement de restitution. L'administrateur, avec l'accord du débiteur, ou à défaut, le débiteur après accord du mandataire judiciaire, peut acquiescer à la demande en restitution d'un bien (C. com., art. L. 624-17, al. 1 N° Lexbase : L1413HI8).
L'article R. 624-14, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L0914HZU) précise que la demande en restitution est faite par le propriétaire du bien, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'administrateur, s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire. En liquidation judiciaire, il est prévu depuis l'ordonnance du 12 mars 2014 que le liquidateur, avec l'accord de l'administrateur, s'il en a été désigné, peut acquiescer à la demande en restitution d'un bien. En effet, la demande en restitution est adressée au liquidateur et le demandeur en adresse une copie à l'administrateur judiciaire, s'il en a été désigné. Pour le reste les règles de forme sont identiques à celles prévues en procédure de sauvegarde.
En cas d'acquiescement à la demande, le propriétaire peut, sans autre formalité, reprendre possession de son bien. En revanche, à défaut d'acquiescement, il y a place au respect d'une seconde formalité.
A défaut d'acquiescement, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi (C. com., art. L. 624-17). Cependant, cette requête n'est enfermée dans aucun délai ; le propriétaire n'encourt ici aucune forclusion.
Depuis l'ordonnance du 12 mars 2014, il est prévu en liquidation judiciaire que à défaut d'accord entre le liquidateur et l'administrateur, ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue au vu des observations du demandeur, du débiteur, du liquidateur et, le cas échéant, de l'administrateur.
En application R. 621-21, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L6108I3M), le recours contre les ordonnances du juge-commissaire statuant sur la restitution est porté devant le tribunal dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision. Le jugement qui statue sur l'opposition formée à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire sera, pour sa part, susceptible d'appel dans le délai de dix jours qui court à compter de la notification du jugement.
L'action en restitution ne tend qu'à la restitution. C'est pourquoi la demande en restitution n'a aucun sens si le contrat fondant la détention du débiteur est en cours au jour de la demande.
En l'absence de demande en restitution, une réglementation particulière est posée par l'article R. 641-32 du Code de commerce (N° Lexbase : L1060HZB), texte spécifique à la procédure de liquidation judiciaire. Ainsi, il est prévu que le bien qui ne fait pas l'objet d'une demande en restitution peut être vendu selon les formes prévues au titre IV du livre VI du Code de commerce à l'expiration d'un délai d'un mois après l'envoi d'une mise en demeure au propriétaire (C. com., art. R. 641-32). Cette mise en demeure, qui peut être envoyée dès l'ouverture de la procédure, est adressée par le liquidateur au dernier domicile connu du propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si, malgré la mise en demeure, le propriétaire du meuble dont le contrat est publié n'effectue aucune diligence, le liquidateur est en droit de vendre le bien et il y a alors place à application de l'alinéa 2 de l'article R. 641-32 : le prix de vente est consigné par le liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations et, sous déduction des frais, est tenu à la disposition du créancier, qui en est averti par le liquidateur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Après clôture de la procédure, le montant ainsi consigné est restitué au créancier ou à ses ayants droit par la Caisse des dépôts et consignations sur ordonnance du président.
L'article L. 624-9, alinéa 1, du Code commerce (N° Lexbase : L3492ICC), de manière extrêmement générale, évoque la revendication des meubles. Le domaine de la mesure est donc limité aux seuls biens meubles. De plus, la loi de sauvegarde des entreprises a repris la solution posée par la loi du 10 juin 1994, en dispensant de l'action revendication les propriétaires de contrats publiés.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de distinguer selon qu'il s'agit de biens meubles corporels ou incorporels. Ainsi, par exemple, la jurisprudence a décidé que l'action en revendication s'imposait au propriétaire d'un fonds de commerce vendu avec une clause de réserve de propriété ou donné en location-gérance (Cass. com., 21 novembre 1995, n° 93-20.531, M. Lizé, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société N° Lexbase : A1305ABX).
La généralité du domaine de l'action en revendication doit, cependant, être tempérée, les règles de l'action en revendication ne s'appliquant pas si la revendication a été commencée avant jugement d'ouverture. En effet, si une action en reprise du bien est exercée avant le jugement d'ouverture, par exemple, au titre d'une saisie sur injonction du juge l'exécution, le propriétaire n'a pas à se soumettre à l'action en revendication réglementée par le Code de commerce (Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-02.497, Société Algeco c/ Commune du Luc, F-D N° Lexbase : A3565DAB).
La première étape du processus permettant au propriétaire de reprendre possession de son bien dans une procédure collective est une demande en acquiescement de revendication. L'article L. 624-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L1413HI8) énonce que l'administrateur avec l'accord du débiteur ou, à défaut, le débiteur après accord du mandataire judiciaire, peut alors acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d'un bien. L'article R. 624-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L0913HZT) précise que cette demande prend la forme d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire. S'il n'a pas été désigné d'administrateur, la demande doit être adressée au débiteur et le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
En liquidation il est prévu, depuis l'ordonnance du 12 mars 2014, que le liquidateur, avec l'accord de l'administrateur, s'il en a été désigné, peut acquiescer à la demande en revendication ( C. com., art. L. 641-14-1 N° Lexbase : L7245IZD).
Enfin, la demande en acquiescement de revendication est enfermée dans le délai prévu à l'article L. 624-9 du Code de commerce, c'est-à-dire dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure. En cas d'acquiescement, le propriétaire pourra alors, sans autre formalité, reprendre possession de son bien. A défaut d'acquiescement, il y a place au respect d'une seconde formalité.
L'article L. 624-17 du Code de commerce prévoit qu'à défaut d'acquiescement, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi. Le propriétaire doit donc présenter en requête en revendication, qui est enfermée dans un délai précisé par l'article R. 624-13, alinéa 2 : à défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse. Cela revient à dire que le propriétaire doit présenter sa requête en revendication dans les deux mois qui suivent la réception de la demande en acquiescement de revendication. A défaut, il est forclos et ne pourra donc prétendre récupérer son bien.
En liquidation judiciaire, à défaut d'accord entre le liquidateur et l'administrateur, ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue au vu des observations du demandeur, du débiteur, du liquidateur et, le cas échéant, de l'administrateur.
Le recours contre les ordonnances du juge-commissaire statuant sur la revendication est porté devant le tribunal dans le délai de dix jours qui court à compter de la notification de la décision (C. com., art. R. 621-21 N° Lexbase : L6108I3M). Le jugement qui statue sur l'opposition formée à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire sera, pour sa part, susceptible d'appel dans le délai de dix jours qui court à compter de la notification du jugement.
Selon la Cour de cassation, l'absence de présentation dans les délais impartis d'une demande en revendication ou le rejet de celle-ci aboutit à rendre inopposable à la procédure collective le droit de propriété (Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-02.177, F-D N° Lexbase : A3562DA8). Cette inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective autorise, alors, le liquidateur à vendre le bien qui aurait dû être revendiqué ou dont la revendication a été rejetée (Cass. com., 23 mai 1995, n° 93-10.439 N° Lexbase : A8218ABY).
Toutefois, le droit de propriété n'est pas éteint (Cass. com., 24 mars 2004, n° 02-18.048, FS-P+B N° Lexbase : A6332DB7).
La clause de réserve de propriété est une sureté. Elle constitue un accessoire de la créance de prix et peut donc faire l'objet d'une subrogation. Dans le même sens, la jurisprudence avait précisé que la réserve de propriété régulièrement convenue entre l'acheteur et le vendeur constitue l'accessoire de la créance de ce dernier en lui garantissant le paiement du prix (Cass. com., 11 juillet 1988, n° 87-10.834, Société bordelaise de CIC, publié N° Lexbase : A7791AGN).
Les biens vendus avec une clause de réserve de propriété subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix peuvent être revendiqués s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure (C. com., art. L. 624-16, al. 2 N° Lexbase : L3509ICX, texte de la sauvegarde rendu applicable au redressement et à la liquidation judiciaires respectivement par les articles L. 631-18 N° Lexbase : L3322ICZ et L. 641-14, al. 1 N° Lexbase : L8104IZ8). La revendication en nature peut aussi s'exercer, dans les mêmes conditions, sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque la séparation de ces biens peut être effectuée sans qu'ils en subissent un dommage ou encore, sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte. (C. com., art. L. 624-16, al. 3).
La clause de réserve de propriété, qui peut figurer dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties, doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit établi, au plus tard, au moment de la livraison (C. com., art. L. 624-16, al. 2). La clause doit donc être écrite et avoir été acceptée par l'acheteur. Cette acceptation peut être tacite.
Dans tous les cas, il n'y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement (C. com., art. L. 624-16, al. 4).
Le juge-commissaire peut également, avec le consentement du créancier requérant, accorder un délai de règlement ; la créance de prix est alors assimilée à une créance postérieure au sens de l'article L. 622-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4).
E6386YXS
L'action en restitution est limitée aux seuls biens meubles, lorsque les contrats portant sur ces biens ont fait l'objet d'une publicité. Contrairement à l'action en revendication, l'action en restitution ne tend pas à faire reconnaître opposable à la procédure collective le droit de propriété du demandeur : elle tend seulement à la restitution. La première étape du processus permettant au propriétaire de reprendre possession de son bien dans une procédure collective est, alors, une demande en acquiescement de restitution. En cas d'acquiescement à la demande, le propriétaire peut, sans autre formalité, reprendre possession de son bien. En revanche, à défaut d'acquiescement, il y a place à la requête en restitution. L'ordonnance qui statue sur la restitution est susceptible des recours classiquement ouverts sur les ordonnances du juge-commissaire. Enfin, il convient de souligner que les intéressés ont intérêt de publier leurs contrats, le coût de la publication étant modique par rapport à la protection assurée, qui leur permet d'être avertis par lettre recommandée d'avoir à déclarer sans encourir de forclusion jusqu'à l'avertissement.
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de E. Le Corre-Broly N° Lexbase : N3801BZS.
Analyse / Incidences pratiques. Il résulte de la combinaison des articles L. 624-9 et L. 624-10 que l’action en revendication est une action en reconnaissance du droit de propriété tendant à rendre opposable à la procédure collective le droit du propriétaire. Dès lors que l’inscription d’un aéronef au registre français d’immatriculation ouvert à la Direction générale de l’aviation civile rend le droit de propriété portant sur l’aéronef opposable à tous, il est logique que le propriétaire de l’aéronef soit dispensé d’avoir à revendiquer son bien à l’occasion de la procédure collective. On n’enfonce pas une porte ouverte : si le droit de propriété est opposable à tous par une démarche spécifique extérieure au droit des entreprises en difficulté, il est inutile d’initier une action tendant à rendre opposable ce droit à la procédure collective. Il faut désormais prendre acte de ce que le champ de la dispense de revendication est composé de deux ensembles. Le premier ensemble concerne les propriétaires titulaires d’un contrat publié visés à l’article L. 624-10. Le second ensemble concerne donc les propriétaires qui ont procédé à une démarche rendant accessible à tous l’information selon laquelle ils sont propriétaires de tel bien meuble. Il résulte de l’arrêt du 27 mars 2024 que ces derniers ne sont pas soumis à la procédure de revendication dès lors que leur droit de propriété est opposable à tous et donc à la procédure collective. Tel est ainsi le cas du propriétaire qui a procédé à l’inscription d’un aéronef au registre français d’immatriculation puisque cette inscription vaut titre (C. transports, art. L. 6121-2) et que ce registre est tenu à la disposition du public (C. transports, art. D. 6111-3, al. 2). En revanche, il ne nous semble pas que tel soit le cas de l’immatriculation d’un véhicule dans le SIV. En effet, l’essentiel des informations enregistrées dans le Système d’Immatriculation des Véhicules, notamment l’identité du propriétaire, ne sont pas accessibles à tous (cf C. route, art. L. 330-2 [LXB=L2973MIX] et L. 330-3 N° Lexbase : L0419L8Z). Ainsi, l’immatriculation d’un véhicule ne devrait-elle pas suffire à dispenser le propriétaire d’avoir à revendiquer lorsque ce véhicule ne fait pas l’objet d’un contrat publié. On rappellera que l’enregistrement d’un acte à la recette des impôts ne dispense pas davantage le propriétaire d’avoir à revendiquer puisque cette démarche, qui a pour effet de conférer date certaine, n’assure pas une mise à la disposition du public d’une information. Ainsi, si la démarche effectuée par le propriétaire ne permet pas l’accès à tous de l’information selon laquelle il est propriétaire, le propriétaire qui n’est pas titulaire d’un contrat publié devra revendiquer. Dans le cas contraire, il sera dispensé de revendiquer car son droit de propriété sera opposable à tous et donc à la procédure collective. |
En pratique, cette décision doit conduire les crédits-bailleurs à se montrer particulièrement diligents dans la récupération de leur matériel afin de préserver l'intégralité de leurs droits à l'encontre de la caution du crédit-preneur. |
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de E. Le Corre-Broly N° Lexbase : N7451BZY.
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de E. Le Corre-Broly N° Lexbase : N9352BZE.
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de E. Le Corre-Broly N° Lexbase : N9352BZE.
L'action en revendication tend à faire reconnaître opposable à la procédure collective le droit de propriété du demandeur. Le domaine de la mesure est limité aux seuls biens meubles. Toutefois, la solution adoptée par le législateur de 1994 a été reprise par la loi de sauvegarde des entreprises, qui dispense de l'action en revendication les propriétaires de contrats publiés. La première étape du processus permettant au propriétaire de reprendre possession de son bien dans une procédure collective est une demande en acquiescement de revendication. C'est à défaut d'acquiescement qu'il y a place au respect d'une seconde formalité : la requête en revendication, laquelle doit être portée devant le juge-commissaire dans des délais bien définis. L'ordonnance statuant alors sur la revendication est susceptible des recours classiquement ouverts sur les ordonnances du juge-commissaire. Enfin, l'absence de présentation dans les délais impartis d'une demande en revendication ou le rejet de celle-ci aboutit à rendre inopposable à la procédure collective le droit de propriété, mais non pas à l'éteindre.
L'ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'entrepreneur individuel à responsabilité limité a instituée une procédure de reprise des biens de l'EIRL détenus dans le cadre de l'activité à raison de laquelle la procédure a été ouverte qui sont compris dans un autre de ses patrimoines.
Par ailleurs, avec la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, instituant un nouveau statut pour l'entrepreneur individuel, le législateur a fait le choix de rendre désormais impossible l’affectation d’un patrimoine professionnel à un EIRL, mettant ainsi un terme à ce statut. Cependant, les EIRL en cours ne sont pas remis en cause. En outre du 14 février 2022 a créé un nouveau statut de l’entrepreneur individuel avec l’instauration d’un patrimoine professionnel, automatiquement distinct de son patrimoine personnel. les procédures collectives sont applicables à l'entrepreneur individuel soumis à ce nouveau statut.
Les dispositions relatives à l'action en reprise ont donc été modifiées pour viser :
C’est bien le jugement d’ouverture qui déclenche l’application des règles relatives aux droits du vendeur de meubles et aux actions en revendication et restitution des articles L. 624-9 à L. 624-18 du Code de commerce. |
⇒ Sur cet arrêt, voir les obs. de E. Le Corre-Broly (N° Lexbase : N6067BXY).
⇒ Sur cet arrêt, voir les obs. de E. Le Corre-Broly (N° Lexbase : N6292BXC).
⇒ Sur cet arrêt, voir les obs. de E. Le Corre-Broly (N° Lexbase : N6292BXC).
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de P.-M. Le Corre (N° Lexbase : N2697BX8).
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de G. Piette (N° Lexbase : N6313BX4).
Il existe quatre cas de figure illustrant l’intérêt probatoire de l’inventaire :
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⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de P.-M. Le Corre (N° Lexbase : N6741BXX).
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de P.-M. Le Corre (N° Lexbase : N2697BX8).
La revendication des choses fongibles : ou comment faire quand il n'y en a pas pour tout le monde ? (Cass. com., 29 novembre 2016, n° 15-12.350, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4620SLP)
L'article L 624-16, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L3509ICX) dispose que "la revendication en nature peut également s'en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte". Ce texte, qui consacre la solution dégagée par la Cour de cassation, ne permet pas de régler la difficulté qui se présente lorsque plusieurs propriétaires revendiquent les mêmes choses fongibles et alors que les quantités entre les mains du débiteur ne sont pas suffisantes à satisfaire toutes les demandes.
En l'espèce, trois fournisseurs avaient vendu une certaine quantité de carburant sous clause de réserve de propriété. L'un d'entre eux avait présenté une demande en revendication avant les deux autres, demande à laquelle l'administrateur judiciaire avait acquiescé. Puis les deux autres fournisseurs avaient ultérieurement présenté concomitamment une demande en revendication dans le délai de revendication. La cour d'appel d'Amiens avait jugé que leur revendication ne pouvait plus s'exercer que sur le carburant restant, déduction faite de la quantité revendiquée par le fournisseur le plus diligent. Ainsi, le premier revendiquant est le premier servi.
Cette position n'est pas partagée par la Chambre commerciale. Dans un arrêt appelé à la plus large diffusion (P+B+R+I), la Cour de cassation reproche aux juges du fond d'avoir privilégié le revendiquant le plus diligent au détriment des autres fournisseurs ayant également présenté leur demande en revendication dans le délai légal. La Cour pose en principe que "lorsque plusieurs vendeurs avec réserve de propriété revendiquent, dans le délai de trois mois N° Lexbase : L3492ICC], les mêmes biens, ceux-ci doivent être restitués à proportion de la quantité livrée par chacun d'eux et restant impayée à la date de l'ouverture" de la procédure collective.
Pour résoudre la difficulté qui se présentait, plusieurs solutions étaient envisageables.
La première pouvait consister à permettre au propriétaire prouvant qu'il avait livré tel bien, par exemple, en l'occurrence, parce que le carburant avait été entreposé dans des containers identifiés, de le reprendre à l'exclusion des autres. Cette thèse ne pouvait d'évidence être retenue. On se souvient que c'est la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7), qui a assoupli la tâche du revendiquant, en matière de choses fongibles. Depuis cette législation, le revendiquant n'a plus à prouver que les choses revendiquées sont celles qu'il a livrées, dès lors qu'existent entre les mains du débiteur, "des biens de même espèce et de même qualité". L'article 2369 du Code civil (N° Lexbase : L6966ICY), issu de la rédaction de l'ordonnance du 23 mars 2006 (ordonnance n° 2006-346 N° Lexbase : L8127HHH), reprend la solution, pour la faire devenir le principe de droit commun. La Cour de cassation a logiquement considère que la règle est de fond (1), et non de preuve. Il en résulte qu'il sera inutile de prouver l'identité des biens revendiqués avec ceux livrés. Symétriquement, la preuve de l'absence d'identité entre biens revendiqués et biens livrés ne conduira pas au rejet de la revendication. Il suffira de démontrer l'existence de biens fongibles (2).
La deuxième possibilité était de retenir la solution de la cour d'appel : celui qui le premier revendique sera le premier servi. Nous avions estimé que cette solution selon laquelle le premier revendiquant devra être servi ne pouvait trouver application (3), l'opinion contraire ayant cependant été émise (4). Outre qu'elle ne repose sur aucun fondement, elle est parfaitement inique pour ceux qui, tout en étant dans les délais, ont présenté leur demande en revendication ultérieurement. Surtout, elle est inextricable si les revendications ont été présentées le même jour. Elle aboutit également à une impasse, si les personnes ayant présenté leur revendication en second lieu, forment un recours à l'encontre de l'ordonnance rendue au profit du premier ayant exercé sa revendication, ce qu'elles peuvent faire, puisqu'elles sont bien des personnes dont les droits sont susceptibles d'être affectés par l'ordonnance attaquée.
La troisième possibilité consistait à suivre la position d'un juge-commissaire appliquant la présomption Fifo (first in/first out), c'est à dire premier entré/premier sorti, pour décider que le calcul des créances devait se faire au prorata des dernières livraisons des derniers fournisseurs à concurrence des stocks constatés (5). Nous avions indiqué que "cette technique est doublement critiquable en ce qu'elle confond revendication et droit de créance, d'une part, et en ce qu'elle fait jouer une règle de preuve, qui repose sur la présomption Fifo là où la Cour de cassation voit une règle de fond " (6).
La quatrième et dernière possibilité était d'utiliser la technique de la "néo-revendication", chère à Françoise Pérochon (7). On ne traite plus alors vraiment les revendiquant comme des propriétaires, mais plutôt comme des créanciers.
Deux modalités sont alors concevables.
La première consiste à calculer les droits de chaque propriétaire par rapport à leurs créances (8). Cette solution se heurte à deux obstacles. Le premier tient au fait que, même si les propriétaires sont traités comme des créanciers, ils ne sont pas titulaires de créances, mais de droits réels sur des biens. Le second tient au fait que cette technique désavantagerait par trop le vendeur ayant vendu au meilleur prix et serait en conséquence injuste.
C'est pourquoi, nous avions estimé (9), partageant en cela l'opinion avec l'école montpelliéraine (10), préférable de calculer les droits du revendiquant en fonction du nombre de biens livrés et non payés, par rapport au volume total de biens de même nature entre les mains du débiteur, et de procéder ensuite à une règle de trois. C'est exactement la solution retenue par la Cour de cassation.
La question du droit à restitution des différents revendiquants de biens fongibles étant réglée, une autre difficulté se présente : l'administrateur ou, à défaut, le mandataire judiciaire, ou en liquidation le liquidateur, peut-il procéder à la restitution des biens avant l'expiration du délai de revendication ? La Chambre commerciale répond également à cette question en posant le principe selon lequel "si l'administrateur judiciaire peut, conformément N° Lexbase : L1413HI8], acquiescer à de telles demandes en revendication [portant sur des biens fongibles], il ne peut procéder à la restitution des biens avant l'expiration du délai de revendication". Cette solution, est la seule permettant à chacun des revendiquant de mêmes biens fongibles, de faire valoir utilement leur droit à revendication et à restitution.
Les professionnels du mandat de justice retiendront l'enseignement essentiel pour eux de cet arrêt : se garder systématiquement de procéder immédiatement à la restitution des biens revendiqués lorsque ceux-ci sont fongibles. La restitution ne pourra intervenir qu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, lorsqu'ils seront certains de ne pas s'exposer à devoir répartir les biens entre plusieurs prétendants.
La Cour de cassation, avec cet arrêt, fait très bien le départ entre l'acquiescement à la revendication, c'est-à-dire la reconnaissance de l'opposabilité du droit de propriété, et la restitution. La solution posée nous apparaît incompatible avec une solution récemment posée par la Cour de cassation (11), et critiquée (12), selon laquelle le mandataire de justice pourrait acquiescer partiellement à une demande en revendication. Le mandataire de justice reconnaît ou non l'opposabilité du droit de propriété et cela ne peut être partiel. En revanche, après avoir acquiescé, il ne restituera que dans la limite de ce qui peut l'être, et, le cas échéant, comme cela est le cas en l'espèce, que dans la limite des droits respectifs des revendiquants de choses fongibles.
(1) Cass. com., 5 mars 2002, n° 98-17.585, FS-P (N° Lexbase : A1915AYL), Bull. civ. IV, n° 48 ; D., 2002, AJ 1139, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2002/9, n° 115, note D. Mainguy ; RDBF, 2002/3, p. 128, n° 91, obs. D. Legeais ; RTDCiv., 2002. 339, obs. P. Crocq ; RTDCiv., 2002, 327, obs. Th. Revet ; JCP éd. E, 2002, Chron. 1380, n° 12, obs. M. Cabrillac ; Rev. proc. coll., 2003, p. 307, n° 5, obs. M.-H. Monsèrié-Bon.
(2) Cass. com., 13 novembre 2002, n° 00-10.284, F-D (N° Lexbase : A7308A33), Act. proc. coll., 2003, n° 7 ; JCP éd. E, 2003, Jur. 667, note Forgues ; RTDCom., 2003. 571, n° 8, obs. A. Martin-Serf ; Rev. proc. coll., 2003, p. 308, n° 5, obs. M.-H. Monsèrié-Bon.
(3) Notre ouvrage, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 9ème éd., 2017/2018, n° 816.53.
(4) B. Soinne, Traité théorique et pratique des procédures collectives, Litec, 1995, n° 1942.
(5) T. com. Poitiers, ord. J.-C., 10 octobre 2014, n° 2014M0240 (N° Lexbase : A4403M3H), Gaz. Pal., 18 janvier 2015, no 18, p. 29, note crit. E. Le Corre-Broly ; E. Le Corre Broly -note crit.-, in Chron., Lexbase, éd. aff. 2014, n° 402 (N° Lexbase : N4641BUG) : décision aimablement communiquée par Maître Marie Capel, mandataire judiciaire.
(6) Notre ouvrage, Droit et pratique des procédures collectives, préc. n° 816.53.
(7) F. Pérochon, La revendication des biens fongibles par le vendeur, LPA, 14 septembre 1994, p. 82, n° 9 et s..
(8) En ce sens : J.-CL. COM., P. Crocq, fasc. 2545, [Situation du vendeur de meubles - Clause de réserve de propriété], 2015, n° 97.
(9) Notre ouvrage, Droit et pratique des procédures collectives, préc. n° 816.53.
(10) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10ème éd., LGDJ - Lextenso, 2014, 10ème éd., n° 1617, note 54 ; Ph. Pétel, Retour sur la revendication de choses fongibles, Mél. Tricot, LexisNexis - Dalloz, 2011, p. 571.
(11) Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-24.586, F-P+B (N° Lexbase : A3352RNH) ; Gaz. Pal., 18 octobre 2016, n° 36, p. 63, note crit. E. Le Corre- Broly ; Act. proc. coll., 2016/10, comm. 135, note F. Petit ; JCP éd. E, 2016, chron. 1465, n° 9, note Ph. Pétel ; Bull. Joly Entrep. en diff., 2016, 324, note L. Le Mesle ; Ch. Lebel, Lexbase, éd. aff., 2016, n° 468 (N° Lexbase : N3045BWP).
(12) E. Le Corre- Broly, note préc. sous Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-24.586, préc..
Commentaire de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Nice Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice
⇒ Sur cet arrêt, lire les obs. de E. Le Corre-Broly (N° Lexbase : N0416BY3).