Le Quotidien du 23 août 2023 : Droit pénal spécial

[Brèves] La détention provisoire pour apologie de terrorisme entre dans le champ de l’article 10 de la CESDH

Réf. : Cass. crim., 26 juillet 2023, n° 23-83.109, F-B N° Lexbase : A49331CP

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par Adélaïde Léon

le 20 Septembre 2023

► La détention provisoire de la personne mise en examen du chef d'apologie publique d'actes de terrorisme, en ce qu’elle constitue une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression, entre dans le champ de l’article 10 de la CESDH. Elle doit dès lors présenter un caractère proportionné au regard du but légitime poursuivi de défense de l’ordre et de prévention des infractions pénales. Il appartient à la juridiction devant laquelle une telle atteinte est invoquée d’apprécier cette proportionnalité.

Rappel des faits et de la procédure. Un individu est mis en examen du chef d’apologie d’actes de terrorisme et placé en détention provisoire.

La détention provisoire a été prolongée une première fois pour une durée de six mois puis une seconde fois pour la même durée sur le fondement de l’article 706-24-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4871K8W.

Ces dispositions fixent la durée des détentions provisoires pouvant être ordonnées pour l’instruction d’infractions en matière de terrorisme.

L’intéressé a formé appel de cette dernière ordonnance de prolongation.

En cause d’appel, la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance attaquée.

Le mis en examen a formé un pourvoi contre cet arrêt confirmant la prolongation de sa détention provisoire.

Moyens du pourvoi.

Le pourvoi soutenait notamment que l’application des dispositions dérogatoires de l’article 706-24-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4871K8W aux personnes mises en examen du chef d’apologie d’actes de terrorisme était contraire à la liberté de communication (DDHC, art. 11 N° Lexbase : L1358A98) , au principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinions (Const., art. 4 N° Lexbase : L1300A9Z) et au principe selon lequel la liberté individuelle ne peut être entravée par une rigueur non nécessaire.

Sur ces différents fondements, l’intéressé a présenté à la Cour une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Le mis en examen estimait que le placement en détention provisoire d’une personne mise en examen du chef d’apologie d’actes de terrorisme était incompatible avec le droit à la liberté d’expression (CESDH, art. 10 N° Lexbase : L4743AQQ). Dès lors, la prolongation initialement critiquée heurtait également ce droit.

Enfin, l’intéressé faisait valoir que son droit à la liberté d’expression était également affecté de manière disproportionnée par la durée même de sa détention provisoire. Il reprochait à l’ordonnance attaquée d’avoir porté la durée totale de cette mesure à 18 mois, sans répondre à cet argument et en s’abstenant d’apprécier la proportionnalité de cette détention en la mettant en balance avec la situation personnelle du mis en examen et les faits reprochés.

Décision.

Par arrêt du même jour, la Chambre criminelle a refusé de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel.

La Cour a par ailleurs cassé et annulé l’arrêt de la chambre de l’instruction en toutes ses dispositions.

La Haute juridiction rappelle qu’il résulte de l’article 10 de la CESDH que le droit à la liberté d’expression et son exercice ne peuvent être soumis à des restrictions prévues par la loi et s’avérant nécessaire dans une société démocratique.

La détention provisoire d’une personne mise en examen du chef d’apologie publique d’actes de terrorisme constitue précisément une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression. Une telle mesure de contrainte entre dès lors dans le champ de l’article 10 de la CESDH et doit dès lors respecter la condition de nécessité.

En l’espèce, la limitation à la liberté d’expression était bien prévue par la loi et répondait à l’objectif de défense de l’ordre et de prévention des infractions pénales.

Toutefois, la chambre de l’instruction n’avait pas, comme l’y invitait le mémoire produit devant elle, vérifié le caractère proportionné de la détention provisoire au regard du but légitime poursuivi.

Pour aller plus loin : notes sur Cass. crim., 21 février 2023, n° 22-86.760, F-B N° Lexbase : A07839EQ ; F. Merloz, Panorama sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire (juin 2022 à juin 2023), Lexbase Pénal, juillet 2023 N° Lexbase : N6361BZM.

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