Le Quotidien du 30 août 2023 : Vente d'immeubles

[Jurisprudence] Responsabilité du tiers intermédiaire à la suite de l’annulation d’un acte de vente : quels préjudices ?

Réf. : Cass. civ. 1, 28 juin 2023, n° 21-21.181, FS-B N° Lexbase : A267097Z

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par Guillaume Maire, Maître de conférences à l’Université de Lorraine, Faculté de droit de Metz, Institut François Gény (EA 7301)

le 28 Juillet 2023

Mots-clés : vente d’immeubles • nullité • dol du vendeur • agent immobilier • faute • préjudice indemnisable • investissement locatif • perte des loyers escomptés • insolvabilité du vendeur

Si la restitution du prix par suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, l’agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à en garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur.

Le vendeur dont le dol est à l’origine de l’annulation de la vente et l’agent immobilier dont la faute a concouru à la nullité de la vente sont tenus de réparer toutes les conséquences dommageables qui en résultent pour l’acquéreur, dont la perte des loyers escomptés.


 

D’une particulière richesse, l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 juin 2023 met en lumière les difficultés relatives à la détermination des préjudices indemnisables à la suite de l’annulation d’un acte de vente et particulièrement ceux qu’un tiers fautif intervenant lors de la rédaction de l’acte de vente peut être tenu d’indemniser.

Le litige a pour origine un investissement locatif qui s’est avéré désastreux. Souhaitant profiter d’un avantage fiscal, un particulier fait l’acquisition d’un chalet au sein d’une résidence de vacances. Conclu par l’intermédiaire d’un agent immobilier en charge de la commercialisation du programme immobilier, le contrat de réservation comportait un engagement de location du bien à usage de tourisme par l’acheteur au profit d’une société exploitante devant lui garantir un loyer. L’achat s’est concrétisé par acte authentique reçu par un notaire deux mois plus tard.

Après quelques années de fonctionnement, la société locataire a cessé de payer les loyers et a fait l’objet d’un redressement judiciaire. Propriétaire d’un bien immobilier inexploité, l’acquéreur a assigné notamment le vendeur, le notaire et l’agent immobilier en nullité de la vente et en indemnisation de ses préjudices.

Ayant constaté un dol, les juges du fond n’ont pas hésité à annuler le contrat. Si l’erreur sur la rentabilité économique d’une opération immobilière ne constitue pas en principe une cause de nullité du contrat, étant considérée comme une erreur sur la valeur indifférente [1], il est admis que l’appréciation erronée de la rentabilité économique d’une opération immobilière est susceptible d’entraîner la nullité de la vente lorsque celle-ci est entrée dans le champ contractuel ou que l’acquéreur a été induit en erreur sur la rentabilité économique de l’opération par des manœuvres dolosives [2]. Or, les juges ont relevé que ces deux dernières circonstances étaient présentes en l’espèce : la plaquette de présentation comprenait la formule « loyers garantis par le bail commercial de 9 ans fermes » et l’acquéreur n’avait pas été informé des aléas financiers de l’opération alors que l’exploitation du village de vacances était déjà déficitaire à la date de la signature du contrat de réservation.

La nullité n’a toutefois en pratique pas pu produire ses effets. Confronté à l’insolvabilité du vendeur placé en liquidation judiciaire, l’acquéreur n’a en effet pas pu obtenir le remboursement du prix de vente. Il s’est donc tourné vers les tiers intermédiaires, notamment le notaire et l’agent immobilier.

La responsabilité du notaire a été exclue à défaut pour celui-ci d’avoir commis une faute. L’acquéreur lui reprochait un manquement à son devoir de conseil qui, selon lui, aurait dû conduire le notaire à l’alerter sur les risques de l’opération et notamment sur la possibilité d’une défaillance de l’exploitant. Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui estime que n’ayant pas eu connaissance du projet de défiscalisation de l’acquéreur [3], le notaire n’était pas tenu d’informer ce dernier sur les risques inhérents à un bail auquel il était étranger. Ce rejet est conforme au dernier état de la jurisprudence qui impose au notaire de procéder aux vérifications utiles afin d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il reçoit [4] et d’informer les parties quant à l’étendue de leurs obligations et les risques qui découlent des engagements pris dans l’acte authentique [5]. Or, les risques n’étaient en l’espèce pas inhérents à la vente reçue par le notaire, mais au bail commercial conclu hors de la présence de ce dernier. Ce moyen ne sera pas davantage commenté ici.

La faute de l’agent immobilier a, quant à elle, été facilement caractérisée dans la mesure où celui-ci, mandaté par le vendeur, était à l’origine des manœuvres dolosives. Le débat s’est alors concentré sur la détermination des préjudices indemnisables. La cour d’appel de Toulouse a condamné l’agent immobilier à réparer certains préjudices, dont le remboursement des frais de l’acte de vente, mais a rejeté deux demandes de l’acquéreur formées contre l’agent immobilier tendant à la réparation, d’une part, du préjudice lié à l’impossibilité d’obtenir la restitution du prix de vente du fait de l’insolvabilité du vendeur et, d’autre part, du préjudice de perte des loyers escomptés. L’arrêt est cassé sur ces deux points :

  • si la restitution du prix par suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, l’agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur ;
  • le vendeur dont le dol est à l’origine de l’annulation de la vente et l’agent immobilier dont la faute a concouru à la nullité de la vente sont tenus de réparer toutes les conséquences dommageables qui en résultent pour l’acquéreur, dont la perte des loyers escomptés.

L’agent immobilier, dont la faute a concouru à la nullité du contrat de vente, est ainsi tenu d’indemniser l’acquéreur au titre de l’impossibilité pour le vendeur de restituer le prix de vente (I) et de la perte des loyers escomptés à la suite de l’annulation de la vente (II). Ces deux solutions méritent chacune des explications complémentaires.

I. Préjudice résultant du défaut de restitution du prix de vente en raison de l’insolvabilité du vendeur

La condamnation de l’agent immobilier à garantir le paiement de la créance en restitution du prix en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur s’inscrit dans une jurisprudence constante et invite à revenir sur la dialectique complexe entre restitution et réparation.

Le raisonnement de la Cour de cassation tient en deux temps. Les Hauts magistrats rappellent tout d’abord la règle selon laquelle la restitution du prix à la suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable qu’un tiers pourrait être tenu de réparer. Cette règle est classique [6] et s’étend naturellement à toutes les restitutions dont le régime est désormais prévu aux articles 1352 N° Lexbase : L1003KZ8 et suivants du Code civil : restitution du prix de vente tant à la suite de l’annulation du contrat que d’une autre cause d’anéantissement du contrat [7], mais aussi restitution du coût des travaux de conservation du bien réalisé par l’acquéreur [8] ou encore restitution de la perte de valeur du bien détérioré par l’acquéreur, etc.

La Cour de cassation tempère ensuite cette règle en cas d’impossibilité pour l’acquéreur de recouvrer la créance en restitution du prix : l’agent immobilier, dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur.

La solution ne surprend pas dans la mesure où une telle position a déjà été adoptée par la Cour de cassation, notamment à propos du notaire tenu, en cas d’impossibilité pour le débiteur de la créance en restitution, et seulement dans ce cas, de garantir le paiement de cette créance [9].

Elle se justifie par deux raisons principales. La première réside dans la distinction entre restitution et réparation. Les restitutions consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat sont la concrétisation de la fiction de la rétroactivité. Elles « ne constituent précisément que la conséquence légale de la fiction du rétablissement du statu quo ante ; aussi ne constituent-elles jamais en elles-mêmes des préjudices dont la réparation peut être réclamée en tant que telle au notaire » [10] ou à tout autre tiers fautif. Dans un cas, il s’agit de rétablir une situation antérieure, alors que dans l’autre cas, il s’agit de réparer un préjudice en replaçant la victime dans la situation qui était la sienne avant la survenance du dommage. Or, ce préjudice n’existe pas dans la mesure où la restitution permet déjà de replacer la victime dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat. Plus exactement, ce préjudice n’est pas certain et c’est la deuxième raison qui justifie cette solution jurisprudentielle. Il existe en effet un risque que l’acquéreur ne puisse pas être replacé dans la situation antérieure à la conclusion du contrat, ce qui lui serait préjudiciable, mais ce préjudice tenant à l’impossibilité d’être remboursé du prix de vente n’est pas certain tant que l’acquéreur dispose d’une action – action en restitution – à l’encontre du vendeur [11]. Il l’est en revanche dans l’hypothèse d’une impossibilité avérée pour le vendeur de restituer le prix de vente. D’où, dans ce cas, la condamnation de l’agent immobilier fautif à garantir le paiement de la restitution du prix de vente. La responsabilité du tiers fautif n’en devient pas moins subsidiaire. Une responsabilité subsidiaire impliquerait que le tiers ne soit responsable qu’en cas d’irresponsabilité d’un premier responsable d’un préjudice d’ores et déjà certain. Or, en l’espèce, le préjudice subi par l’acquéreur était initialement incertain. Le tiers ne peut ainsi être mis en cause qu’en tant que garant du vendeur au titre de sa créance en restitution du prix de vente.

La preuve de l’impossibilité pour l’acquéreur de recouvrer sa créance en restitution auprès du vendeur, de laquelle dépend le caractère certain du préjudice, peut être délicate à rapporter [12]. Sa charge incombe à l’acquéreur qui « a intérêt à mettre en œuvre les voies de droit idoines afin de faire exécuter le jugement ordonnant la nullité et faire vérifier l’insolvabilité totale ou partielle de son débiteur » [13]. Les diligences ainsi imposées à l’acquéreur doivent être appréciées de manière raisonnable, ce que rappelle ici la Cour de cassation. Il suffit de prouver le placement du vendeur en liquidation judiciaire qui implique à lui-seul l’insolvabilité du vendeur et son impossibilité à restituer le prix [14], sans que l’on puisse reprocher à l’acquéreur d’avoir maintenu sa demande de nullité nonobstant l’état de liquidation judiciaire du vendeur. C’était le raisonnement tenu par la cour d’appel pour rejeter la demande en indemnisation de l’acquéreur [15]. La cassation doit être approuvée dans la mesure où l’acquéreur, victime d’un dol, a le droit d’obtenir la nullité du contrat, sans que ce droit ne puisse être entravé par une quelconque obligation à la charge de l’acquéreur de réduire son préjudice dans l’intérêt du responsable. La jurisprudence antérieure était déjà en ce sens [16], mais elle pourrait évoluer si le projet de réforme de la responsabilité civile venait à être adopté dans son dernier état. L’article 1263 dudit projet [17] propose en effet une réduction des dommages et intérêts dans les cas où « la victime n’a pas pris les mesures sûres et raisonnables, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l’aggravation de son préjudice », ce qui pourrait être le cas d’un acquéreur qui poursuit son action en nullité à l’égard d’un vendeur insolvable.

Indépendamment de ce préjudice tenant à l’impossibilité pour l’acquéreur de recouvrer sa créance en restitution, la Cour de cassation admet, de manière plus surprenante, l’indemnisation d’un autre préjudice résidant dans la perte des loyers escomptés.

II. Préjudice de perte des loyers escomptés

La possibilité de cumuler la nullité du contrat et des dommages-intérêts n’est pas surprenante dans la mesure où les restitutions consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat ne suffisent pas toujours à réparer tous les préjudices subis par le contractant qui agit en nullité. L’admission de cette action en réparation n’est pas discutée : elle avait été admise par la jurisprudence [18] sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle dans la mesure où le contrat est censé n’avoir jamais existé [19] et elle a été consacrée par l’article 1178, in fine du Code civil N° Lexbase : L0900KZD, dans sa version issue de la réforme du droit des contrats de 2016, en ces termes : « Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander la réparation du dommage subi dans les conditions de droit commun de la responsabilité extracontractuelle ». Ne constituant qu’une redite du droit commun de la responsabilité [20], cette consécration élude cependant les principales difficultés qui animent doctrine et jurisprudence depuis plusieurs années, notamment [21] celle relative à la détermination des chefs de préjudices réparables à la suite de l’annulation d’un contrat [22].

L’arrêt commenté ne risque pas d’apaiser les débats déjà très vifs [23] dans la mesure où l’admission par la Cour de cassation de l’indemnisation de la perte des loyers escomptés est critiquable à deux égards.

Elle contredit premièrement une proposition doctrinale qui s’est pourtant imposée en la matière. La ligne directrice qui a été dessinée par la doctrine tient à la distinction entre les dommages-intérêts positifs et les dommages-intérêts négatifs [24]. Les premiers désignent ceux qui réparent « l’intérêt positif » représentant l’intérêt qu’un contractant avait à ce que le contrat soit conclu, alors que les seconds correspondent aux dommages-intérêts qui compensent « l’intérêt négatif » faisant écho à l’intérêt qu’un contractant avait à ne pas conclure le contrat. Alors que les dommages-intérêts prononcés au titre d’une sanction de l’inexécution visent à réparer l’intérêt positif, ceux qui sont prononcés en complément du prononcé de la nullité du contrat poursuivent l’objectif de replacer la victime dans l’état qui aurait été le sien si le contrat n’avait pas été conclu. La victime doit ainsi, avant tout, pouvoir être indemnisée des frais dépensés en vue de la conclusion du contrat et qui ne l’auraient pas été si le contrat n’avait pas été conclu [25]. Il peut s’agir des frais d’acte de vente, comme c’était le cas en l’espèce, mais aussi de la commission de l’agent immobilier à la charge de l’acquéreur, du remboursement de charges diverses telles que les charges de copropriété, le coût de l’assurance et les taxes foncières acquittées par l’acquéreur [26], etc…, voire du préjudice moral « résultant des tracas et contraintes financières que [les acquéreurs] avaient subis durant de longues années de procédure » [27].

Dans l’affaire à l’origine de l’arrêt commenté, la cour d’appel se prévalait précisément de cette doctrine dans la mesure où elle avait accepté de rembourser les frais de vente, mais avait rejeté la demande de l’acquéreur tendant à l’indemnisation de la perte des loyers escomptés précisément aux motifs que « l’immeuble acquis étant censé n’être jamais entré dans son patrimoine, et que, à défaut de s’être engagé, il n’aurait pu prétendre à des loyers en exécution d’un bail qu’il n’aurait pas souscrit ». En censurant le raisonnement des juges du fond, la Cour de cassation semble en revanche accepter que soit indemnisé l’intérêt positif de l’acquéreur à la conclusion du contrat.

La solution de la Cour de cassation qui admet l’indemnisation de la perte des loyers escomptés s’inscrit deuxièmement en contradiction d’une jurisprudence antérieure relative à l’indemnisation des préjudices subis par le prêteur à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt. De la même manière qu’en cas d’annulation d’un contrat de vente, les Hauts magistrats ont jugé, à plusieurs reprises, que la restitution du capital restant dû ne constitue pas un préjudice réparable [28]. La détermination des chefs de préjudices indemnisables à la suite de l’annulation du contrat de prêt a été plus délicate. Interrogée notamment à propos de la perte des intérêts conventionnels à échoir que l’établissement bancaire ne percevra jamais en raison de l’annulation du contrat de prêt, la Cour de cassation cantonne l’indemnisation de ce préjudice à la « perte de chance de percevoir les intérêts à échoir » [29], en sachant que, s’agissant de l’indemnisation d’une perte de chance, l’indemnité susceptible d’être allouée ne peut être égale aux bénéfices que le prêteur aurait retirés de l’exécution complète du contrat [30]. Cette solution paraît respectueuse de l’exigence du caractère certain du préjudice : le contrat ayant été annulé, la banque ne peut pas soutenir, avec certitude, qu’en l’absence d’annulation du contrat, les intérêts auraient été payés en totalité, ne serait-ce que parce qu’un prêt peut souvent être remboursé par anticipation. Elle est en outre conforme à la réparation de l’intérêt négatif qui comprend aussi « la perte de chance de conclusion d’un contrat similaire mais valable (l’occasion manquée) » [31]. Le raisonnement aurait dû être le même dans l’arrêt commenté : l’acquéreur ne devrait pas pouvoir être indemnisé de la totalité des loyers escomptés dans la mesure où il ne peut pas affirmer avec certitude que sa résidence de vacances aurait été louée autant qu’il l’espérait et dans les conditions envisagées.

La portée de cette décision ne doit cependant pas être exagérée, à tout le moins en ce qui concerne l’indemnisation de la perte des loyers escomptés. Tout d’abord, l’arrêt est certes publié, mais le titrage de l’arrêt ne fait référence qu’à la distinction entre les restitutions et la réparation développée en première partie de ce commentaire, sans reprendre ce problème du préjudice de perte des loyers. Il est ensuite possible de considérer que la décision de la Cour de cassation n’implique pas une indemnisation de la totalité des loyers escomptés. Cette dernière casse l’arrêt rendu par la cour d’appel qui avait refusé de tenir compte, au titre de l’indemnisation allouée, de la perte des loyers escomptés. La cour d’appel de renvoi pourra – devra – indemniser la perte des loyers en retenant un préjudice de perte de chance : la perte des gains que l’acquéreur pouvait espérer au titre de l’acquisition de sa résidence de tourisme constitue une perte de chance de percevoir des loyers. L’indemnisation de la perte des loyers se justifie enfin eu égard à l’engagement conventionnel du vendeur, présenté et négocié par l’agent immobilier, de garantir les loyers par le bail commercial de neuf ans. Cet engagement rend sans doute davantage certain le préjudice de perte des loyers escomptés. Il n’en demeure pas moins qu’une telle indemnisation, à hauteur de la totalité des loyers escomptés, aboutirait toutefois à placer l’acquéreur dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été conclu et non dans celle qui aurait été la sienne si le contrat n’avait pas été conclu.

 

[1] Cass. civ. 3, 31 mars 2005, n° 03-20.096, FS-P+B N° Lexbase : A4498DH3.

[2] Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 18-26.761, FS-P+B N° Lexbase : A85783YD – Cass. civ. 3, 26 octobre 2022, n° 21-19.898, FS-B N° Lexbase : A01058RC.

[3] Les juges relèvent que le notaire n’est pas intervenu au stade de la négociation au cours de laquelle la plaquette de présentation a été remise à l’acquéreur et le bail commercial a été signé sous seing privé hors de la présence du notaire.

[4] V. par exemple : Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.428, FS-P+B+I N° Lexbase : A8539WEY.

[5] V. par exemple : Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 04-14.487, FS-P+B N° Lexbase : A0806DTZ ; D. 2007, p. 307, obs. I. Gallmeister – Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-70.816, F-D N° Lexbase : A9172GMN.

[6] V. déjà, par exemple, Cass. civ. 1, 1er juin 1999, n° 97-14.063, publié au bulletin N° Lexbase : A6675CEX ; RTD civ. 2000, 121, obs. P. Jourdain – Cass. civ. 1, 18 janvier 2005, n° 03-12.713, F-D N° Lexbase : A0810DG4 : la restitution du prix payé par l’acquéreur en exécution de la vente entachée de nullité ne constitue pas, en elle-même, un préjudice réparable – Cass. civ. 1, 15 décembre 2011, n° 10-17.691, F-D N° Lexbase : A4803H8E : la restitution du prix à la suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas un préjudice indemnisable par un tiers, notamment par un agent immobilier.

[7] V. par exemple : Cass. com., 14 février 2012, n° 11-10.559, F-D N° Lexbase : A8604ICN : « l’obligation de restitution du prix consécutive à la résolution d’un contrat de vente, qui ne constitue pas la réparation d’un préjudice, ne peut peser que sur le vendeur » – Cass. civ. 3, 7 avril 2016, n° 15-15.678, FS-D N° Lexbase : A1564RCW : JCP N 2016, n° 35, 1249, note Y. Dagorne-Labbe : la restitution du prix de l’immeuble, par le vendeur, à la suite de la résolution de la vente authentique due à une faute du notaire ne constitue pas, pour l’acquéreur, un préjudice réparable.

Adde (à propos de l’annulation d’un contrat de prêt) : Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 12-28.615, F-P+B N° Lexbase : A2611MTU ; D. 2015, 124, obs. Ph. Brun et O. Gout : la restitution du capital restant dû ne constitue pas un préjudice réparable

[8] Cass. civ. 3, 12 octobre 2022, n° 20-22.911, FS-B N° Lexbase : A55198NQ ; Const-Urb. 2022, comm. 126, note Ch. Sizaire.

[9] Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-23.746, F-D N° Lexbase : A8635KIN : JCP N 2014, n° 20, 1196, note C. Corgas-Bernard ; ibid., n° 42, 1243, note Y. Dagorgne-Labbe – Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.802, F-B N° Lexbase : A470577E – Cass. civ. 1, 7 décembre 2022, n° 20-23.440, F-D N° Lexbase : A42408YP.

[10] G. Durand-Pasquier, Mauvais choix du type d’acte en cas de vente avec précision de travaux : étendue de la responsabilité du notaire et détermination des préjudices indemnisables eu égard à l’acquéreur et au prêteur, note sous Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.432, FS-D N° Lexbase : A2613WGU, JCP N 2018, n° 24, 1204.

[11] Comp. : Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 12-15.751, F-D N° Lexbase : A5992KA8 : le notaire qui omet un bien ou un héritier lors d’un partage successoral ne verra sa responsabilité engagée qu’en cas d’impossibilité pour l’héritier lésé de recouvrer ses droits auprès de ses cohéritiers, notamment en cas d’insolvabilité de ces derniers.

[12] Estimant que la preuve d’une impossibilité certaine pour l’acheteur d’obtenir tout ou partie de la restitution du prix n’est pas rapportée, v. not. Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-15.959, F-D N° Lexbase : A5182KDB – Cass. civ. 1, 7 décembre 2022, n° 20-23.440, F-D N° Lexbase : A42408YP.

[13] C. Corgas-Bernard, Nullité d’une vente immobilière : restitutions et préjudice indemnisable, note sous Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-15.959, F-D N° Lexbase : A5182KDB, JCP N 2014, n° 20, 1196.

[14] Contra : Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.802, F-B N° Lexbase : A470577E., estimant que la mise en liquidation judiciaire du vendeur ne suffit pas à démontrer son insolvabilité.

[15] « Pour rejeter la demande de l’acquéreur formée contre l’agent immobilier et tendant à la réparation du préjudice lié à l’impossibilité d’obtenir la restitution du prix de vente du fait de l’insolvabilité du vendeur, l’arrêt retient que la perte du bien immobilier découle du seul choix procédural de l’acquéreur de maintenir sa demande de nullité de la vente nonobstant l’état de liquidation judiciaire du vendeur ».

[16] V. par exemple, Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-23.746, F-D N° Lexbase : A8635KIN : JCP N 2014, n° 20, 1196, note C. Corgas-Bernard ; ibid., n° 42, 1243, note Y. Dagorgne-Labbe : rejet de l’argument du notaire qui reprochait une trop grande passivité à l’acquéreur qui aurait pu agir contre le vendeur avant sa mise en liquidation judiciaire (trois mois après la découverte du vice de nullité).

D’une manière plus large, sur le refus d’imposer à la victime une obligation de minimiser son préjudice dans l’intérêt du responsable : Cass. civ. 2, 19 juin 2003, deux arrêts, n° 00-22.302 N° Lexbase : A8749C8K et n° 01-13.289 N° Lexbase : A8763C83, FS-P+B+R+I ; RTD civ. 2003, p. 716, note P. Jourdain ; D. 2003, p. 2326, note J.-P. Chazal ; ibid. 2004, p. 1346, note D. Mazeaud ; JCP G 2003, II, 10170, comm. C. Castets-Renard ; Defrénois 2003, p. 1574, note J.‑L. Aubert ; LPA 2003, n° 208, p. 16, note S. Reifegerste; ibid. 2003, n° 261, p. 17, note Y. Dagorgne-Labbe ; Gaz. Pal. 2003, n° 282, p. 9, note E. Rosenfeld et Ch. Bouchez ; RGDA 2003, p. 504, note J. Landel ; Dr. et patr. 2003, n° 120, note F. Chabas ; RCA 2004, chron. 2, note M.‑A. Agard ; RLDC 2004, n° 9, p. 15, note S. Pimont ; ibid. 2004, n° 10, p. 14, note S. Pimont.

[17] Projet de réforme de la responsabilité civile, 13 mars 2017.

[18] Cass. civ. 1, 4 février 1975, n° 72-13.217 N° Lexbase : A6868AGH : « Le droit de demander la nullité d’un contrat n’exclut pas l’exercice, par la victime des manœuvres dolosives, d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu’elle a subi » – Cass. Mixte, 29 octobre 2021, n° 19-18.470, FS-D N° Lexbase : A80804PX ; D. 2021, p. 2162, note S. Tisseyre ; ibid. 2022, obs. Ph. Brun ; Cont. conc. consom. 2021, n° 175, note L. Leveneur : « La victime d’un dol peut agir, d’une part, en nullité de la convention sur le fondement des articles 1137 et 1178, alinéa 1er, du Code civil (auparavant de l’article 1116 du même Code), d’autre part, en réparation du préjudice sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil (auparavant des articles 1382 et 1383 du même Code) ».

[19] Cass. civ. 3, 18 mai 2011, n° 10-11.721 N° Lexbase : A2611HSI, FS-P+B ; JCP G 2011, 1141, obs. Y.-M. Serinet ; Dr. et patr. 2012, n° 211, p. 73, note Ph. Stoffel-Munck.

[20] C. civ., art. 1240 N° Lexbase : L0950KZ9.

[21] Une autre difficulté tient à la mise en évidence d’une faute de l’un des contractants, ou d’un tiers, à l’origine du vice de nullité, hormis les cas évidents de dol ou de violence. Sur cette difficulté, v. Th. Genicon, Responsabilité en cas d’annulation du contrat : quelle responsabilité ? quelle faute ? quel préjudice ?, note sous Cass. civ. 3, 18 mai 2011, RDC 2011/4, p. 1139.

[22] Regrettant qu’aucun élément de réponse à ces difficultés n’ait été apporté par la réforme du droit des contrat, O. Deshayes, Th. Genicon, Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Commentaire article par article, 2e éd., LexisNexis, 2018, p. 268.

[23] V. par exemple, Th. Genicon, note préc. ; Y. Lequette, Responsabilité civile versus vices du consentement, in Au-delà des codes, Mélanges en l’honneur de M.-S. Payet, Dalloz, 2012, p. 363.

[24] V. not. C. Guelfucci-Thibierge, Nullité, restitutions et responsabilité, J. Ghestin (préf.), LGDJ, 1992, n° 139 et s. – Y.-M. Laithier, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, H. Muir Watt (préf.), LGDJ, 2004, n° 106 et s.

[25] V. C. Guelfucci-Thibierge, th. préc., n° 144 et s., qui définit les chefs de préjudices indemnisables à la suite de l’annulation du contrat en ces termes : « tous les frais engagés à raison de la conclusion du contrat ainsi que la perte de chance de conclusion d’un contrat similaire mais valable (l’occasion manquée) ».

Reprenant cette distinction, v. not. M. Fabre-Magnan, Droit des obligations. Contrat et engagement unilatéral, t. 1, coll. « Thémis droit », 6e éd., PUF, 2021, n° 728 : « Il n’est en revanche pas question de verser à la victime ce qu’elle aurait obtenu si le contrat n’avait pas été annulé, c’est-à-dire s’il avait été exécuté. La nullité a en effet été prononcée et il faut en tirer toutes les conséquences : le contrat est donc censé n’avoir jamais été conclu. La victime doit dès lors, au mieux, être remise dans l’état où elle aurait été si le contrat n’avait jamais été conclu (dommages-intérêts négatifs) ».

[26] Cass. civ. 3, 12 octobre 2022, n° 20-22.911, FS-B N° Lexbase : A55198NQ ; Const-Urb. 2022, comm. 126, note Ch. Sizaire.

[27] Cass. civ. 1, 30 mars 2022, n° 20-14.371, F-D N° Lexbase : A06707SM.

[28] Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 12-28.615, F-P+B N° Lexbase : A2611MTU ; D. 2015, 124, obs. Ph. Brun et O. Gout.

[29] Cass. civ. 3, 18 février 2016, n° 15-12.719, FS-P+B N° Lexbase : A4691PZR : RTD civ. 2016, 351, note H. Barbier – Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.428, FS-P+B+I N° Lexbase : A8539WEY : JCP N 2018, 1204, note G. Durand-Pasquier.

[30] Cass. civ. 1, 3 février 2016, n° 14-20.201, F-D N° Lexbase : A3213PK9 : AJDI 2016, 531, obs. J.-P. Borel – Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-69.490, F-P+B+I N° Lexbase : A9155GMZ ; AJDI 2011, 552, obs. M. Thioye ; RDI 2011, 119, obs. P. Dessuet.

[31] C. Guelfucci-Thibierge, th. préc., n° 144.

Rappr., à propos du préjudice réparable en cas de dol lorsque la victime a fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat : Cass. com., 18 décembre 2019, n° 17-22.544, F-D N° Lexbase : A1212Z9R : « ayant fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat à la suite du dol dont il avait été victime, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ».

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