Le Quotidien du 28 juillet 2023 : Rémunération

[Jurisprudence] Avant de verser les droits à participation, mieux vaut déposer l’accord !

Réf. : Cass. civ. 2, 22 juin 2023, n° 21-18.363, F-B N° Lexbase : A149294Z

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par Olivia Rault-Dubois, Avocate associée, cabinet Fidal

le 27 Juillet 2023

Mots-clés : accord de participation • exonération de cotisations sociales • dépôt de l’accord

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 juin 2023, confirme que, pour ouvrir droit à l'exonération des cotisations de Sécurité sociale sur les sommes versées aux salariés au titre d'un accord de participation, celui-ci doit avoir été déposé auprès de l'autorité administrative. Il en résulte que l'exonération ne s'applique qu'à compter de la date du dépôt de l'accord de participation et que sont donc soumises à cotisations les sommes attribuées aux salariés, en exécution de cet accord, antérieurement à son dépôt.


À la suite d'un contrôle de la société portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF de Rhône-Alpes lui a notifié une lettre d'observations le 6 juillet 2016, afin de réintégrer dans l'assiette des cotisations de Sécurité sociale, les sommes versées aux salariés en application d'un accord de participation.

Pour contester l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble, 29 avril 2021, n° 18/04551 N° Lexbase : A59714Q9) ayant validé le redressement opéré par l’URSSAF au titre des deux exercices consécutifs du 1er août 2013 au 31 juillet 2014 et du 1er août 2014 au 31 juillet 2015, la société s’est pourvue en cassation. Elle invoque à l’appui de son pourvoi que pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sociales, l'accord de participation doit être conclu et déposé auprès de l'autorité administrative avant l'expiration du délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés. En l’espèce, la société avait franchi le seuil de cinquante salariés à compter du mois de janvier 2013 et disposait donc d'un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice pour conclure un accord de participation. Un accord de participation avait ainsi été mis en place par référendum le 1er octobre 2014, avec effet rétroactif au 1er août 2013 ; cet accord avait été déposé à la DIRECCTE le 27 juillet 2016. La société ne contestait pas le redressement pour l’exercice compris entre le 1er août 2013 au 31 juillet 2014. En revanche, elle soutenait que les droits à participation versés au titre de l'exercice du 1er août 2014 au 31 juillet 2015 devaient être exonérés de cotisations sociales, puisque le dépôt de l'accord de participation auprès de la DIRECCTE était bien intervenu dans le délai d'un an suivant l'exercice au cours duquel étaient nés les droits des salariés, soit, le 27 juillet 2016.

Dans son arrêt du 22 juin 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société aux motifs que « selon l'article L. 3323-4 du Code du travail N° Lexbase : L1167H94, dans sa rédaction applicable au litige, pour ouvrir droit à l'exonération des cotisations de Sécurité sociale sur les sommes versées aux salariés au titre d'un accord de participation, celui-ci doit avoir été déposé auprès de l'autorité administrative. Ce dépôt conditionne l'ouverture du droit aux exonérations de cotisations sociales. Il en résulte que l'exonération ne s'applique qu'à compter de la date du dépôt de l'accord de participation et que sont soumises à cotisations les sommes attribuées aux salariés, en exécution de cet accord, antérieurement à son dépôt. Ayant constaté que la société ne rapportait pas la preuve du dépôt de l'accord de participation avant le 27 juillet 2016, la cour d'appel en a exactement déduit que les sommes attribuées aux salariés en exécution de cet accord, au titre de l'exercice du 1er août 2013 au 31 juillet 2014 et de celui du 1er août 2014 au 31 juillet 2015, ne pouvaient pas être exonérées des cotisations de Sécurité sociale ».

I. Des règles fluctuantes

La participation est un dispositif permettant la redistribution aux salariés d’une partie des bénéfices qu’ils ont contribué par leur travail à réaliser dans leur entreprise. La participation est obligatoire dès lors que l’entreprise emploie au moins cinquante salariés.

L’appréciation de ce seuil d’effectif a évolué au fil des législations. Ainsi, pendant de nombreuses années, l’entreprise était assujettie à la participation dès lors qu’elle atteignait le seuil de cinquante salariés pendant six mois, consécutifs ou non, au cours d’un exercice. C’étaient d’ailleurs ces dispositions qui s’appliquaient au cas d’espèce. En effet, il ressort de l’arrêt de la Cour de cassation que la société avait un exercice social du 1er août de l’année N au 31 juillet de l’année N+1. Dès lors, l’entreprise ayant franchi le seuil de cinquante salariés à compter du mois de janvier 2013, elle était effectivement assujettie à la participation au titre de l’exercice ouvert le 1er août 2013 – 31 juillet 2014. On peut même s’interroger sur son assujettissement au titre de l’exercice précédent puisqu’elle comptait cinquante salariés pendant 7 mois. Mais peut-être n’avait-elle pas un bénéfice fiscal suffisant. En effet, pour être assujetti à la participation, il ne suffit pas de remplir la condition d’effectif, il faut en outre que le calcul de la participation selon la formule légale [1] soit positif. Compte tenu de la formule de calcul de la participation, il convient donc que le bénéfice fiscal constaté à la clôture de l’exercice soit supérieur à 5 % des capitaux propres. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC, dite « Macron » a modifié l’appréciation de la condition d’effectif en la calquant sur celle applicable en matière d’institutions représentatives du personnel. Ainsi, une entreprise était assujettie à la participation dès lors qu’elle employait habituellement au moins cinquante salariés pendant douze mois consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices. Comme auparavant, l’effectif de l’entreprise était calculé selon les dispositions des articles L. 1111-2 N° Lexbase : L3822IB8 et L. 1111-3 N° Lexbase : L5835KTB du Code du travail [2]. La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK (« Loi Pacte ») a réformé les règles d’appréciation de l’effectif d’assujettissement à la participation en se fondant, cette fois-ci, sur l’effectif au sens du droit de la Sécurité sociale [3]. L’effectif salarié annuel de l'employeur correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente et le franchissement à la hausse du seuil d'effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives. Le franchissement à la baisse du seuil sur une année civile a pour effet de faire à nouveau courir le délai de cinq ans. Appliquée à la participation, la règle du franchissement de seuil à la hausse aboutit à assujettir l’entreprise à la participation seulement à compter du 1er exercice ouvert postérieurement à la période de cinq années civiles consécutives au cours desquelles le seuil a été atteint et en l’absence de franchissement à la baisse.

Quelles que soient les modalités de l’appréciation de l’effectif, l’article L. 3323-5 du Code du travail N° Lexbase : L7670LQ7 a toujours posé le principe selon lequel l’accord de participation devait être conclu dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés. A défaut, le régime d’autorité pourrait s’appliquer.

D’une façon générale et depuis le 1er janvier 2020, lorsque l’effectif d’une entreprise atteint ou dépasse cinquante salariés une année donnée N sur la base des effectifs de l’année précédente (année N-1) et les quatre années consécutives suivantes (N+1, N+2, N+3, N+4), le seuil n’est considéré comme franchi qu’à compter de la cinquième année (N+4). L’entreprise est donc effectivement soumise à la participation au titre de l’année N+5, et a jusqu’à la fin de l’année N+6 pour conclure un accord de participation [4].

Ce délai d’un an laissé à l’entreprise pour conclure l’accord de participation à compter de la clôture de son exercice d’assujettissement est un peu théorique dans la mesure où il convient de le combiner avec l’obligation faite à l’entreprise de verser les droits des salariés avant le premier jour du sixième mois suivant la clôture de l'exercice au titre duquel la participation est attribuée. Passé ce délai, les entreprises doivent verser un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux mentionné à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération N° Lexbase : L4471DIG [5].

Dès lors, si l’entreprise veut user de la possibilité qui lui est faite de conclure son accord de participation pendant le délai d’un an après la clôture de l’exercice de calcul, et dépasse la date maximale de versement des droits, elle sera redevable, vis-à-vis des salariés, d’un intérêt de retard.

Ce n’était pas la situation visée en l’espèce, puisqu’un accord de participation avait bien été conclu avant la date limite de versement des droits. La problématique se focalisait sur la date de dépôt de l’accord de participation.

II. Mais un principe immuable

L’accord de participation avait été conclu par la voie du référendum le 1er octobre 2014 avec effet rétroactif au 1er août 2013, date du 1er jour de l’exercice social de la société. Cette dernière ayant dégagé une réserve spéciale de participation au titre des deux exercices 2013-2014 et 2014-2015 avait procédé au versement de leurs droits aux salariés. Lourde erreur dans la mesure où la formalité substantielle du dépôt de l’accord de participation n’avait été réalisée qu'en juillet 2016, soit postérieurement au versement des sommes aux salariés. S'il est vrai que pour les accords de participation, aucun délai de dépôt n'est fixé contrairement aux accords d'intéressement, le dépôt de l'accord doit néanmoins intervenir avant tout versement. En effet, l'article L. 3323- 4 du Code du travail pose un principe inchangé depuis 2008 : « Les accords de participation sont déposés auprès de l'autorité administrative. Ce dépôt conditionne l'ouverture du droit aux exonérations ».

Cette règle a été affirmée, à de nombreuses reprises, par la jurisprudence. Dans un arrêt du 30 mars 1995 [6], et pour des faits très similaires à ceux du cas d’espèce, la Cour de cassation a donné raison aux juges du fond d'avoir considéré que les sommes versées au titre de la participation pour les exercices antérieurs à la date de dépôt devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales. Elle a ainsi rejeté la thèse qui consistait à considérer que seule la date de la signature de l'accord de participation importait et que le dépôt avait un effet rétroactif au jour de la conclusion de l’accord de participation. En 2010 et 2011, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la répartition par l'employeur de la réserve spéciale de participation entre les salariés constitue le fait générateur des cotisations, peu important le choix postérieur de placement de ces fonds par le salarié [7] ou l’indisponibilité des sommes pendant un certain temps [8]. Dans ces deux espèces, la Cour de cassation applique de manière stricte l’article L. 3323- 4 du Code du travail et confirme la jurisprudence de 1995.

Compte tenu des solutions précitées, l'entreprise ne contestait pas le redressement pour l'exercice 2013-2014. En revanche, elle a tenté de faire prospérer une nouvelle argumentation s'agissant de l'exercice 2014-2015. Elle a ainsi soutenu que les sommes versées au titre de la participation pour l'exercice 2014-2015 devaient être exonérées de cotisations sociales puisque le dépôt de l'accord de participation auprès de la DIRECCTE était bien intervenu dans le délai d'un an suivant l'exercice au cours duquel étaient nés les droits des salariés. La Cour de cassation, dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure, rejette ce moyen en rappelant que pour ouvrir droit à l'exonération des cotisations de Sécurité sociale sur les sommes versées aux salariés au titre d'un accord de participation, celui-ci doit avoir été déposé auprès de l'autorité administrative. Ce dépôt conditionnant l'ouverture du droit aux exonérations de cotisations sociales, il en résulte que l'exonération ne s'applique qu'à compter de la date du dépôt de l'accord de participation. Cette solution confirmant la jurisprudence antérieure est également conforme à la doctrine administrative. En effet le guide de l'épargne salariale de juillet 2014 publié par le ministère du Travail précise que « aucun versement, fût-il un acompte, ne peut intervenir avant que le dépôt ait été effectué, sauf à remettre en cause les exclusions de l’assiette des cotisations sociales dont l'octroi est subordonné audit dépôt. Les primes versées avant l'accomplissement de cette procédure ne peuvent être exclues rétroactivement de l’assiette des cotisations ».

On ne peut dès lors qu’inciter les entreprises à déposer sur la plateforme de téléprocédure du ministère du Travail l'accord de participation immédiatement après sa conclusion et en tout état de cause, préalablement à tout versement aux salariés, quitte le cas échéant, à acquitter un intérêt de retard.


[1] RSP = ½ (B – 5 % C) x S/VA où B correspond au bénéfice fiscal, C aux capitaux propres, S aux salaires et VA à la valeur ajoutée.

[2] Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-65.380, F-P+B N° Lexbase : A9114GMI.

[3] CSS, art. L. 130-1 N° Lexbase : L7686LQQ et R. 130-1 N° Lexbase : L6005LUX.

[4] Instr. interministérielle DGT/RT3/DSS/DGT, n° 2019/252 du 19 décembre 2019 N° Lexbase : L6047LUI.

[5] Taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (TMO) | Direction générale du Trésor (economie.gouv.fr) [en ligne].

[6] Cass. civ. 3, 8 octobre 1996, n° 95-10.495, inédit N° Lexbase : A8786CP4.

[7] Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-11.217, F-D N° Lexbase : A9035GML.

[8] Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-72.990, F-D N° Lexbase : A3956HMH.

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