Réf. : Cass. crim., 1er juin 2023, n° 22-86.463, F-B N° Lexbase : A63999XB
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par Adélaïde Léon
le 21 Juin 2023
► Est inopérant le moyen qui critique l’arrêt d’une chambre de l’instruction confirmant une ordonnance de remise à l’AGRASC au motif que les juges auraient dû retenir que le navire saisi constituait le domicile des mis en examen lorsque la juridiction d’appel a, bien qu’elle ait écarté la qualité de domicile du bateau, opéré un contrôle de proportionnalité concernant l’atteinte portée au droit à une vie privée et familiale et au domicile par la décision de remise à l’AGRASC en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des mis en examen.
Rappel des faits et de la procédure. Deux époux ont été mis en examen des chefs de recel, blanchiment, association de malfaiteurs et exportation illégale d’un bien culturel. Il leur était notamment reproché d’avoir vendu, notamment à l’étranger, de l’or issue de pillages de l’épave du « Prince de Conty » située au large de Belle-Ile-en-Mer
Un voilier de plaisance leur appartenant a été saisi. Le juge d’instruction a ensuite ordonné sa remise à l’AGRASC en vue de son aliénation.
Les propriétaires ont relevé appel de cette décision en soutenant qu’une atteinte disproportionnée était portée à leur droit à une vie privée et familiale ainsi qu’à leur domicile.
En cause d’appel. Rappelant que le contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée par la décision de remise doit tenir compte de la gravité des faits et de la situation personne des mis en examen, la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de remise à l’AGRASC et écarté le moyen présenté par les époux.
S’agissant de la gravité des faits, les juges d’appel ont estimé que le nombre de vente et le caractère international des transactions (réalisées au Etats-Unis ainsi qu’au profit du British Museum par l’intermédiaire de tiers) supposaient, par leur complexité, une certaine expertise, de la logistique, une organisation et une répartition des rôles.
La gravité des faits résultait également du montant de l’important profit réalisé et de la qualité des biens vendus, lesquels avaient été soustraits au patrimoine archéologique et culturel français et mondial dans un esprit de profit.
S’agissant de la situation personnelle des mis en examen, les juges ont constaté qu’ils avaient continué à faire le tour du monde jusqu’à la saisie du bateau et qu’avant même d’avoir leur patrimoine actuel, leur situation leur avait permis de s’adonner à leur passion du voyage en réalisant un tour de l’Atlantique. Leur situation financière était jugé favorable, leur permettant de continuer à s’adonner à leurs passions et de fixer leur domicile ailleurs. Enfin, les juges ont constaté que les intéressés n’avait pas indiqué que le bateau constituait leur domicile, qu’ils sont usufruitiers d’une maison habitée par leur fils et que seul un des six membres de la famille attestait leur attachement affectif au bateau.
Dès lors, la chambre de l’instruction a considéré que l’atteinte portée au droit de propriété, au respect de la vie privée, familiale et au domicile ne pouvait être considérée comme disproportionnée au regard de la gravité intrinsèque des faits et de la situation des personnes co-mises en examen.
Les époux ont formé des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Moyens des pourvois. Les mis en examen estimaient que les motifs retenus étaient impropres à exclure que le navire constituait effectivement le domicile des époux dès lors que ceux-ci occupaient le voilier la majeure partie de l’année ce qui les conduisait par ailleurs à entretenir des liens étroits avec ce navire. Par ailleurs, la chambre de l’instruction avait elle-même constaté qu’ils ne résidaient que pour des périodes limitées dans la maison dont ils avaient l’usufruit et qui constituait la résidence principale de l’un de leur fils, ce qui excluait qu’elle puisse être leur domicile.
Décision. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé par les époux et déclaré leur moyen inopérant.
Pour la Cour, même si la chambre de l’instruction avait écarté la qualité de domicile du bateau, ce que les époux contestaient, il demeurait que la juridiction d’appel avait opéré un contrôle de proportionnalité concernant l’atteinte portée au droit à une vie privée et familiale et au domicile par la décision de remise à l’AGRASC en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des mis en examen.
Le moyen présenté par ces derniers portant uniquement sur la qualité de domicile du navire n’était donc pas propre à venir critiquer le contrôle opéré par la chambre de l’instruction.
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