Le Quotidien du 29 mars 2023 : Bancaire

[Brèves] Cas des bordereaux de cession de créances professionnelles dépourvus de date

Réf. : Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-24.490, F-B N° Lexbase : A80039HU

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[Brèves] Cas des bordereaux de cession de créances professionnelles dépourvus de date. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/94376961-0
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 28 Mars 2023

► Conformément à l'article L. 313-27 du Code monétaire et financier, les bordereaux de cession de créances professionnelles dépourvus de date sont privés de tout effet et il ne peut être suppléé à cette omission par d’autres moyens, telle la notification des actes de cession au débiteur.

On doit à la loi n° 81-1, du 2 janvier 1981 N° Lexbase : L0197G8S la création de la cession de créances « Dailly », c’est-à-dire une technique de financement permettant aux entreprises de céder à un établissement de crédit plusieurs créances à la fois par l’utilisation d’un bordereau (dit bordereau « Dailly »).

Cette cession de propriété est souvent accordée en contrepartie de l’octroi de prêt (cession à titre d’escompte) ; mais elle peut l’être également à titre de garantie (cession à titre de garantie). Le bordereau, qui ne constate pas un engagement abstrait de payer une somme d'argent à tout porteur, ne saurait être qualifié, pour sa part, d’effet de commerce (Cass. com., 15 décembre 1992, n° 90-19.735, publié au bulletin N° Lexbase : A4760ABW). Il n’a d'ailleurs pas vocation à circuler à l’image de ce dernier. On notera que le bordereau peut également être utilisé pour effectuer un nantissement des mêmes créances professionnelles. Cette seconde utilisation du bordereau est néanmoins beaucoup plus rare que la cession de créances.

Dans tous les cas, et au-delà de cette double utilisation, le bordereau « Dailly » est soumis à un formalisme strict. Les articles L. 313-23 N° Lexbase : L9528LGY et L. 313-25 N° Lexbase : L9258DYK du Code monétaire et financier, qui visent différentes mentions devant obligatoirement y figurer, en témoignent. L’une d’entre elles retiendra toute notre attention : la date.

En effet, selon l’article L. 313-25 précité, la date du bordereau « est apposée par le cessionnaire » au moment où il le reçoit. Cette exigence de la concomitance entre l'inscription de la date et la remise du titre, qui été introduite par la loi n° 2003-706, du 1er août 2003, de sécurité financière N° Lexbase : L3556BLB, a pour effet de limiter les antidates et les postdates. Cette date ne saurait être négligée. Selon l’article L. 313-27 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9526LGW, la cession ou le nantissement « prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise ».

L’arrêté étudié nous donne une autre précision en la matière.

Faits et procédure. En l’espèce, la société V. avait cédé à la banque X., par l’intermédiaire de bordereaux non datés, des créances professionnelles ayant donné lieu à l’établissement de trois factures, les 9 août, 30 août et 20 septembre 2010, qu’elle détenait sur la société Z.

La banque X. avait alors assigné en paiement cette société qui, se prévalant de l'absence de date sur les bordereaux de cession, avait prétendu que les cessions de créance lui étaient inopposables. La société Z. avait été mise en redressement judiciaire.

La procédure avait connu une première intervention de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 18-17.081, F-D N° Lexbase : A60303CC). La juridiction de renvoi, en l’occurrence la cour d’appel de Poitiers, avait rejeté les demandes de la banque au titre des trois factures précitées pour un montant total de 103 206,43 euros.

Pourvoi. L’établissement en question avait alors formé un nouveau pourvoi en cassation.

Il prétendait que le cessionnaire ayant omis d’apposer la date de la remise sur le bordereau de cession de créances professionnelles peut suppléer cette omission par d'autres moyens et rendre ainsi la cession opposable aux tiers. Dès lors, en jugeant que le bordereau dépourvu de date était privé de tout effet et que le cessionnaire ne pouvait suppléer cette omission par d’autres moyens, la cour d’appel aurait violé les articles L. 313-23 et L. 313-27 du Code monétaire et financier dans leur version applicable en la cause.

Subsidiairement, la banque considérait que le bordereau de cession de créances professionnelles non daté demeure opposable aux tiers en tant qu'acte de cession de droit commun. Dès lors, en jugeant qu’en l'absence de date apposée sur le bordereau, la cession ne pouvait prendre effet entre le cessionnaire et le débiteur cédé et ce même selon les règles de droit commun, la cour aurait violé les articles L. 313-23 et L. 313-27 du Code monétaire et financier et 1690 du Code civil N° Lexbase : L1800ABB dans leur version applicable en la cause.

Décision. La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi. Selon elle, ayant énoncé à bon droit que, conformément à l’article L. 313-27 du Code monétaire et financier, « les bordereaux de cession de créances professionnelles dépourvus de date sont privés de tout effet et qu’il ne peut être suppléé à cette omission par d’autres moyens, telle la notification des actes de cession au débiteur », et retenu qu’aucune cession n’était intervenue entre la société V. et la banque selon les règles de droit commun, la cour d’appel en a exactement déduit que ces actes ne pouvaient être invoqués comme titre par la banque pour demander paiement à la société Z.

Cette décision, qui emporte notre adhésion, est à l’origine de deux solutions notables.

En premier lieu, l’absence de date sur le bordereau Dailly ne saurait être suppléée postérieurement. Il n’est ainsi pas possible pour un cessionnaire d’invoquer la notification de l’article L. 313-28 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9525LGU comme étant de nature à « rattraper » l’omission précitée.

En second lieu, et surtout, la décision étudiée donne des indications sur la sanction applicable à l’absence de date sur le bordereau. On rappellera en effet que cette question donne lieu à des incertitudes tant doctrinales (J. Lasserre-Capdeville, Retour sur les mentions obligatoires du bordereau Dailly, RD banc. fin. mars 2021, dossier 9, n° 40 et s.) que jurisprudentielles (v. par ex., CA Bordeaux, 18 décembre 2017, n° 15/02785 ; CA Paris, 5-6, 15 décembre 2011, n° 10/08259 N° Lexbase : A2931H83). Or, il ressort de l’arrêt étudié que les bordereaux de cession de créances professionnelles dépourvus de date sont « privés de tout effet ». Dit autrement, ils ne sauraient produire un quelconque effet, ni entre les parties, ni à l’égard des tiers, et ce même sur le fondement de la cession de créances du Code civil (C. civ., anc. art. 1690).

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