Le Quotidien du 9 janvier 2023 : Droit social européen

[Brèves] Respect du principe d’égalité de traitement concernant la rémunération des travailleurs intérimaires

Réf. : CJUE, 15 décembre 2022, aff. C-311/21 N° Lexbase : A99588ZT

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N3722BZU

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[Brèves] Respect du principe d’égalité de traitement concernant la rémunération des travailleurs intérimaires. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/91971350-breves-respect-du-principe-degalite-de-traitement-concernant-la-remuneration-des-travailleurs-interi
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par Lisa Poinsot

le 06 Janvier 2023

► Une convention collective qui permet une rémunération moindre pour des travailleurs intérimaires par rapport à des personnes recrutées directement doit prévoir nécessairement des avantages compensatoires.

Faits et procédure. Pendant quatre mois, une entreprise de travail intérimaire emploie une travailleuse intérimaire, sur le fondement d’un CDD. Pendant la durée de sa mission, la salariée est placée auprès d’une société utilisatrice.

Selon la convention collective applicable aux travailleurs intérimaires, la salariée perçoit un salaire horaire brut de 9,23 euros. Or, cette convention collective déroge au principe d’égalité de traitement reconnu en droit national, en prévoyant, pour les travailleurs intérimaires, une rémunération inférieure à celle accordée aux travailleurs de l’entreprise utilisatrice, à savoir un salaire horaire brut de 13,64 euros.

La salariée saisit la juridiction nationale compétente afin d’obtenir un supplément de rémunération équivalent à la différence qui lui serait revenue si elle avait été rémunérée au même titre que les travailleurs de l’entreprise utilisatrice.

La juridiction nationale compétente adresse à la CJUE cinq questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 5 de la Directive n° 2008/104, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire N° Lexbase : L1146ICG :

« 1)      Comment est définie la notion de “protection globale des travailleurs intérimaires” visée à l’article 5, paragraphe 3, de la Directive n° 2008/104 et cette notion a-t-elle notamment une portée plus large que ce que prévoient de manière contraignante le droit national et le droit de l’Union en matière de protection de tous les travailleurs ?

2)      Quelles conditions et quels critères doivent être remplis pour pouvoir considérer que des dispositions d’une convention collective en matière de conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires, dérogeant au principe d’égalité de traitement visé à l’article 5, paragraphe 1, de la Directive n° 2008/104, ont été mises en place tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires ?

a)      L’examen de la garantie de la protection globale se fonde-t‑il – de manière abstraite – sur les conditions de travail conventionnelles des travailleurs intérimaires relevant du champ d’application d’une telle convention collective ou convient-il de procéder à une appréciation comparative et évaluative entre les conditions de travail conventionnelles et les conditions de travail existant dans l’entreprise auprès de laquelle les travailleurs intérimaires ont été mis à disposition (entreprise utilisatrice) ?

b)      En cas de dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération, la garantie de la protection globale prévue à l’article 5, paragraphe 3, de la Directive n° 2008/104 exige-t-elle l’existence d’une relation de travail à durée indéterminée entre l’entreprise de travail intérimaire et le travailleur intérimaire ?

3)      Les conditions et critères en matière de garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires, visée à l’article 5, paragraphe 3, de la Directive n° 2008/104, doivent-ils être imposés aux partenaires sociaux par le législateur national lorsque ce dernier leur accorde la possibilité de conclure des conventions collectives contenant des dispositions dérogeant à l’exigence d’égalité de traitement en matière de conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires et lorsque le système national de négociation collective prévoit des exigences qui permettent d’attendre une conciliation adéquate des intérêts entre les partenaires sociaux (la “présomption d’équité des conventions collectives”) ?

4)      En cas de réponse affirmative à la troisième question :

a)      La garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires, visée à l’article 5, paragraphe 3, de la Directive n° 2008/104, est-elle assurée par des dispositions légales qui, comme celles figurant dans la version en vigueur depuis le 1er avril 2017 de l’[AÜG], prévoient un seuil minimal de salaire pour les travailleurs intérimaires, une durée maximale de mise à disposition auprès de la même entreprise utilisatrice, une limitation temporelle de la dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération, la non‑application d’une disposition conventionnelle dérogeant au principe d’égalité de traitement aux travailleurs intérimaires qui, dans les six mois précédant leur mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, ont quitté leur emploi auprès de celle‑ci ou d’un autre employeur qui forme avec l’entreprise utilisatrice un groupe au sens de l’article 18 de [la loi sur les sociétés anonymes], ainsi que l’obligation pour l’entreprise utilisatrice de donner au travailleur intérimaire, en principe dans les mêmes conditions que celles applicables aux travailleurs internes à l’entreprise, accès à des équipements ou services collectifs (tels que, notamment, des services de garde d’enfants, de restauration collective et de transport) ?

b)      En cas de réponse affirmative à cette question : cela vaut-il également lorsque les dispositions légales concernées, telles que celles figurant dans la version de la loi sur la mise à disposition de travailleurs en vigueur jusqu’au 31 mars 2017, ne prévoient aucune limitation temporelle de la dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération et lorsque l’exigence selon laquelle la mise à disposition temporaire ne doit être que “temporaire” n’est pas précisée en termes de durée ?

5)      Si la troisième question appelle une réponse négative : en cas de dispositions dérogeant par conventions collectives au principe d’égalité de traitement en matière de conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires, les juridictions nationales peuvent-elles, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, de la Directive n° 2008/104, contrôler sans restriction ces conventions collectives pour déterminer si les dérogations ont été mises en place tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires ou bien l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et/ou la référence à “l’autonomie des partenaires sociaux” figurant au considérant 19 de la Directive n° 2008/104 exigent-ils d’accorder aux partenaires sociaux, en ce qui concerne la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires, une marge d’appréciation qui n’est soumise qu’à un contrôle juridictionnel limité et – dans l’affirmative – quelle est l’étendue de cette marge d’appréciation ? »

La solution. Énonçant la solution susvisée, la CJUE précise que l’article 5 de la Directive n° 2008/104 n’exige pas de prendre en compte un niveau de protection propre aux travailleurs intérimaires excédant celui fixé, pour les travailleurs en général, par le droit national et par le droit de l’Union sur les conditions essentielles de travail et d’emploi.

La CJUE affirme néanmoins que lorsque les partenaires sociaux autorisent, au moyen d’une convention collective, des différences de traitement en matière de conditions essentielles de travail et d’emploi au détriment des travailleurs intérimaires, cette convention collective doit, afin de garantir la protection globale des travailleurs intérimaires concernés, accorder à ces derniers, en contrepartie, des avantages en matière de conditions essentielles de travail et d’emploi qui soient de nature à compenser la différence de traitement qu’ils subissent.

Pour pouvoir déterminer si les avantages compensatoires accordés permettent de contrebalancer les effets de la différence de traitement subie, il faut comparer, pour un poste donné, les conditions essentielles de travail et d’emploi applicables aux travailleurs recrutés directement par l’entreprise utilisatrice et celles applicables aux travailleurs intérimaires.

Par conséquent, pour assurer la protection globale des travailleurs intérimaires, les conventions collectives autorisant des différences de traitement en matière de conditions essentielles de travail et d’emploi doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif.

Pour aller plus loin :

 

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