Le Quotidien du 17 juin 2022 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Déclaration de créance et contestation sérieuse : office de la cour d’appel saisie d’un recours contre la décision rendue par le tribunal désigné compétent par le juge-commissaire

Réf. : Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-22.650, F-B N° Lexbase : A791274S

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N1832BZU

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[Brèves] Déclaration de créance et contestation sérieuse : office de la cour d’appel saisie d’un recours contre la décision rendue par le tribunal désigné compétent par le juge-commissaire. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/85614690-breves-declaration-de-creance-et-contestation-serieuse-office-de-la-cour-dappel-saisie-dun-recours-c
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par Vincent Téchené

le 16 Juin 2022

► Lorsqu'une cour d'appel retient que le tribunal, désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur des contestations opposées à une déclaration de créance, a excédé ses pouvoirs en prononçant l'admission de cette créance et annule le jugement de ce chef, elle se trouve saisie, par l'effet dévolutif, de la connaissance des contestations soulevées et ne peut refuser de statuer sur la recevabilité et, le cas échéant, le bien-fondé de ces dernières.

Faits et procédure. À la suite de la mise en redressement judiciaire d’une société, une banque a déclaré des créances au titre de deux prêts. Ces créances ont été contestées par la débitrice.

Le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour connaître des contestations formées par la société débitrice, relatives notamment au taux effectif global des prêts, a ordonné le sursis à statuer et invité la banque à saisir le tribunal compétent dans les conditions de l'article R. 624-5 du Code de commerce N° Lexbase : L7228LEG. La banque a assigné la société débitrice et le mandataire judiciaire devant ce tribunal. Celui-ci a alors dit la débitrice et le mandataire judiciaire irrecevables et mal fondés en leurs contestations relatives à l'admission des créances. Il a également ordonné l'admission de ces créances au passif du redressement judiciaire et rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société débitrice contre la banque.

Un appel a été interjeté contre ce jugement. La cour d’appel (CA Rennes, 20 octobre 2020, n° 18/06217 N° Lexbase : A19613YB) ayant annulé le jugement et décidé qu’elle n'avait pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective, ni les demandes indivisibles de cette prétention, la banque a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 624-2 du Code de commerce N° Lexbase : L9131L7C, R. 624-5 du même Code N° Lexbase : L7228LEG et 562 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM.

Elle rappelle qu’il résulte de ces textes que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.

La Haute juridiction relève que pour annuler l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur les contestations de la société débitrice, l'arrêt d’appel, après avoir exactement énoncé que le tribunal a excédé ses pouvoirs en statuant sur l'admission des créances déclarées, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces admissions encourent l'annulation, retient que les demandes portant sur l'admission sont indivisibles des autres demandes présentées au tribunal.

Or, pour la Cour de cassation « en statuant ainsi, alors que les contestations de la débitrice relatives au taux effectif global des prêts sur lesquelles le juge-commissaire s'était déclaré incompétent au profit du juge du fond n'étaient pas indivisibles des demandes d'admission, mais constituaient l'objet même de la saisine du tribunal à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et devaient faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces contestations n'encouraient aucune nullité, la cour d'appel, saisie de leur connaissance par l'effet dévolutif, qui ne pouvait refuser de statuer sur leur recevabilité et, le cas échéant, leur bien-fondé, a méconnu ses pouvoirs et violé les textes susvisés ».

Observations. En d’autres termes, lorsque le tribunal compétent est saisi d’une contestation sérieuse, et que ce dernier a commis un excès de pouvoir en statuant sur l’admission de la créance (qui relève du pouvoir exclusif du juge-commissaire), l’effet dévolutif de l’appel oblige la cour d’appel, après avoir annulé le jugement à statuer sur la recevabilité et le bien-fondé de la contestation sérieuse, en tant que juge d’appel. Faute de l’avoir fait au motif, selon elle, que les demandes étaient indivisibles, l’arrêt d’appel est censuré.

Cette décision s’ajoute aux nombreux arrêts rendus ces dernières années sur cette question, constituant un véritable guide procédural de la contestation sérieuse (v. not. Cass. com., 9 mai 2018, n° 16-27.243, F-D N° Lexbase : A6089XMH, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, juin 2018, n° 558 N° Lexbase : N4683BXQ ; Cass. com., 19 décembre 2018, n° 17-15.883  et n° 17-26.501, F-P+B N° Lexbase : N7170BXT, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, janvier 2019, n° 579 N° Lexbase : N7170BXT ; Cass. com., 23 septembre 2020, n° 19-13.748, F-D N° Lexbase : A06763WX, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, octobre 2020, n° 651 N° Lexbase : N4871BY3  ; Cass. com. 12 novembre 2020, n° 19-17.895, F-D N° Lexbase : A509834L ; Cass. com., 2 mars 2022, n° 20-21.712, F-B N° Lexbase : A10537PP, P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, mars 2022, n° 710 N° Lexbase : N0871BZB).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : La décision du juge-commissaire en matière de déclaration et de vérification des créances, Les modalités procédurales en cas de contestation sérieuse, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E3556E4H ;
  • v. commentaire de l’arrêt par Pierre-Michel Le Corre, in Lexbase Affaires n° 722 à paraître le 23 juin 2022. 

 

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