Réf. : Cass. civ. 1, 18 mai 2022, n° 20-20.725, F-B N° Lexbase : A33817XI
Lecture: 5 min
N1598BZ9
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 25 Mai 2022
► Les créances qu'un époux séparé de biens peut faire valoir contre l'autre et dont le règlement ne constitue pas une opération de partage se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du Code civil (soit cinq ans), lequel délai commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.
L’arrêt rendu le 18 mai 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation, tout en rappelant une solution bien connue, selon laquelle le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (v. Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-22.929, F-P+B+I N° Lexbase : A5391ITT), apporte des précisions fort utiles concernant tant le délai de prescription des créances entre époux séparés de biens (en matière personnelle ou mobilière), que son point de départ.
Faits et procédure. En l’espèce, un jugement du 22 octobre 2009 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre des époux mariés sous le régime de la séparation de biens. Un jugement du 1er mars 2012 a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Le 29 juin 2018, un notaire a établi un projet d'acte de partage faisant apparaître une somme de 850 968,92 euros due par l’ex-époux à son ex-femme au titre des créances entre époux.
Une ordonnance du 4 juillet 2018 a autorisé l’ex-épouse à pratiquer une saisie conservatoire pour sûreté d'une créance de 900 000 euros.
L’ex-époux a saisi le juge de l'exécution d'une demande tendant à la mainlevée de cette mesure, pratiquée le 24 juillet 2018, en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci. Sa demande avait été rejetée par la cour d’appel d’Amiens.
Pour rejeter la demande de l’ex-époux tendant à la mainlevée de la saisie conservatoire en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci, la cour d’appel avait retenu que, dès l'ordonnance de non-conciliation, le régime matrimonial devient une indivision post-matrimoniale et que l'action aux fins de partage est imprescriptible.
À tort, selon la Cour suprême qui, sur un moyen relevé d’office, au visa des articles 815 N° Lexbase : L9929HN3, 1479, alinéa 1er N° Lexbase : L1616ABH, 1543 N° Lexbase : L1654ABU et 2224 N° Lexbase : L7184IAC du Code civil :
- rappelle que le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (solution posée par : Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-22.929, F-P+B+I N° Lexbase : A5391ITT) ;
- en déduit alors que ces créances se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du Code civil (soit cinq ans).
Pour rejeter encore la demande de l’ex-époux, la cour d’appel avait retenu que, même si une demande relative à une créance entre époux devait être considérée comme une demande connexe, le délai de prescription de cinq ans n’aurait commencé à courir qu'à compter du projet de partage du 28 juin 2018, qui avait fait naître le principe de la créance.
L’ex-époux avait alors formé un pourvoi faisant valoir que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il soutenait alors que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis le patrimoine de l'épouse, et que si la prescription n'avait pu courir pendant la durée du mariage, son cours avait repris à compter de la date à laquelle le jugement de divorce était devenu définitif, soit le 26 mai 2012.
L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui énonce qu’il résulte de la combinaison des dispositions des articles 2224 N° Lexbase : L7184IAC et 2236 N° Lexbase : L7221IAP du Code civil que le délai de droit commun par lequel se prescrivent, en l'absence de dispositions particulières, les créances entre époux en matière personnelle ou mobilière commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.
Elle confirme que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers celui de son ex-époux et ne pouvait être recherché dans le projet de partage qui en établissait le compte.
Pour aller plus loin :
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:481598