Le Quotidien du 14 mars 2022 : Procédure prud'homale

[Brèves] Droit du CSE et des syndicats d’invoquer l’exception d’illégalité lors d’une action en nullité d’un accord collectif

Réf. : Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, FP-B+R N° Lexbase : A10487PI ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-18.442, FP-B+R N° Lexbase : A10607PX ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, FP-B N° Lexbase : A10467PG

Lecture: 7 min

N0688BZI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Droit du CSE et des syndicats d’invoquer l’exception d’illégalité lors d’une action en nullité d’un accord collectif. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/82239674-0
Copier

par Lisa Poinsot

le 11 Mars 2022

► En matière d’action en nullité d’un accord collectif, le CSE et le syndicat disposent de la faculté de contester, par voie d’exception, la validité d’un accord dans le cadre d’une action concernant leurs propres droits, quand bien même elle aurait été formée postérieurement à l’expiration du délai de prescription de deux mois.

Les faits. Dans la première affaire (n° 20-16.002), le CSE d’une entreprise désigne un expert dans le cadre des consultations sur les situations économiques, financières et sociales de la société. L’employeur saisit la juridiction civile pour demander l’annulation de ces délibérations en invoquant l’application d’un accord collectif prévoyant que cette consultation doit avoir lieu au niveau du comité central. Le CSE conteste, quant à lui, la validité de cet accord collectif d’entreprise relatif au dialogue social, au motif qu’il écartait la consultation des CSE, au profit du seul comité central, pour les consultations obligatoires sur les politiques économique et sociale. La cour d’appel  fait droit à la demande du CSE en déclarant son action en justice recevable.

Dans la deuxième espèce (n° 20-18.442), une société conteste en justice la désignation d’un représentant syndical sur un périmètre plus restreint que celui des établissements distincts, alors que l’accord collectif d’entreprise prévoit que le périmètre de désignation des délégués syndicaux est identique à celui retenu pour les CSE d’établissement. En défense, l’organisation syndicale mise en cause conteste la validité de cet accord collectif, qu’elle n’avait pas signé.

Dans la troisième espèce (n° 20-20.077), le litige porte sur les deux thématiques des deux premières affaires. En effet, une organisation syndicale conteste devant le tribunal judiciaire la validité d’un accord collectif, qu’elle n’avait pas signé, et qui prévoit les modalités de mise en place des CSEE et du CSE central. L’employeur décide par ailleurs de saisir le tribunal judiciaire afin de voir annuler les délibérations d’un des CSEE ayant décidé de désigner un expert pour l’assister dans la procédure d’information-consultation relative à la politique sociale de l’établissement. Il soutient que ces délibérations sont contraires à l’accord collectif qui prévoit que ces consultations doivent avoir lieu au niveau du CSE central. En défense, le CSEE fait valoir l’illégalité de l’accord collectif litigieux.

La procédure. Concernant les deux premiers litiges, les juridictions de fond font droit à la demande du CSE et du syndicat en déclarant leur action en justice respective recevable.

Dans la troisième affaire, le tribunal judiciaire rejette l’exception d’illégalité aux motifs que la sanction du non-respect des conditions d’adoption de l’accord collectif, étant un acte de droit privé, est la nullité. Il considère que cette sanction doit être soulevée par voie l’exception et non l’inopposabilité. Ainsi, n’étant pas annulé, l’accord collectif est opposable au CSEE.

Les sociétés (arrêts n° 20-16.002 et n° 20-18.442) forment en conséquence un pourvoi en cassation. Elles se fondent sur les nouvelles dispositions de l’article L. 2262-14 du Code du travail N° Lexbase : L7773LGY, issues de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7631LGQ, pour soutenir qu’en raison d’un délai de recours en annulation de deux mois, la validité de l’accord ne peut plus être remise en cause par le CSE ou par le syndicat en raison de l’absence d’action en nullité dans le délai de deux mois.

Dans le troisième arrêt, le CSEE forme un pourvoi en cassation en contestant la décision rendue en première instance tendant à rejeter sa demande à voir prononcer l’inopposabilité de l’accord collectif à son égard.

La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation, en formation plénière, rejette le raisonnement de l’employeur dans les deux premières affaires en application de l’article L. 2262-14 du Code du travail, de l’article 16 de la DDHC N° Lexbase : L1363A9D, de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne N° Lexbase : L0230LGM et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L6799BHB. Dans les deux arrêts, elle affirme qu’un CSE et un syndicat disposent de la faculté de s’exonérer du délai de prescription de deux mois destiné à l’action en nullité d’un accord collectif, à condition que leur contestation relative à la validité d’un accord collectif porte sur leurs droits propres et prenne la voie de l’exception.

Dans la troisième affaire, en utilisant les mêmes fondements juridiques que dans les deux autres décisions, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise que « la reconnaissance de l’illégalité d’une clause d’une convention ou d’un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l’exception ».

Pour aller plus loin :

  • la première décision confirme la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant la recevabilité de l’action du CSE à l’encontre d’un accord collectif dès lors qu’il s’agit de défendre ses droits propres relatifs notamment à l’information-consultation (v. Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-12.094, publié N° Lexbase : A4955A7N). La Cour de cassation s’appuie sur la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-761 du 21 mars 2018 N° Lexbase : A4835XHK qui « a seulement précisé les conditions de la constitutionnalité de l’article L. 2262-14 du Code du travail au regard du droit au recours juridictionnel effectif », ce qui « ne pouvait conduire à exclure la possibilité pour d’autres personnes que le salarié de soulever, dans un litige individuel, une telle exception d’illégalité » ;
  • sur les modalités de consultation du CSE par accord : la Cour de cassation, dans l’arrêt du 2 mars 2022, vient préciser les modalités d’application de l’article L. 2323-7 du Code du travail N° Lexbase : L5631KGN. Selon cette disposition légale, il est possible qu’un accord collectif puisse définir, dans les entreprises comprenant plusieurs établissements distincts, des niveaux auxquels les consultations récurrentes sont conduites. En ce sens, il est possible que les consultations récurrentes portant sur les politiques sociales et économiques, concernent uniquement le comité central et non les CSEE ;
  • sur la question du périmètre de désignation des délégués syndicaux : il est de jurisprudence constante qu’au regard de l’article L. 2143-3 du Code du travail N° Lexbase : L1436LKE, un accord fixant un même périmètre de désignation des délégués syndicaux et des élections au comité d’entreprise « ne peut priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement » (Cass. soc., 31 mai 2016, n° 15-21.175, FS-P+B N° Lexbase : A8521RRZ ; Cass. soc., 9 juin 2021, n° 20-14.171, F-D N° Lexbase : A92334UI ; Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 20-15.870, F-D N° Lexbase : A049248Q ; Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-60.257, F-D N° Lexbase : A79957ET ; Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-16.725, F-D N° Lexbase : A83037HY) ;
  • dans sa note explicative, la Cour de cassation met en évidence qu’une « question demeure en revanche plus ouverte s’agissant de l’action d’un syndicat au titre de la seule défense de l’intérêt collectif de la profession, au sens de l’article L. 2132-3 du Code du travail N° Lexbase : L2122H9H ».

 

newsid:480688

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.