Réf. : CJUE, 16 septembre 2021, aff. C-337/19 P, Commission européenne c/ Royaume de Belgique (N° Lexbase : A558444L)
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par Marie-Claire Sgarra
le 17 Septembre 2021
► La CJUE vient de confirmer dans un arrêt du 16 septembre 2021 que les exonérations fiscales accordées par la Belgique à des multinationales via des rulings s’apparentent à des aides d’État.
Rappel des faits : depuis 2005, la Belgique applique un système d’exonération des bénéfices excédentaires des entités belges intégrées à des groupes multinationaux de sociétés. Ces entités pouvaient bénéficier d’une décision anticipée (ruling) de la part des autorités fiscales belges, lorsque ces entités pouvaient faire valoir l’existence d’une situation nouvelle, telle qu’une réorganisation entraînant la relocalisation de l’entrepreneur central en Belgique, la création d’emplois ou des investissements. Dans ce cadre, étaient exonérés de l’impôt sur les sociétés les bénéfices considérés comme étant « excédentaires », en ce qu’ils dépassaient les bénéfices que des entités autonomes comparables auraient réalisés dans des circonstances similaires.
📌 Procédure contentieuse :
Dans le détail, l’enquête menée par la Commission européenne a montré que cette pratique dérogeait à la fois :
⚖️ Décision de la CJUE. La Cour rappelle que la qualification d’une mesure étatique en tant que régime d’aides présuppose la réunion de trois conditions cumulatives :
1 - des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises sur le fondement d’une disposition
👉 Bien que le Tribunal ait constaté que la base juridique du régime en cause résultait non pas uniquement d’une disposition du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92) mais de l’application de cette disposition par les autorités fiscales belges, celui-ci n’a toutefois pas tiré toutes les conséquences de ce constat. En ayant limité son analyse aux seuls actes normatifs précités, le Tribunal a procédé à une application erronée du terme « disposition ».
2 - aucune mesure d’application supplémentaire n’est requise pour l’octroi de ces aides
👉 Le Tribunal a omis de tenir compte du fait que l’une des caractéristiques essentielles du régime en cause résidait dans le fait que les autorités fiscales belges avaient systématiquement accordé l’exonération des bénéfices excédentaires lorsque les conditions étaient réunies. Or, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, l’identification d’une telle pratique systématique était susceptible de constituer un élément pertinent pour établir, le cas échéant, que les autorités fiscales ne disposaient en réalité d’aucun pouvoir d’appréciation.
3 - les entreprises auxquelles les aides individuelles peuvent être octroyées doivent être définies « de manière générale et abstraite »
👉 La Cour relève que cette question est également intrinsèquement liée aux deux premières conditions, relatives à l’existence d’une « disposition » et à l’absence de « mesures d’application supplémentaires ». Partant, les erreurs de droit commises par le Tribunal concernant les deux premières conditions ont entaché son appréciation relative à la définition des bénéficiaires de l’exonération des bénéfices excédentaires.
La Cour annule donc l’arrêt du Tribunal.
💡 La Commission enquête sur les pratiques en matière de « rulings » fiscaux (appelés « décisions fiscales anticipées » en Belgique) de certains États membres depuis juin 2013. Elle a étendu la demande de renseignements correspondante à l’ensemble des États membres en décembre 2014. En octobre 2015, la Commission a décidé que le Luxembourg et les Pays-Bas ont accordé des avantages fiscaux sélectifs respectivement à Fiat et à Starbucks. Elle a ouvert trois autres enquêtes approfondies au sujet de « rulings » fiscaux posant potentiellement des problèmes au regard des règles en matière d’aides d’État : ces enquêtes concernent Apple en Irlande, Amazon au Luxembourg et McDonald's au Luxembourg. |
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