Le Quotidien du 5 août 2021 : Copropriété

[Brèves] Travaux effectués par un copropriétaire sans autorisation de l’AG : clarification des règles applicables à la ratification implicite des travaux

Réf. : QE n° 19918 de M. Philippe Dallier, JO Sénat, 14 janvier 2021, réponse publ. 22 juillet 2021 p. 4625, 15ème législature (N° Lexbase : L3801L7W)

Lecture: 7 min

N8504BYM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Travaux effectués par un copropriétaire sans autorisation de l’AG : clarification des règles applicables à la ratification implicite des travaux. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/70926590-0
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 04 Août 2021

► Dans une réponse publiée au JO Sénat le 22 juillet 2021, le ministre de la Justice est venu clarifier les règles applicables à la ratification implicite de travaux effectués par un copropriétaire sans autorisation de l’assemblée générale, ratification implicite résultant du refus de l’assemblée d'engager des poursuites contre le copropriétaire auteur des travaux.

Plus précisément, le ministre était interrogé sur la difficulté de s’en remettre à l’appréciation souveraine des juges du fond concernant la notion d’« absence d’équivoque » (posée par Cass. civ. 3, 9 juin 2010, n° 09-15.013, FS-D N° Lexbase : A0988E3Y), et par conséquent la nécessité d’envisager une modification de la loi du 10 juillet 1965 ; étaient spécialement visés les deux cas potentiels d'équivoque suivants :

- en premier lieu, sachant que l'action en justice doit être votée à la majorité simple de l'article 24 de la loi de 1965 (N° Lexbase : L4824AH7) et qu'une ratification expresse est, elle, soumise à des majorités plus contraignantes (articles 25 N° Lexbase : L4825AH8, 25-1 N° Lexbase : L5476IGW ou 26 N° Lexbase : L4826AH9), la question se pose de savoir, lorsque l'action en justice est rejetée à la majorité de l'article 24 mais ne l'aurait pas été à celle des articles 25, 25-1 ou 26, si le juge doit considérer que la situation est ambiguë et écarter la reconnaissance de la ratification implicite ;
- en second lieu, lorsque les travaux concernent une partie commune spéciale ; en effet, il est constant qu'en l'absence de syndicat secondaire, le syndicat des copropriétaires est la seule entité disposant de la qualité pour agir en justice ; en conséquence, tous les copropriétaires doivent participer au vote, même si l'action ne concerne qu'un seul bâtiment. Or, l'article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L6784LNL) dispose, lui, que les décisions afférentes aux parties communes spéciales doivent être prises par les seuls copropriétaires à l'usage ou à l'utilité desquels sont affectées ces parties communes. En conséquence, si l'action en justice est repoussée à la majorité des copropriétaires mais ne l'aurait pas été à celle des copropriétaires de la partie commune spéciale, la question se pose de savoir si le juge doit, là aussi, considérer que la situation est équivoque et écarter ainsi toute ratification implicite.

Réponse. Aucune modification des textes ne sera envisagée à cet égard, selon le ministre qui revient en détail sur les règles applicables.

Les travaux qui « affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble » au sens de l'article 25, b), de la loi du 10 juillet 1965 ne peuvent être librement entrepris par un copropriétaire.

Le législateur a organisé une procédure d'approbation préalable destinée à vérifier que les installations projetées sont compatibles avec la destination de l'immeuble et ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires. Les travaux doivent ainsi faire l'objet d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. L'article 25, b), de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que l'autorisation de travaux « affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble » doit, pour être accordée, recueillir la majorité des voix de tous les copropriétaires, c'est-à-dire la majorité absolue. L'article 25-1 de la loi 10 juillet 1965 permet, dans les conditions qu'il précise, de décider à la majorité relative de l'article 24 au cours d'un second scrutin lors de la même assemblée. La seule majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 n'est plus suffisante lorsque les travaux envisagés ne se limitent pas à « affecter les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble », mais aboutissent matériellement à une véritable et définitive appropriation d'une partie commune ou s'avèrent contraires aux prescriptions du règlement de copropriété. En pareilles éventualités, l'autorisation de l'assemblée générale n'est acquise qu'à la double majorité prévue à l'article 26 de la loi. Il est de jurisprudence constante que les travaux exécutés sans autorisation de l'assemblée générale sont irréguliers (Cass. civ. 3, 18 juin 1975, n° 74-10.297, publié au bulletin N° Lexbase : A0144CI8 ; Cass. civ. 3, 2 mars 2005, n° 03-20.889, FS-P+B N° Lexbase : A1077DHD).

Les juges admettent toutefois que des travaux irréguliers, engagés sans autorisation préalable, peuvent être ratifiés par une décision ultérieure de l'assemblée générale, prise en connaissance de cause, à la majorité requise pour autoriser les travaux (Cass. civ. 3, 20 mars 2002, n° 00-17.751, FS-P+B N° Lexbase : A3051AYN). Il est également admis que cette ratification puisse être implicite et se déduire, notamment, d'une décision de l'assemblée générale des copropriétaires refusant d'engager des poursuites contre le copropriétaire fautif aux fins de remise en état.

Toutefois, la ratification implicite des travaux litigieux suppose, en toute hypothèse, l'absence d'équivoque, notion relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. civ. 3, 9 juin 2010, n° 09-15.013, FS-D N° Lexbase : A0988E3Y).

À cet égard, pour caractériser l'absence d'équivoque de la ratification implicite, les juges du fond ne se limitent pas à relever qu'une assemblée générale de copropriétaires a rejeté à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 la décision d'habiliter le syndic à agir en justice contre le copropriétaire fautif, alors qu'une autorisation ou une ratification expresse des travaux litigieux supposait une majorité différente, mais apprécient l'ensemble des éléments factuels venant en renfort de cette décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif. À titre d'exemple, dans l'espèce qui avait été soumise à la Cour de cassation ayant donné lieu à l'arrêt du 9 juin 2010 susmentionné, la ratification implicite n'a pas été retenue alors que la décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif avait été prise à plus de 90 % des voix, au vu d'autres éléments factuels excluant l'absence d'équivoque quant à la volonté des copropriétaires de ratifier les travaux litigieux.

De la même manière, dans l'hypothèse où la décision d'habiliter le syndic à agir en justice contre le copropriétaire fautif est rejetée à la majorité de l'article 24 mais ne l'aurait pas nécessairement été à la majorité des copropriétaires de la partie commune spéciale concernée par les travaux litigieux en vertu de l'article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L6784LNL), la condition d'absence d'équivoque est appréciée souverainement par les juges du fond, tant au regard des conditions de vote de la décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif que d'autres éléments factuels venant le cas échéant en renfort de cette décision.

Ainsi, il ne semble pas que les asymétries soulevées soient susceptibles de créer une insécurité juridique puisque la jurisprudence ne déduit pas systématiquement la ratification implicite de la seule décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif. Au contraire, confier à l'appréciation souveraine des juges du fond la notion « d'absence d'équivoque » permet une lecture fine de chaque cas d'espèce qui revêt ses spécificités factuelles propres.  

newsid:478504

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.