Le Quotidien du 9 août 2021 : Procédure pénale

[Focus] Vers une métamorphose de la détention provisoire ?

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par Benjamin Fiorini, Maître de conférences à l’Université Paris 8

le 23 Juillet 2021


Mots-clés : détention provisoire • conditions indignes • surpopulation carcérale • droits de la défense • contradictoire

L’épidémie de covid-19 a occasionné une chute drastique du taux de densité carcérale, nourrissant l’espoir d’une prison plus humaine. Toutefois, poursuivre sur ce chemin impliquerait de limiter le recours à la détention provisoire, facteur déterminant du surpeuplement des prisons. Une question se pose alors : l’expérience de la crise sanitaire conduira-t-elle à repenser fondamentalement la détention provisoire ? Si une mutation juridique s’est amorcée en ce sens, la métamorphose réelle de la détention provisoire supposerait également une mutation culturelle dans la façon d’appréhender cette mesure de sûreté, laquelle paraît plus qu’incertaine.


 

Recours excessif. Il existe parfois un décalage flagrant entre l’idéal dépeint par la loi et la réalité de son application ; le cas de la détention provisoire en fournit une parfaite illustration. D’après la lettre du Code de procédure pénale, cette mesure d’une extrême gravité – puisqu’elle consiste à infliger une privation de liberté à une personne présumée innocente – ne devrait être appliquée que de manière exceptionnelle, dès lors qu’elle apparaît comme l’unique moyen de parvenir à certains objectifs limitativement prévus par la loi (par exemple, éviter que des preuves ne soient détruites ou que des pressions ne soient exercées sur la victime ou les témoins). Les juges sont donc invités à ne recourir à une telle mesure qu’avec la plus grande circonspection.

Pourtant, depuis plusieurs décennies, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le recours excessif à la détention provisoire qui sévirait dans notre pays. Tendance du juge à transformer cette mesure en sanction anticipée lorsqu’il croit la culpabilité acquise [1], utilisation du placement en détention comme moyen de pression pour obtenir des aveux [2], réflexe autoprotecteur du juge à l’heure des préoccupations sécuritaires [3] et d’une justice médiatique prompte à accabler celui qui prend le « risque » de libérer un malfaiteur [4], augmentation du contentieux terroriste [5], allongement mécanique des délais d’audiencement [6] et d’instruction [7] en raison du manque de moyens matériels et humains dont souffrent les juridictions : nombreux sont les facteurs, réels ou supposés, qui concourent à faire de la France l’un des pays européens où le recours à la détention provisoire est le plus élevé.

Il convient, évidemment, de ne pas céder aux facilités rhétoriques consistant à dépeindre les juges comme étant animés d’un réflexe carcéral quasi pavlovien, atavisme de la culture inquisitoire dans laquelle l’édifice pénal français plonge ses racines [8]. Pour autant, il serait injuste de nier la spécificité et l’envergure du problème, ce que les chiffres démontrent de manière éclatante. Ainsi, une étude statistique conduite en 2019 par l’Université de Lausanne, pour le compte du Conseil de l’Europe, a classé la France parmi les pays européens présentant un taux « très fort » de placement en détention provisoire (catégorie la plus élevée du barème retenu), les prévenus représentant dans l’Hexagone environ 29 % des détenus [9], tandis que la médiane européenne se situe seulement aux alentours 21,9 % [10]. Au 1er janvier 2020, la proportion de prévenus avait encore grimpé pour atteindre 29,8 %, soit 21 075 individus sur un total de 70 651 détenus [11] (v. Tableau n° 1).

Contribution à la surpopulation. Cette réalité, préoccupante au regard de la présomption d’innocence, l’est encore davantage si l’on relie la question de la détention provisoire au problème de la surpopulation carcérale. Un tiers des personnes détenues dans les prisons françaises ayant le statut de prévenu, il est indéniable que « la détention provisoire est, dans une très large mesure, à l’origine de la tragique surpopulation carcérale actuelle » [12]. Celle-ci s’observe d’ailleurs pour l’essentiel dans les maisons d’arrêt et quartiers de maison d’arrêt où sont incarcérés les prévenus – et, de manière (prétendument) exceptionnelle, les personnes condamnées dont la peine ou le reliquat de peine n’excède pas deux ans d’emprisonnement [13].

Sur ce point également, les chiffres sont édifiants, que ce soit sur le plan européen ou national. Au niveau européen, il peut être rappelé qu’en 2018, l’Université de Lausanne plaçait la France sur la troisième marche du podium des États membres du Conseil de l’Europe ayant la plus forte densité carcérale (116,3 %), juste derrière la Roumanie (120,5 %) et la Macédoine du Nord (122,3 %) [14]. Au niveau national, les statistiques de l’administration pénitentiaire montrent qu’au 1er janvier 2020, le taux de densité carcérale s’élevait à 116 % tous établissements confondus, avec 70 651 détenus pour 61 080 places opérationnelles. S’agissant spécifiquement des maisons d’arrêt et quartiers de maison d’arrêt, le même taux s’élevait à 138 % – avec un pic de 223,4 % relevé dans la maison d’arrêt de Carcassonne [15].

Alerte européenne. Au seuil de l’année 2020, le problème du recours excessif à la détention provisoire, tout comme celui de la surpopulation carcérale auquel il est intimement lié, avaient fini par sembler irrémédiables, tant les chiffres vertigineux se succédaient d’année en année sans que les pratiques ou la législation n’évoluent de manière significative. Toutefois, deux évènements majeurs allaient profondément changer la donne. En premier lieu, l’arrêt J.M.B c/ France, du 3 janvier 2020 [16], dans lequel la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France en raison du traitement dégradant infligé aux détenus (§ 301) et de l’absence de recours effectif mis à leur disposition pour faire valoir leur droit à la dignité (§ 221), tout en recommandant l’adoption de mesures générales comportant la résorption définitive de la surpopulation carcérale (§ 316).

Crise sanitaire et réveil salutaire. En second lieu, la crise sanitaire consécutive à l’épidémie de covid-19 a littéralement bousculé les habitudes. En France, comme dans la plupart des pays européens, le risque élevé de propagation du virus, associé à l’impossibilité de faire respecter les gestes barrières dans des prisons surpeuplées, exigeait que soit orchestrée une diminution drastique du nombre de détenus. Ainsi, entre le 1er janvier 2020 et le 1er juillet 2020, sous l’effet conjugué du ralentissement du cours de la justice pénale et d’une politique de libérations préventives mise en place par le Gouvernement [17], le nombre de personnes détenues dans les prisons françaises est passé de 70 651 à 58 695, soit une baisse spectaculaire d’environ 16,9 %. Cette diminution notable du nombre de détenus a entraîné un effondrement du taux de densité carcérale, celui-ci passant de 115,7 % à 97 % [18]. Si l’on élargit le champ d’analyse à la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2021, il s’observe que le nombre de détenus placés en détention provisoire est passé de 21 075 à 17 856, soit une chute de 15,3 %. Dans le même temps, la part de prévenus parmi les personnes détenues est passée de 29,8 % à 28,4 %, se rapprochant ainsi de la médiane européenne [19] (v. Tableau n° 2). En tarissant le flux des entrées et en accélérant le rythme des sorties, l’épidémie a donc eu un impact retentissant sur le monde carcéral.

Espoir naissant. Cette désinflation, soudaine et inédite, a suscité quelques espoirs, la crise ayant été l’occasion de découvrir empiriquement une triple vérité. Premièrement, il est possible, au moyen d’une politique volontariste, de décider le dépeuplement des prisons, chose qui était présentée comme inimaginable quelques mois auparavant. Deuxièmement, la diminution du nombre de détenus, bien qu’elle ait été l’objet d’un débat public fort légitime, a pu se dérouler sans qu’il en résulte un préjudice manifeste pour la société. Troisièmement, l’expérience a montré le caractère éminemment souhaitable de cette décroissance, au bénéfice à la fois des détenus et du personnel pénitentiaire. Sur ce dernier point, doivent être rappelées les quelques lignes rédigées par Éric Dupond-Moretti dans le livre d’or du centre pénitentiaire de Fresnes le 7 juillet 2020, au lendemain de sa nomination en qualité de garde des Sceaux : « Une passionnante rencontre entre le personnel et deux détenus, dont je suis le témoin passif et très attentif. Que se disent-ils ? La même chose : le bien-être des uns profite aux autres ; moins de détenus, de meilleures conditions de détention, une tâche allégée pour le personnel. À méditer » [20]. Les conditions politiques, pratiques et juridiques semblaient donc réunies pour faire de la crise sanitaire l’occasion de repenser le rôle et l’utilité de la détention provisoire, et de diminuer le recours à cette mesure dans une optique de décrue carcérale.

Retour du naturel. Toutefois, des évolutions récentes semblent prouver que la « méditation » n’a pas conduit à la révolution escomptée, à tel point que de nombreux spécialistes du milieu pénitentiaire, l’Observatoire international des prisons (OIP) en tête, déplorent une occasion manquée [21]. Au niveau global, les derniers indicateurs montrent qu’entre le 1er juillet 2020 et le 1er février 2021, le nombre de personnes détenues a connu une hausse de 8 %, en même temps que le taux de densité carcérale repassait symboliquement au-dessus de la barre des 100%. Concernant spécifiquement le recours à la détention provisoire, une reprise s’observe également, le nombre de prévenus incarcérés étant passé entre le 1er janvier 2021 et le 1er février 2021 de 17 856 à 18 659 individus [22]. En outre, les récentes annonces du garde des Sceaux, en ce qu’elles visent notamment à supprimer les crédits automatiques de réduction de peine [23], montrent que l’objectif de décroissance carcérale ne constitue pas la priorité absolue du Gouvernement.

Tout semble donc se passer comme si le début de l’épidémie n’avait été, au fond, qu’une fenêtre de respiration avant un retour à l’anormal. Alors, l’espoir est-il toujours de mise ? Si une réponse fermement positive serait sans doute par trop optimiste, il subsiste néanmoins des raisons d’espérer, puisque le contexte sanitaire, cumulé à la condamnation de la France par la CEDH dans l’arrêt J.M.B, ont initié des mutations systémiques dans la manière d’appréhender la détention provisoire. Il convient d’analyser ces mutations en retenant une double grille d’analyse : tantôt juridique (I), tantôt culturelle (II).

I. La mutation juridique de la détention provisoire

Impact sur la justice pénale. Pour commencer, il convient de se replacer dans le contexte singulier du mois de mars 2020, avec l’apparition en France des premiers signes de propagation de l’épidémie de covid-19, poussant les autorités à réagir en déclarant l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois via l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 (N° Lexbase : L5506LWT). Parmi les mesures adoptées en lien avec cet état d’urgence, certaines devaient nécessairement modifier le cours de la justice pénale. En effet, les mesures de distanciation physique, nécessaires pour lutter contre la propagation du virus, impliquaient de nombreux réaménagements à tous les stades de la procédure. Ces raisons expliquent que le Gouvernement, après y avoir été habilité par le Parlement, ait adopté l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : Z56465SP) portant adaptation des règles de procédure pénale à l’état d’urgence sanitaire.

Impact sur la détention provisoire. Parmi toutes les mesures contenues dans ces textes, certaines concernaient spécifiquement la détention provisoire. En effet, les rédacteurs de l’ordonnance ont redouté que le ralentissement de la cadence judiciaire, traduit par la diminution du nombre d’affaires pénales pouvant matériellement être jugées, n’entraîne in fine la libération massive de personnes placées en détention provisoire et potentiellement dangereuses, dont la détention ne pourrait être prolongée au regard des délais prévus par le Code de procédure pénale. Pour pallier ce risque, les règles encadrant le placement en détention provisoire et sa prolongation ont été modifiées, ces évolutions se traduisant par le recul notable de certaines garanties essentielles du procès pénal.

Impact sur les principes essentiels. Or, après plusieurs mois d’incertitudes, les plus hautes juridictions du pays, tout comme le Conseil constitutionnel, ont fini par considérer que certains de ces nouveaux dispositifs n’étaient conformes ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), ni au bloc de constitutionnalité, notamment en ce qu’ils bâillonnaient la défense et évinçaient le juge. La réaffirmation du rôle fondamental des droits de la défense (A), tout comme la fortification du rôle du juge en tant que gardien des libertés individuelles (B), ont créé les conditions juridiques nécessaires à la limitation du recours à la détention provisoire – conditions nécessaires mais, nous le verrons, non suffisantes.

A. Le renforcement des droits de la défense

Limitation du contradictoire. Le déroulement en présentiel des audiences portant sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de cette mesure étant manifestement incompatible avec les nouveaux impératifs sanitaires, l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-303, du 25 mars 2020 a prévu la possibilité pour le juge d’imposer le recours à la visioconférence pendant toute la durée de l’état d’urgence, limitant ainsi substantiellement le principe du contradictoire. En outre, dans le cas où le recours à la visioconférence serait matériellement impossible, l’article 19 a permis au juge de statuer au seul regard des réquisitions écrites du parquet et des observations écrites de la personne ou de son avocat, ce dernier conservant également la faculté de présenter des observations orales devant le juge, au besoin par le biais d’une visioconférence. Ces nouvelles règles, si elles permettaient formellement au magistrat du siège de statuer contradictoirement, occasionnaient cependant un « appauvrissement de l’expérience du procès » [24], tant il est vrai que la présence par visioconférence ne saurait équivaloir à une présence physique [25]. La conciliation entre l’urgence et le principe du contradictoire, principe pourtant essentiel au bon déroulement du procès pénal, paraissait donc très déséquilibrée.

Validation par la Cour de cassation. Pourtant, la Chambre criminelle n’a pas bronché. À la suite du pourvoi formé par un mis en examen soutenant que le fait d’imposer la visioconférence dans le cadre du débat portant sur son placement en détention provisoire était contraire aux articles 5 (N° Lexbase : L4786AQC) et 6 (N° Lexbase : L7558AIR) de la CESDH, la Haute juridiction a estimé que les dispositions de l'ordonnance étaient conformes à la Convention, « dès lors que même prises dans un contexte sanitaire d'urgence, elles posent in fine l'exigence que le juge organise et conduise la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats ». Si cette solution semblait en accord avec la jurisprudence de la CESDH qui, depuis un arrêt Marcello Viola c/ Italie du 5 octobre 2006 [26], estime que « la participation de l'accusé aux débats par visioconférence n'est pas, en soi, contraire à la Convention » (§ 67), sa conformité à la Constitution paraissait plus douteuse. En effet, dans une décision du 20 septembre 2019 [27], le Conseil constitutionnel a insisté sur « l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente pour connaître de la détention provisoire » (§ 13), en concluant que le mis en examen devait avoir la possibilité de comparaître physiquement devant le juge dans des délais suffisamment rapprochés.

Censure du Conseil constitutionnel. Ces doutes ont été confirmés par la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 15 janvier 2021 [28]. Dans un premier temps, les Sages constatent que la possibilité pour le juge d’imposer le recours à la visioconférence dans le cadre des débats préalables au placement en détention provisoire ou à la prolongation de cette mesure est particulièrement large, puisqu’elle peut intervenir « quelle que soit alors la durée pendant laquelle la personne a, le cas échéant, été privée de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire ». Dans un second temps, les Sages relèvent que l’exercice par le juge de sa faculté d’imposer le recours à la visioconférence n’est soumis à « aucune condition légale », ni encadré par « aucun critère ». Ils en concluent qu’ « eu égard à l'importance de la garantie qui peut s'attacher à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction pénale […] et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce le recours à ces moyens de télécommunication », les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portent une atteinte excessive aux droits de la défense, celle-ci ne pouvant être justifiée par le contexte sanitaire particulier résultant de l'épidémie de covid-19 [29].

Première confirmation du Conseil d’État. Cette décision a inspiré le juge des référés du Conseil d’État qui, dans une ordonnance du 12 février 2021 [30], a suspendu la faculté offerte au juge par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-1401, du 18 novembre 2020 (N° Lexbase : L7050LYR), d’imposer, en raison de la situation sanitaire, la visioconférence sans l’accord des parties devant l’ensemble des juridictions pénales – y compris, donc, lors des audiences relatives au placement en détention provisoire ou à la prolongation de cette mesure. Tout en se référant expressément à la décision du Conseil constitutionnel précitée, le juge des référés du Conseil d’État a estimé que les dispositions de l’article 2, en ce qu’elles autorisent le recours imposé à la visioconférence « sans subordonner cette faculté à des conditions légales ni l’encadrer par aucun critère, portent une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense » (§ 13).

Seconde confirmation du Conseil d’État. Par la suite, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a rendu le 5 mars 2021 [31] une décision analogue concernant l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020, en estimant qu’eu égard à l’importance de la garantie s’attachant à la présentation physique du justiciable devant les juridictions pénales, ses dispositions portaient une atteinte au droit au procès équitable, protégé par l’article 6 de la CESDH, que le contexte de lutte contre l’épidémie de covid-19 ne suffit pas à justifier (§ 10). Il est plaisant de constater que cette décision prend le contrepied de l’analyse qui avait été faite par le juge des référés du Conseil d’État lors du premier confinement, celui-ci ayant considéré dans une ordonnance du 3 avril 2020 [32] que « l'article 5 de l'ordonnance contestée n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées par le syndicat requérant, alors que les exigences de la lutte contre l'épidémie de covid-19 imposent de faire échec à la propagation du virus et de limiter, autant que faire se peut, les contacts entre les personnes » (§ 11).

La crise sanitaire aura donc été l’occasion de réaffirmer l’importance de la comparution physique du prévenu, ce qui concourt au renforcement des droits de la défense au stade du placement en détention provisoire et de la prolongation de cette mesure. Si cette avancée paraît, à elle seule, bien insuffisante pour résoudre le problème structurel du recours excessif à l’incarcération préventive, elle contribue néanmoins à créer les conditions concrètes permettant un débat non tronqué sur l’opportunité d’une privation de liberté avant jugement. Une observation identique peut être formulée à propos du rôle du juge, qui a également été renforcé.

B. Le renforcement du rôle du juge

Juge entre parenthèses. Pour éviter que le ralentissement du tempo judiciaire ne provoque une vague de libération de prévenus au profil criminologique inquiétant, l’article 16, alinéa 1er, de l’ordonnance du 25 mars 2020 a précisé que, selon la gravité des infractions justifiant la mesure de détention provisoire, son « délai maximum » connaîtrait une – et une seule [33] – prolongation de « plein droit » (c’est-à-dire, sans le contrôle d’un juge) pour une durée de deux, trois ou six mois – selon la nature de l’infraction reprochée et le moment procédural où intervient la mesure –, laissant ainsi aux juges plus de temps pour traiter les dossiers en cours.

Équilibrisme de la Cour de cassation. Dans deux arrêts très attendus du 20 mai 2020, la Chambre criminelle s’est prononcée sur la conformité de ce nouveau dispositif [34], en prenant soin de ménager la chèvre et le chou [35]. En premier lieu, la Haute juridiction a considéré que les prolongations de plein droit prévues par l’article 16, dans la mesure où elles ont empêché des détenus de voir leur situation examinée par un juge, étaient contraires à l’article 5 de la CESDH, constat qui aurait dû conduire la chambre criminelle à considérer que les personnes détenues sur ce fondement l’étaient arbitrairement. Toutefois, en second lieu, pour éviter la remise en liberté systématique de personnes potentiellement dangereuses, la Cour de cassation a permis aux juges de rectifier le tir en examinant rapidement le cas des détenus concernés. En matière délictuelle, le délai laissé aux juges pour se prononcer a été fixé par la Haute juridiction à un mois à compter de l’échéance du titre ayant été prolongé de plein droit, et à trois mois si la procédure était en phase d’appel. En matière criminelle, la Cour a opté pour un délai de trois mois [36]. En cas de dépassement de ces délais, les personnes dont la détention a été prolongée de plein droit devaient être considérées comme subissant une détention arbitraire, situation réclamant leur remise en liberté immédiate [37]. Par cette astuce de la Haute juridiction – montrant que lorsque la situation l’exige, elle n’hésite pas à s’ériger en source autonome du droit en créant des délais de toutes pièces –, le nombre de détenus susceptibles d’être remis immédiatement en liberté au motif de leur détention arbitraire, qui aurait pu être colossal, s’est trouvé drastiquement limité. Ce nombre demeure toutefois objectivement conséquent, les propos tenus devant l’Assemblée nationale le 9 juin 2020 par l’ancienne garde des Sceaux Nicole Belloubet laissant penser qu’il s’élève à 161 [38].

Coup de grâce du Conseil constitutionnel. Entendant affirmer une position ferme en son principe et mesurée en ses effets, la démarche des juges du quai de l’Horloge a, semble-t-il, inspiré les Sages de la rue Montpensier. En effet, dans deux décisions rendues sur QPC le 29 janvier 2021 [39], le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303, du 25 mars 2020, étaient contraires à l’article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM). Après avoir constaté que « les dispositions contestées maintiennent donc de plein droit des personnes en détention provisoire sans que l'appréciation de la nécessité de ce maintien soit obligatoirement soumise, à bref délai, au contrôle du juge judiciaire », les Sages ont estimé que l'objectif de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infraction, poursuivi par les dispositions contestées « n'est pas de nature à justifier que l'appréciation de la nécessité du maintien en détention soit, durant de tels délais, soustraite au contrôle systématique du juge judiciaire », d’autant que « l'intervention du juge judiciaire pouvait, le cas échéant, faire l'objet d'aménagements procéduraux » [40]. Le Conseil constitutionnel consacrait ainsi la nécessité d’un contrôle systématique opéré par le juge pour décider de la prolongation d’une détention provisoire, renforçant ainsi l’autorité judiciaire dans son rôle de gardienne des libertés individuelles. Il faut d’ailleurs souligner qu’antérieurement à la décision des Sages, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2020 [41] confirmé par un autre arrêt du 27 janvier 2021 [42], a étendu l’objet du contrôle effectué par la chambre de l’instruction à l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblables que la personne ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions reprochées [43].

Suivisme du Conseil d’État. Il faut également souligner que le Conseil d’État, dans sa décision précitée du 5 mars 2021 [44], a repris à son compte l’argumentation du Conseil constitutionnel en considérant que le droit à la sûreté garanti par l’article 5 de la CESDH impose, même dans un contexte exceptionnel, que la juridiction compétente se prononce « systématiquement, après un débat contradictoire, et dans un bref délai », sur le bien-fondé du maintien en détention provisoire (§ 23), ce que les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 ne prévoyaient pas. Une fois encore, cette motivation s’inscrit en faux par rapport à celle qui avait été retenue par le juge des référés du Conseil d’État dans deux ordonnances du 3 avril 2020, où il avait tranché dans le sens opposé, validant la mise à l’écart législative du juge [45].

Dignité des conditions de détention. Ce recentrage du juge au cœur de la problématique de la détention provisoire, conséquence indirecte de la crise sanitaire, a été considérablement accentué par les dernières évolutions de la jurisprudence de la CEDH. À la suite de l’arrêt J.M.B. c/ France du 30 janvier 2020, la Cour de cassation a été saisie d’un recours formé par une personne placée en détention provisoire, laquelle avait formé une demande de remise en liberté en arguant que ses conditions de détention portaient atteinte à sa dignité. Elle reprochait à la chambre de l’instruction d’avoir rejeté sa demande au motif que l’examen des conditions matérielles de détention ne faisait pas partie des critères légaux encadrant le placement en détention provisoire. Tirant logiquement les conséquences de la condamnation de la France à raison des conditions indignes de détention dans plusieurs centres pénitentiaires et maisons d’arrêt et de l’absence de recours devant les autorités françaises permettant d’y remédier de manière effective, la chambre criminelle, dans son arrêt du 8 juillet 2020 [46], a jugé sérieuse l’éventualité d’une inconstitutionnalité des dispositions du Code de procédure pénale, et a donc transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Ensuite, après avoir rappelé l’obligation, pour le juge national, de tenir compte des décisions de la CEDH sans attendre une éventuelle modification des textes, et de veiller à ce que les détentions provisoires soient mises en œuvre dans des conditions compatibles avec l’article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI), elle affirme qu’il appartient au juge judiciaire de faire vérifier les allégations formulées par un détenu quant à l’indignité de ses conditions de détention, sous réserve que celles-ci soient suffisamment crédibles, précises et actuelles. Elle ajoute que, dans les hypothèses où les vérifications permettraient d’établir la réalité de l’atteinte alléguée à la dignité de la personne détenue sans qu’il y ait été remédié depuis lors, le juge doit ordonner la mise en liberté de la personne en lui imposant, éventuellement, une assignation à résidence avec surveillance électronique ou un contrôle judiciaire [47]

Confirmation du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 2 octobre 2020 [48], le Conseil Constitutionnel, épousant la même logique que la Chambre criminelle, a considéré que l’article 144-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2984IZK) n’était pas conforme au principe de sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d’asservissement ou de dégradation, en ce qu’il ne permet pas au justiciable de former efficacement un recours devant le juge judiciaire pour qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire [49]. Les Sages ont reporté la date de l’abrogation au 1er mars 2021, laissant le temps au législateur d’instaurer un mécanisme de nature à satisfaire les exigences constitutionnelles [50].

Le contrôle opéré par le juge en matière de détention provisoire, en plus d’avoir été raffermi en son principe consécutivement à la crise sanitaire, a donc vu son empire s’étendre notamment au champ de la dignité [51], sous l’influence des juges européens. Si l’existence et l’étendue de ce contrôle ne sauraient présumer de sa qualité, elles n’en restent pas moins des conditions nécessaires pour limiter le recours à la détention provisoire, le magistrat du siège ayant une occasion effective de se prononcer sur la nécessité de la mesure et sa conformité à la dignité humaine. Toutefois, il reste à déterminer si les conditions culturelles sont réunies pour que les juges s’emparent pleinement de ces nouveaux outils juridiques. Avec peut-être un brin d’optimisme, nous pensons que c’est en partie le cas.

II. La mutation culturelle de la détention provisoire

Insuffisance des mutations juridiques. Dans le paragraphe précédent, nous avons présenté les innovations jurisprudentielles survenues depuis le commencement de l’épidémie et qui, reliées entre elles, dessinent un nouvel ordre juridique de nature à faire décroitre le recours à la détention provisoire. Toutefois, pour que cette décroissance ait réellement lieu, encore faut-il que les acteurs de la procédure pénale s’approprient les nouveaux outils existants. Sans la pratique, le droit est nu. Aussi, il est à redouter que les avancées prétoriennes présentées ci-dessus s’avèrent, à l’usage, n’être qu’une cathédrale de vent. Le rebond du nombre de personnes placées en détention provisoire intervenu entre le 1er janvier 2021 et le 1er février 2021 – pour rappel, une augmentation de 4,5 % [52] – alimente d’ailleurs cette crainte.

Nécessité d’une mutation culturelle. Autrement dit, le résultat espéré – limiter le recours à la détention provisoire – ne sera atteint que si les mutations juridiques présentées ci-dessus se conjuguent à une nouvelle culture politique, résolument tournée vers un objectif de décroissance carcérale. Cette transition culturelle devrait notamment concerner les juges : maintenant que le principe et l’étendue de leur contrôle ont été renforcés, il faudrait que leur manière de l’exercer traduise une prudence encore plus grande dans le recours à la détention provisoire, notamment à l’aune des principes de nécessité et de dignité. Pour autant, un remodelage radical du rapport culturel à l’incarcération préventive ne saurait peser exclusivement sur les épaules des magistrats : il serait nécessaire que le législateur accompagne ce mouvement par l’introduction de mécanismes limitant le recours à cette mesure, comme l’y invite indirectement la CEDH en prescrivant à la France de résorber son surpeuplement carcéral.

Espoir d’une mutation culturelle. Or, il nous semble que la crise sanitaire a déjà modifié le rapport culturel des magistrats (A) et du législateur (B) à la problématique de la détention provisoire, de sorte que l’espoir perdure – même si, nous le verrons, des incertitudes subsistent.

A. La nouvelle approche des juges

Nouvelle approche du risque. Comme nous le disions en introduction, beaucoup d’indices portent à croire que les juges, quoiqu’il serait exagéré et offensant de leur attribuer un réflexe carcéral [53], n’apprécient pas toujours la nécessité d’un placement ou d’une prolongation de détention provisoire avec toutes les précautions espérées. Il faut dire que du point de vue des magistrats, la problématique de la détention provisoire se situe au carrefour d’une logique de gestion des risques – à quel danger la société, la victime et le juge sont-ils exposés en cas de remise en liberté ? – et de gestion des flux – quels critères employer pour calibrer le nombre de placements en fonction du nombre de places disponibles ? –, dialectique où la condition de nécessité peine à trouver sa juste place [54]. Or, il se trouve que l’épidémie de covid-19, renforcée en cela par les nouvelles exigences européennes en matière de dignité des conditions de détention, a modifié l’économie du rapport au risque. En effet, à partir du mois de mars 2020, c’est le risque encouru par les détenus qui a suscité un regain d’attention : le risque de propagation du virus en prison, bien sûr, mais aussi le risque de les exposer à un traitement inhumain ou dégradant. En incitant le juge à concevoir le détenu à la fois comme facteur et comme objet de risque, la crise a probablement amorcé un virage culturel, une nouvelle économie de la détention provisoire où celle-ci tendrait à se raréfier. Cela paraît d’autant plus crédible qu’en pratique, dans beaucoup de situations où la détention provisoire aurait probablement été prononcée en temps normal, les juges ont dû s’orienter vers les mesures de sûreté moins contraignantes que sont le contrôle judiciaire et l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), tout en constatant, expérimentalement, que l’ordre public y a survécu.

Impact de l’expérience vécue. L’engagement d’une mutation culturelle paraît d’autant plus vraisemblable que celle-ci pourra s’appuyer sur une charge émotionnelle particulière, liée à l’épreuve vécue à l’occasion de la crise sanitaire. En effet, si les arguments de raison, commandant depuis longtemps le recul de la détention provisoire, n’ont pas pleinement porté leurs fruits, l’expérience réelle d’une telle décrue devrait produire davantage d’effets. Pour le comprendre, il convient de se référer à Spinoza, lequel a démontré que les individus agissent moins en fonction de la raison qu’en fonction de leurs affects. Comme le confirmera P. Bourdieu, dans la mesure où « il n’y a pas de force intrinsèque des idées vraies », la raison en tant que telle ne peut entraîner aucune action, à moins qu’elle ne soit associée à des affects suffisamment puissants [55]. Or, il n’est nul doute que la désinflation carcérale consécutive à la crise sanitaire a constitué une expérience sensible dotée d’un considérable potentiel affectant, laquelle nous paraît de nature à influer de manière paradigmatique sur le comportement des acteurs ; les images matérielles ou mentales d’une prison plus humaine ont enfin pu se présenter à l’esprit en tant que réalité, ce qui n’est pas rien lorsque l’on sait à quel point l’image constitue un puissant support affectif [56]. Dans cette optique, il nous semble raisonnable de parier qu’à moyen et long terme, l’épisode épidémique poussera les juges à appréhender la détention provisoire sous un jour différent, avec encore davantage de prudence.

Impact d’une vexation. Enfin, pour appuyer cette thèse d’une nouvelle approche judiciaire de la détention provisoire, il convient de rappeler à quel point l’épisode relatif à la prolongation « de plein droit » des détentions provisoires a pu être traumatisant pour de nombreux magistrats, révoltés à l’idée d’être dépossédés par voie d’ordonnance de leur rôle de gardien des libertés individuelles pourtant garanti par la Constitution. Cette disposition avait donné lieu en son temps à des débats enflammés, y compris entre collègues magistrats, dont certains avaient tout simplement refusé d’appliquer les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 telles qu’interprétées par la circulaire de la garde des Sceaux du 26 mars 2020 [57] et du courriel interprétatif (sic) venant en préciser les termes [58]. L’obstination de la Chancellerie avait provoqué l’ire d’une partie de la magistrature, et l’obéissance de l’autre partie n’avait pas manqué d’interroger sur la véritable capacité des juges à montrer leur indépendance vis-à-vis des orientations données par le pouvoir exécutif en temps de crise[59], au point de provoquer une réaction du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) appelant les juges à remplir fidèlement leur mission [60]. Sans doute le traumatisme vécu à cette occasion incitera-t-il nombre de magistrats du siège à incarner leur rôle constitutionnel avec encore davantage de plénitude. Peut-être, d’ailleurs, faudrait-il sensibiliser les auditeurs de justice à cet épisode singulier dans le cadre de leur formation initiale à l’École nationale de la magistrature.

Voici donc quelques raisons d’espérer que la crise sanitaire, du côté des juges, ait déclenché une mutation culturelle tendant à limiter le recours à la détention provisoire. Si quelques décisions récentes ne paraissent pas exactement aller en ce sens – ainsi en va-t-il d’un arrêt du 15 décembre 2020 [61], dans lequel la Chambre criminelle approuve une chambre de l’instruction d’avoir considéré qu’un prévenu ne démontrait pas l’indignité de ses conditions de détention, alors qu’il disposait d’une surface personnelle au sol de 3,83 m² dans une cellule dont l’espace sanitaire présentait des moisissures et n’était clos que par un drap [62] – , nous pensons néanmoins que cette évolution se manifestera sur une temporalité plus longue. Toutefois, pour que les effets de cette évolution se fassent réellement ressentir, il est impératif que les juges soient épaulés par le législateur.

B. La nouvelle approche du législateur

Évolutions nécessaires. À droit constant, il est inenvisageable que les juges, même imprégnés d’une culture particulièrement précautionneuse vis-à-vis de la détention provisoire, puissent résoudre à eux seuls le problème du recours excessif à cette mesure. En effet, la forte proportion de prévenus dans les prisons françaises est notamment le produit de trois facteurs qui échappent à la pleine maîtrise des magistrats, et dont la modification supposerait nécessairement une intervention législative. Ces trois causes sont les suivantes : premièrement, les délais peu raisonnables dans lesquels la justice pénale est actuellement rendue, en dépit du dévouement des magistrats ; deuxièmement, les difficultés pratiques rencontrées pour mettre en œuvre des mesures alternatives à la détention, en raison de la modestie des moyens matériels et humains dont dispose la justice ; troisièmement, le large champ d’intervention théorique de la détention provisoire, que ce soit au niveau des infractions concernées ou des finalités justifiant la mesure au sens de l’article 144 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9485IEZ).

Réductions des délais. La question des délais est primordiale, car même si les juges venaient à procéder à un contrôle plus strict des placements en détention provisoire et de leur prolongation, il est indéniable que cette mesure de sûreté est parfois indispensable. Dans cette optique, c’est moins la décision de placement en détention provisoire qui pose problème que sa prolongation répétée en raison des importants délais d’instruction et d’audiencement. Ceux-ci tendent d’ailleurs à s’accroître puisque, entre 2015 et 2019, le délai moyen d’une information judiciaire est passé de 29,9 à 33 mois, tandis que la durée moyenne des détentions provisoires se soldant par une condamnation pour crime passait de 27,6 à 30,5 mois (v. Tableau n° 3), et de 7,1 à 8 mois en matière délictuelle [63] (v. Tableau n° 4). Si ces augmentations de quelques mois paraissent modestes, leur effet sur la population carcérale mesurée à un instant t est radical. La commission de suivi de la détention provisoire – malheureusement supprimée par l’article 4 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (N° Lexbase : L9872LYB) [64] – présentait d’ailleurs l’augmentation des délais d’audiencement comme l’une des principales causes de la durée souvent excessive des détentions provisoires, tout particulièrement en matière criminelle [65]. Par conséquent, la réduction de la durée des détentions provisoires supposerait obligatoirement une accélération générale du cours de la justice pénale, laquelle ne peut découler que d’une volonté législative. Cette volonté pourrait consister à simplifier les procédures pour en accroître la rapidité, et/ou à doter la justice pénale de nouveaux moyens lui permettant de traiter les affaires dans des délais plus brefs.

Création d’alternatives. Outre la question des délais, c’est aussi la capacité concrète des juges à recourir à des alternatives à la détention provisoire qui pose actuellement problème. Pour que les juges aient réellement les moyens, dans chaque situation envisagée, de substituer à la privation de liberté des mesures de sûreté moins lourdes pour le prévenu, encore faut-il que celles-ci puissent effectivement être mises en œuvre. Actuellement, si le Code de procédure pénale prévoit les substituts à la détention provisoire que sont le contrôle judiciaire et l’ARSE, la possibilité concrète de les mettre en œuvre n’est pas toujours au rendez-vous, essentiellement en raison de carences structurelles empêchant d’assurer leur véritable suivi. Comme le soulignait déjà, en 2018, le rapport rendu par B. Cotte et J. Minkowski dans le cadre des Chantiers de la justice, le développement du contrôle judiciaire et de l’ARSE nécessiterait un investissement financier permettant le suivi des prévenus et l’étude de faisabilité des mesures, notamment via un « renforcement significatif des effectifs et des moyens des Services pénitentiaires d’insertion et de probation » [66]. Une telle évolution favoriserait mécaniquement le recours à ces alternatives, et notamment à l’ARSE dont l’échec est pour l’instant patent, les derniers chiffres portant sur l’année 2019 montrant une utilisation anecdotique de cette mesure en cours d’instruction (1,4 % des mesures de sûreté ordonnées) et après l’ordonnance de règlement (0,4 % des prévenus concernés) [67].

Limitation du champ d’application. Enfin, une manière simple de limiter le recours à la détention provisoire serait d’en réduire le périmètre. Trois techniques juridiques cumulatives sont envisageables [68], lesquelles sont d’ailleurs mentionnées dans le rapport précité de B. Cotte et J. Minkowski : dépénaliser ou contraventionnaliser un certain nombre de comportements qui, aujourd’hui, constituent des délits (cette piste était déjà préconisée dans le rapport établi en 2013 par le jury de la Conférence de consensus [69]) ; élever le seuil d’emprisonnement encouru permettant de placer un individu en détention provisoire, lequel est aujourd’hui fixé à trois ans par l’article 143-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9409IE9) ; et enfin réexaminer les critères justifiant le placement en détention provisoire, « tel le risque de renouvellement de l’infraction relevant parfois plus de l’intuition que de ce qui devrait être une argumentation juridique » [70].

Culture managériale. Toute la question est de déterminer si la situation sanitaire, cumulée aux nouvelles exigences des juges européens en matière de dignité, est de nature à modifier le regard porté par le législateur sur la détention provisoire. Plus précisément, il s’agit de déterminer la probabilité que surviennent de nouvelles orientations législatives qui iraient, alternativement ou cumulativement, vers un raccourcissement des délais de procédure, un renforcement des alternatives à la détention provisoire, et/ou une réduction du domaine d’application de cette mesure. Or, certains indices montrent qu’une volonté politique favorable à l’accélération du tempo judiciaire est déjà solidement constituée. En effet, les récentes évolutions de la législation, en s’inscrivant dans une culture managériale soucieuse de rendre plus rapide le traitement des affaires pénales en simplifiant la procédure, témoignent déjà de l’existence d’une logique législative de gestion des flux [71]. En particulier, il est probable que la généralisation à venir des cours criminelles serve l’objectif de réduction des délais d’audiencement. Dans leur communication consécutive à la mission « flash » sur les cours criminelles, MM. les députés S. Mazart et A. Savignat ont dressé un bilan globalement positif de l’expérimentation, en rapportant que les cours criminelles permettent une économie de temps utile à différents moments de la procédure : non seulement les audiences durent globalement une demi-journée de moins qu’en cour d’assises, mais surtout, le délai d’audiencement se trouve globalement raccourci. En outre, le taux d’appel est pour l’instant très faible – 22 %, contre 32 % pour les cours d’assises –, ce qui a « des effets très directs sur la durée de la détention provisoire » [72].

Culture budgétaire. En revanche, une nouvelle orientation législative qui irait tantôt vers le déploiement des alternatives à la détention provisoire, tantôt vers une restriction de l’empire de cette mesure, semble plus difficilement envisageable. Le développement du contrôle judiciaire et de l’ARSE supposerait, en effet, un effort budgétaire considérable permettant d’effectuer de manière systématique une étude de faisabilité de ces mesures et un véritable suivi des prévenus qui y seraient astreints. Certes, une volonté politique d’accomplir un tel effort transparaît à travers les dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC), en ce qu’elle prévoit la création de 1 500 postes de conseillers d’insertion et de probation – soit une progression d’environ 30 % de leurs effectifs –, tenant compte sur ce point du rapport de B. Cotte et J. Minkowski [73]. Néanmoins, si un tel effort va incontestablement dans le bon sens, il n’est pas certain qu’il soit à la hauteur de l’enjeu, les embauches projetées apparaissant « à peine suffisantes en réalité pour combler le vide d'avant la réforme » [74].

Culture sécuritaire. Quant à l’idée de restreindre les hypothèses dans lesquelles la détention provisoire pourrait être ordonnée, celle-ci ne pourrait trouver un écho politique qu’à condition que le législateur se départisse des réflexes sécuritaires qui sont les siens depuis de nombreuses années. Or, rien n’esquisse une telle trajectoire. Au contraire, les pistes de réforme récemment dévoilées par le garde des Sceaux, consistant notamment à supprimer les crédits automatiques de réduction de peine [75], montrent que la décroissance carcérale ne constitue pas une finalité ultime, celle-ci étant supplantée par des aspirations répressives. Le non-respect par le législateur du délai fixé par le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée du 2 octobre 2020, pour créer un recours permettant au juge judiciaire de contrôler la dignité des conditions de détention des prévenus [76], témoigne également de cette culture sécuritaire reléguant le recours excessif à la détention provisoire au rang des préoccupations secondaires.

***

Conclusion. L’épidémie de covid-19, renforcée en cela par l’arrêt J.M.B c/ France rendu par la CEDH, a eu pour effet indirect de fortifier le rôle des droits de la défense et le rôle du juge concernant le placement en détention provisoire et la prolongation de cette mesure. Cette mutation juridique, quoiqu’elle soit notable, n’aboutira réellement à un recul de la détention provisoire que si elle s’accompagne d’une mutation culturelle, consistant pour le juge et le législateur à repenser la détention provisoire à l’aune des notions de nécessité et de dignité. Si l’expérience sensible vécue à l’occasion de la crise sanitaire devrait inciter les juges à s’engager sur ce nouveau chemin, l’ancrage profond du législateur dans une culture pétrie de rationalité budgétaire et d’exigences sécuritaires devrait toutefois ralentir le processus. Si des innovations législatives, limitant la durée des détentions provisoires, pourraient voir le jour, c’est à condition qu’elles soient compatibles avec le double souci de réaliser des économies et de ne pas montrer de signes de laxisme. Il est d’ailleurs à craindre que cette approche triple de la question – managériale, économique et sécuritaire – ne débouche finalement sur une justice qui, certes, sera parvenue à limiter dans une certaine mesure les incarcérations provisoires, mais aura simultanément mis à terre certaines garanties juridiques jusqu’alors considérées comme fondamentales. Le recul annoncé des cours d’assises au profit des cours criminelles, qui réduira la durée moyenne des détentions provisoires au prix du sacrifice du symbole démocratique qu’incarnent les jurés citoyens, en fournit un exemple éclairant ; tels sont les risques inhérents à une politique managériale qui appréhende la gestion des flux carcéraux comme une fin en soi, en se centrant « davantage sur le comment que sur le pourquoi » [77].

En renforçant le juge dans son rôle constitutionnel de gardien de libertés individuelles, la crise sanitaire a prouvé que du pire pouvait jaillir le meilleur. Gardons-nous d’oublier que, pareillement, du meilleur peut jaillir le pire…

ANNEXE

Tableau n°1 : évolution du nombre de prévenus écroués avant le début de la crise sanitaire

DATE

PERSONNES ÉCROUÉES DÉTENUES

PRÉVENUS

PROPORTION DE PRÉVENUS (%)

1er janvier 2015

66.270

16.549

25 %

1er janvier 2016

66.678

18.158

27,2 %

1er janvier 2017

66.432

19.498

29,4 %

1er janvier 2018

66.974

19.815

29,6 %

1er janvier 2019

70.059

20.343

29 %

1er janvier 2020

70.651

21.075

29,8 %

Tableau n°2 : évolution du nombre de prévenus écroués après le début de la crise sanitaire

DATE

PERSONNES ÉCROUÉES DÉTENUES

PRÉVENUS

PROPORTION DE PRÉVENUS (%)

1er janvier 2020

70.651

21.075

29,8 %

1er avril 2020

65.300

20.173

30,9 %

1er juillet 2020

58.695

19.951

34 %

1er octobre 2020

61.102

20.009

32,7 %

1er novembre 2020

62.260

20.113

32,3 %

1er décembre 2020

62.935

20.213

32,1 %

1er janvier 2021

62.673

17.856

28,4 %

1er février 2021

63.802

18.659

29,2%

Tableau n° 3 : durée moyenne des détentions provisoires se soldant par une condamnation criminelle

 

ANNÉE

 

DURÉE MOYENNE (en mois)

2015

27,6

2016

28,5

2017

28

2018

30,5

2019

30,5

Tableau n° 4 : durée moyenne des détentions provisoires se soldant par une condamnation délictuelle

 

ANNÉE

 

DURÉE MOYENNE À L’INSTRUCTION

(en mois)

 

DURÉE MOYENNE EN COMPARUTION IMMÉDIATE

(en mois)

2015

7,1

0,4

2016

7,3

0,4

2017

7,7

0,4

2018

8

0,4

2019

8

0,4

 

[1] Un auteur relève que si la détention provisoire est « techniquement une mesure préventive, elle comprend également une composante punitive » : D. Fassin, Punir, une passion contemporaine, Seuil, 2017, p. 136.

[2] A. Derbey et S. Raoult, Faut-il avouer pour sortir de détention provisoire ? Etude de 117 trajectoires de détention à Marseille, Observatoire Régional de la Délinquance et des Contextes Sociaux, n° 12, 2018, p. 3 : « L’aveu, qui joue un double rôle de « concession » fait au juge d’instruction et de « signal de bon profil » envoyé au juge des libertés et de la détention est […] un élément étonnamment déterminant pour expliquer qui est libéré et qui reste en détention. ».

[3] L. Aubert, Plaidoyer pour une nouvelle approche de la détention avant jugement, RSC, 2012, p. 464 : « La logique de sécurisation dont procède l’évaluation et, partant, la décision finale des juges en matière de détention avant jugement ne finit-elle pas par être supplantée par une « logique immunitaire » visant d’abord et avant tout à se protéger d’une éventuelle mise en cause de leur responsabilité professionnelle ? ».

[4] Sur ce point, à l’occasion de l’affaire Bonnal, un auteur regrettait qu’en matière de détention provisoire, « le choc des faits divers » soit plus fort que « le poids des textes » : Ch. Lazergues, La dérive de la procédure pénale, RSC, 2003, p. 646.

[5] Commission de suivi de la détention provisoire, Rapport 2015-2016, décembre 2016, p. 28 : « Difficile de ne pas songer au contexte des attentats terroristes et de l’état d’urgence, et à ses conséquences sur les pratiques judiciaires […] On peut supposer que les magistrats ont été incités à prendre moins de risques pour le maintien en liberté ou la remise en liberté de prévenus dont le profil peut être rapproché de celui de personnes ayant été impliquées dans des affaires de terrorisme ou d’apologie du terrorisme. ».

[6] Commission de suivi de la détention provisoire, Rapport 2017-2018, avril 2018, p. 31 « L’augmentation des délais d’instruction a pu être à la source de l’allongement des détentions provisoires (avec peut-être aussi pour les dernières années observées la part croissante des renvois correctionnels avec maintien en détention). Mais c’est la gestion de l’audiencement des affaires, en particulier pour les cours d’assises, qui est depuis le début des années 2010 le point le plus sensible. ».

[7] Entre 2015 et 2019, la durée moyenne de l’information judiciaire est passée de 29,9 à 33 mois, tandis que sa durée médiane est passée de 23,5 à 25,2 mois : Les chiffres clés de la justice 2020, ministère de la Justice, p. 12.

[8] V. Toutefois pour une affirmation selon laquelle « le réflexe primaire des magistrats est d’emprisonner » : S. Cornier, La France malade de la détention provisoire, Dalloz actualités, 10 avril 2020 [en ligne].

[9] Dont 80% n’ont pas encore été jugés et 20% ont fait appel d’une première condamnation.

[10] M. F. Aebi et M. M. Tiago, Prisons and Prisoners in Europe 2019 : Key Findings on the SPACE I Report, Conseil de l’Europe, pp. 25-26.

[11] Statistiques des établissements des personnes écrouées en France, Direction de l’Administration pénitentiaire, janvier 2020, p. 6.

[12] B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité de la peine, Chantiers de la justice, ministère de la Justice, 2018, p. 9.

[13] Au 1er février 2021, on dénombre 42.579 détenus au sein des maisons d’arrêts et des quartiers de maison d’arrêt, dont 18.679 sont des prévenus, ce qui représente environ 43% des effectifs. Ainsi, il est assez surprenant de constater qu’en moyenne, ces établissements comptent davantage de condamnés que de prévenus, puisque comme le souligne le Sénat dans son rapport précité du 29 juin 2000, il résulte clairement des articles 714, 715 et 717 du Code de procédure pénale que les maisons d’arrêts ont initialement été conçues pour accueillir des prévenus, l’accueil des condamnés devant normalement rester « exceptionnel ». L’exception a donc supplanté la règle : J.-J. Hyest et G.-P. Cabanel, Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénat, 29 juin 2000, p. 111. – V. pour un constat identique et plus récent : D. Raimbourg et S. Huygue, Rapport d’information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, Assemblée nationale, 23 janv. 2013, p. 19 : « Il y avait, au 1er octobre 2012, 45 231 personnes incarcérées en maison d’arrêt, soit 67,8 % des personnes détenues en France, dont 28 485 condamnés. Les maisons d’arrêt s’apparentent bien souvent à de véritables fourre-tout ».

[14] M. F. Aebi et M. M. Tiago, Prisons and Prisoners in Europe 2018 : Key Findings on the SPACE I Report, Conseil de l’Europe, p. 7.

[15] Statistiques des établissements des personnes écrouées en France, Direction de l’Administration pénitentiaire, janvier 2020, pp. 4 et 47.

[16] CEDH, 30 janvier 2020, Req. 9671/15, J.M.B et autres c/ France (N° Lexbase : A83763C9) : J.-F. Renucci, note, D. 2020, p. 753 ; H. Avvenire, note, AJDA 2020, p. 1064 ; J. Portier, note, RFDA 2020, p. 496 ; J. Frinchaboy, AJ pénal 2020, p. 404 ; Y. Carpentier, Mise en demeure de la CEDH à propos du surpeuplement carcéral en France, Lexbase Pénal, mars 2020.

[17] À ces deux causes, l’Université de Lausanne ajoute la diminution des occasions de commettre des infractions en raison des mesures de confinement : M. F. Aebi et M. M. Tiago, Prison and Prisoners in Europe in Pandemic Times : An evaluation of the medium-term impact of the COVID-19 on prison population, Conseil de l’Europe, p. 3.

[18] Statistiques des établissements des personnes écrouées en France, Direction de l’Administration pénitentiaire, juillet 2020, p. 4.

[19] Statistiques des établissements des personnes écrouées en France, Direction de l’Administration pénitentiaire, janvier 2021, p. 4.

[20] Le témoignage du garde des Sceaux apparaît sur le site Internet du ministère de la Justice [en ligne].

[21] V. en ce sens cette tribune cosignée par des avocats, des magistrats et des observateurs du milieu pénitentiaire : Il est urgent d’engager un mouvement de décroissance carcérale, Le Monde, 17 févr. 2021.

[22] Statistiques des établissements des personnes écrouées en France, Direction de l’Administration pénitentiaire, février 2021, p. 4.

[23] J.-B. Jacquin, Eric Dupont-Moretti veut bousculer l’exécution des peines de prison, Le Monde, 3 mars 2021.

[24] A. Garapon, J. Lassègue, Justice digitale, PUF, 2018, p. 179.

[25] B. Fiorini, Vers une justice pénale de l’écran-total ? Réflexions sur la visioconférence en matière criminelle, Lexbase pénal 2020, n° 33.

[26] CEDH, 5 octobre 2006, Req. 45106/04, Marcello Viola c/ Italie (N° Lexbase : A6074ZEP).

[27] Cons. const., décision n° 2019-802 QPC, 20 septembre 2019 (N° Lexbase : A8596ZNP).

[28] Cons. const., décision n° 2020-872 QPC, 15 janvier 2021 (N° Lexbase : A47574C8) : N. Hervieux, obs., D. 2021, p. 280 ; J.-M. Pastor, obs., AJDA 2021, p. 119.

[29] Cons. const., décision n° 2020-872 QPC, 15 janvier 2021, §§ 8-10 (N° Lexbase : A47574C8).

[30] CE, ord., 12 février 2021, nos 448972, 448975 (N° Lexbase : A66794GH) ; D. Goetz, Visioconférences imposées en matière pénale durant l’état d’urgence sanitaire : atteinte aux droits de la défense, Dalloz actualités, 16 février 2021 [en ligne].

[31] CE, 6ème et 5ème ch. réunies, 5 mars 2021, nos 440037, 440165 (N° Lexbase : A83984IU).

[32] CE, ord., 3 avril 2020, n° 439894 (N° Lexbase : A66273KN) : A. Maron et M. Haas, obs., Dr. pén., 2020, no 103.

[33] Article 16, alinéa 3, de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 : « Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure ».

[34] Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910 (N° Lexbase : A13833M8) et n° 20-81.971 (N° Lexbase : A13843M9) : J.-B. Perrier, note, D. 2020, p. 1274 ; J. Pradel, obs.,  D. 2020, p. 1643 ; E. Raschel, étude, AJ pénal 2020, p. 346 ; R. Parizot, obs., RSC 2020, p. 690.

[35] B. Fiorini, Détentions provisoires automatiques : la Cour de cassation ménage la chèvre et le chou, Le Monde, 4 juin 2020.

[36] Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910, § 37 et 38 (N° Lexbase : A13833M8) ; Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971, §§ 42 et 43 (N° Lexbase : A13843M9).

[37] Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910, § 42 (N° Lexbase : A13833M8) ; Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971, § 47 (N° Lexbase : A13843M9).

[38] Assemblée nationale, 3ème séance du mardi 9 juin 2020, p. 4128 : « Parmi les personnes concernées, […] seules 161 ont fait l’objet d’une libération parce qu’elles n’avaient pas pu voir un juge. Cela signifie que toutes les autres personnes ont pu rencontrer un juge, comme le demande la Cour de cassation ».

[39] Cons. const., décision n° 2020-878/879 QPC, 29 janvier 2021 (N° Lexbase : A85134DN) : F. Engels, Inconstitutionnalité de la prolongation de la détention provisoire sans juge, Dalloz actualités, 2 mars 2021 [en ligne].

[40] Cons. const., décision n° 2020-878/879 QPC, 29 janvier 2021, §§ 11-12, opc. cit.

[41] Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961 (N° Lexbase : A50093XS) : J.-P. Valat, note, RSC 2020, p. 967 ; J. Boudot, note, AJ pénal 2021, p. 27.

[42] Cass. crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990 (N° Lexbase : A65064DC) : M. Dominati, Motivation du placement en détention provisoire après révocation du contrôle judiciaire : précisions, Dalloz actualités, 17 février 2021 [en ligne].

[43] Un arrêt antérieur laissait déjà présager une telle solution, en permettant au juge de motiver la prolongation d’un placement en détention provisoire en se fondant sur les éléments de preuves relevés dans la procédure à l’encontre de la personne concernée : Cass. crim., 11 décembre 2018, n° 18-85.460 (N° Lexbase : A6931YQR) : R. Parizot, obs., RSC 2019, p. 127.

[44] CE, 6ème et 5ème ch. réunies, 5 mars 2021, nos 440037 et 440165 (N° Lexbase : A83984IU).

[45] CE, ord., 3 avril 2020, n° 439894, § 14 ; nos 439877, 439887, 439890 et 439898, § 19 (N° Lexbase : A66303KR).

[46] Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739 (N° Lexbase : A71573Q7) : R. Parizot, obs., RSC 2020, p. 690 ; J.-B. Perrier, note, RFDA 2021, p. 87.

[47] Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739, §§ 20-24.

[48] Cons. const., décision n° 2020-858/859 QPC, 2 octobre 2020 (N° Lexbase : A49423WX) : J. Bonnet et P.-Y. Gahdoun, obs., AJDA 2020, p. 2158 ; J. Roux, note, D. 2021, p. 57 ; V. Peltier, note, JCP 2020, p. 1348 ; M. Giacopelli, Le raz de marée du principe de dignité, Lexbase pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5183BYM).

[49] Cons. const., décision n° 2020-858/859 QPC, 2 oct. 2020, §§ 12-17, op. cit.

[50] Une proposition de loi en ce sens est actuellement à l’étude au Sénat (bien que le délai fixé par le Constitutionnel soit dépassé…) : P. Januel, Un recours juridictionnel en cas de détention indigne, Dalloz actualités, 8 mars 2021 [en ligne].

[51] A noter, toutefois, que la Haute juridiction a estimé que le prévenu placé à l’isolement n’est pas fondé à se prévaloir de l’incidence d’une telle mesure sur ses conditions d’incarcération à l’occasion d’une demande ayant trait à la détention provisoire ; il peut, en revanche, se tourner vers le juge administratif : Cass. crim., 16 septembre 2020, n° 20-82.389 (N° Lexbase : A37873US) : J.-P. Céré, obs., AJ pénal 2020. p. 535.

[52] Statistiques des établissements des personnes écrouées en France, Direction de l’Administration pénitentiaire, janvier 2021, p. 4.

[53] Lors de son audition devant la commission d’enquête du Sénat, M. Jean-Baptiste Parlos, représentant l'Association française des magistrats instructeurs, s’exprimait en ces termes : « nous ne prenons pas plaisir à placer quelqu'un en détention provisoire. Nous n'assouvissons pas un désir de puissance. On nous l'a souvent reproché. Je ne vous dirai pas ici qu'il n'y a jamais eu d'abus, tel n'est pas mon propos, mais il faut être clair ; lorsque nous pouvons éviter cette mesure de détention, nous le faisons car c'est notre conviction et nous souhaitons faire en sorte que la personne présumée innocente le reste jusqu'à sa comparution devant la barre du tribunal ou de la cour d'assises » : J.-J. Hyest et G.-P. Cabanel, Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, op. cit., p. 106.

[54] L. Aubert, Plaidoyer pour une nouvelle approche de la détention avant jugement, op. cit., p. 455 

[55] P. Bourdieu, Interventions, 1961-2001. Science sociale et action politique, Marseille, Agone, Contre feux, 2002, p. 325. Le sociologue ajoutait qu’il s’agissait là de « la phrase la plus triste de toute l’histoire de la pensée ». – V. dans le même sens : Spinoza, Éthique, Paris, Seuil, 1999 (version originale : 1677), IV, 1 : « Rien de ce qu’a de positif une idée fausse n’est supprimé par la présence du vrai en tant que vrai » ; IV, 14 : « La vraie connaissance du bien et du mal, en tant que vraie, ne peut contrarier aucun affect, mais seulement en tant qu’on la considère comme un affect ». – Voir également sur la question des affects : F. Lordon, Les Affects de la politique, Paris, Seuil, 2016, p. 15 : « Les affects sont la matière même du social, et plus particulièrement ils sont l’étoffe de la politique ».

[56] Spinoza, Éthique, op. cit., III, 18 : « L’homme, suite à l’image d’une chose passée ou future, est affecté du même affect de Joie et de Tristesse que suite à l’image d’une chose présente ». – V. également : H. Joffe, Le pouvoir de l’image : persuasion, émotion et identification, Diogène, 2007/1, (N °217), p. 102.

[57] Circulaire du 26 mars 2020 de présentation des dispositions de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 [en ligne].

[58] J.-P Perrier, La prorogation de la détention provisoire, de plein droit et hors du droit, Dalloz actualité, 9 avril 2020 [en ligne].

[59] V. en ce sens le point de vue d’un avocat : Th. Bidnic, Des milliers de personnes se voient infliger des détentions arbitraires par ceux dont le rôle est de les en préserver, Le Monde, 4 mai 2020.

[60] Le CSM s’est fendu d’un communiqué exhortant les magistrats, en leur qualité de garants de l’Etat de droit, à agir « avec toute l’indépendance que leur confère leur statut », tout en soulignant que la protection de la liberté individuelle « devient encore plus cruciale en période d’état d’urgence », et qu’ « il ne peut être toléré d’exception à la prévalence de la règle de droit » [en ligne].

[61] Cass. crim., 15 décembre 2020, n° 20-85.461 (N° Lexbase : A06754AA) : M. Recotillet, Conditions de détention : examen global des facteurs en cas de surpopulation carcérale, Dalloz actualités, 19 janvier 2021 [en ligne].

[62] Après avoir constaté que le demandeur disposait d’une surface personnelle au sol de 3,83 m² dans une cellule dont l’espace sanitaire présente des moisissures et n’est clos que par un drap, la chambre de l’instruction a complexifié sa présentation en précisant que les moisissures n’étaient présentes que « sur un seul mur », que le drap a été installé en remplacement de portes que les occupants avaient eux-mêmes retirées pour les utiliser à d’autres fins, mais aussi que le demandeur, affecté aux ateliers, passait 6 heures 30 par jour hors de sa cellule, avec un accès quotidien à la cour de promenade et à la bibliothèque une fois par semaine, ainsi qu’un accès effectif aux soins. L’analyse globale peut convaincre.

[63] Références statistiques justice 2020, ministère de la Justice, p. 121.

[64] Au regard de la récente condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme et des problématiques complexes engendrées en prison par la situation sanitaire, la suppression de la commission de suivi de la détention provisoire, essentiellement motivée par les éclairages déjà apportés par les travaux du Contrôleur général des lieux de privation de libertés, apparaît comme un étrange signal.

[65] Commission de suivi de la détention provisoire, Rapport 2017-2018, avril 2018, p. 31

[66] B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité de la peine, op. cit., p. 9.

[67] Références statistiques justice 2020, ministère de la Justice, p. 121.

[68] À ces trois techniques, pourrait être ajoutée l’instauration d’un numerus clausus inversé, appelé de leurs vœux par de nombreux spécialistes du monde pénitentiaire, et qui consisterait en substance à limiter le nombre de personnes incarcérées à celui des places opérationnelles : si une incarcération est décidée alors que toutes les places sont déjà occupées, un détenu doit être libéré, avec un accompagnement idoine. Néanmoins, les partisans de cette solution proposent qu’elles ne puissent entraîner que la libération de détenus condamnés à des courtes peines ou se trouvant en fin de peine, et non de prévenus – ce qui est fort compréhensible. V. en ce sens : D. Raimbourg et S. Huygue, Rapport d’information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, op. cit, p. 127.

[69] Conférence de consensus, Pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, 20 févr. 2013, p. 26.

[70] B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité de la peine, op. cit., p. 10.

[71] Ainsi en va-t-il de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC), laquelle a notamment facilité le recours aux procédures accélérées que sont l’ordonnance pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, tout en prévoyant l’instauration à titre expérimentale des cours criminelles.

[72] S. Mazart et A. Savignat, mission « flash » sur les cours criminelles, Assemblée nationale, pp. 5-7.

[73] B. Cotte et J. Minkowski, Sens et efficacité de la peine, op. cit., p. 9.

[74] D. Boesel, Pourquoi enfermer mieux au lieu d’enfermer moins ?, Les cahiers de la justice, 2020, p. 17.

[75] N. Bastuck et S. Le Fol, Dupond-Moretti dévoile sa réforme de la justice, Le Point, 2 mars 2021.

[76] Le délai fixé par le Conseil constitutionnel dans sa décision précité du 2 octobre 2020, à savoir le 1er mars 2021, a expiré sans qu’aucune modification n’ait été effectuée, et ce n’est que par le biais d’une proposition de loi qu’un texte de mise en conformité sera discuté au Parlement, avec un examen en séance plénière débutant le 8 mars 2021 : Conditions de détentions indignes : le Gouvernement fait fi de l’exigence du Conseil constitutionnel, Communiqué de la section française de l’OIP, 1er mars 2021 [en ligne].

[77] C. Vigour, Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques, Droit et société 2006, p. 425.

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